Obligation de distribuer une chaîne culturelle

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Obligation de distribuer une chaîne culturelle

L’Essentiel : Une politique culturelle peut justifier une restriction à la libre prestation des services, notamment en imposant aux opérateurs de communication électronique de diffuser des chaînes à vocation culturelle. La directive « service universel » permet aux États membres d’imposer de telles obligations, même à des entreprises ne fournissant pas de réseaux de communications. Par exemple, la société TV Play Baltic en Lituanie doit retransmettre la chaîne LRT Kultūra, soulignant l’importance de cette chaîne pour la culture nationale. Cette obligation, conforme au droit européen, vise à garantir l’accès à des contenus culturels utiles pour les téléspectateurs.

Une politique culturelle peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services. L’obligation imposée aux opérateurs de communication électronique de diffuser une chaîne à vocation culturelle peut être qualifiée de restriction justifiée à la libre prestation de services.  

La directive « service universel » laisse les États membres
libres d’imposer des obligations de diffuser, notamment à des entreprises qui,
sans fournir des réseaux de communications électroniques, proposent le
visionnage de programmes de télévision en flux continu et en direct sur Internet
(arrêt du 13 décembre 2018, France Télévisions, C-298/17). En conséquence d’une décision de la CJUE, la société
TV Play Baltic (Lituanie) ne sera pas exemptée de l’obligation de retransmettre
la chaîne de télévision LRT Kultūra.

Obligation de diffusion par voie satellitaire ou Internet

Une activité de retransmission, au moyen d’un réseau
satellitaire, de programmes télévisés protégés par un système d’accès
conditionnel consiste en la mise à disposition de contenus télévisuels. Selon la CJUE, il n’y a pas lieu d’apprécier
différemment une activité de diffusion de contenus télévisuels selon qu’elle
est exercée par voie satellitaire ou au moyen d’Internet.

Selon une jurisprudence constante, l’émission de messages
télévisés, y compris ceux transmis par la voie de la télédistribution,
constitue, en tant que telle, une prestation de services, au sens de l’article
56 TFUE (arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium
e.a., C-250/06). L’article 56 TFUE ne s’oppose pas à ce que les États membres
imposent une obligation de diffuser gratuitement une chaîne de télévision à des
entreprises qui retransmettent, au moyen de réseaux satellitaires appartenant à
des tiers, des programmes télévisés protégés par un système d’accès
conditionnel et offrent à leurs clients des bouquets de programmes télévisés.

Cette obligation de diffusion est conforme au droit européen
sous réserve, d’une part, qu’elle permette à un nombre ou à un pourcentage
significatif d’utilisateurs finals de l’ensemble des moyens de diffusion des
programmes télévisés d’accéder à la chaîne bénéficiant de ladite obligation et,
d’autre part, qu’il soit tenu compte de la répartition géographique des
utilisateurs finals des services fournis par l’opérateur auquel la même
obligation de diffuser est imposée, de la circonstance que celui-ci retransmet
cette chaîne sans la crypter et de celle que ladite chaîne est accessible
gratuitement par Internet ainsi que par le réseau de télévision terrestre, ce
qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Obligation de must carry

Pour rappel, en application de l’article 31 de la directive
« service universel » (« Obligations de diffuser “must carry”) ») les États
membres peuvent imposer des obligations raisonnables de diffuser (“must carry”)
pour la transmission de chaînes de radio et de télévision spécifiées et de
services complémentaires, notamment les services d’accessibilité destinés à
assurer un accès approprié pour les utilisateurs finals handicapés, aux
entreprises relevant de leur ressort qui fournissent des réseaux de
communications électroniques utilisés pour la diffusion publique de chaînes de
radio et de télévision, lorsqu’un nombre significatif d’utilisateurs finals
utilisent ces réseaux comme leur moyen principal pour recevoir des chaînes de
radio et de télévision. Ces obligations ne sont imposées que lorsqu’elles sont
nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis
par chaque État membre, et sont proportionnées et transparentes.

