Indemnité d’éviction et conditions de renouvellement d’un bail commercial : enjeux et implications.

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Indemnité d’éviction et conditions de renouvellement d’un bail commercial : enjeux et implications.

L’Essentiel : Le 9 septembre 1997, un bail commercial a été signé entre les consorts [N] et la société CARROSSERIE PIROUD pour un bâtiment dédié à la réparation de véhicules. Après cession du fonds de commerce à JFB AUTOS en 2003 et renouvellement du bail en 2009, une mise en demeure a été adressée en décembre 2017, entraînant un congé sans indemnité d’éviction. En mars 2019, JFB AUTOS a assigné les consorts [N] en justice, demandant une expertise sur les indemnités. Le tribunal a finalement statué en faveur de JFB AUTOS, lui accordant une indemnité d’éviction de 226 774 euros.

Contexte du Bail Commercial

Un bail commercial a été signé le 9 septembre 1997 entre les consorts [N] et la société CARROSSERIE PIROUD pour un bâtiment situé à [Localité 9], destiné à la réparation de véhicules. Ce bail était valable pour une période de neuf ans, prenant effet le 1er novembre 1997 et se terminant le 31 octobre 2006.

Cession du Fonds de Commerce

Le 5 février 2003, la société CARROSSERIE PIROUD a cédé son fonds de commerce à la société JFB AUTOS. Un renouvellement du bail a été effectué le 23 novembre 2009, prolongeant la durée jusqu’au 30 juin 2018.

Mise en Demeure et Congé

Le 29 décembre 2017, les consorts [N] ont délivré à la société JFB AUTOS une mise en demeure d’exploiter le fonds de commerce, accompagnée d’un congé sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction, effectif au 30 juin 2018. Une mise en demeure similaire a été adressée à Maître [I] la veille.

Assignation en Justice

Le 22 mars 2019, la société JFB AUTOS a assigné les consorts [N] devant le tribunal de grande instance de Lyon, demandant une expertise sur les indemnités d’éviction et d’occupation, ainsi que la reconnaissance de la validité de ses demandes.

Rapport d’Expertise

Le rapport d’expertise a été rendu le 28 février 2020, et les conclusions de la société JFB AUTOS ont été notifiées le 13 septembre 2023, demandant le déboutement des consorts [N] et la reconnaissance de ses droits à une indemnité d’éviction.

Arguments des Consorts [N]

Dans leurs conclusions du 8 mars 2023, les consorts [N] ont soutenu que les motifs invoqués justifiaient le congé sans indemnité d’éviction, demandant également l’expulsion de la société JFB AUTOS et la fixation d’une indemnité d’occupation.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué en faveur de la société JFB AUTOS, lui accordant une indemnité d’éviction de 226 774 euros, ainsi que des frais de licenciement de 16 050 euros. Les consorts [N] ont été déboutés de leurs demandes d’indemnité d’éviction de déplacement et d’expulsion.

Indemnité d’Occupation

L’indemnité d’occupation a été fixée à 2107,25 euros HT/HC par mois, à compter du 30 juin 2018, jusqu’à la restitution des lieux.

Dépens et Exécution Provisoire

Les consorts [N] ont été condamnés aux dépens, y compris les frais d’expertise, et à verser 3000 euros à la société JFB AUTOS au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principe de l’indemnité d’éviction selon le Code de commerce ?

L’article L.145-14 du Code de commerce énonce que :

« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Ainsi, le principe de l’indemnité d’éviction repose sur la nécessité de compenser le préjudice subi par le locataire évincé en raison du non-renouvellement de son bail commercial.

Il est important de noter que cette indemnité est calculée en fonction de la valeur marchande du fonds de commerce, ainsi que des frais associés à la cessation de l’activité.

Quelles sont les exceptions au paiement de l’indemnité d’éviction ?

L’article L.145-17 du Code de commerce prévoit que :

« I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité :

1° S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser.

Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;

2° S’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état. »

Ainsi, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans indemnité d’éviction s’il justifie d’un motif grave et légitime, ou si l’immeuble est en état d’insalubrité.

Il est essentiel que le bailleur respecte les conditions de mise en demeure pour invoquer l’inexécution d’une obligation par le locataire.

Comment la mise en demeure doit-elle être effectuée selon le Code de commerce ?

L’article L.145-17, I, 1° du Code de commerce stipule que :

« L’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser.

Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa. »

Cela signifie que la mise en demeure doit être faite par acte extrajudiciaire, et elle doit clairement indiquer le motif de l’infraction.

Si ces conditions ne sont pas respectées, le bailleur ne pourra pas se prévaloir de l’inexécution d’une obligation pour justifier le refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction.

Quels sont les éléments constitutifs de l’indemnité d’éviction ?

L’article L.145-14 du Code de commerce précise que l’indemnité d’éviction comprend :

« La valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Les éléments constitutifs de l’indemnité d’éviction incluent donc :

1. La valeur marchande du fonds de commerce.
2. Les frais normaux de déménagement et de réinstallation.
3. Les frais et droits de mutation.

