Origine douteuse d’un Picasso : la possession paisible vaut titre

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Origine douteuse d’un Picasso : la possession paisible vaut titre

L’Essentiel : La vente de bronzes attribués à Picasso par la société Tajan a suscité des interrogations sur leur provenance. Malgré les doutes exprimés par Claude Ruiz Picasso, les juges ont validé la transaction, soulignant que la bonne foi du vendeur était présumée. L’article 2276 du code civil stipule que la possession vaut titre, et les ayants droit de l’artiste n’ont pas contesté la vente pendant plus de trois ans. Ainsi, même en cas de provenance douteuse, l’acheteur n’a pas exigé de certificat d’authenticité, ce qui a renforcé la légitimité de la possession du vendeur.

Doutes sur l’origine d’une œuvre d’art

La mise en vente en 2010 de très nombreuses oeuvres de Picasso jusqu’alors non répertoriées a eu des répercussions importantes (enquête judiciaire …). Le doute sur l’authenticité ou l’origine d’une œuvre d’art ne permet toutefois pas à lui seul, d’obtenir la nullité d’une vente au titre du dol. La vente par la société Tajan, portant sur une paire de bronzes attribuée à Picasso, a ainsi été validée par les juges. Claude Ruiz Picasso avait fait part à la société de sa conviction sur la provenance douteuse voire frauduleuse des deux vases vendus, mais ni à l’occasion des mises en demeure et de l’instance en référé, ni lors des échanges relatifs à la perception du droit de suite, Claude Ruiz Picasso n’avait exprimé son choix de refuser d’émettre une opinion positive sur l’authenticité de l’œuvre, position justifiée par son souci de sécuriser le marché de l’art.

Responsabilité de l’intermédiaire en art

Dans ce contexte particulier, la société Tajan ignorait manifestement de bonne foi, à l’instant de la vente, qu’il existait un obstacle à la délivrance du certificat d’authenticité à raison de sa provenance et non d’une contestation de l’authenticité de l’œuvre, il ne pouvait donc lui être reproché d’avoir omis d’informer l’acheteur des difficultés d’obtention de ce certificat jusqu’alors méconnues. L’acheteur était en mesure d’exiger, avant la transaction, que le vase soit accompagné d’un certificat d’authenticité, voire conditionner son engagement à la délivrance du certificat, ce qu’il n’a pas fait.

Les juges n’ont pas faire peser sur le vendeur ou son mandataire, même professionnel, l’obligation d’informer le vendeur de toutes les péripéties qui ont accompagné la mise initiale de l’oeuvre sur le marché lorsque la bonne foi de la possession du vendeur n’a jamais été contestée avec succès durant plusieurs années – ce qui anéantit la portée du grief tenant à une provenance douteuse de la pièce – et que l’authenticité de l’oeuvre était tenue pour acquise, y compris par les ayants droit de l’artiste. Le silence observé par la société Tajan n’a pas été assimilé à une manoeuvre frauduleuse. La réticence dolosive est répréhensible seulement quand l’acheteur ne peut pas vérifier lui-même les éléments d’appréciation de son consentement ou qu’il a toutes les raisons de faire confiance au vendeur ou à son mandataire.

La possession vaut titre

L’article 2276 du code civil énonce qu’en fait de meubles, la possession vaut titre. C’est au moment de l’entrée en possession que doivent s’apprécier les conditions de cette possession, étant observé qu’en l’espèce le vendeur a toujours affirmé avoir reçu donation les deux vases Picasso.  La bonne foi est présumée, sauf preuve contraire. Elle s’entend de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis. Alors que le doute sur ce point est exclusif de la bonne foi et que le délai de trois ans fixé par ce même article pour la revendication des meubles perdus ou volés ne s’applique pas au possesseur de mauvaise foi, contre lequel une telle action est toujours possible, force est de constater que les ayants droit de Pablo Picasso, n’ont jamais engagé la moindre action en revendication à l’encontre du vendeur, comme s’ils acquiesçaient à la prescription de l’action (plus de trois années révolues se sont écoulées du jour de la perte ou du vol de la paire de vases en bronze).

