L’Essentiel : Monsieur [F] [H], architecte et gérant de la société ATELIER 116, a déposé la marque « Atelier 116 » en 2022, couvrant des services en architecture et décoration intérieure. Il accuse Madame [M] [D] [N] [J] d’utiliser cette dénomination pour son activité d’architecte d’intérieur, entraînant une mise en demeure restée sans réponse. En conséquence, une procédure judiciaire a été engagée pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Le tribunal a reconnu la contrefaçon, interdisant à Madame [M] [D] [N] [J] d’utiliser « Atelier 116 » et lui a ordonné de verser 2.000 euros de dommages et intérêts à la société ATELIER 116.
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Présentation des PartiesMonsieur [F] [H] est architecte et gérant de la société ATELIER 116, titulaire de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377, déposée le 29 juillet 2022. Cette marque couvre des services en construction et en architecture, notamment pour des activités liées à la décoration intérieure. La société ATELIER 116 se spécialise dans l’architecture pour des clients particuliers et des copropriétés. Contexte du LitigeMonsieur [F] [H] a accusé Madame [M] [D] [N] [J] d’utiliser la dénomination « Atelier 116 » et un nom de domaine similaire pour son activité d’architecte d’intérieur. En conséquence, il a envoyé une mise en demeure le 22 octobre 2022, lui demandant de cesser cette utilisation, de radier le nom de domaine et de l’indemniser pour le préjudice subi. Madame [M] [D] [N] [J] n’a pas répondu à cette mise en demeure. Procédure JudiciaireSuite à l’absence de réponse, Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 ont engagé une procédure judiciaire en assignant Madame [M] [D] [N] [J] devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Madame [M] [D] [N] [J] n’a pas constitué avocat, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023. Demandes des DemandeursDans leur assignation, Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 ont demandé au tribunal de reconnaître la contrefaçon de leur marque, d’ordonner à Madame [M] [D] [N] [J] de cesser l’utilisation de « Atelier 116 », de radier le nom de domaine, et de lui verser des dommages et intérêts pour concurrence déloyale. Analyse de la Contrefaçon de MarqueMonsieur [F] [H] a soutenu que l’utilisation par Madame [M] [D] [N] [J] des termes « Atelier 116 » sur son site internet et les réseaux sociaux créait un risque de confusion pour le public. Le tribunal a examiné la similitude entre les signes et les services, concluant qu’il existait un risque de confusion, justifiant ainsi la reconnaissance de la contrefaçon. Évaluation de la Concurrence DéloyaleLa société ATELIER 116 a également allégué que Madame [M] [D] [N] [J] commettait des actes de concurrence déloyale en utilisant sa dénomination sociale pour son activité d’architecture d’intérieur. Le tribunal a constaté que cette utilisation pouvait induire le public en erreur, entraînant ainsi une concurrence déloyale. Décision du TribunalLe tribunal a interdit à Madame [M] [D] [N] [J] d’utiliser le signe « Atelier 116 » et a ordonné la suppression du nom de domaine. Il a également condamné Madame [M] [D] [N] [J] à verser 2.000 euros à la société ATELIER 116 pour dommages et intérêts, ainsi que des sommes à Monsieur [F] [H] et à la société ATELIER 116 au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Exécution ProvisoireLa décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire, sauf pour la suppression du nom de domaine, qui sera mise en œuvre une fois la décision devenue définitive. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la contrefaçon de marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?La contrefaçon de marque est régie par plusieurs articles du Code de la propriété intellectuelle, notamment les articles L. 713-1 et L. 713-2. L’article L. 713-1 alinéa 1er dispose que : « L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés. » Cet article établit le droit exclusif du titulaire sur l’utilisation de sa marque pour les produits ou services spécifiés. L’article L. 713-2 précise que : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : Ainsi, pour qu’il y ait contrefaçon, il faut que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque entraîne un risque de confusion dans l’esprit du public. Quels sont les éléments constitutifs de la concurrence déloyale par agissements parasitaires ?La concurrence déloyale par agissements parasitaires est fondée sur l’article 1240 du Code civil, qui stipule que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Pour établir la concurrence déloyale, il faut prouver plusieurs éléments : 1. **Un acte de parasitisme** : Cela consiste à tirer profit des efforts, de la notoriété ou des investissements d’un concurrent sans compensation. 