Participation à une production : le remboursement d’un prêt en numéraire

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Participation à une production : le remboursement d’un prêt en numéraire

L’Essentiel : En l’absence de terme fixé par le contrat de prêt pour la production d’une œuvre audiovisuelle, l’article 900 du code civil stipule que le juge peut accorder un délai à l’emprunteur selon les circonstances. Dans le cas présent, un courtier a versé 50 000 € à un scénariste pour le développement de projets, mais le litige concerne l’exigibilité de ce prêt. Le tribunal a requalifié le contrat en prêt à la consommation, confirmant que l’emprunteur devait rembourser la somme, n’ayant pas fourni de preuves suffisantes de l’avancement des projets. Le jugement a été confirmé, ordonnant le remboursement.

En l’absence de terme fixé par le contrat de prêt en numéraire pour produire une œuvre audiovisuelle, l’article 900 du code civil prévoit que le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. 

Avance sur le développement de l’écriture d’un projet audiovisuel

Par acte sous seing privé non daté et intitulé ‘Protocole d’accord’, signé entre un courtier en oeuvres d’art et un scénariste et réalisateur, le courtier s’est engagé à verser ‘la somme de 50 000 € à titre d’avance sur le développement de l’écriture des projets au plus tard à la signature du protocole. La récupération des avances se fera sur un mode à déterminer ultérieurement en toute bonne foi entre les parties’.

Les parties ont préalablement mentionné dans ce protocole la possibilité de développer ensemble des projets audiovisuels, également que le courtier s’était montré très intéressé par les différents projets que le scénariste développe en écriture : ‘Everything can happen’, ‘Enlace-moi’ et ‘H-I’.

Le courtier a réglé la somme de 50 000 € au scénariste par virement bancaire, le litige des parties portant sur le terme du prêt et son exigibilité.

Nature de la convention de prêt

Le courtier a demandé à la cour de qualifier à titre principal la convention de prêt au sens de l’article 1892 du code civil, et de considérer que faute de terme pour la restitution, celui-ci doit être fixé par le juge en fonction des circonstances. Il conteste toute application d’usages de la profession en matière cinématographique revendiquée par le scénariste, usages non établis et non mentionnés sur le contrat.

Pour refuser de rembourser le courtier, le scénariste a plaidé qu’il s’agissait d’un prêt à usage et fait valoir que la convention ne comportant pas de terme, la chose prêtée ne peut être restituée qu’après avoir servie. Il indiquait que son projet était en cours de finalisation, le scénario étant terminée, deux actrices ont accepté de jouer un rôle et deux producteurs se sont manifestés pour produire, et que conformément aux usages de la profession, ce n’est que lorsque le film sera mis en tournage qu’il devait rembourser son préteur.

L’article 1875 du code civil dispose que ‘le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi’ ;

Cette définition n’est pas adaptée compte tenu de la chose prêtée, une somme d’argent, par nature fongible. C’est donc à juste titre que la juridiction n’a pas retenu la qualification de prêt à usage mais celle de prêt à la consommation ou simple prêt telle que décrit par l’article 1892 du code civil, soit : ‘un contrat par lequel une partie livre à l’autre une certaine quantité de chose qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité’.

Aucune date précise de remboursement

Le protocole d’accord, s’il prévoit la restitution de l’avance octroyée, ne fixe pour autant aucune date précise de remboursement. Il précise seulement que ‘la récupération des avances se fera sur un mode à déterminer ultérieurement en toute bonne foi entre les parties’. Celles-ci ne font toutefois pas état dans le cadre de la présente procédure d’un accord intervenu sur ces modalités.

Il ne peut être déduit de cette clause que les parties aient entendu, conformément aux usages de la profession, que l’emprunteur remboursera la somme de 50 000 € lorsque le film sera mis en tournage.

En effet, outre qu’il ne justifie pas de la réalité de ces usages lorsque le contrat porte comme en l’espèce sur l’écriture d’un projet audio-visuel, le contrat ne le vise pas expressément et les parties ne se sont pas entendues sur une telle modalité, comme en témoigne l’existence du litige.

Par ailleurs, le contrat de production d’une oeuvre cinématographique répond à un formalisme strict prévu par le code de la propriété intellectuelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dès lors, en l’absence de terme, l’article 900 du code civil prévoit que le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances.

