Maintien de l’hospitalisation complète : conditions et régularité des procédures en santé mentale

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Maintien de l’hospitalisation complète : conditions et régularité des procédures en santé mentale

L’Essentiel : Le 31 janvier 2025, le Tribunal judiciaire de Rennes a examiné la demande du Directeur du Centre Hospitalier concernant l’hospitalisation complète de Monsieur [I] [L]. Ce dernier, né le 21 avril 1975, était représenté par son avocat, Me Clélia Abras. Le tribunal a rejeté l’argument du défendeur sur l’absence de signification au curateur, affirmant que cette formalité n’était pas requise. Les certificats médicaux ont confirmé la nécessité de l’hospitalisation, évoquant des risques de rechute. En conséquence, le tribunal a décidé de maintenir la mesure d’hospitalisation, avec possibilité d’appel dans les 10 jours.

Contexte de l’affaire

Le 31 janvier 2025, une audience publique a été tenue au Tribunal judiciaire de Rennes, présidée par Guy Magnier, Vice-Président chargé du contrôle des mesures privatives de liberté. La demande a été formulée par le Directeur du Centre Hospitalier pour statuer sur la poursuite de l’hospitalisation complète de Monsieur [I] [L], actuellement en soins psychiatriques.

Parties impliquées

Monsieur [I] [L], né le 21 avril 1975, est le défendeur, assisté par son avocat Me Clélia Abras. L’ATI35, en tant que curateur, a également été impliqué dans la procédure. Le Ministère public a communiqué ses observations par écrit, mais n’était pas présent lors de l’audience.

Procédure de saisine

La requête du Directeur du Centre Hospitalier a été reçue le 27 janvier 2025, accompagnée d’un avis motivé d’un psychiatre. Les convocations ont été adressées aux parties concernées, y compris le curateur, conformément aux exigences du Code de la Santé Publique.

Arguments du défendeur

Le conseil de Monsieur [I] [L] a soulevé un moyen relatif à l’absence de signification de la décision d’admission au curateur. Selon lui, cette omission constitue une violation des droits de son client, en vertu des articles du Code de la Santé Publique et du Code civil.

Réponse du tribunal

Le tribunal a rejeté cet argument, précisant que la formalité d’information n’était pas soumise à l’exigence de signification au curateur. De plus, il a été établi que le curateur avait connaissance de la procédure, bien qu’il ne se soit pas présenté à l’audience.

Évaluation médicale

Le tribunal a examiné les certificats médicaux fournis, qui justifiaient la nécessité de maintenir l’hospitalisation complète de Monsieur [I] [L]. Les médecins ont souligné des risques de rechute et de mise en danger si les soins étaient interrompus.

Décision finale

Après délibération, le tribunal a autorisé le maintien de la mesure d’hospitalisation complète de Monsieur [I] [L]. La décision est susceptible d’appel dans un délai de 10 jours, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation complète d’une personne atteinte de troubles mentaux ?

Selon l’article L.3212-1 du Code de la Santé Publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement que lorsque deux conditions sont réunies :

1. Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement.

2. Son état mental impose des soins immédiats, justifiant soit une surveillance médicale constante, soit une surveillance médicale régulière.

Ces conditions sont essentielles pour garantir que l’hospitalisation complète est justifiée et conforme aux droits de la personne concernée.

Il est donc impératif que le juge vérifie que ces conditions sont remplies avant de statuer sur la poursuite de l’hospitalisation complète.

Quelle est la procédure de saisine pour le maintien de l’hospitalisation complète ?

L’article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique stipule que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, n’ait statué sur cette mesure.

Cette saisine doit intervenir avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission, accompagnée d’un avis motivé d’un psychiatre.

Cette procédure vise à protéger les droits des patients en assurant un contrôle judiciaire rapide et efficace sur les mesures privatives de liberté.

Quelles sont les obligations d’information concernant le curateur d’un patient hospitalisé ?

L’article L.3211-3 du Code de la Santé Publique précise que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques doit être informée de sa situation juridique et de ses droits.

Cependant, il est important de noter que l’article 467, alinéa 3, du Code civil stipule que toute signification faite à une personne protégée doit également être faite au curateur.

En l’espèce, il a été établi qu’aucune disposition légale n’exige que les décisions soient notifiées au curateur, mais que le curateur doit être convoqué à l’audience, ce qui a été respecté.

Ainsi, la simple information au patient ne constitue pas une obligation de signification au sens du Code civil.