2. **Un risque de confusion** : Bien que le parasitisme n’exige pas nécessairement un risque de confusion, il est souvent présent lorsque l’on s’approprie une dénomination ou un signe similaire. 3. **Un préjudice** : Il doit être démontré qu’il y a eu un trouble commercial générant un préjudice, même moral. Le parasitisme est défini par la jurisprudence comme le fait pour un opérateur économique de se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts. Comment le tribunal évalue-t-il le risque de confusion entre les signes en cas de contrefaçon ?L’évaluation du risque de confusion repose sur une appréciation globale des signes en cause, tenant compte de plusieurs facteurs. Le tribunal se réfère à l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : Le tribunal examine : – **La similitude visuelle** : Comparaison des éléments graphiques des signes. – **La similitude phonétique** : Analyse de la prononciation des signes. – **La similitude conceptuelle** : Évaluation de l’idée ou du concept véhiculé par les signes. En l’espèce, le tribunal a constaté que les signes « Atelier 116 » présentaient une forte similitude conceptuelle et phonétique, entraînant un risque de confusion pour le public pertinent. Quelles sont les conséquences d’une condamnation pour contrefaçon de marque ?Les conséquences d’une condamnation pour contrefaçon de marque sont régies par l’article L. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que : « L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. » En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner plusieurs mesures : 1. **Interdiction d’usage** : Le contrefacteur peut être interdit d’utiliser le signe litigieux. 2. **Destruction ou retrait des produits** : Les produits contrefaisants peuvent être rappelés des circuits commerciaux ou détruits. 3. **Dommages et intérêts** : Le tribunal peut condamner le contrefacteur à verser des dommages et intérêts au titulaire de la marque pour le préjudice subi. 4. **Publicité du jugement** : Le tribunal peut ordonner la publication du jugement dans des journaux ou sur des plateformes en ligne. Ces mesures visent à protéger les droits du titulaire de la marque et à dissuader les actes de contrefaçon. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Fay, vestiaire A678
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3ème chambre
3ème section
N° RG 23/06593 –
N° Portalis 352J-W-B7H-CZWVF
N° MINUTE :
Assignation du :
10 mai 2023
JUGEMENT
rendu le 29 janvier 2025
DEMANDEURS
Monsieur [F] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.R.L. ATELIER 116
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Maître Julie FAY de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #A678
DÉFENDERESSE
Madame [M] [D] [N] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
défaillante
Décision du 29 Janvier 2025
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/06593 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZWVF
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DEBATS
A l’audience du 07 novembre 2024, tenue en audience publique devant Linda Boudour, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
A cette audience, le conseil des démandeurs a déposé son dossier de plaidoirie et avis lui a été donné que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
Monsieur [F] [H] se présente comme architecte et gérant de la société ATELIER 116.
Il est titulaire de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377, déposée le 29 juillet 2022, pour désigner les services suivants :
– en classe 37 : construction ; mise à disposition d’informations en matière de construction ; conseils en construction ; supervision (direction) de travaux de construction ;
– en classe 42 : architecture ; décoration intérieure.
La société ATELIER 116 se présente comme ayant pour activité l’architecture pour une clientèle de copropriétés et de particuliers.
Reprochant à Madame [M] [D] [N] [J] l’utilisation de la dénomination « Atelier 116 » et du nom de domaine pour l’exercice d’une activité d’architecte d’intérieur, Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 l’ont, par courrier du 22 octobre 2022, mise en demeure de :
– cesser toute utilisation de la dénomination « Atelier 116 » dans le cadre de son activité de décoration d’intérieur, sur tous supports et notamment sur les réseaux sociaux et internet ;
– procéder et justifier de la radiation du nom de domaine ;
– indemniser la société ATELIER 116 de son préjudice résultant de ces agissements.