Remboursement ordonné

En l’occurrence, selon le protocole, l’avance de 50 000 € devait permettre au scénariste le développement de l’écriture des projets visés. Or, ce dernier  ne produisait aux débats aucun élément ou pièce de nature à établir la finalisation de ces trois projets. Dès lors, compte tenu du délai écoulé depuis le versement de la somme (6 mars 2014), l’emprunteur a bénéficié d’un délai suffisant pour exécuter son engagement, et le jugement a été confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 50 000 € en restitution de ce prêt.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 01 AVRIL 2021

AFFAIRE : N° RG 19/02711 –

N° Portalis DBVC-V-B7D-GNBB

ORIGINE : DECISION du Tribunal judiciaire de LISIEUX en date du 02 Août 2019 –

RG n° 17/01195

APPELANT :

Monsieur H-G L X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté et assisté de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022019007094 du 12/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

INTIME :

Monsieur Z Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Frédéric MORIN de la SCP MORIN MAZIER, avocat au barreau de LISIEUX,

assisté de Me jean-marc FEDIDA, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : A l’audience publique du 11 janvier 2021, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAHAYE, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Président de Chambre,

Mme GOUARIN, Conseiller,

Mme VIAUD, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 01 avril 2021 à 14h00 par prorogations du délibéré initialement fixé

au 11 mars 2021, puis au 25 mars 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

S’estimant créancier de M. X en application d’un protocole d’accord, M. Y, après avoir mis M. X en demeure par lettre recommandée du 9 novembre 2017 de lui restituer les sommes versées (50 000 € et 10 000 €), l’a fait assigner, par acte d’huissier du 12 décembre 2017, devant le Tribunal judiciaire de Lisieux, lequel par jugement du 2 août 2019, a :

— condamné M. X à payer à M. Y la somme de 50 000 € en restitution de prêt ;

— rejeté le surplus de la demande principale de M. Y ;

— rejeté la demande reconventionnelle en restitution de dépôt de M. X ;

— condamné M. X aux dépens ;

— condamné M. X à payer à M. Y la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

Par déclaration au greffe du 24 septembre 2019, M. X a formé appel de cette décision, critiquant l’ensemble de ses dispositions ;

Par conclusions n°2 enregistrées au greffe le 19 août 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. X demande à la cour de :

— annuler le jugement

— subsidiairement infirmer le jugement

— statuant à nouveau

— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes

— condamner M. Y à remettre à M. X les oeuvres suivantes sous astreinte de 100 € par jour de retard :

* […]

* […]

* une oeuvre de De Chiroco

* une oeuvre de Lanskoy

* une oeuvre de Hopper

— condamner M. Y à lui payer une somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Par conclusions n°3 enregistrées au greffe le 8 octobre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. Y demande à la cour de :

— A titre principal,

— rejeter la demande en nullité du jugement du Tribunal judiciaire de Lisieux du 2 août 2019 de M. X ;

En conséquence,

— Au titre de l’appel principal

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. H-G X

à payer à M. Z Y la somme de 50.000 € en restitution de prêt

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle en restitution de dépôt de M. X ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. X à payer à M. Z Y la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. X M. aux dépens ; – Au titre de l’appel incident

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté le surplus de la demande principale de

M. Z Y ;

En état de cause, statuant à nouveau,

— condamner M. X à payer à M. Z Y la somme de 60.000 € en restitution de prêt ;

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner M. X à verser la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel et la somme de 1.500 € pour les frais exposés en première instance ;

— condamner M. X aux entiers dépens.

MOTIFS

— Sur l’annulation du jugement

M. X fonde sa demande sur le non respect par le premier juge de l’article 4 du code de procédure civile, en ce qu’il a rejeté sa demande de restitution des oeuvres fondée sur le prêt à usage en la requalifiant de dépôt, alors même que M. Y ne contestait pas cette demande,

méconnaissant ainsi l’objet du litige ;

Il fonde également sa demande sur le non respect de l’article 16 du code de procédure civile, puisque le premier juge, sans réouvrir les débats, a fondé sa condamnation en paiement sur l’existence d’un prêt à la consommation alors que les parties fondaient leurs demandes sur l’existence d’un prêt à usage ;