Ces éléments doivent être évalués pour déterminer le montant total de l’indemnité d’éviction due au locataire évincé.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’indemnité d’éviction pour le locataire ?

L’article L.145-28, alinéa 1er, du Code de commerce stipule que :

« Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. »

Cela signifie que tant que le locataire n’a pas reçu l’indemnité d’éviction, il a le droit de rester dans les lieux.

Cette disposition protège le locataire en lui garantissant un maintien dans les lieux jusqu’à ce qu’il soit indemnisé, ce qui souligne l’importance de l’indemnité d’éviction dans le cadre des baux commerciaux.

En conséquence, l’absence de paiement de cette indemnité empêche le bailleur d’expulser le locataire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 19/02732 – N° Portalis DB2H-W-B7D-TZLI

Jugement du 21 novembre 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES – 2167
Maître Laurent BURGY de la SELARL LINK ASSOCIES – 1748

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 21 novembre 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 18 septembre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 15 février 2024 devant :

François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Patricia BRUNON, Greffier présent lors de l’audience de plaidoirie, et Jessica BOSCO BUFFART, Greffier présent lors du prononcé,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.S. JFB AUTOS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Laurent BURGY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

Monsieur [R] [N]
né le 29 janvier 1956 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Madame [C] [Z] [E] [N] épouse [S]
née le 23 novembre 1959 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 6]

représentée par Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Madame [T] [Y] [B] [N] épouse [P]
née le 31 juillet 1961 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Suivant un bail commercial passé par acte authentique en date du 9 septembre 1997, reçu par Maître [U] [F] notaire à [Localité 11], Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] ont loué à la société CARROSSERIE PIROUD un bâtiment sis [Adresse 3] à [Localité 9] avec pour destination le commerce de réparation de véhicules automobiles. Le bail a été conclu pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 1997 jusqu’au 31 octobre 2006.

Le 5 février 2003, la société CARROSSERIE PIROUD a cédé son fonds de commerce à la société JFB AUTOS.

Par acte authentique du 23 novembre 2009 reçu par Maître [R] [I] notaire à [Localité 7], le bail commercial a été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2009 jusqu’au 30 juin 2018.

Par deux actes d’huissier de justice du 29 décembre 2017, les consorts [N] ont délivré à la société JFB AUTOS une mise en demeure d’avoir à exploiter le fonds de commerce et un congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction avec effet au 30 juin 2018.

Les consorts [N] avaient également délivré cette mise en demeure et ce congé à Maître [I], aussi par deux actes d’huissier, un jour auparavant, le 28 décembre 2017.

Par actes d’huissier en date du 22 mars 2019, la société JFB AUTOS a assigné les consorts [N] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon afin qu’une expertise portant sur les indemnités d’éviction et d’occupation soit ordonnée.

Par actes d’huissier du même jour, la société JFB AUTOS a assigné les mêmes devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :
dire et juger la société JFB AUTOS recevable et bien fondée en ses demandes ; dire que le motif invoqué par les consorts [N] ne justifie pas le non-paiement de l’indemnité d’éviction due au preneur ; condamner les consorts [N] au paiement d’une indemnité d’éviction ; ordonner le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ; condamner les consorts [N] à verser à la société JFB AUTOS la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ; condamner les consorts [N] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Laurent BURGY (SELAS LLC), Avocat, sur son affirmation de droit. Par ordonnance du 2 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a fait droit à l’expertise sollicitée par la société JFB AUTOS et a désigné pour y procéder Monsieur [G] [O].