Madame [M] [D] [N] [J] n’a pas répondu.
Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 ont fait procéder à un constat de commissaire de justice sur internet selon procès-verbal du 2 janvier 2023.
C’est dans ces circonstances que par acte de commissaire de justice du 10 mai 2023, Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 ont fait assigner Madame [M] [D] [N] [J] devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.
Madame [M] [D] [N] [J] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023.
Le présent jugement, rendu en premier ressort, est réputé contradictoire en application de l’article 473 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES DEMANDEURS
Par cette assignation du 10 mai 2023, Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 demandent au tribunal de :
« DIRE et JUGER que Madame [D] est coupable d’actes de contrefaçon de la marque française n°4789377 dont Monsieur [H] est titulaire ;
DIRE et JUGER qu’en s’appropriant les termes « Atelier 116 » Madame [D] commet des actes distincts de concurrence déloyale par agissements parasitaires à l’égard de la société Atelier 116 ;
En conséquence,
ORDONNER à Madame [D], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir :
– de cesser toute utilisation des termes « Atelier 116 » dans le cadre de son activité de décoration d’intérieur, sur tous supports et notamment sur les réseaux sociaux et internet,
– de procéder à la radiation du nom de domaine atelier116.fr et d’en justifier ;
CONDAMNER Madame [D] à payer à la société Atelier 116 la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale par agissements parasitaires commis ;
CONDAMNER Madame [D] à payer à Monsieur [H] et à la société ATLIER 116, chacun, la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [D] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
RAPPELER que l’exécution provisoire du jugement à intervenir est de droit ».
Conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la contrefaçon de marque
Moyens de M. [H]
Monsieur [F] [H] soutient qu’en faisant usage des termes « ATELIER 116 » de façon stylisée pour désigner son activité de décoration d’intérieur sur son site internet et sur les réseaux sociaux, Madame [M] [D] [N] [J] commet des actes de contrefaçon de sa marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377 dès lors qu’il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public compte tenu de la similitude avec sa marque par la reprise des termes « Atelier 116 » de façon stylisée et de son usage dans la catégorie de service « décoration intérieure » visée par sa marque. Il sollicite à l’encontre de la défenderesse une mesure d’interdiction sous astreinte d’utiliser les termes « ATELIER 116 » dans le cadre de son activité de décoration d’intérieur, sur tous supports et notamment sur les réseaux sociaux et internet, et de procéder à la radiation du nom de domaine .
Réponse du tribunal
L’article L. 713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.
Aux termes de l’article L. 713-2 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
Selon l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues à l’article L. 713-2 du même code.
L’article L. 716-4-11 du même code prévoit qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur.
En l’espèce, le signe semi-figuratif litigieux « Atelier 116 » ne constituant pas une reproduction à l’identique de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377, la demande doit être examinée au regard des dispositions de l’article L. 713-2, 2° du code de la propriété intellectuelle.
Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.
En l’espèce, le public pertinent pour apprécier l’existence d’une contrefaçon est le particulier ou le professionnel ayant recours aux services de décoration intérieure. Son niveau d’attention est élevé dès lors qu’il s’agit de décorer l’intérieur de son domicile ou de ses locaux professionnels, et que cette prestation est coûteuse.
Sur la comparaison des services
Il ressort du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 2 janvier 2023 que Madame [M] [D] [N] [J] fait usage dans la vie des affaires, à titre de marque, du signe semi-figuratif « Atelier 116 » pour offrir aux particuliers et aux professionnels, sur le site internet et sur le réseau social LinkedIn, des services de décoration d’intérieur (pièce demandeurs n°5), lesquels sont identiques aux services de « décoration intérieure » visés en classe 42 à l’enregistrement de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377 dont Monsieur [F] [H] est titulaire.