M. Y fait valoir en premier lieu qu’il a contesté la demande de restitution, en second lieu que le premier juge a, usant du pouvoir qu’il tient de l’article 12 du code de procédure civile, restitué aux faits invoqués par les parties ce qu’il considérait être leur exacte qualification juridique, et n’a donc commis aucune violation de l’article 16 ;

Il résulte des conclusions déposées devant le tribunal et du jugement, que M. Y B sa demande sur l’exécution d’un prêt à usage régi par les dispositions de l’article 1875 et suivants du code civil, qualification que M. X ne contestait pas, les parties étant en désaccord sur le terme du prêt. Cette qualification a été écartée par le premier juge qui a relevé que ‘contrairement à ce que soutiennent les parties, le prêt qu’elles ont conclu ne constitue nullement, en raison de la fongibilité de la somme qui en est l’objet, un commodat mais un prêt de consommation ou simple prêt, soumis aux dispositions des articles 1892 et suivants du code civil ;’

Ce faisant, il a usé du pouvoir qu’il tient de l’article 12 du code de procédure civile, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ;

Saisi d’une demande en paiement d’un prêt nécessitant sa qualification, Il n’a soulevé aucun moyen de droit nouveau, puisque l’ensemble des faits étaient dans le débat, et n’avait donc aucune obligation de réouvrir les débats.

En ce qui concerne la demande de restitution des oeuvres formulée par M. X, le dispositif des conclusions de M. Y déposées devant le premier juge ne contient aucune prétention en lien avec cette demande, que ce soit son rejet ou son acceptation. Dès lors, il ne peut être considéré, comme l’affirme M. X, que M. Y ne s’y opposait pas. Ainsi, en estimant la demande de restitution non fondée, le premier juge n’a pas méconnu l’objet du litige, lequel est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

La demande d’annulation du jugement sera donc rejetée ;

— Sur la demande en paiement

Par acte sous seing privé non daté et intitulé ‘Protocole d’accord’, signé entre M. Y, courtier en oeuvres d’J, et M. X, scénariste et réalisateur, M. Y s’est engagé à verser à M. X, ‘la somme de 50 000 € à titre d’avance sur le développement de l’écriture des projets pré-cités, au plus tard à la signature du protocole. La récupération des avances se fera sur un mode à déterminer ultérieurement en toute bonne foi entre les parties’. Les parties ont préalablement mentionné dans ce protocole la possibilité de développer ensemble des projets audio-visuels, également que M. Y s’était montré très intéressé par les différents projets que M. X développe en écriture : ‘Everything can happen’, ‘Enlace-moi’ et ‘H-I’.

Il n’est pas discuté que M. Y a réglé la somme de 50 000 € à M. X par virement bancaire du 6 mars 2014, le litige des parties portant sur le terme du prêt et son exigibilité ;

M. Y demande à la cour de qualifier à titre principal la convention de prêt au sens de l’article 1892 du code civil, et de considérer que faute de terme pour la restitution, celui-ci doit être fixé par le juge en fonction des circonstances. Il conteste toute application d’usages de la profession en matière cinématographique revendiquée par M. X, usages non établis et non mentionnés sur le contrat.

Il demande subsidiairement de qualifier le protocole de prêt à usage régi par l’article 1875 du code civil, rappelant que la cour de cassation lorsque le prêt est sans usage est sans terme, autorise le prêteur à mettre fin au contrat à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable, ce qui est la cas en l’espèce, la somme de 50 000 € ayant été versée le 6 mars 2014, et aucun élément n’établit la concrétisation du projet ;

M. X considère qu’il s’agit d’un prêt à usage et fait valoir que la convention ne comportant pas de terme, la chose prêtée ne peut être restituée qu’après avoir servie. Il indique que le projet est en cours de finalisation, le scénario est terminée, deux actrices ont accepté de jouer un rôle (Mmes C D et E F) et deux producteurs se sont manifestés pour produire, et que conformément aux usages de la profession, ce n’est que lorsque le film sera mis en tournage que M. X remboursera M. Y. Il considère ainsi que ce dernier n’est pas fondé à obtenir la restitution de la somme qui n’est pas encore exigible ;

L’article 1875 du code civil dispose que ‘le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi’ ;