Le rapport d’expertise a été rendu le 28 février 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 septembre 2023, la société JFB AUTOS demande au tribunal de :
débouter les consorts [N] de l’intégralité de leurs demandes, moyens et conclusions ; juger la société JFB AUTOS recevable et bien fondée en ses demandes ; juger que le congé avec refus de renouvellement sans offre de payer une indemnité d’éviction signifié le 29 décembre 2017 au preneur ne fait pas référence à la lettre de mise en demeure du même jour ; juger que l’exploitation du local commercial par la société JFB AUTOS est effective et normale ; juger que le local exploité par la société JFB AUTOS est ouvert à la clientèle ; juger que le local est parfaitement exploitable en l’état par la société JFB AUTOS ; juger que les motifs invoqués par les consorts [N] dans le congé avec refus de renouvellement sans offre de payer une indemnité d’éviction signifié le 29 décembre 2017 au preneur sont mal fondés et ne justifient pas le non-paiement de l’indemnité d’éviction due au preneur ; juger que les consorts [N] sont redevables envers la société JFB AUTOS d’une indemnité d’éviction correspondant au préjudice subi par le preneur au titre de la perte de son fonds de commerce ; condamner les consorts [N] à payer à la société JFB AUTOS la somme totale de 358 697,72 euros au titre des indemnités d’éviction et accessoires, à savoir : indemnité d’éviction principale : 255 753 euros ; trouble commercial : 17 761 euros ; indemnité de remploi : 33 248 euros ; perte sur stock : 8526 euros ; déménagement ou réinstallation : 23 859,72 euros ; frais de licenciement du personnel : 16 050 euros ; frais divers de transfert : 3500 euros ; condamner les consorts [N] à payer à la société JFB AUTOS la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner les consorts [N] aux dépens, comprenant le coût de l’expertise judiciaire, avec distraction au profit de Maître Laurent BURGY (SELARL LINK), Avocat, sur son affirmation de droit.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 mars 2023, les consorts [N] demandent au tribunal de :
à titre principal : dire et juger que les motifs invoqués par les consorts [N] justifient le congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif légitime en date du 29 décembre 2017 signifié à la société JFB AUTOS pour le terme du 30 juin 2018 ; débouter la société JFB AUTOS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; constater l’acquisition du congé au 30 juin 2018 ; ordonner l’expulsion immédiate, pure et simple de la société JFB AUTOS ainsi que de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique, suivant les dispositions des articles L.411-1 et R.153-1 du code des procédures civiles d’exécution ; à titre subsidiaire, fixer le montant de l’indemnité d’éviction de transfert à la somme de 20 746 euros ; à titre infiniment subsidiaire, fixer le montant de l’indemnité d’éviction de remplacement à la somme de 148 622,60 euros TTC ; en tout état de cause : fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société JFB AUTOS, à compter du 30 mai 2018, à la somme de 2107,25 euros HT/HC par mois, et jusqu’à la libération définitive des lieux, déduction faite des loyers qui auront été versés à ce jour ; condamner la société JFB AUTOS à payer aux consorts [N] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, y compris les frais de commandement, de dénonce de ce dernier et de signification de l’assignation ; ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par ordonnance du 18 septembre 2023, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 15 février 2024 et mise en délibéré au 23 mai 2024. Le délibéré a été prorogé au 22 août 2024, puis au 31 octobre 2024, puis au 21 novembre 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indemnité d’éviction

Sur le principe de l’indemnité d’éviction

L’article L.145-14 du code de commerce énonce :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

L’article L.145-17 du même code prévoit :
« I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité :
1° S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;
2° S’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.
II.-En cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant droit d’un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a droit de priorité pour louer dans l’immeuble reconstruit, sous les conditions prévues par les articles L. 145-19 et L. 145-20. »

La mise en demeure
Il est de jurisprudence constante que la mise en demeure prévue à l’article L.145-17, I, 1°, précité peut être faite par le même acte que le congé de refus de renouvellement du bail et d’une indemnité d’éviction ou bien par un acte concomitant à celui de congé.

C’est donc valablement que les consorts [N] ont délivré concomitamment le 29 décembre 2017 la mise en demeure d’avoir à exploiter et le congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction.

Il importe par ailleurs peu que la mise en demeure ne soit pas mentionnée dans le congé dès lors que les griefs reprochés à la société JFB AUTOS sont énoncés clairement dans les deux et que ceux inscrits dans le congé sont les mêmes que ceux énumérés dans la mise en demeure, le congé apportant simplement, au sujet de l’impossibilité d’occuper le local sans danger, une précision supplémentaire par rapport à la mise en demeure sur ce à quoi correspond cette impossibilité d’occupation sans danger, à savoir que le congé indique qu’« il a été constaté que la toiture en fibro ciment du local loué présente une fragilité particulièrement importante en plus de la présence d’amiante ».

Le moyen soulevé à cet égard par la société JFB AUTOS doit donc être écarté.

Les motifs invoqués du refus d’une indemnité d’éviction
Il convient d’examiner les motifs dont se prévalent les consorts [N] pour fonder leur refus d’une indemnité d’éviction.

En premier lieu, les défendeurs soutiennent qu’il y a une absence d’exploitation du local commercial pour plusieurs raisons qui seront étudiées ci-dessous.

Sur le transfert du fonds de commerce et le fait que le siège social du preneur n’est plus dans le local commercial, d’une part, s’agissant du transfert, les consorts [N] se contentent d’alléguer de l’existence de ce transfert sans l’étayer. Tandis que, de son côté, la société JFB AUTOS produit un extrait du répertoire SIRENE daté du 2 janvier 2018 mentionnant l’établissement sis [Adresse 3] à [Localité 9] comme actif au répertoire SIRENE depuis le 7 novembre 2002, un avis d’impôt de 2017 montrant que la société JFB AUTOS assumait la cotisation financière des entreprises pour le local commercial situé [Adresse 3] l’année où la mise en demeure et le congé ont été délivrés, et un extrait du RCS daté du 19 novembre 2019 duquel il ressort qu’il y a trois établissements distincts pour la société JFB AUTOS, l’établissement principal situé [Adresse 4], l’établissement secondaire sis [Adresse 3] et l’autre établissement secondaire se trouvant [Adresse 5], avec également des noms commerciaux différents pour l’établissement du [Adresse 4] et celui du [Adresse 3], CARROSSERIE DE LA PART DIEU pour le premier et CARROSSERIE MICHEL PIROUD pour le second.
D’autre part, concernant le fait que le siège social de la société JFB AUTOS ne se situe plus au [Adresse 3], les consorts [N] ne peuvent valablement invoquer ce moyen dès lors que, dans l’acte de renouvellement du 23 novembre 2009, il est expressément mentionné que le siège social du preneur est au [Adresse 4] à [Localité 9], et que les bailleurs savaient donc déjà au moment du renouvellement du bail que ce siège social ne se trouvait pas à la même adresse que celle du local commercial loué. Il est donc difficile d’arguer ensuite du fait que le preneur n’aurait plus eu son siège social dans le fonds loué. Également, il n’y a aucune stipulation dans le bail commercial imposant à la société JFB AUTOS de fixer son siège social au [Adresse 3], et encore faudrait-il, dans l’hypothèse où il serait envisagé d’insérer une telle clause, parvenir à justifier de soumettre une société à une telle contrainte au regard des droits et libertés qui sont les siennes. Enfin, une société peut tout à fait avoir son siège social dans un endroit distinct des lieux dans lesquels elle exploite ses fonds de commerce.