Sur la comparaison des signes
L’imitation nécessite la démonstration d’un risque de confusion entre les signes, lequel doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
Sur le plan visuel, le signe semi-figuratif de la marque française n°4789377, de couleur bleue, est composé d’un élément figuratif, représentant une lettre « A » stylisée suivie du nombre « 116 » puis d’un trait vertical d’un bleu plus clair, lequel sépare l’élément figuratif de l’élément verbal composé des termes « Atelier 116 », placés au-dessus des termes « Atelier d’Architecture » qui sont en plus petits caractères et du même bleu que le trait vertical. Le signe semi-figuratif litigieux, d’un camaïeu de bleu, est composé de l’élément verbal « Atelier 116 » stylisé dans lequel le numéro « 116 » est placé de façon découpée, « 11 » puis « 6 », dans deux ronds bleus dont l’un est plus clair que l’autre. Les termes « Atelier 116 » sont communs et dominants dans les deux signes. Leur similitude visuelle est moyenne.
Sur le plan phonétique, l’élément verbal « Atelier 116 », en position d’attaque dans la marque semi-figurative opposée, et l’élément verbal du signe semi-figuratif litigieux « Atelier 116 » se prononcent de la même manière. L’élément verbal de la marque opposée étant également composé des termes « Atelier d’Architecture », leur similitude phonétique est moyenne.
Sur le plan conceptuel, la marque semi-figurative opposée et le signe semi-figuratif litigieux, qui évoquent un même atelier, numéroté 116, ont une forte similitude conceptuelle.
Par ailleurs, les termes « Atelier 116 », dominants dans la marque opposée et le signe litigieux, sont distinctifs pour désigner les services en cause.
Il résulte de tout ce qui précède qu’outre une identité des services, la similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion pour le public pertinent qui, même présentant un niveau d’attention élevé, pourrait penser que l’« Atelier 116 » de Madame [M] [D] [N] [J] est une déclinaison de l’« Atelier 116 » de Monsieur [F] [H], qu’ils sont économiquement liés, voire leur attribuer une origine commune. Il s’ensuit une atteinte à la fonction essentielle d’identification d’origine de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377 pour désigner les services de « décoration intérieure » visés en classe 42. La contrefaçon par imitation est alors caractérisée.
Une mesure d’interdiction sera prononcée selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.
En revanche, Monsieur [F] [H] sera débouté de sa demande de suppression du nom de domaine dès lors qu’il ressort de l’échange de courriels des 13 et 14 mai 2021, entre la société ATELIER 116 et Madame [M] [D] [N] [J], que le nom de domaine litigieux a été réservé par cette dernière antérieurement au dépôt de la marque semi-figurative française « Atelier 116 » n°4789377 par Monsieur [F] [H] le 29 juillet 2022 (ses pièces n°1 et 6).
Sur la concurrence déloyale par agissements parasitaires
Moyens de la société ATELIER 116
La société ATELIER 116 soutient que Madame [M] [D] [N] [J] commet des actes de concurrence déloyale par agissements parasitaires à son égard en s’appropriant sa dénomination sociale à titre d’enseigne commerciale pour désigner son activité d’architecture d’intérieur en région parisienne, qui est proche et en partie identique à son activité d’architecture, également exercée en région parisienne, et aux prestations d’architecture d’intérieur qu’elle propose à ses clients. Elle conclut qu’en s’appropriant de façon identique sa dénomination sociale ATELIER 116, sans bourse délier, Madame [M] [D] [N] [J] a cherché à se placer dans son sillage pour capter et détourner sa clientèle, et entretient sciemment une confusion dans l’esprit du public. Elle indique recevoir des courriers qui lui sont adressés. Elle sollicite la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, une mesure d’interdiction sous astreinte d’utiliser les termes « ATELIER 116 » dans le cadre de son activité de décoration d’intérieur, sur tous supports et notamment sur les réseaux sociaux et internet, et de procéder à la radiation du nom de domaine .
Réponse du tribunal
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral (Cass. 1ère civ., 21 mars 2018, n°17-14.582 ; Cass. com., 12 février 2020, n°17-31.614).
Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-13.542 ; 10 juillet 2018, n°16-23.694).
Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (Cass. com., 26 juin 2024, n° 23-13.535), ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage (Cass. com., 3 juillet 2001, n° 98-23.236, n°99-10.406 ; 26 juin 2024, n° 23-13.535).
En l’espèce, la société ATELIER 116 établit avoir pour dénomination sociale « ATELIER 116 » depuis le 23 juin 2014 et en faire usage dans l’exercice de son activité d’architecture en région parisienne (ses pièces n°1, 2 et 6). En revanche, la société ATELIER 116, qui procède par voie d’affirmation dans ses écritures, ne produit aucune pièce pour établir ses allégations selon lesquelles elle propose également des prestations d’architecture d’intérieur à ses clients. Il ressort du procès-verbal de constat de commissaire de justice sur internet du 2 janvier 2023 que Madame [M] [D] [N] [J] fait usage du signe verbal « Atelier 116 », à titre de nom commercial et de nom de domaine, sur le site internet et sur les réseaux sociaux Instagram, LinkedIn et Homify pour l’exercice d’une activité d’architecte d’intérieur, également en région parisienne (pièce demandeurs n°5). Or, l’exploitation du signe litigieux « Atelier 116 » et du nom de domaine , qui sont une reprise à l’identique de la dénomination sociale, antérieure, de la société ATELIER 116, cabinet d’architecte, pour exercer une activité d’architecte d’intérieur dans la même zone géographique entraîne un risque de confusion dans l’esprit du public qui pourrait penser que la seconde est une déclinaison de la première et qu’elles sont économiquement liées. Ce risque de confusion est corroboré par les courriers relatifs à Madame [M] [D] [N] [J] qui ont été adressés à la société ATELIER 116 (ses pièces n°4 et 7). La concurrence déloyale est alors caractérisée.
Il est néanmoins observé que la société ATELIER 116, qui ne démontre ni même n’allègue une quelconque valeur économique individualisée résultant d’une notoriété acquise ou d’investissements consentis dont la défenderesse aurait tiré indûment profit, qualifie à tort ces actes de concurrence déloyale d’« agissements parasitaires ».
S’agissant de son préjudice, la société ATELIER 116, qui sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, n’indique pas quelle est la nature de son préjudice et ne justifie pas de son quantum. Toutefois, les actes de concurrence déloyale commis par Madame [M] [D] [N] [J], constitutifs d’une faute, étant caractérisés, il s’en infère nécessairement un trouble commercial générant un préjudice moral qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts. Il sera fait droit aux demandes d’interdiction et de suppression du nom de domaine selon modalités précisées au dispositif de la présente décision.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 699 du même code dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.
En l’espèce, Madame [M] [D] [N] [J], qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Julie FAY de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, l’équité commande de condamner Madame [M] [D] [N] [J] à payer à Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 la somme de 1.500 euros, chacun, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n’y a pas lieu d’y déroger à l’exception de la suppression du nom de domaine .
Le tribunal,
Fait interdiction à Madame [M] [D] [N] [J] de faire usage du signe semi-figuratif litigieux « Atelier 116 » et des termes « Atelier 116 », sur quelque support que ce soit, ainsi que du nom de domaine , pour offrir ou fournir des services de décoration d’intérieur, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ;
Ordonne à Madame [M] [D] [N] [J], une fois la présente décision devenue définitive, de faire procéder à la suppression du nom de domaine et de justifier, auprès de la société ATELIER 116, du dépôt de sa demande de suppression dudit nom de domaine, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ;
Déboute Monsieur [F] [H] de sa demande de suppression du nom de domaine ;
Condamne Madame [M] [D] [N] [J] à payer à la société ATELIER 116 la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale ;
Condamne Madame [M] [D] [N] [J] aux dépens dont distraction au profit de Maître Julie FAY de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [M] [D] [N] [J] à payer à Monsieur [F] [H] et la société ATELIER 116 la somme de 1.500 euros, chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Fait et jugé à Paris le 29 janvier 2025
La greffière Le président
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet
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