Cette définition, comme l’a relevé le premier juge, n’est pas adaptée compte tenu de la chose prêtée, une somme d’argent, par nature fongible. C’est donc à juste titre qu’il n’a pas retenu la qualification de prêt à usage mais celle de prêt à la consommation ou simple prêt telle que décrit par l’article 1892 du code civil, soit : ‘un contrat par lequel une partie livre à l’autre une certaine quantité de chose qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité’ ;

Le protocole d’accord, s’il prévoit la restitution de l’avance octroyée, ne fixe pour autant aucune date précise de remboursement. Il précise seulement que ‘la récupération des avances se fera sur un mode à déterminer ultérieurement en toute bonne foi entre les parties’. Celles-ci ne font toutefois pas état dans le cadre de la présente procédure d’un accord intervenu sur ces modalités.

Contrairement à ce que soutient M. X, il ne peut être déduit de cette clause que les parties aient entendu, conformément aux usages de la profession, qu’il remboursera la somme de 50 000 € lorsque le film sera mis en tournage ;

En effet, outre qu’il ne justifie pas de la réalité de ces usages lorsque le contrat porte comme en l’espèce sur l’écriture d’un projet audio-visuel, le contrat ne le vise pas expressément et les parties ne se sont pas entendues sur une telle modalité, comme en témoigne l’existence du présent litige.

Par ailleurs, le contrat de production d’une oeuvre cinématographique répond à un formalisme strict prévu par le code de la propriété intellectuelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

Dès lors, en l’absence de terme, l’article 900 du code civil prévoit que le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances ;

En l’occurrence, selon le protocole, l’avance de 50 000 € devait permettre à M. X le développement de l’écriture des projets visés. Or, il produit aux débats aucun élément ou pièce de nature à établir la finalisation de ces trois projets. En effet, il communique, concernant le seul projet Everything can happen, deux courriels signés G F, sans élément permettant d’identifier l’auteur avec certitude, dont aux termes du dernier en date du 4 février 2019, elle serait d’accord pour jouer le rôle de Stella DeMaar dans le scénario intitulé ‘Everything can happen’. Il est produit également la copie d’un courrier émanant d’C Muti mais qui est totalement illisible et donc sans aucun caractère probant.

Ces pièces sont ainsi totalement insuffisantes pour établir l’utilisation de l’avance dans les termes du protocole. Dès lors, compte tenu du délai écoulé depuis le versement de celle-ci le 6 mars 2014, M. X a bénéficié d’un délai suffisant pour exécuter son engagement, et le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 50 000 € en restitution de ce prêt.

— Sur la demande en paiement de la somme de 10 000 € ;

M. Y fait valoir que la somme de 10 000 € a été versée à la suite du premier virement de 50 000 €, à la demande de M. X pour la poursuite de son projet prévu par le protocole. Il conteste toute intention libérale estimant que c’est à M. X d’établir la réalité d’une telle intention, les parties n’entretenant que des relations professionnelles ;

M. X indique que M. Y ne rapporte pas la preuve de l’obligation à restitution, cette somme n’étant pas un complément de celle de 50 000 €, laquelle avait fait l’objet d’un écrit ;

La remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l’obligation pour celle-ci de les restituer ;

En l’espèce, il résulte du relevé de compte LCL de M. Y (pièce n°4) que le virement de 10 000 € a été effectué à M. X le 16 mai 2013 et non le 16 mai 2014 comme soutenu par l’intimé dans ses écritures. Dès lors, cette somme de 10 000 € ne peut, au moins pour ce motif, être le complément de la somme versée en exécution du protocole d’accord, puisque la somme de 10 000 € a été versée antérieurement à celle de 50 000 €. En outre, il sera observé que ce virement ne contient pas de libellé renseignant sur une prestation ;

Par ailleurs, il appartient à M. Y, qui demande l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve, en l’occurrence l’obligation à restitution de la somme de 10 000 €, cette preuve compte tenu du montant de la créance, et en l’absence de tout commencement de preuve par écrit invoqué et donc établi, ne pouvant résulter que d’un écrit ;

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté de sa demande en paiement d’une somme de 10 000 € ;

— Sur la demande en restitution des oeuvres

M. X fait valoir qu’il a déposé des oeuvres chez M. Y, celui-ci dans ses conclusions de première instance n’a pas méconnu les avoir en sa possession, ses oeuvres n’ayant jamais été remises en garantie de paiement de la somme de 60 000 € ;

M. Y conteste l’existence d’un contrat de dépôt et estime que les pièces produites sont insuffisantes pour l’établir ;

Selon l’article 1921 du code civil, le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit ;

Si la preuve de la propriété d’un meuble peut se faire par tous moyens, quelle que soit sa valeur, la preuve du dépôt d’un tel meuble doit se faire conformément aux dispositions des articles 1341 et suivants (anciens) du code civil.

