Licenciement économique du chargé de production

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Licenciement économique du chargé de production

L’Essentiel : Le licenciement de Mme F X, chargée de production, a été jugé sans cause réelle et sérieuse. La cour a constaté que les difficultés économiques avancées par la société TVO Executive n’étaient pas suffisamment graves pour justifier un licenciement économique. Au moment du licenciement, la société montrait des signes de redressement, rendant ainsi le motif économique inapproprié. En conséquence, la cour a ordonné à la société de verser à Mme X une indemnité de 26 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis de 12 999 euros.

Le licenciement d’une chargée de production pour licenciement économique a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Au jour du licenciement, les pertes modérées de la société TVO Executive ont confirmé la tendance au redressement de la société. Dès lors, la juridiction a considéré que les difficultés économiques avancées comme motif du licenciement n’étaient pas suffisamment sérieuses pour justifier le licenciement pour motif économique de la salariée.

Aux termes des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 25 MARS 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/04469 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WW5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/00875

APPELANTE

SAS TVO EXÉCUTIVE agissant diligences et poursuites en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[…]

[…]

Représentée par Me Charlotte ABATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1289

INTIMEE

Madame F X

[…]

[…]

Représentée par Me Eric MORAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Décembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

— signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2012, Mme F X a été engagée par la SAS TV Only en qualité de chargée de production.

Le 1er mai 2014, la SAS TV Only, la société TVO Executive et Mme X ont signé un contrat à durée indéterminée prévoyant son transfert au sein de la société TVO Executive à compter de cette date en qualité de chargée de production statut cadre moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 333,33 euros.

La société applique la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événement. Elle emploie au moins 11 salariés.

Estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 janvier 2016 afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Par courrier recommandé du 14 octobre 2016, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à licenciement économique fixé le 28 octobre 2016. Le 1er novembre, elle a signé un contrat de sécurisation professionnelle. Son contrat de travail a pris fin le 18 novembre 2016.

Par jugement du 7 décembre 2018 auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a :

— prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ;

— condamné la SAS TV Only Executive à payer à Mme X les sommes suivantes :

* 12 999,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 299,99 euros à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement ;

— rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et a fixé cette moyenne à la somme de 4 333,33 euros ;

* 26 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 25 999,98 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu’au jour du paiement,

* 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Mme X du surplus de ses demandes ;

— débouté la SAS TV Only Executive de sa demande reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens.

La société TVO Executive a régulièrement relevé appel du jugement le 4 avril 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante, transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 27 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société TVO Executive demande à la cour de :

— fixer la rémunération mensuelle moyenne brute de Mme X à 4 333,33 euros ;

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents ;

— réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes pour le surplus ;

— débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause,

— condamner Mme X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée, transmises et notifiées par RPVA le 2 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Mme X demande à la cour de :

— la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;

à titre principal,

— confirmer le jugement entrepris et prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société TVO Executive ;

— confirmer le jugement entrepris et condamner la société TVO Executive à lui verser les sommes suivantes :

* à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 12 999,99 euros,

* à titre de congés payés sur préavis : 1 299,99 euros,

* à titre d’indemnité pour travail dissimulé : 25 999,98 euros,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS TVO Only Executive à lui payer la somme de 26 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société TVO Executive à lui verser la somme de 103 999,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de paiement des heures supplémentaires ;

— condamner la société TVO Executive à lui verser les sommes suivantes :

* à titre de rappel des heures supplémentaires travaillées : 117 377,53 euros,

* à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires travaillées : 11 737,75 euros,

— réparer l’omission de statuer concernant l’indemnité de licenciement lui étant accordée en page 6 du jugement rendu le 7 décembre 2018 et non reprise dans le dispositif et condamner la SAS TVO Executive à lui verser une indemnité de licenciement à hauteur de 3 177 euros à parfaire au jour de l’arrêt ;

à titre subsidiaire,

— requalifier le licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société TVO Executive à lui verser les sommes suivantes :

* à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 103 999,92 euros,

* à titre d’indemnité de licenciement : 3 177 euros, à parfaire au jour du jugement,

* à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 12 999,99 euros,

* à titre de congés payés sur préavis : 1 299,99 euros,

en tout état de cause,

— débouter la société TVO Executive de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société TVO Executive à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société TVO Executive aux entiers dépens ;

— dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 novembre 2020.

