Hospitalisation et soins : enjeux de la prise en charge psychiatrique

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Hospitalisation et soins : enjeux de la prise en charge psychiatrique

L’Essentiel : Madame [I] [R] a été admise en soins psychiatriques le 22 janvier 2025. Lors de l’audience, elle a exprimé son désir de retourner chez elle et de récupérer son enfant, tout en affirmant que son hospitalisation se déroulait bien. Elle a souligné ses inquiétudes concernant le placement de son fils, insistant sur le fait qu’elle ne l’avait jamais mis en danger. L’avocat a soulevé des irrégularités dans la procédure, tandis que les certificats médicaux ont confirmé la nécessité de l’hospitalisation en raison de troubles mentaux persistants. Le tribunal a décidé de maintenir l’hospitalisation complète, respectant les conditions légales.

Contexte de l’hospitalisation

Madame [I] [R] a été admise en soins psychiatriques et en hospitalisation complète le 22 janvier 2025. Lors de l’audience, elle a exprimé son souhait de retourner chez elle et de récupérer son enfant, tout en affirmant que son hospitalisation se déroulait bien. Elle a également mentionné qu’elle pouvait suivre son traitement à domicile.

Déclarations de la patiente

La patiente a déclaré avoir des contacts limités avec son mari, qui est occupé à chercher un avocat pour récupérer leur enfant. Elle a exprimé son inquiétude concernant le placement de son fils et a insisté sur le fait qu’elle n’avait jamais mis son enfant en danger. Elle a décrit une atmosphère tendue à la maison, exacerbée par l’influence de la sœur de son mari.

Arguments de la défense

L’avocat de Madame [R] a soulevé des irrégularités dans la procédure, notamment l’absence de retour de l’époux concernant l’hospitalisation et des contradictions dans le certificat médical de 72 heures. Il a soutenu que la patiente ne s’opposait pas aux soins, mais préférait les recevoir à domicile.

Évaluation médicale

Les certificats médicaux établis ont confirmé la nécessité de maintenir l’hospitalisation complète en raison de troubles mentaux persistants, tels que des idées délirantes et un comportement imprévisible. Les médecins ont souligné que l’état de la patiente rendait son consentement impossible et nécessitait une surveillance constante.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé de maintenir l’hospitalisation complète de Madame [R], considérant que les conditions légales étaient respectées et que la procédure était régulière. La décision a été notifiée aux parties concernées, avec la possibilité d’appel dans un délai de 10 jours. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de l’hospitalisation complète selon le Code de la Santé Publique ?

L’article L 3211-12-1 I du Code de la Santé Publique précise que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire n’ait statué sur cette mesure.

Cette décision doit être prise avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission, ou de la décision modifiant la forme de la prise en charge.

Il est également stipulé que le juge doit être saisi dans un délai de 8 jours à compter de l’admission.

Dans le cas présent, l’admission de Madame [I] [R] a eu lieu le 22 janvier 2025, et la période de 12 jours expire le 2 février 2025.

Les conditions énoncées dans ces textes ont été respectées, et la saisine a été effectuée dans les formes et délais requis par l’article R 3211-10 du Code de la Santé Publique.

Quelles sont les obligations d’information de la famille en cas d’hospitalisation en péril imminent ?

L’article L3212-1 II 2° du Code de la Santé Publique stipule que dans le cadre d’une procédure de péril imminent, le directeur de l’établissement d’accueil doit informer la famille de la personne faisant l’objet de soins dans un délai de 24 heures.

Dans cette affaire, il a été constaté qu’une recherche de la personne de l’entourage de la patiente a été effectuée, et que le mari a bien été informé de la mesure dans le délai imparti.

Le fait que celui-ci ne se soit pas présenté à l’audience ne constitue pas une irrégularité, car il n’est pas considéré comme un tiers demandeur de la mesure.

De plus, les relations de la patiente avec son conjoint étant marquées par des difficultés, il n’incombe ni aux médecins ni au juge de s’assurer de sa présence à l’audience.