Il est par ailleurs à relever que l’expert judicaire évoque dans son rapport, et donc après avoir étudié le local commercial et l’activité qui y est exploitée, une exploitation tout à fait normale dudit local commercial, ce qui va à l’encontre d’une quelconque cessation d’activité au [Adresse 3].

La pièce 46 de la demanderesse relative à des missions confiées par les assureurs à la société JFB AUTOS au cours des années 2022 et 2023 va aussi à l’encontre d’une telle cessation puisque le local commercial désigné pour l’examen et la réparation est celui sis [Adresse 3] (à l’exception d’une fois pour une mission en avril 2022 où le lieu de réparation était le [Adresse 4], mais le lieu d’examen demeurait le [Adresse 3]).

Ainsi, les moyens tirés du transfert du fonds de commerce et de l’absence de siège social au [Adresse 3] ne peuvent qu’être écartés.

Sur le fait que les lieux du [Adresse 3] ne constituerait qu’un local non indispensable à l’exploitation et serviraient au mieux à stocker du matériel, il est à souligner qu’il ne saurait découler du fait que le preneur dispose déjà de deux établissements dans lesquels sont exercés la même activité que le troisième ne serait partant nécessairement pas indispensable à l’exploitation et qu’il ne serait utilisé au mieux que comme lieu de stockage.
A propos du constat dans lequel il est relevé par l’huissier deux fermetures des locaux au mois de mai 2021, il ne peut être tiré de l’existence de fermetures au cours d’un mois que le local ne serait en réalité pas indispensable à l’exploitation et ne serait plus exploité.

Également, il convient de signaler à nouveau que l’expert judicaire mentionne une exploitation normale du local commercial et que, suivant la pièce 46 de la demanderesse, des missions confiées par les assureurs à la société JFB AUTOS en 2022 et 2023 avaient pour lieu de réalisation le [Adresse 3].

Ce moyen des défendeurs tiré du fait que le local commercial ne serait pas indispensable à l’exploitation ne peut donc prospérer.

Sur le fait que le seul salarié présent sur le site n’y interviendrait en réalité que ponctuellement, il est d’abord à indiquer qu’il est de jurisprudence constante que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a une valeur simplement informative, à moins qu’il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence puisqu’il est indiqué tant dans le CDD que le CDI qui a suivi (pièces 19 et 34 demanderesse) de Monsieur [A] [D] qu’il « est rattaché au siège social de l’entreprise, sis à [Adresse 4] » et qu’il « pourra toutefois intervenir à l’adresse de l’établissement secondaire ; à savoir Carrosserie PIROUD – [Adresse 12] à [Localité 9] en fonction des besoins de l’entreprise ». Il en résulte qu’il ne peut être déduit de cette mention que le lieu effectif de réalisation de son travail serait le site du [Adresse 4].
Ensuite, il est relevé par l’expert judiciaire, qui n’a pu mettre en exergue cet aspect qu’après un examen du local commercial et de l’exploitation, que la carrosserie du [Adresse 3] « emploie une personne à temps complet ainsi qu’un apprenti ».

En conséquence, et sans qu’il soit besoin de se pencher plus avant, au vu de ce qui vient d’être dit, sur les développements relatifs à l’absence du nom de Monsieur [A] [D] sur la liste des salariés les mieux payés des liasses comptables de 2018 et 2019 après avoir été indiqué dans celle de 2017 et au chiffre d’affaires, il y a lieu de retenir qu’il y a bien un salarié, et même un apprenti, qui travaillent à temps plein sur le site du [Adresse 3], et d’écarter le moyen tiré d’une intervention seulement ponctuelle d’un salarié dans ces lieux.