MOTIVATION

Sur l’omission de statuer

Mme X, intimée et appelante incidente, fait valoir que le jugement entrepris qui expose dans sa motivation qu’en application de l’article L.1234-9 du code du travail la salariée est bien fondée à obtenir une indemnité de licenciement d’un montant de 3 177 euros a omis de prononcer cette condamnation dans le dispositif du jugement. Elle sollicite en application des dispositions de l’article 463 du code de procédure civile, la réparation de cette omission de statuer.

La société TVO Exécutive ne répond à la demande en omission de statuer et conclut sur le fond de la demande.

La cour constate que les premiers juges ont omis de statuer sur cette demande.

Sur les heures supplémentaires

Mme X soutient avoir accompli des heures supplémentaires à compter du 10 janvier 2012 au bénéfice de la société TV Only puis après le transfert de son contrat de travail le 1er mai 2014 et jusqu’au mois de décembre 2015 au bénéfice de la société TVO Executive pour un montant total de salaire de 111 377,5275 euros selon le tableau produit par la salariée et de 117 377,53 euros aux termes de ses écritures. Elle sollicite également une indemnité au titre du travail dissimulé.

La société TVO Executive s’oppose à cette demande en faisant valoir que le transfert du contrat de travail de Mme X portait exclusivement sur la reprise d’ancienneté et la reprise du solde de congés payés en cours et qu’elle ne peut donc être tenue pour une autre cause avant la date du transfert au 1er mai 2014. Elle soutient qu’elle n’a jamais sollicité même implicitement de Mme X de travailler en heures supplémentaires et que la salariée ne produit aucun élément précis de nature à étayer sa demande et qu’elle doit donc être déboutée de sa demande.

Il a été décidé du transfert volontaire du contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er octobre 2012 entre Mme F X et la société TV Only à sa filiale la société TVO Exécutive par un contrat signé le 1er mai 2014 mentionnant la présence au contrat des trois parties. Le contrat prévoit une reprise d’ancienneté au 1er mai 2014 et à cette date la fin du contrat de travail initial entre Mme X et la société TV Only avec la remise d’un solde de tout compte hors droit aux congés payés acquis au 1er mai 2014 qui sont transférés à la société TVO Executive.

Ce contrat prévoit le transfert du contrat de travail de Mme X dans un cadre contractuel en dehors du cadre légal fixé aux articles L.1224-1 et L. 1224-2 du code du travail et il y est précisé que ‘ (…) le présent contrat reflète, à compter de sa date d’effet et pour l’avenir, l’intégralité de l’accord intervenu entre les parties sur les nouvelles conditions de leur relation contractuelle, et annule et remplace tous accords et/ou engagements, écrits ou verbaux, intervenus antérieurement.(…)’. Les parties ont prévu au contrat la remise par la société TV Only d’un solde de tout compte et la reprise d’ancienneté et des jours de congés payés acquis par la société TVO Executive sans rien préciser sur les autres obligations issues du contrat de travail.

Aux termes de l’article 1188 du code civil, le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. Aux termes de l’article 1189 du code civil, toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci.

La commune intention des parties – telle qu’elle est révélée par les termes du contrat, par l’ensemble de ces clauses et par la cohérence de l’acte – visait un transfert limité des obligations de la société mère portant sur l’ancienneté et les congés payés déjà acquis au 10 mai 2012 vers sa filiale.

Il convient en conséquence de retenir que la société TVO Executive ne peut pas être tenue au paiement d’heures supplémentaires à compter du 10 janvier 2012 et que ses obligations à ce titre ont débuté au 1er mai 2014.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le contrat de travail du 1er octobre 2012 de chargée de production, au salaire mensuel de 2 000 euros, prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 35 heures effectuées selon l’horaire en vigueur dans l’entreprise tandis que le contrat de travail du 1er mai 2014 de chargée de production au statut cadre, au salaire mensuel de 4 333,33 euros, prévoit une durée hebdomadaire de 35 heures et que la salariée sera soumise à l’horaire collectif de la société de 37 heures par semaine compensé par 11 jours de repos au titre de la réduction du temps de travail.