Quelles sont les exigences relatives au certificat médical dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique ?

L’article L3211-2-2 du Code de la Santé Publique impose qu’une personne admise en soins psychiatriques fasse l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous forme d’hospitalisation complète.

Un médecin doit réaliser un examen somatique complet dans les 24 heures suivant l’admission, et un psychiatre doit établir un certificat médical constatant l’état mental du patient.

Ce certificat doit confirmer ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, et un second certificat doit être établi dans les 72 heures suivant l’admission.

Dans le cas présent, le certificat médical établi dans les 72 heures, bien qu’il ne relève pas d’agressivité, indique la persistance de troubles justifiant la poursuite de l’hospitalisation complète.

Il répond donc aux exigences de motivation de l’article L3211-2-2, et le moyen soulevé à cet égard a été rejeté.

Quels sont les motifs justifiant la poursuite de l’hospitalisation complète ?

Le dossier et les débats montrent que l’hospitalisation complète de Madame [I] [R] continue à s’imposer.

Les certificats médicaux établis durant la période d’observation indiquent la persistance de troubles mentaux, tels que décompensation thymique, agitation, et idées délirantes.

Ces troubles rendent son consentement impossible et nécessitent une surveillance constante pour préserver son intégrité.

Les médecins ont également recommandé le maintien de l’hospitalisation complète, et le juge des libertés et de la détention ne peut se prononcer sur les soins, qui relèvent de la compétence exclusive des médecins.

Ainsi, la décision de poursuivre l’hospitalisation complète a été justifiée par des éléments médicaux clairs et pertinents.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

Procédure de Soins Psychiatriques Contraints

Recours Obligatoire

Ordonnance Du Vendredi 31 Janvier 2025
N°Minute : 25/112
N° RG 25/00907 – N° Portalis DBW3-W-B7J-56OT

Demandeur
LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non comparant

Défendeur
Madame [I] [R]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
née le 15 Novembre 1988
Comparante
Partie Jointe
Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Marseille
Non comparant

Nous, Clara GRANDE, Magistrat du siège du Tribunal Judiciaire, assistée de Pauline SAMMARTANO, faisant fonction de Greffier et en présence de [G] [M], Greffier stagiaire ;

Vu la requête de Monsieur LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [6] à [Localité 8] en date du 28 Janvier 2025 reçue au greffe du Magistrat du siège du Tribunal Judiciaire le 28 Janvier 2025, tendant à voir examiner la situation de Madame [I] [R], dans le cadre du contrôle obligatoire de soins psychiatriques contraints sous le régime de l’hospitalisation complète institué par l’article L 3211-12-1 1°, 2°,3° du Code de la Santé Publique en sa rédaction issue de la loi n° 2011-803 du 05 juillet 2011 modifiée par la Loi n°2013-869 du 27 septembre 2013;

Vu les articles L 3211-12 et L 3211-12-1 et R 3211-30 du Code de la Santé Publique résultant du décret n°2014-897 du 15 août 2014;

Les communications et les avis prévus et imposés par l’article R 3211-11 du Code de la Santé Publique ayant été faites et donnés par le Greffe ;

Vu l’avis écrit de Monsieur le Procureur de la République en date du 30 Janvier 2025 tendant au maintien en soins contraints sous le régime de l’hospitalisation complète;

EXPOSÉ DE LA DEMANDE ET DE LA PROCÉDURE :

Mention : Madame [R] ayant déclaré parler Ourdou, nous procédons à l’interprétariat par téléphone avec Monsieur [V], serment préalablement prêté d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

A l’appel de la cause, les parties n’ont pas sollicité le huis clos ; les débats ont donc été publics ;

Madame [I] [R], comparante en personne a été entendue et déclare : Je suis au courant de la mesure, on me donne un traitement mais je peux aussi le prendre à la maison. L’hospitalisation se passe bien. Je souhaiterai retourner chez moi, à la maison et je voudrai récupérer mon enfant.
Je peux rester à la maison et je veux que l’on me donne les traitements à la maison mais je veux que mon fils soit avec moi. Rentrer à la maison, c’est la seule manière pour que je sois bien.