Sur l’absence de matériels aptes à permettre une exploitation du local commercial, il est à indiquer que l’expert judiciaire fait état dans son rapport de la présence dans les locaux des matériels d’exploitation suivants : une cabine de peinture KREMLIN, un laboratoire de peinture KREMLIN, une aire de ponçage suspendue, un marbre CELETTE, un chariot avec tourelle CELETTE, deux équerres CELETTE de vérinage, trois postes à soudure, un compresseur, un sécheur, une cuve à air comprimé de 1000 litres, un appareil de climatisation, une machine de peinture avec stock de peinture, un nettoyeur pistolet, une machine démonte pneus, une machine équilibreuse, un casier mural et 4 caisses à outils.
En revanche, l’expert judiciaire n’indique aucunement qu’il manquerait du matériel indispensable à l’activité exploitée dans ledit local et que celui s’y trouvant serait, totalement ou partiellement, obsolète ou affecté de dysfonctionnements, ce qu’il n’aurait d’ailleurs pas manqué de faire en tant qu’homme de l’art et au regard de la mission qui était la sienne. Et il conclut, ainsi qu’il a déjà été vu, à une exploitation normale du local. Il importe de préciser que le rapport est rendu après le dire n°2 des défendeurs, qui contient les mêmes développements que ceux inscrits dans leurs dernières conclusions relativement au fait que le local commercial serait dépourvu de matériels aptes à assurer son exploitation, ce qui implique que l’expert judiciaire a rédigé et déposé son rapport en ayant été informé de cette argumentation et donc en connaissance de cause, et que cette argumentation de nouveau avancée dans le cadre de la présente instance a déjà été prise en compte par l’expert.

En outre, sur le point particulier du caractère obsolète allégué du matériel, il ne peut être déduit de son ancienneté (fait non contesté par la demanderesse) qu’il serait obsolète.

En conséquence, le moyen tiré d’une absence de matériels aptes à permettre une exploitation du local commercial ne peut qu’être écarté.

Sur le fait que les agréments d’assurance ne seraient pas attachés au local [Adresse 12] et qu’un déménagement du preneur ne les lui ferait pas perdre, Monsieur [O] met en lumière dans son rapport qu’« en cas de déménagement, l’exploitant perdrait sa clientèle du fait de la perte d’agrément auprès des compagnies d’assurance ». A cela, l’expert ajoute que « les locaux du siège social au [Adresse 4] n’ont pas la capacité pour accueillir ce surplus d’activité » et qu’« il n’existe pas de locaux similaires pour se réinstaller dans le même secteur ».
De surcroît, la société JFB AUTOS communique une attestation en date du 2 mai 2022 du président du groupement d’intérêt économique FIVE STAR, regroupant des sociétés ayant la même activité que la société JFB AUTOS et dont cette dernière fait partie, dans laquelle il est notamment indiqué que « le maillage national des assureurs étant déjà établi et pour la plupart complet, les risques à l’occasion d’un déménagement de se retrouver sur un secteur déjà couvert et de perdre un nombre d’agréments sont plus que probables ».

Par conséquent, il est à retenir qu’en quittant les locaux du [Adresse 3], la société JFB AUTOS va perdre les agréments qu’elle avait auprès des assureurs dans le cadre de l’exploitation de ces locaux. Et le moyen des défendeurs tiré des agréments d’assurance ne peut donc prospérer.

Sur la consommation d’électricité qui ne correspondrait pas à une activité de carrosserie, l’expert judiciaire indique dans son rapport que « l’échéancier des prélèvements ENGIE qui [lui] a été remis semble prouver une consommation électrique d’un local en activité ». Et il ne relève pas une consommation incohérente avec une activité de carrosserie.
De son côté, les consorts [N] se contentent de produire un extrait d’un site internet, ENGIE PRO, extrait qui ne contient en outre que des données générales.

Ainsi, le moyen tiré de la consommation d’électricité est à écarter.

Sur la vérification électrique des locaux, cette question est sans lien avec celle d’une exploitation ou non du local commercial. Le moyen doit donc être écarté.
Sur l’absence d’activité sur le site internet du local commercial, les consorts [N] procèdent par voie de simples allégations.
De son côté, la société JFB AUTOS fournit un extrait du site internet « www.carrosserie-michel-piroud.fr » portant la date du 2 décembre 2019 qui mentionne le nom CARROSSERIE MICHEL PIROUD, l’adresse [Adresse 3] à [Localité 9], le numéro de téléphone, les jours et horaires d’ouverture, les prestations et qui montre la localisation du local commercial (pièce 17 demanderesse).
En outre, il ressort de la capture d’écran du site « carrosseries.five.star.fr » (pièce 39 demanderesse) que ce site, commun aux carrosseries du réseau FIVE STAR et distinct de celui précité, permet de contacter directement l’établissement CARROSSERIE PIROUD, étant précisé que le nom CARROSSERIE PIROUD et l’adresse [Adresse 3] à [Localité 9] sont mentionnées de manière claire et lisible. Cet établissement est donc présent sur un autre site internet.

Dès lors, le moyen tiré de l’absence d’activité sur le site internet du local commercial ne peut prospérer.

En plus de ces moyens écartés un à un, de manière plus générale, il est à souligner à nouveau que l’expert judiciaire a constaté une exploitation normale du local commercial.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces développements, les consorts [N] échouent à démontrer une absence d’exploitation, et il apparaît au contraire que le local commercial est bien exploité par la société JFB AUTOS. Il est d’ailleurs à noter qu’en mai 2016, la voiture de Madame [T] [N] épouse [P] et de son conjoint a été réparée au sein des locaux du [Adresse 3] à [Localité 9] (pièce 47 demanderesse : facture du 10 mai 2016).