Diffusion des chaînes culturelles: une restriction couverte

Les opérateurs fournissant en Lituanie des services de
retransmission de programmes télévisés, ainsi que d’autres personnes
fournissant aux consommateurs lituaniens des services de distribution sur
Internet de chaînes et/ou d’émissions de télévision, ont obligation de
retransmettre et de diffuser sur Internet toutes les chaînes de télévision
nationales non cryptées. La Commission lituanienne de la radio et de la
télévision peut décider d’exempter de l’obligation de retransmettre ou de
diffuser sur Internet les chaînes de télévision nationales non cryptées si
cette décision ne restreint pas les possibilités du consommateur de voir ces
chaînes avec les seuls moyens techniques dont il dispose.

La retransmission et/ou la diffusion en ligne obligatoire de
programmes télévisés ne donne lieu à aucun paiement entre les radiodiffuseurs,
les opérateurs retransmetteurs et les autres opérateurs fournissant aux
consommateurs lituaniens des services de distribution sur Internet de chaînes
et/ou d’émissions de télévision. 

En l’occurrence, le gouvernement lituanien a souligné avec
succès que l’obligation de diffuser la chaîne de télévision LRT Kultūra,
imposée aux entreprises poursuit un but d’intérêt général lié à la politique
culturelle, eu égard à l’importante valeur sociale et culturelle de cette
chaîne pour les téléspectateurs lituaniens. Un tel objectif de politique
culturelle peut être de nature à justifier l’existence d’une restriction à la
libre prestation des services.

Attention toutefois: la réglementation nationale qui
met en place une telle restriction doit être propre à garantir la réalisation
de l’objectif poursuivi. Sur ce point, l’obligation
de diffuser certains programmes télévisés peut permettre d’atteindre l’objectif
de politique culturelle qu’elle poursuit, en ce qu’elle est de nature à assurer
que les téléspectateurs lituaniens, qui ne disposent que d’un accès à la
télévision par voie satellitaire, aient la possibilité de regarder les
programmes de la chaîne LRT Kultūra, auxquels ils n’auraient pas accès
autrement.

La libre prestation des services exige non seulement
l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services
établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la
suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux
prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de
nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du
prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des
services analogues (arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications
Belgium e.a., C-250/06).

En imposant une obligation de diffuser certains programmes
télévisés de LRT aux entreprises qui, quel que soit leur lieu d’établissement,
retransmettent des programmes télévisés par la voie satellitaire, à destination
des téléspectateurs lituaniens, la réglementation lithuanienne institue une
restriction (justifiée) à la libre prestation des services, au sens de
l’article 56 TFUE.

Selon la jurisprudence, une telle restriction à une liberté
fondamentale garantie par le traité FUE peut être justifiée, dès lors qu’elle répond
à des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant qu’elle est propre à
garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne va pas au-delà de
ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 13 décembre 2007, United
Pan-Europe Communications Belgium e.a., C-250/06).

Une politique culturelle peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services. En effet, le maintien du pluralisme qu’entend garantir cette politique est lié à la liberté d’expression, telle qu’elle est protégée par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme signée à Rome le 4 novembre 1950, cette liberté figurant parmi les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union, notamment, par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qu’une politique culturelle et comment justifie-t-elle une restriction à la libre prestation des services ?

Une politique culturelle peut être définie comme un ensemble de mesures et d’initiatives visant à promouvoir et à préserver la culture d’un pays ou d’une région. Elle peut inclure des actions telles que le soutien à la production artistique, la diffusion de contenus culturels, et la protection du patrimoine culturel.

Cette politique peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services. En effet, la nécessité de garantir un accès à des contenus culturels spécifiques, comme les chaînes de télévision à vocation culturelle, peut justifier des obligations imposées aux opérateurs de communication électronique.

Ces obligations peuvent être considérées comme des restrictions justifiées, car elles visent à préserver le pluralisme culturel et à garantir la diversité des opinions, ce qui est essentiel pour la liberté d’expression, un droit fondamental protégé par des conventions internationales.