Selon ces dispositions applicables lors du dépôt invoqué par M. X qu’il date de novembre 2011 dans son courrier de mise en demeure du 4 janvier 2017, un écart est exigé pour toute chose excédant une somme ou une valeur de 1500 €, même pour dépôts volontaires ;

M. X ne produit aucun document écrit attestant du dépôt de ces oeuvres, pas davantage qu’il ne produit d’éléments pouvant justifier leur valeur, même si, au vu des auteurs de certaines d’entre elles, leur valeur excède celle de 1500 € au delà de laquelle un contrat écrit est exigé.

Outre la mise en demeure du 4 janvier 2017 qui n’est pas adressée à M. Y mais à la société J K, M. X produit un courriel adressé le 24 mai 2016 à M. Y lui demandant quand il pourrait ‘ récupérer les oeuvres que je t’avais confiées pour expertises’ et précisant que ‘si tu n’as plus la liste en voici les images à la suite’. Il est joint la photocopie de photographies de six oeuvres.

La mauvaise copie de ces photographies (en noir et blanc) ne permet nullement de les identifier avec certitude, d’autant qu’il est fait état de six oeuvres alors que la demande de restitution porte sur cinq d’entre elles.

Ce seul élément est ainsi totalement insuffisant pour établir la réalité d’un contrat de dépôt entre M. X et M. Y.

Toutefois, il est exacte que dans ses conclusions en réponse et récapitulatives déposées devant le premier juge et produites aux débats, M. Y, dans l’exposé de la procédure (paragraphe n°10), après avoir évoqué les tentatives pour résoudre amiablement le litige, écrit que ‘néanmoins cette tentative n’a pu aboutir. En effet, alors que M. Y a proposé qu’il soit concomitamment procédé à la restitution des cinq oeuvres dont la société Z Y J K était effectivement dépositaire et au remboursement des 60 000 € prêtés en 2014, M. X lui a indiqué qu’il était insolvable’.

D’ailleurs, c’est à la société J K que M. X a adressé le 4 janvier 2017 sa mise en demeure d’avoir à restituer les oeuvres litigieuses.

En outre, M. Y produit lui même aux débats un procès verbal de saisie vente du 29 novembre 2019 sur quatre de ces oeuvres (oeuvre de Lanskoy, oeuvre de De Chiroco oeuvre de […], et oeuvre de Hopper) qu’il a fait diligenter pour obtenir paiement de la somme allouée par le jugement frappé d’appel, entre les mains de la société Z Y J K.

Il appartient ainsi à M. X de former sa demande de restitution devant la personne qui détient effectivement les oeuvres litigieuses, qui en l’occurrence n’est pas M. Y à titre personnel ;

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de restitution ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d’appel, M. X qui perd le procès sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Il versera sur le même fondement une indemnité de 2500 € à M. Y.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire

Rejette la demande de nullité du jugement

Confirme le jugement rendu le 2 août 2019 par le Tribunal judiciaire de Lisieux en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Le déboute de sa demande formée sur le même fondement

Condamne M. X aux dépens d’appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. LE GALL L. DELAHAYE

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique du prêt en numéraire pour une œuvre audiovisuelle ?

Le cadre juridique du prêt en numéraire pour la production d’une œuvre audiovisuelle est principalement régi par le Code civil français. En l’absence d’un terme fixé par le contrat de prêt, l’article 900 du Code civil stipule que le juge peut accorder à l’emprunteur un délai pour le remboursement, en tenant compte des circonstances spécifiques de chaque cas.