En deuxième lieu, il est excipé par les consorts [N] d’une absence d’ouverture du local à la clientèle, en contrariété avec la stipulation du bail suivant laquelle « le bien loué devra être constamment ouvert et achalandé, sauf fermeture d’usage ».

Cependant, il ne peut être soutenu une telle absence d’ouverture dès lors qu’ainsi qu’il a été conclu ci-dessus, le local est exploité, l’exploitation impliquant nécessairement l’ouverture à la clientèle car il n’est pas possible d’exploiter si les véhicules ne peuvent être laissés dans les locaux et donc si lesdits locaux ne sont pas ouverts à la clientèle.

Également, dans le rapport d’expertise judiciaire, il n’est fait à aucun moment état d’une absence d’ouverture du local commercial à la clientèle. Et les photographies prises au cours des opérations d’expertise n’illustrent pas, à la différence de ce que prétendent les défendeurs, une absence d’accueil du public. Au contraire, certaines d’entre elles témoignent bien de cet accueil car elles montrent la présence d’un certain nombre de voitures au sein du local, qui ne peuvent donc s’y trouver que s’il y a accueil du public pour que les véhicules soient amenés et remis à l’exploitant.

Simplement, comme cela est signalé par l’expert, cette clientèle « regroupe principalement des compagnies d’assurance ainsi que des flottes automobiles de Sociétés (AVIS, ALD) et quelques particuliers ». Ainsi, les assureurs constituent la clientèle principale du preneur qu’il ne reçoit pas directement dans son local mais qui lui envoient les véhicules sur lesquels ils veulent qu’il intervienne, et le reste de cette clientèle est composé, outre les deux sociétés (AVIS et ALD), de quelques particuliers qu’il reçoit donc directement. Cela importe néanmoins peu étant donné que la société JFB AUTOS développe sa clientèle pour son activité de commerce de réparation de véhicules automobiles comme elle le souhaite (particuliers, assureurs, etc), et que la réception des véhicules dans les locaux implique en tout état de cause qu’ils sont ouverts à la clientèle car, si les véhicules envoyés par les assureurs, ceux des deux sociétés et ceux des particuliers sont reçus, c’est bien qu’il y a cette ouverture. En son absence, les clients, quels qu’ils soient, se retrouveraient face à l’impossibilité de déposer un véhicule.

En conséquence, les consorts [N] ne peuvent valablement affirmer que le local commercial ne serait pas ouvert à la clientèle. Il y a bien en l’occurrence une telle ouverture.

En troisième lieu, les défendeurs arguent de l’impossibilité d’occuper le local sans danger en raison de son état. Ils exposent à ce titre que la toiture en fibrociment du local commercial contient de l’amiante et qu’elle présente aussi une fragilité très importante. Ils invoquent en outre sur un dégât des eaux survenu courant 2017 à la suite d’un violent orage en s’appuyant sur l’expertise privée qui a découlé de ce sinistre.
Ils ajoutent également que le remplacement de la toiture ou de lourds travaux de remise en état associés à une opération coûteuse de désamiantage aboutiraient pour eux à une dépense hors de proportion avec la valeur dudit local.

Cependant, les consorts [N] ne rapportent pas la preuve d’une fragilité de la toiture importante au point que cela ferait obstacle à une occupation sans danger des locaux commerciaux. La nécessité de travaux de remplacement ou de lourds travaux de remise en état n’est pas non plus prouvée. L’expert judiciaire, de son côté, note, dans sa réponse au dire de la demanderesse, que « la toiture, dans son ensemble, semble présenter d’importants signes de faiblesse », mais ne mentionne, ni dans cette réponse, ni à aucun moment dans le rapport d’expertise, que cela aurait pour conséquence un danger empêchant l’occupation des locaux et/ou qu’un remplacement de la toiture ou de lourds travaux de remise en état de celle-ci devraient être réalisés.

Concernant l’amiante, si sa présence n’est pas contestée, les défendeurs n’établissent pas l’existence d’un danger afférent à cette présence qui empêcherait l’occupation du local. Ils ne prouvent également pas qu’un désamiantage serait nécessaire.

Sur le dégât des eaux, outre le fait que le rapport d’expertise privée ne fait état d’aucun danger, ce rapport ne peut en toute hypothèse, s’agissant d’une simple expertise privée sur ce sinistre produite seule sans autres éléments, avoir une force probante suffisante.

Par ailleurs, le remplacement de la toiture ou bien de lourds travaux de remise en état de celle-ci ainsi que le désamiantage relèvent en tout état de cause des grosses réparations de l’article 606 du code civil, que le bail commercial met à la charge des bailleurs. En outre, à propos de l’amiante, le bail contient une stipulation spécifique imposant aux propriétaires de réaliser dans les délais réglementaires toutes les recherches et contrôles techniques prévus dans les dispositions du décret n°96-97 du 7 février 1996, à communiquer les résultats au locataire, et à exécuter les prescriptions qui résulteraient de ces analyses sans recours possible contre le preneur.