Comment le juge évalue la nécessité de l’hospitalisation complète ?

Le juge doit contrôler la régularité de la mesure d’hospitalisation complète, en vérifiant notamment le bien-fondé des décisions administratives.

Il doit s’assurer que les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés, justifiant la poursuite de l’hospitalisation complète.

Les certificats médicaux doivent attester que l’hospitalisation est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du patient.

Le juge n’a pas à se substituer à l’autorité médicale sur l’évaluation du consentement ou du diagnostic, mais doit s’assurer que les soins sont justifiés.

Quelles sont les voies de recours contre la décision de maintien en hospitalisation complète ?

Conformément aux articles R.3211-18 et suivants du Code de la Santé Publique, la décision de maintien en hospitalisation complète est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel.

L’appel doit être interjeté dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision, devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Rennes.

La déclaration d’appel doit être motivée et transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’Appel, y compris par courriel.

Cette procédure permet aux patients et à leurs représentants légaux de contester les décisions qui affectent leur liberté et leur santé.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE RENNES

SERVICE DES HOSPITALISATIONS
SOUS CONTRAINTE

c
N° RG 25/00804 – N° Portalis DBYC-W-B7J-LNBG
Minute n° 25/96

PROCÉDURE DE SAISINE OBLIGATOIRE
HOSPITALISATION COMPLÈTE

Article L.3211-12-1 et suivants , R.3211-28 et suivants
du Code de la Santé Publique
Loi N° 2011-803 du 5 Juillet 2011
ORDONNANCE DE MAINTIEN
EN HOSPITALISATION COMPLÈTE

Le 31 janvier 2025 ;

Devant Nous, Guy MAGNIER, Vice-Président(e) chargé(e) du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté prévues par le code de la santé publique au Tribunal judiciaire de RENNES,

Assisté(e) de Nicolas DESPRES, Greffier,

Siégeant en audience publique,

DEMANDEUR :

M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [3]

Non comparant, ni représenté

DÉFENDEUR :

Monsieur [I] [L]
né le 21 avril 1975 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]

et actuellement en soins psychiatriques au Centre Hospitalier de [Localité 4]

Présent(e), assisté(e) de Me Clélia ABRAS

PARTIE INTERVENANTE :

L’ATI35
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]

en sa qualité de curateur

En l’absence du Ministère public qui a communiqué ses observations par écrit,

Vu la requête présentée par M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [3], en date du 27 janvier 2025, reçue au greffe le 27 janvier 2025, aux fins de voir statuer sur la poursuite de l’hospitalisation complète ;

Vu les convocations adressées le 29 janvier 2025 à M. [I] [L], à M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [3], et à l’ATI35, curateur ;

Vu l’avis d’audience adressé le 29 janvier 2025 à Mme [O] [F], tiers ;

Vu l’article L.3211-12 du code de la Santé Publique ;

Vu le procès-verbal d’audience en date du 31 janvier 2025 ;

Motifs de la décision

Selon l’article L3212-1 du Code de la Santé Publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
– ses troubles mentaux rendent impossibles son consentement,
– son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète soit d’une surveillance médicale régulière justifiant d’une prise en charge sous une autre forme incluant des soins ambulatoires.

Selon l’article L3211-12-1 du même code, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire préalablement saisi par le directeur de l’établissement n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission. Cette saisine est accompagnée d’un avis motivé rendu par un psychiatre.

Sur la procédure :

– Sur le moyen tiré du défaut de signification au curateur de la décision de maintien en hospitalisation complète

Le conseil de Monsieur [I] [L] indique que la preuve de l’information au curateur de son client de décision d’admission en soins en hospitalisation complète ne figure pas en procédure.

L’article L. 3211-3 du Code de santé publique dispose notamment que :  » En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1.  »

Par ailleurs, l’article 467, alinéa 3, du code civil dispose, s’agissant d’une personne protégée, que :  » A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l’est également au curateur. « .

Il sera observé qu’aucune disposition légale ou réglementaire du code de la santé publique n’exige que les décisions considérées à l’article L. 3211-3, alinéa 3, a) et b), soient notifiées au curateur ou tuteur du patient, étant par ailleurs noté qu’un certain nombre de formalités à l’endroit de la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé sont requises par le Code de la santé publique, et notamment sa convocation à l’audience devant le juge, comme le prévoit l’article R. 3211-13 dudit code, formalité à laquelle il a été satisfait en l’espèce.