Sur la base de ces deux contrats de travail aux conditions distinctes sur la durée du temps de travail, Mme X produit un tableau démarrant au 1er octobre 2012 avec pour chaque semaine un total d’heures travaillées puis deux colonnes selon le taux de 25 ou 50 % et une dernière colonne avec le montant à percevoir au titre de la semaine.

Mme X produit également un ensemble de mails bruts qu’elle commente pour quelques uns soit pour un échange de mails du 14 mai 2014 lorsqu’elle est sollicitée à 23 heures pour une visio conférence, un échange du 28 octobre 2014 avec un mail reçu à 23h40 et auquel elle a répondu à 00h32 ainsi qu’un mail reçu le 29 octobre 2014 à 6h40 et un envoi d’un mail le 19 février 2015 à 22h44. Elle fait également valoir que le 26 mars 2015 alors qu’elle était en congé maternité elle a échangé des mails avec ses collègues au sujet d’un futur travail.

La salariée produit également plusieurs attestations dont celle de son compagnon et de son ex-époux qui attestent tous deux de l’engagement professionnel de Mme X au cours des soirs et des week ends pendant leur vie commune. M. Y, M Z, Mme A, Mme B, Mme C, Mme D et Mme E attestent soit de leurs difficultés de paiement avec la société TV executive, soit des qualités professionnelles et humaines de la salariée et du fait qu’elle travaillait les soirs et les fins de semaine.

Mme X produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société TVO Executive fait valoir que le tableau ne précise ni les horaires ni les heures récupérées à compter du 1er mai 2014, elle fait aussi valoir que ce tableau comporte des invraisemblances sur certaines semaines quant aux horaires effectués ou des incohérences au regard de l’emploi du temps de la salariée et enfin elle soutient que les heures mentionnées ne correspondent pas à la durée de travail effectif de la salariée. La société TVO executive fait encore valoir s’agissant des courriels produits qu’il s’agit soit de courriels adressés par la salariée de sa propre initiative pendant son congé maternité soit de courriels tardifs.

Au vu de l’ensemble de ces éléments et après examen des pièces produites par l’une et l’autre des parties, il n’est pas établi l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées.

Mme X est déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi qu’au titre de l’indemnité de congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité au titre du travail dissimulé

Mme X sollicite la condamnation de la société TVO exécutive à lui payer une indemnité d’un montant de 25 999,98 euros au titre du travail dissimulé.

La société TVO Executive s’y oppose en l’absence d’heures supplémentaires travaillées et non mentionnées aux bulletins de salaire.

Aux termes des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail, la condamnation de l’employeur à une indemnité au titre du travail dissimulé suppose qu’il a intentionnellement soumis le salarié à un travail non déclaré.

L’existence d’heures supplémentaires n’étant pas retenue, il n’est pas établi que la société TVO Executive a intentionnellement dissimulé des heures de travail. Mme X est déboutée de sa demande à ce titre. Le jugement de première instance est infirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Mme X fait valoir que les heures supplémentaires qu’elle a dû effectuer et qui ne lui ont pas été payées ainsi que le fait qu’elle ait dû travailler pendant son congé maternité caractérisent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la société TVO Executive.

La société TVO Executive fait valoir qu’elle est devenue l’employeur de Mme X à compter du 1er mai 2014 et qu’au cours des vingt et un mois de la relation contractuelle jusqu’à la saisine du conseil de prud’hommes le 28 janvier 2016 la salariée n’a jamais sollicité le paiement d’heures supplémentaires non rémunérées. Elle ajoute qu’en tout état de cause, le défaut de paiement d’heures supplémentaires ne justifie pas la rupture d’un contrat de travail.

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire d’un contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l’article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, il doit fixer la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.

