Prolongation de la rétention administrative : enjeux de vulnérabilité et de procédure.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de vulnérabilité et de procédure.

L’Essentiel : X, ressortissant algérien né le 3 juillet 2002, a reçu un arrêté du Préfet de la Haute-Garonne lui imposant une obligation de quitter le territoire français. Placé en rétention administrative le 29 novembre 2024, sa situation a été contestée par son conseil, qui a souligné l’absence de prise en compte de son état de santé. Lors de l’audience, le Préfet et le ministère public étaient absents, laissant X s’exprimer. Malgré les arguments de la défense, la prolongation de la rétention a été jugée justifiée, confirmant ainsi la décision initiale. L’appel de X a été déclaré recevable.

Contexte de l’affaire

X, se présentant sous le nom de [O] [V], est un ressortissant algérien né le 3 juillet 2002 à [Localité 1]. Il a reçu un arrêté du Préfet de la Haute-Garonne le 23 avril 2024, lui imposant une obligation de quitter le territoire français, assortie d’une interdiction d’entrée pendant un an. Cette décision a été notifiée en présence d’un interprète en langue arabe.

Placement en rétention administrative

Le 29 novembre 2024, X a été placé en rétention administrative pour une durée de quatre-vingt-seize heures par le Préfet de la Haute-Garonne. Une ordonnance du 23 novembre 2024 a rejeté les moyens d’irrégularité soulevés et a ordonné la prolongation de sa rétention pour une durée de vingt-six jours.

Arguments de la défense

Le conseil de X a contesté la régularité de la procédure, arguant que la requête de prolongation n’était pas accompagnée de l’accusé de réception du courriel informant le Parquet de Toulouse du placement en rétention. De plus, il a souligné que le Préfet n’avait pas pris en compte l’état de vulnérabilité de X, qui souffre d’une blessure au genou et au bassin suite à une chute.

Absence des parties lors de l’audience

Lors de l’audience du 26 novembre 2024, le Préfet et le ministère public étaient absents. X, assisté d’un interprète, a eu l’occasion de s’exprimer en dernier.

Recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par X a été jugé recevable, car effectué dans les délais légaux.

Examen des exceptions de procédure

Concernant le défaut de pièces utiles, il a été établi que les pièces relatives à l’accusé de réception du courriel n’étaient pas nécessaires à l’appréciation de la situation. Par conséquent, le moyen soulevé par la défense a été rejeté.

État de santé de X

La défense a fait valoir que l’état de santé de X n’avait pas été pris en compte lors de son placement en rétention. Cependant, il a été noté que X n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour justifier que son état de santé était incompatible avec la rétention. De plus, il a la possibilité de bénéficier d’un suivi médical au sein du centre de rétention.

Prolongation de la rétention

X n’ayant pas de domiciliation en France ni de document d’identité, la préfecture a justifié avoir pris les mesures nécessaires. La prolongation de la rétention a donc été considérée comme justifiée, et la décision initiale a été confirmée dans son intégralité.

Conclusion de l’ordonnance

L’ordonnance a été mise à disposition au greffe, déclarant recevable l’appel de X et confirmant la décision de prolongation de la rétention. La notification de cette ordonnance a été adressée à la Préfecture de la Haute-Garonne, à X, ainsi qu’à son conseil et au ministère public.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par X se disant [O] [V] est jugé recevable car il a été effectué dans les termes et délais légaux.

En effet, selon l’article R. 742-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), « Le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l’autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l’expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l’article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7. »

Ainsi, la procédure a été respectée, permettant à l’appel d’être considéré comme recevable.

Sur les exceptions de procédure : défaut de pièces utiles

Concernant le défaut de pièces utiles, l’article R. 743-2 du CESEDA stipule que « A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. »

Il est précisé que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Dans cette affaire, les pièces concernant l’accusé de réception par le Procureur de la République du courriel informant du placement en rétention ne sont pas considérées comme des pièces justificatives utiles, car elles n’ont pas été fournies.

Ainsi, le moyen soulevé par le conseil de M. [V] ne saurait prospérer.

Sur l’état de santé du retenu

L’article L. 741-4 du CESEDA précise que « la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. »

Il est donc essentiel que l’état de santé de M. [V] ait été pris en compte lors de la décision de placement en rétention.

Bien que M. [V] ait mentionné avoir une plaque au genou et au bassin, il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir que son état de santé justifiait une exemption de la rétention.

Le certificat produit ne démontre pas que son état de santé soit incompatible avec la rétention, et il a la possibilité de bénéficier d’un suivi médical au sein du centre de rétention.

Par conséquent, la décision de placement en rétention n’est pas jugée disproportionnée.

Sur la prolongation de la rétention

La prolongation de la rétention administrative est justifiée par le fait que M. [V] ne justifie d’aucune domiciliation en France et n’a pas de document d’identité.

L’article L. 742-1 du CESEDA stipule que « la rétention administrative peut être prolongée lorsque l’étranger ne justifie pas de sa domiciliation. »

La préfecture a également démontré avoir accompli les diligences nécessaires, notamment en prévoyant l’audition de l’intéressé.