Délivrance forcée de certificat d’authenticité ?

A noter que même en cas de refus fondé sur des considérations extérieures à l’authenticité de l’oeuvre, il n’appartient pas aux juges d’ordonner aux ayants droit de l’artiste de remettre un certificat d’authenticité. Il a été jugé que Claude Ruiz Picasso tenait l’oeuvre pour authentique comme étant effectivement de Picasso mais ne justifiait le refus de délivrance d’un certificat d’authenticité que par sa conviction persistante d’une provenance douteuse et par le souci des héritiers de l’artiste d’assainir le marché de l’art en luttant, par une attitude de fermeté, à la mise en vente d’oeuvres frauduleusement soustraites à l’artiste et à sa succession.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelles ont été les conséquences de la mise en vente des œuvres de Picasso en 2010 ?

La mise en vente en 2010 de nombreuses œuvres de Picasso, jusqu’alors non répertoriées, a entraîné des répercussions significatives, notamment une enquête judiciaire.

Cette situation a soulevé des doutes quant à l’authenticité et à l’origine de certaines œuvres, mais ces doutes ne suffisent pas à annuler une vente pour dol.

Dans le cas de la vente par la société Tajan d’une paire de bronzes attribuée à Picasso, les juges ont validé la transaction malgré les préoccupations exprimées par Claude Ruiz Picasso concernant la provenance des vases.

Il est important de noter que Claude Ruiz Picasso n’a pas clairement refusé d’émettre une opinion positive sur l’authenticité de l’œuvre, ce qui a contribué à la décision des juges.

Quelle est la responsabilité de l’intermédiaire en art dans ce contexte ?

Dans ce contexte, la société Tajan a agi de bonne foi lors de la vente, ignorant qu’il existait un obstacle à la délivrance d’un certificat d’authenticité en raison de la provenance des vases.

Les juges ont estimé qu’il ne pouvait pas être reproché à Tajan d’avoir omis d’informer l’acheteur des difficultés d’obtention de ce certificat, qui étaient méconnues à ce moment-là.

L’acheteur avait la possibilité d’exiger un certificat d’authenticité avant la transaction, mais il ne l’a pas fait, ce qui a également joué en faveur de Tajan.

Les juges n’ont pas imposé au vendeur ou à son mandataire l’obligation d’informer l’acheteur de toutes les péripéties entourant la mise sur le marché de l’œuvre, car la bonne foi du vendeur n’avait jamais été contestée.

Comment la possession est-elle considérée en matière de propriété d’œuvres d’art ?

Selon l’article 2276 du code civil, en matière de meubles, la possession vaut titre. Cela signifie que la possession d’une œuvre d’art peut conférer des droits de propriété, même en l’absence de documents formels.

Dans le cas présent, le vendeur a toujours affirmé avoir reçu les deux vases Picasso par donation, ce qui renforce sa position de bonne foi.

La bonne foi est présumée, sauf preuve du contraire, et elle implique que le possesseur croyait légitimement à la propriété des biens qu’il a reçus.

Il est également important de noter que les ayants droit de Pablo Picasso n’ont jamais engagé d’action en revendication contre le vendeur, ce qui pourrait indiquer leur acquiescement à la situation.

Les ayants droit de l’artiste peuvent-ils être contraints de délivrer un certificat d’authenticité ?

Il a été établi que même en cas de refus de délivrer un certificat d’authenticité, les juges ne peuvent pas ordonner aux ayants droit de l’artiste de le fournir.

Claude Ruiz Picasso a considéré l’œuvre comme authentique, mais a justifié son refus de délivrer un certificat par des préoccupations concernant la provenance des vases.

Les héritiers de l’artiste ont manifesté un souci d’assainir le marché de l’art en luttant contre la vente d’œuvres frauduleusement soustraites.

Cette attitude de fermeté vis-à-vis de la provenance douteuse des œuvres a été un facteur déterminant dans la décision des juges concernant la délivrance du certificat d’authenticité.


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