En l’espèce, la cour n’a pas retenu l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées. En outre, il n’est pas établi par l’intervention ponctuelle de la salariée à son initiative pendant son congé maternité le fait qu’au cours de cette période elle ait dû travailler. Dès lors la demande de résiliation judiciaire est infondée et Mme X est déboutée de cette demande. La décision des premiers juges sera infirmée de ce chef.

Sur le licenciement économique

Mme X soutient que la société TVO Executive n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail en ne précisant pas les difficultés économiques auxquelles elle faisait mention dans ses courriers des 21 juillet et 20 août 2016 et en n’apportant pas la preuve matérielle de ces difficultés.

Elle ajoute qu’aux termes des conditions posées à l’article L. 1233-5 du code du travail, la société TVO Executive devait énoncer le motif économique du licenciement dans tout document remis ou adressé au salarié au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle et qu’à défaut pour l’employeur d’avoir respecté cette obligation, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

La société TVO Executive fait valoir que le motif du licenciement économique est très clairement

énoncé dans la lettre du 28 octobre 2016 soit avant l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle intervenue le 1er novembre 2016. Elle soutient que le courrier du 28 octobre 2016 expose les difficultés économiques rencontrées et qu’elle en justifie.

Ce courrier est rédigé dans les termes suivants :

‘Nous t’avons informé ce jour que nous envisageons de rompre ton contrat pour le motif économique suivant :

Notre société fait face depuis le début 1’année 2015 à d’importantes difficultés tenant à un contexte économique et un environnement concurrentiel dégradé dans le secteur de la production audiovisuelle et cinématographique.

Au 30 juin 2015, les comptes de 1’entreprise présentaient un résultat d’exploitation déficitaire de – 256.937 Euros. Ainsi, à cette date, le total de nos produits d’exploitation s’élevait à 1.407.676 Euros tandis que nos charges d’exp1oitations s’é1evaient à 1.664.613 Euros.

Force est de constater que nous n’avons pas réussi à endiguer la progression constante de l’activité déficitaire de notre société puisque les comptes provisoires établis par notre comptable au 30 juin 2016 montre que ce déficit n’a pu être résorbé et s’est même, poursuivi, puisqu’i1 est désormais de – 125.052 Euros (chiffre non définitif).

En outre, notre chiffre d’affaires qui était de 1.407.676 Euros au 30 juin 2015 a considérablement chuté de près de 33 % pour atteindre 938.113 Euros au 30 juin 2016.

Ces mauvais résultats ont pour conséquence de placer notre trésorerie dans une extrême fragilité puisqu’en moins de trois ans d’activité, les capitaux propres sont passés de 3.593 Euros au 30 juin 2014 à – 387.743 Euros (chiffre non définitif) au 30 juin 2016.

En raison de cette situation catastrophique, et dans un contexte de crise économique qui n’épargne pas le secteur de la production audiovisuelle et cinématographique, aucune perspective de retour à meilleur fortune, n’est à envisager.

C’est dans ce cadre qu’a été envisagée la restructuration de l’entreprise par la suppression de ton poste de chargée de production dans le seul but de pouvoir maintenir l’existence et la survie de l’entreprise.

Nous recherchons par ailleurs toutes les possibilités de reclassement au sein de la société mais également de notre société mère TV ONLY.

Le 28 octobre 2016, nous t’avons proposé le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle. Dans ce cadre, il t’a été remis une documentation d’information établie par Pôle emploi ainsi qu’un dossier d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Il t’a également été indiqué que tu disposais à cet effet d’un délai de réflexion de 21 jours pour faire ton choix. Ce délai court à compter du 29 octobre 2016 et expirera le 18 novembre 2016 à 24h.