Enfin, la dépense de réparation hors de proportion par rapport à la valeur du local commercial dont se prévalent les défendeurs, outre le fait que la nécessité d’une réfection de la toiture et d’un désamiantage n’est pas établie comme il a été vu, n’est absolument pas démontrée.

Par conséquent, les moyens tirés de l’impossibilité d’occuper le local sans danger et de la dépense de réparation hors de proportion par rapport à la valeur dudit local ne peuvent prospérer.

En conclusion, les consorts [N] échouent à justifier leur refus d’une indemnité d’éviction.

La société JFB AUTOS a donc droit à une indemnité d’éviction.

Sur le montant de l’indemnité d’éviction

L’article L.145-14 du code de commerce énonce :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

En l’espèce, il est d’abord à indiquer qu’ainsi qu’il a été relevé plus haut, l’expert met en exergue dans son rapport qu’« en cas de déménagement, l’exploitant perdrait sa clientèle du fait de la perte d’agrément auprès des compagnies d’assurance », que « les locaux du siège social au [Adresse 4] n’ont pas la capacité pour accueillir ce surplus d’activité » et qu’« il n’existe pas de locaux similaires pour se réinstaller dans le même secteur ».

Il en résulte qu’en quittant le local commercial du [Adresse 3], la société JFB AUTOS perdra la clientèle attachée au fonds de commerce qu’elle y exploite.

Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens développés par les consorts [N] sur l’indemnité de déplacement, il y a lieu de retenir que l’indemnité d’éviction est de remplacement, et non de déplacement, et de rejeter, partant, dès à présent la demande subsidiaire des défendeurs aux fins de fixation d’une indemnité d’éviction de déplacement.

Ensuite, il convient de se pencher sur les composantes de l’indemnité d’éviction de remplacement.

Sur la valeur du fonds de commerce, l’expert judiciaire l’a fixée en tenant compte en particulier de son emplacement au sein de la ville de [Localité 8]. A cet égard, il indique notamment que le local commercial se trouve dans « un secteur du [Localité 9] où la commercialité est peu importante », que « la [Adresse 12] est une des rues les plus hétérogènes de [Localité 8] », que « la partie vers la Part-Dieu est nettement plus cotée que la partie qui nous intéresse », que « ce quartier limitrophe à [Localité 13] a progressé doucement ces dernières années », qu’« il n’y a pas eu de projet d’aménagement urbain sur cette zone » et qu’« aucun projet n’est dans les objectifs de la ville à court ou moyen terme ».  

Ainsi, en dépit de ce que soutient la demanderesse, l’expert judiciaire a pris en compte la spécificité de cette activité de carrosserie dans le centre-ville de [Localité 8].

Il a aussi intégré dans la détermination du pourcentage à appliquer au chiffre d’affaires le fait que la clientèle du fonds de commerce est essentiellement constituée par des sociétés d’assurance.

Il n’y a donc pas lieu d’augmenter le coefficient de 40% retenu par Monsieur [O], qui a conclu, au vu de ces éléments ainsi que des barèmes applicables pour les activités de carrosserie-peinture, des caractéristiques des locaux, des agencements, du matériel et de la situation locative, que la valeur du fonds de commerce doit être fixée sans valorisation particulière et sans application d’un coefficient supérieur aux valeurs moyennes retenues pour les ventes des fonds de commerce dans la même activité.

Rien ne justifie donc également de diminuer ce coefficient, contrairement à ce dont se prévalent les défendeurs.

En conséquence, la valeur du fonds de commerce sera celle retenue par l’expert, soit la somme de 170 502 euros.

Sur le trouble commercial, le chiffre d’affaires TTC et non HT ayant été pris pour base de calcul de la valeur du fonds de commerce, il y a lieu dès lors de poursuivre avec un chiffre d’affaires TTC pour le calcul d’une indemnité accessoire qui est déterminée à partir du chiffre d’affaires.

Par conséquent, l’indemnité pour trouble commercial est de : 426 255 / 24 = 17 761 euros.

En revanche, il n’y a pas lieu de diminuer de moitié cette indemnité, à la différence de ce qu’avancent les consorts [N], car alors le trouble commercial ne serait pas réparé intégralement.

Sur l’indemnité de remploi, la valeur du fonds de commerce ayant été fixée à 170 502 euros et l’indemnité de remploi correspondant à 13% de cette valeur, elle est de : 170 502 x 0,13 = 22 165 euros.

Sur l’indemnité de perte sur stock, l’expert judiciaire explique qu’il applique un pourcentage de 5% à la valeur du stock du local commercial du [Adresse 3] car le stock restant pourra être réutilisé dans les locaux du [Adresse 4]. Dans sa réponse au dire de la demanderesse, il précise que, comme il y a deux locaux commerciaux, il est compliqué de considérer qu’il y aura une perte totale du stock.

Cette analyse cohérente n’apparaît pas devoir être remise en cause, et il sera retenu le montant évalué par Monsieur [O], soit la somme de 426 euros.

Sur les frais de déménagement, dans sa réponse au dire de la société JFB AUTOS, l’expert judiciaire a exclu l’ajout à ces frais de ceux de fermeture en toiture et des abergements.