Cela signifie que si un contrat de prêt ne précise pas quand l’emprunteur doit rembourser la somme prêtée, le juge a la latitude d’établir un délai approprié. Cette flexibilité est essentielle dans le domaine audiovisuel, où les projets peuvent rencontrer des retards imprévus.

Quelles sont les conditions de l’avance sur le développement d’un projet audiovisuel ?

L’avance sur le développement d’un projet audiovisuel, comme stipulé dans le protocole d’accord entre le courtier et le scénariste, est conditionnée par le versement d’une somme d’argent, ici 50 000 €, pour le développement de l’écriture des projets. Ce versement doit être effectué au plus tard à la signature du protocole.

Le protocole précise également que la récupération de cette avance se fera selon un mode à déterminer ultérieurement, ce qui implique que les modalités de remboursement doivent être convenues de bonne foi entre les parties. Cela souligne l’importance de la communication et de l’accord mutuel dans les relations contractuelles.

Comment le courtier a-t-il qualifié la convention de prêt ?

Le courtier a demandé à la cour de qualifier la convention de prêt selon l’article 1892 du Code civil, qui définit le prêt comme un contrat où une partie livre à l’autre une certaine quantité de choses fongibles, à la charge de restitution d’une quantité équivalente. Il a soutenu que, faute de terme pour la restitution, celui-ci devait être fixé par le juge.

Le courtier a contesté l’application des usages de la profession cinématographique revendiqués par le scénariste, arguant qu’ils n’étaient pas établis ni mentionnés dans le contrat. Cette contestation est déterminante, car elle remet en question la nature même de l’accord et les attentes des parties.

Quelles sont les implications de l’absence de date précise de remboursement ?

L’absence de date précise de remboursement dans le protocole d’accord a des implications significatives. Bien que le protocole mentionne que la récupération des avances se fera selon un mode à déterminer ultérieurement, cela ne signifie pas que les parties ont convenu que le remboursement interviendrait uniquement lorsque le film serait mis en tournage.

En effet, le tribunal a souligné que cette clause ne justifie pas une telle interprétation, surtout en l’absence d’accord explicite sur cette modalité. Cela met en lumière l’importance de la clarté contractuelle et des accords explicites dans les relations professionnelles, en particulier dans le secteur créatif.

Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant le remboursement ?

Le tribunal a conclu que, selon le protocole, l’avance de 50 000 € devait permettre au scénariste de développer l’écriture des projets. Cependant, le scénariste n’a pas produit de preuves suffisantes pour établir la finalisation de ces projets. En conséquence, le tribunal a estimé que le scénariste avait eu un délai suffisant pour exécuter son engagement depuis le versement de la somme.

Ainsi, le jugement a été confirmé, condamnant le scénariste à rembourser la somme de 50 000 € au courtier. Cette décision souligne l’importance de la responsabilité contractuelle et de la nécessité de respecter les engagements pris, même en l’absence de termes précis dans le contrat.

Quelles sont les conséquences de la demande de remboursement de la somme de 10 000 € ?

La demande de remboursement de la somme de 10 000 € a été rejetée par le M. Y, le courtier, a soutenu que cette somme avait été versée à la demande de M. X pour la poursuite de son projet, mais il n’a pas pu prouver l’obligation de restitution.

Le tribunal a noté que le virement de 10 000 € avait été effectué avant celui de 50 000 €, ce qui signifie qu’il ne pouvait pas être considéré comme un complément de ce dernier. De plus, M. Y n’a pas fourni de preuve écrite établissant l’obligation de remboursement, ce qui a conduit à la confirmation du jugement en faveur de M. X sur ce point.

Comment le tribunal a-t-il traité la demande de restitution des œuvres ?

Concernant la demande de restitution des œuvres, le tribunal a constaté que M. X n’avait pas produit de preuves suffisantes pour établir l’existence d’un contrat de dépôt. Bien que M. X ait affirmé avoir déposé des œuvres chez M. Y, il n’a pas fourni de documents écrits attestant de ce dépôt, ce qui est requis pour des objets de valeur supérieure à 1500 €.

Le tribunal a également noté que les éléments fournis par M. X, tels que des courriels et des photographies, étaient insuffisants pour prouver la réalité d’un contrat de dépôt. Par conséquent, la demande de restitution a été déboutée, soulignant l’importance de la documentation écrite dans les transactions impliquant des biens de valeur.


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