Nous t’informons qu’en cas d’adhésion à ce contrat de sécurisation professionnelle :

– Ton contrat de travail sera rompu à l’issue de ce délai de réflexion (même si ton acceptation intervient avant la fin de ce délai) aux conditions qui figurent dans le document d’information qui t’a été remis ;

– Tu n’auras pas à effectuer de préavis ;

– Tu bénéficieras d’une priorité de réembauchage durant un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail à condition que tu nous informe par courrier, de ton souhait d’en user. Dans cette hypothèse, nous t’informerons de tout emploi devenu disponible, compatible avec ta qualification actuelle ou toute nouvelle qualification que tu aurais acquise postérieurement à la rupture de ton contrat de travail et dont tu nous auras informés ;

– Tu disposeras de 12 mois, à compter de l’expiration de ton délai de réflexion, pour contester la rupture de ton contrat de travail si tu le souhaites.

Nous te prions d’agréer, H I, 1’expression de nos salutations distinguées.’

Aux termes des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

En l’espèce, l’avis d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice fiscal juillet 2014-juin 2015 fait apparaître un total de salaires et traitement en 2014 de 74 325 euros s’élevant en 2015 à 526 371 euros et un résultat d’exploitation bénéficiaire de 838 euros la première année et un résultat déficitaire de 256 937 euros la deuxième année. Par ailleurs le bilan de la société TVO Executive au 30 juin 2016 indique au 30 juin 2015 un résultat d’exploitation négatif de 256 937 euros ramené à 145 693 euros au 30 juin 2016.

Au jour du licenciement, les pertes modérées de la société TVO Executive ont confirmé la tendance au redressement de la société. Dès lors, la cour retient que les difficultés économiques avancées comme motif du licenciement ne sont pas suffisamment sérieuses pour justifier le licenciement pour motif économique de Mme X.

En conséquence, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes liées à la rupture

Mme X sollicite une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à 24 mois de salaire au motif qu’elle est demeurée trois ans sans activité. Elle sollicite également une indemnité de licenciement ainsi qu’une indemnité d’indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de congés payés afférents.

La société TVO Executive s’oppose à ces demandes et fait valoir au sujet de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que :

— la salariée avait 4 ans d’ancienneté ;

— elle produit des justificatifs uniquement sur les années 2016 et 2017 au cours desquelles elle a bénéficié du contrat de sécurisation professionnelle ;

— elle est la fondatrice et la productrice de la société ordinary lights qui emploie 11 salariés ;

— elle est employée par Youtube et Vogue.

Elle soutient s’agissant de l’indemnité de licenciement qu’elle a déjà versé le montant conventionnel de 5 707 euros en novembre 2016 et que la salariée a été remplie de ses droits et s’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de congés payés afférents, elle rappelle qu’elle a déjà versé l’équivalent du préavis à Pôle emploi et qu’elle n’est donc pas redevable de cette somme.

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail applicable, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l’espèce, au regard de l’âge de la salariée de 32 ans, de son ancienneté de quatre ans, de sa qualification de cadre et des pièces qu’elle produit sur sa situation postérieure au licenciement soit les avis d’imposition 2017 et 2018 avec un revenu annuel de 36 535 euros, il convient de lui allouer une indemnité d’un montant de 26 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le défaut de cause réelle et sérieuse remet en cause la rupture et ses conditions et dès lors il convient de faire droit à la demande d’indemnité compensatrice de préavis. En application des dispositions de l’article 4.3.1 de la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événement, il convient de condamner la société TVO Executive au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire soit la somme de 12 999 euros et d’une indemnité de 1 299,99 euros d’indemnité de congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme X a perçu la somme de 5 707 euros d’indemnité de licenciement et elle a donc été remplie de ses droits au titre de l’indemnité conventionnelle aux termes de l’article 4.3.1 de la convention susdite. Mme X est déboutée de cette demande.

Sur le remboursement des prestations chômage à Pôle Emploi

Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner à la société TVO Executive de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme X du jour du licenciement au jour de la décision dans la limite de 1 mois d’indemnité.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société TVO Executive sera condamnée au paiement des dépens exposés en cause d’appel. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à sa charge.