Ainsi, la prolongation de la rétention administrative est confirmée, et la décision initiale est maintenue en toutes ses dispositions.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1250

N° RG 24/01245 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QUDN

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 26 novembre 2024 à 13h00

Nous F. ALLIEN, Conseillère, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 16 Septembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 23 novembre 2024 à 16H49 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

X se disant [O] [V]

né le 03 Juillet 2002 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 25 novembre 2024 à 15 h 37 par courriel, par Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l’audience publique du 26 novembre 2024 à 09h45, assisté de M.QUASHIE, greffier avons entendu :

X se disant [O] [V]

assisté de Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [O] [J], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant de la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, régulièrement avisée ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSE DU LITIGE

X se disant [O] [V], né le 3 juillet 2002 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un arrêté du Préfet de la Haute-Garonne en date du 23 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire assorti d’une interdiction du territoire pendant un an, notifié le même jour en présence d’un interprète en langue arabe.

Par décision en date du 29 novembre 2024, X se disant [O] [V] a été placé en rétention administrative par le Préfet de la Haute-Garonne pour une durée de quatre-vingt-seize heures.

Par ordonnance en date du 23 novembre 2024, enregistrée à 16h49, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Toulouse a :

Rejeté les moyens d’irrégularité,

Déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention,

Ordonné la prolongation de la rétention de M. X se disant [O] [V] pour une durée de vingt-six jours.

Selon les conclusions écrites développées à l’audience, le conseil de X se disant [O] [V] soulève que :

La requête n’était pas accompagnée de l’accusé de réception du courriel adressé au Parquet de Toulouse l’informant du placement en rétention administrative de M. [V],

Le préfet n’a pas procédé à un examen sérieux de l’état de vulnérabilité : M. [V] a une plaque au genou et au bassin en raison d’une chute du 3ème étage d’un immeuble. Il ne lui a pas été remis un formulaire ou posé de questions supplémentaires relatives à son état de vulnérabilité au regard de cet accident.

L’appelant a été entendu en ses explications à l’audience du 26 novembre 2024.

Le préfet, avisé de la date d’audience, n’était ni present ni représenté.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

X se disant [O] [V], assisté de l’interprète, a eu la parole en dernier.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

SUR LES EXCEPTIONS DE PROCEDURE :

Sur le défaut de pièces utiles :

Aux termes de l’article R742-1 du CESEDA, ‘Le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l’autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l’expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l’article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.

La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l’article R. 743-1.’

Selon les dispositions de l’article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, ‘A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.’

Le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu’il s’agit des pièces nécessaires à l’appréciation par le magistrat du siège des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer pleinement ses pouvoirs.

En l’espèce les pièces concernant l’accusé de réception par le Procureur de la République du courriel l’informant du placement en rétention administrative de M. [V], qui ne sont jamais adressées par le parquet et ne figurent de ce fait jamais en procédure, ne sont pas des pièces justificatives utiles.

Le moyen ne saurait dès lors prospérer.

Sur l’état de santé du retenu :

Le conseil de M. [V] estime que la vulnérabilité de ce dernier n’a pas été prise en compte puisqu’il a indiqué avoir une plaque au genou et au bassin en raison d’une chute du 3ème étage d’un immeuble. Il relève qu’on ne lui a pas remis un formulaire ni posé des questions supplémentaires relatives à son état de vulnérabilité au regard de cet accident.

Il résulte des dispositions de l’article L 741-4 du CESEDA que  » la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention « .

En l’espèce, il a fait état lors de son audition des éléments susmentionnés, en précisant  » j’ai juste une plaque au genou au bassin côté gauche, je suis tombé du 3ème étage j’avais 18 ans je travaillais comme man’uvre dans un chantier « . Il n’a pas fait état de soins ni d’un traitement médical ni d’un handicap particulier à la marche.

La décision de placement en rétention indique par ailleurs :  » si l’intéressé fait valoir qu’il a une prothèse à la hanche gauche, aucun état de vulnérabilité ni situation de handicap n’est caractérisé tant au regard de ses déclarations, peu circonstanciées et évasives, qu’en l’absence de tout document probant versé à cet égard et susceptible de corroborer ses dires « .

Lors de l’audience, M. [V] produit un certificat en date du 31 octobre 2024 indiquant qu’il est porteur de matériel interne métallique susceptible de sonner au portique de sécurité.

Toutefois, il ne résulte pas du document produit des éléments dont il résulterait que son état de santé serait incompatible avec son placement en rétention. Il ne justifie pas de la nécessité d’avoir des soins. Il convient par ailleurs de relever que M. [V] peut bénéficier d’un suivi médical au sein du centre de rétention administratif.

Le placement en rétention n’apparaît dès lors nullement disproportionné dès lors que son état de santé a parfaitement été pris en compte par l’autorité préfectorale.

Dès lors, le moyen sera rejeté.

Sur la prolongation de la rétention :

M. [V] ne justifie d’aucune domiciliation en France, n’a pas de document d’identité. La préfecture justifie par ailleurs avoir accompli les diligences suffisantes puisque l’audition de l’interessé est prévue le 29 novembre 2024.

En conséquence, et au stade actuel de la mesure de rétention administrative qui débute, la prolongation de la rétention administrative est donc justifiée et la décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par X se disant [O] [V] à l’encontre de l’ordonnance du vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse du 23 novembre 2024,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, service des étrangers, à X se disant [O] [V], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

M.QUASHIE F. ALLIEN.


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