Mention : Madame est habillée en pyjama d’hôpital.

S/ question du magistrat, la personne hospitalisée déclare : J’ai seulement des contacts avec mon mari mais il est occupé car il doit chercher un avocat pour qu’on récupère notre enfant. Je lui demanderai de me ramener des vêtements et il m’en apportera.
Je n’ai pas de vêtements avoir moi et l’hôpital m’a donné que ce que je porte.

Me Marianna PARONIAN, avocat commis d’office en application de l’article L 3211-12-2 alinéa 2 du Code de la Santé Publique , déclare soulever l’irrégularité de la procédure : Dans le dossier, nous n’avons pas de retour de l’époux concernant l’hospitalisation. L’hôpital a essayé de le joindre, mais nous n’avons rien d’autre. Sur le certificat des 72h, les médecins demandant la poursuite de l’hospitalisation mais ils disent qu’il n’y a pas d’agressivité et cela me semble contradictoire avec la mesure.

Sur le fond, Madame ne s’oppose pas aux soins mais elle souhaiterai des soins en ambulatoire chez elle. Madame est en France depuis quelques années. Elle a été dans un mariage forcé et ils ont déménagés en passant par l’Italie. Ils ont eu une dispute car sa maman est malade au Pakistan et elle souhaite aller la voir, mais son mari ne veut pas.
La soeur de Monsieur, met la pression à son frère pour créer une atmosphère dérangeante. Cette soeur a déjà réalisé cela auprès d’un autre frère.
Madame a un discours assez clair et elle a su expliquer le contexte avec cette belle-soeur. Avec son téléphone, elle arrive à avoir des nouvelles de son mari. Son enfant de 10 ans est placé et elle est inquiète pour celui-ci. Elle est d’accord pour les soins mais elle préférerai les suivre chez elle.

Ayant eu la parole en dernier, la personne déclare : Depuis que je suis marié, tout va bien, je suis heureuse avec mon enfant et mon mari. Depuis ce contact avec la soeur de mon mari, elle manipule l’ambiance de la maison et c’est pour cela que l’atmosphère est tendue. Je vous demande d’avoir mon enfant, s’il vous plaît.
Mon enfant je l’ai élevé, je lui ai donné naissance, je ne l’ai jamais frappé, comment je pourrai le mettre en danger ?
Les soeurs de mon mari ont des problèmes d’argent, elles leur demande de l’argent alors que nous n’avons rien. Nous souffrons de cette situation. Mon enfant est placé et moi je suis hospitalisée, elles sont tranquilles comme ça.

A l’issue de l’audience, les parties ont été avisées que la décision est mise en délibéré ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

SUR LA FORME

Attendu que selon l’article L 3211-12-1 I du Code de la Santé Publique
L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II ou par le représentant de l’Etat dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, n’ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission ;
« 2° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission “;

Attendu en l’espèce que [I] [R] a fait l’objet d’une admission en soins psychiatriques et en hospitalisation complète par décision du 22 Janvier 2025 ; Que la période de 12 jours en cours expire donc le 02 Février 2025 ;

Que les conditions énoncées dans ces textes ont été respectées ;

Attendu que la saisine en vue du contrôle a été émise dans les formes et délais des articles R 3211-10 du Code de la Santé Publique;

Sur le moyen tiré de l’absence de tiers

Il résulte de l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique que dans l’hypothèse d’une procédure de péril imminent, le directeur de l’établissement d’accueil informe dans un délai de 24 heures la famille de la personne qui fait l’objet de soins ;

En l’espèce, il ressort de l’examen de la procédure qu’une recherche de personne de l’entourage de la patiente a été faite et que le mari de l’intéressée a bien été informé de la mesure dans le délai de 24h. Le fait que celui-ci ne se présente pas à l’audience ne peut constituer une irrégularité, celui-ci n’étant pas tiers demandeur de la mesure.