Quelles sont les obligations imposées par la directive « service universel » ?

La directive « service universel » permet aux États membres de l’Union européenne d’imposer des obligations de diffusion à des entreprises qui fournissent des services de communication, même si elles ne gèrent pas directement des réseaux de communications électroniques.

Cela inclut des entreprises qui offrent le visionnage de programmes de télévision en flux continu sur Internet. Par exemple, la CJUE a statué que la société TV Play Baltic en Lituanie ne pouvait pas être exemptée de l’obligation de retransmettre la chaîne LRT Kultūra, soulignant ainsi l’importance de la diffusion de contenus culturels.

Ces obligations doivent être proportionnées et clairement définies, afin de garantir qu’elles servent un intérêt général sans nuire à la libre concurrence sur le marché des services de communication.

Comment la CJUE considère-t-elle la diffusion par voie satellitaire ou Internet ?

La CJUE (CJUE) a établi que la diffusion de programmes télévisés, qu’elle soit effectuée par voie satellitaire ou par Internet, doit être considérée de manière équivalente.

Cela signifie qu’il n’y a pas de distinction à faire entre les différents moyens de diffusion en ce qui concerne les obligations de retransmission. Selon la jurisprudence, l’émission de messages télévisés constitue une prestation de services au sens de l’article 56 TFUE, ce qui permet aux États membres d’imposer des obligations de diffusion.

Ces obligations doivent être justifiées par des raisons d’intérêt général, comme la promotion de la culture, et doivent permettre à un nombre significatif d’utilisateurs d’accéder aux chaînes concernées.

Qu’est-ce que l’obligation de « must carry » ?

L’obligation de « must carry » est un principe établi par l’article 31 de la directive « service universel », qui permet aux États membres d’imposer des obligations de diffusion de chaînes de radio et de télévision spécifiques.

Ces obligations s’appliquent aux entreprises fournissant des réseaux de communications électroniques utilisés pour la diffusion publique. Elles visent à garantir que les utilisateurs finaux, en particulier ceux qui dépendent de ces réseaux pour accéder à des contenus, puissent recevoir des chaînes essentielles.

Les obligations de « must carry » doivent être raisonnables, proportionnées et transparentes, et elles ne peuvent être imposées que si elles sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis par chaque État membre.

Comment la Lituanie applique-t-elle l’obligation de diffusion des chaînes culturelles ?

En Lituanie, les opérateurs de retransmission de programmes télévisés ont l’obligation de diffuser toutes les chaînes de télévision nationales non cryptées. Cela inclut également la diffusion sur Internet, garantissant ainsi que les consommateurs lituaniens aient accès à ces chaînes.

La Commission lituanienne de la radio et de la télévision peut décider d’exempter certaines chaînes de cette obligation, mais uniquement si cela ne limite pas l’accès des consommateurs aux chaînes avec les moyens techniques dont ils disposent.

Cette obligation de diffusion est considérée comme essentielle pour préserver la culture nationale et garantir que les téléspectateurs aient accès à des contenus d’intérêt général, comme ceux offerts par la chaîne LRT Kultūra.

Quels sont les critères pour justifier une restriction à la libre prestation des services ?

Pour qu’une restriction à la libre prestation des services soit justifiée, elle doit répondre à des raisons impérieuses d’intérêt général. Cela signifie qu’elle doit viser à atteindre un objectif qui bénéficie à la société dans son ensemble, comme la promotion de la culture ou la protection de la diversité des médias.

De plus, la restriction doit être appropriée pour garantir la réalisation de cet objectif et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Cela implique une évaluation rigoureuse de l’impact de la restriction sur la libre concurrence et sur les droits des prestataires de services.

La jurisprudence de la CJUE souligne que toute restriction doit être proportionnée et transparente, afin de respecter les droits fondamentaux garantis par l’Union européenne, notamment la liberté d’expression et le pluralisme des médias.


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