La société JFB AUTOS, de son côté, ne démontre pas ces travaux sont nécessaires.

Dès lors, le montant des frais de déménagement sera celui fixé par l’expert, soit 12 420 euros.

Sur les frais de licenciement, ils seront indemnisés à hauteur du montant chiffré par l’expert, 16 050 euros, sur présentation par la demanderesse de justificatifs, étant indiqué que, si le salarié travaillant à temps plein au sein des locaux du [Adresse 3] est licencié, c’est bien à cause de l’éviction.

Sur les frais divers de transfert, qui correspondent aux honoraires de réinstallation, aux transferts téléphoniques et à l’information des clients et des fournisseurs, l’expert les chiffre forfaitairement à la somme de 3500 euros.

Il n’y a pas lieu de remettre en cause ce chiffrage, a fortiori pour le réduire drastiquement à la somme de 500 euros comme soutenu par les défendeurs, pour qui il n’y aurait notamment ni accueil téléphonique ni accueil physique au sein du local, alors qu’ainsi qu’il a été vu, ledit local est exploité normalement et ouvert à la clientèle.

Il sera donc retenu le montant de 3500 euros pour les frais divers de transfert.

En conséquence, les consorts [N] seront condamnés à verser à la société JFB AUTOS une indemnité d’éviction d’un montant total de 226 774 euros, majoré des frais de licenciement d’un montant de 16 050 euros sur présentation par la société JFB AUTOS de justificatifs, se décomposant comme suit :
l’indemnité principale de 170 502 euros ; l’indemnité pour trouble commercial de 17 761 euros ; l’indemnité de remploi de 22 165 euros ; l’indemnité de perte sur stock de 426 euros ; les frais de déménagement de 12 420 euros ; les frais divers de transfert de 3500 euros.
Les défendeurs seront déboutés de leur demande infiniment subsidiaire au titre de l’indemnité d’éviction de remplacement.

Sur l’expulsion

Cette demande des consorts [N] a été formée à titre principal dans l’hypothèse d’un rejet de l’indemnité d’éviction sollicitée par la société JFB AUTOS.

Tel n’est pas le cas puisque les premiers ont été condamnés à en verser une à la seconde.

Par conséquent, la demande au titre de l’expulsion devient sans objet.

Sur l’indemnité d’occupation

L’article L.145-28, alinéa 1er, du code de commerce dispose :
« Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation. »

En l’espèce, l’expert judiciaire fixe l’indemnité d’occupation à compter du 30 juin 2018 à hauteur de 2107,25 euros HT/HC par mois.

Cette évaluation n’est contestée ni par la demanderesse, ni par les défendeurs.

Partant, le montant de l’indemnité d’occupation due par la société JFB AUTOS aux consorts [N] sera fixée à la somme de 2107,25 euros HT/HC par mois à compter du 30 juin 2018, date d’effet du congé, et jusqu’à complète restitution des lieux, déduction faite des montants déjà versés en contrepartie de l’occupation des lieux depuis le 30 juin 2018.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les consorts [N] seront condamnés aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire et ceux de l’assignation.

Il n’y a ni commandement, ni dénonce de celui-ci. Et le coût de ces actes n’aurait en tout état de cause pas été compris dans les dépens car ces derniers, en application de l’article 695 du code de procédure civile, ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires.

Ces dépens seront recouvrés directement par Maître Laurent BURGY (SELARL LINK).

Les consorts [N], tenus des dépens, seront également condamnés à verser à la société JFB AUTOS la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

En vertu des articles 514 et 515 du code de procédure civile dans leur version antérieure au 1er janvier 2020, eu égard à l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire et sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] à verser à la société JFB AUTOS une indemnité d’éviction d’un montant total de 226 774 euros, majoré des frais de licenciement d’un montant de 16 050 euros sur présentation par la société JFB AUTOS de justificatifs, se décomposant comme suit :
l’indemnité principale de 170 502 euros ; l’indemnité pour trouble commercial de 17 761 euros ; l’indemnité de remploi de 22 165 euros ; l’indemnité de perte sur stock de 426 euros ; les frais de déménagement de 12 420 euros ; les frais divers de transfert de 3500 euros ;
DEBOUTE Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] de leur demande subsidiaire aux fins de fixation d’une indemnité d’éviction de déplacement ;

DEBOUTE Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] de leur demande infiniment subsidiaire au titre de l’indemnité d’éviction de remplacement ;

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation due par la société JFB AUTOS à Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] à la somme de 2107,25 euros HT/HC par mois à compter du 30 juin 2018 et jusqu’à complète restitution des lieux, déduction faite des montants déjà versés en contrepartie de l’occupation des lieux depuis le 30 juin 2018 ;

CONDAMNE Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire et ceux de l’assignation, qui seront recouvrés directement par Maître Laurent BURGY (SELARL LINK) ;

CONDAMNE Monsieur [R] [N], Madame [C] [N] épouse [S] et Madame [T] [N] épouse [P] à verser à la société JFB AUTOS la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, François LE CLEC’H, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


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