D’autre part, la formalité prescrite à l’article L.3211-3 précité consiste en une simple  » information  » de la personne prise en charge et nullement en une  » signification  » au sens de l’article 467, alinéa 3, du code civil.

En conséquence, cette formalité n’est pas soumise à l’exigence de cet article, lequel ne trouve pas à s’appliquer en l’occurrence (en ce sens, Cour d’appel de Rennes, 3 octobre 2023, N°23/00535).

Au surplus, les décisions liées à la santé font d’ailleurs l’objet, en application de l’article L.1111-2 du code de la santé publique, d’une information au curateur ou au tuteur que si le majeur protégé y consent expressément (même arrêt précité).

En tout état de cause qu’à supposer cette formalité non respectée, la preuve de l’atteinte concrète aux droits de la personne hospitalisée, exigée par l’article L.3216-1 du CSP pour induire une mainlevée de la mesure n’est pas rapportée ; qu’en effet, le contrôle systématique du juge judiciaire dans le délai bref et raisonnable de 12 jours permet de s’assurer de la régularité de la situation de la personne et garantir l’effectivité de ses droits ; qu’au surplus, la non-exécution de cette obligation d’information est sans influence sur la légalité de la décision et ne fait pas grief à la personne admise en soins psychiatrique dès lors que celle-ci a la possibilité à tout moment, en vertu de l’article L.3211-12-1 du CSP de saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de main levée immédiate.

Enfin, il est établi que le curateur, bien que convoqué à l’audience de ce jour ne s’est pas présenté, mais a bien eu connaissance de la procédure en cours de soins psychiatriques sans consentement dont Monsieur [I] [L] fait actuellement l’objet.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le fond :

Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien-fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant rechercher si les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour justifier de la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète, laquelle doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du patient et à la mise en œuvre du traitement requis. Cependant, le juge chargé du contrôle de la mesure n’a pas à se substituer à l’autorité médicale, notamment sur l’évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins.

En l’espèce, si l’intéressé estime que la poursuite des soins psychiatriques dans leur forme actuelle n’est pas nécessaire et qu’il souhaite sortir pour retrouver sa famille, force est de constater que l’ensemble des certificats médicaux attestent que l’hospitalisation complète de Monsieur [I] [L] doit se poursuivre nécessairement, suivant le régime des soins sans consentement, notamment les certificats médicaux dits des 24H00 et 72H00 font état respectivement  » la présence sous-jacente des idées délirantes, qui sont moins envahissantes mais qui ne sont pas critiquées, le discours restant très plaqué. On note encore une discordance idéo affective et une absence complète de conscience des troubles. Une sortie prématurée d’hospitalisation serait à risque de mise en danger de lui-même  » et  » Une rupture de soins et de suivi entraînerait un risque de rechute immédiat « . L’avis médical du 27 janvier 2025 fait état d’une  » majoration des éléments délirants, ainsi qu’une tension interne sous-jacente importante, une désorganisation idéo-comportementale franche, et un risque de mise en danger pour lui-même  » et insiste sur le fait  » Une rupture de soins et de suivi entraînerait un risque de rechute immédiat « .

Les trois psychiatres concluent à la nécessité de poursuivre les soins sous le régime de l’hospitalisation complète.

La procédure est régulière et il convient donc de faire droit à la requête du Directeur de l’Etablissement.

PAR CES MOTIFS

Après débat contradictoire, en audience publique, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort :

Autorisons le maintien de la mesure d’hospitalisation complète de M. [I] [L].

Notifions qu’en application des dispositions des articles R.3211-18 et suivants du code de la Santé publique, la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel, interjeté dans un délai de 10 JOURS à compter de sa notification, devant le Premier Président de la Cour d’Appel de RENNES, par une déclaration motivée transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’Appel ou par courriel : [Courriel 5].

LE GREFFIER LE JUGE

Copie transmise par voie électronique au Directeur
de l’établissement
Le 31 janvier 2025
Le greffier,

Copie transmise par voie électronique
à M. [I] [L], par l’intermédiaire du directeur de l’établissement
Le 31 janvier 2025
Le greffier,
Copie de la présente ordonnance a été adressée
au tiers demandeur à l’hospitalisation et au curateur
Le 31 janvier 2025
Le greffier,

Copie transmise par voie électronique à l’avocat de M. [I] [L]
Le 31 janvier 2025
Le greffier,
Copie transmise par voie électronique à M. Le Procureur de la République
Le 31 janvier 2025
Le greffier,


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