La société TVO Executive sera condamnée à payer à Mme X la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et la société sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

Sur le cours des intérêts

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil, la créance au titre des frais irrépétibles produit intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et en ce qu’il a condamné la société TVO Executive au paiement d’une indemnité au titre du travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT le licenciement de Mme F X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme F X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y ajoutant

DÉBOUTE Mme F X de sa demande au titre de l’indemnité de licenciement,

ORDONNE à la société TVO Executive de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme F X du jour du licenciement au jour de la décision dans la limite de 1 mois d’indemnité,

CONDAMNE la société TVO Executive à payer à Mme F X une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société TVO Executive aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quel a été le motif du licenciement de Mme X et comment a-t-il été jugé par la cour ?

Le licenciement de Mme X, chargée de production chez TVO Executive, a été justifié par la société par des motifs économiques. Cependant, la cour a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Au moment du licenciement, les pertes de la société étaient modérées et indiquaient une tendance au redressement. La cour a donc conclu que les difficultés économiques avancées par l’employeur n’étaient pas suffisamment sérieuses pour justifier un licenciement économique.

Cela signifie que la cour a considéré que le licenciement n’était pas fondé sur des raisons valables selon les critères établis par le Code du travail français, notamment les articles L. 1233-3 et L. 1233-4, qui définissent les conditions d’un licenciement pour motif économique.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de licenciement économique ?

Selon le Code du travail, un licenciement pour motif économique ne peut être effectué que si l’employeur a épuisé toutes les possibilités de formation et d’adaptation pour le salarié concerné.

De plus, l’employeur doit prouver que le reclassement du salarié n’est pas possible sur les emplois disponibles, que ce soit dans l’entreprise ou dans d’autres entreprises du groupe. Cela implique que l’employeur doit démontrer qu’il a exploré toutes les options avant de procéder à un licenciement.

Dans le cas de Mme X, la cour a constaté que la société TVO Executive n’avait pas respecté ces obligations, ce qui a contribué à la décision de juger le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Quels types d’indemnités Mme X a-t-elle demandés et quelles ont été les décisions de la cour à ce sujet ?

Mme X a demandé plusieurs types d’indemnités, notamment une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents.

La cour a accordé à Mme X une indemnité de 26 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tenant compte de son ancienneté et de sa situation financière après le licenciement.

Elle a également confirmé le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de 12 999 euros et d’une indemnité de congés payés de 1 299,99 euros. En revanche, la cour a débouté Mme X de sa demande d’indemnité de licenciement, considérant qu’elle avait déjà été remplie de ses droits à ce titre.

Quelles étaient les circonstances entourant le licenciement de Mme X ?

Mme X a été engagée par la société TV Only en 2012 et a ensuite été transférée à la société TVO Executive en 2014. Elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement économique en octobre 2016, et son contrat a pris fin le 18 novembre 2016.

Avant cela, elle avait saisi le conseil de prud’hommes en janvier 2016 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur, estimant ne pas être remplie de ses droits.

Le licenciement a été justifié par la société par des difficultés économiques, mais la cour a jugé que ces difficultés n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail de Mme X.

Comment la cour a-t-elle évalué les preuves fournies par Mme X concernant ses heures supplémentaires ?

Mme X a soutenu avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées depuis 2012, mais la cour a jugé que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes.

Elle a produit un tableau des heures travaillées et des courriels pour étayer sa demande, mais la cour a noté que ces éléments manquaient de précision.

La société TVO Executive a contesté ces preuves, arguant qu’elles ne correspondaient pas à la réalité de la durée de travail de Mme X. En conséquence, la cour a décidé qu’il n’était pas établi qu’il y avait eu des heures supplémentaires non rémunérées, et Mme X a été déboutée de sa demande à ce sujet.

Quelles ont été les conséquences financières pour la société TVO Executive suite à cette décision ?

Suite à la décision de la cour, la société TVO Executive a été condamnée à verser plusieurs indemnités à Mme X, totalisant des montants significatifs.

Elle a été condamnée à payer 26 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis de 12 999 euros et des congés payés afférents de 1 299,99 euros.

De plus, la société a été ordonnée de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme X, et elle a également été condamnée à payer 2 000 euros pour les frais irrépétibles liés à la procédure d’appel.

Ces décisions ont des implications financières importantes pour la société, qui doit assumer les coûts liés à un licenciement jugé injustifié.


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