Par ailleurs, il ressort du fond du dossier et des déclarations-mêmes de la patiente à l’audience, que les relations de celle-ci avec son conjoint ont peu être émaillées de difficultés, si bien qu’il n’appartient ni aux médecins, ni au juge des libertés et de la détention, de s’assurer de la présence de l’intéressé à l’audience ou dans le cadre de la procédure.

En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.

Sur le moyen tiré du caractère insuffisamment circonstancié du certificat médical de 72h

L’article L3211-2-2 prévoit que lorsqu’une personne est admise en soins psychiatriques, elle fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d’admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l’auteur du certificat médical ou d’un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d’admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l’admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article.

Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l’article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l’état de santé du patient et de l’expression de ses troubles mentaux.

En l’espèce, le certificat médical établi avant les 72h, en date du 25 janvier 2025, s’il ne relève pas en effet d’agressivité ni de dangerosité psychiatrique, au regard des faits pour lesquels elle a été prise en charge (crise clastique au domicile et hétéro agressivité envers son conjoint), établit toutefois la persistance de troubles justifiant la poursuite de sa prise en charge dans le cadre d’une hospitalisation complète : “bizarrerie du contact, ralentissement psycho-moteur avec hyponimie, éléments délirants plus contenus ” “la reconnaissance des troubles est nulle, et l’adhésion aux soins est impossible”.

Ce certificat, qui décrit à la fois l’état de santé de la patiente ainsi que l’expression de ses troubles mentaux, répond à l’exigence de motivation de l’article L3211-2-2 du CSP.

Le moyen soulevé sera ainsi rejeté.

SUR LE FOND

ATTENDU qu’il résulte du dossier et des débats que l’hospitalisation complète continue à s’imposer;

Qu’en effet, [I] [R] a été hospitalisée en présentant divers troubles décrits dans le certificat médical initial, imposant son hospitalisation complète sous contrainte. En l’espèce, la patiente présentait à son arrivée les troubles suivants : décompensation thymique avec agitation et hétéro agressivité, idées délirantes de persécution, menaces de morts dirigées contre son époux. Elle est présentée comme étant dans le déni des troubles et présente un comportement imprévisible.

Il était souligné que ses troubles mentaux rendaient son consentement impossible et que son état rendait nécessaire une hospitalisation complète avec une surveillance constante afin de préserver son intégrité.

Les certificats médicaux établis pendant la période d’observation font état de la persistance de certains troubles et démontrent la nécessité de maintenir la mesure d’hospitalisation complète. L’avis médical établi en vue de l’audience préconise également le maintien de la mesure en la forme actuelle. La procédure étant régulière, le JLD ne saurait se prononcer sur les soins dont doit bénéficier la patiente, qui relèvent de la compétence exclusive des médecins.

Il y a lieu dans ces conditions d’autoriser la poursuite de l’hospitalisation complète de la patiente.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Clara GRANDE, Magistrat du siège du Tribunal Judiciaire, statuant par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;

DISONS que les soins psychiatriques dont [I] [R] fait l’objet pourront se poursuivre sous la forme de l’hospitalisation complète ;

DISONS que cette décision sera notifiée à [I] [R], au Directeur requérant, à Monsieur le Procureur de la République et au tiers ayant demandé l’hospitalisation, avec copie pour information à Monsieur le Préfet de Bouches du Rhône ;

RAPPELONS que la présente décision peut être frappée d’appel devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’Aix en Provence dans un délai de 10 jours à compter de sa notification.

Le recours doit être formé par déclaration motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel d’Aix en Provence, [Adresse 4] et notamment par courriel à [Courriel 7] ;

Le délai et le recours ne sont pas suspensifs ; seul le Procureur de la république peut demander au Premier Président de déclarer le recours suspensif.

LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat en application de l’article R93-2 du Code de Procédure Pénale ;

LE GREFFIER, LE MAGISTRAT DU SIEGE.


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