Hospitalisation psychiatrique : conditions et régularité des procédures

·

·

Hospitalisation psychiatrique : conditions et régularité des procédures

L’Essentiel : Le 24 janvier 2025, le directeur de l’établissement public de santé a admis une patiente en urgence pour des soins psychiatriques sans son consentement, suite à une demande d’une cheffe de service d’une association. Cette hospitalisation complète a pris effet immédiatement. Le même jour, le directeur a décidé de prolonger l’hospitalisation pour un mois et a saisi le tribunal judiciaire pour obtenir l’autorisation de continuer cette hospitalisation. Lors de l’audience, l’avocate de la patiente a demandé la mainlevée de l’hospitalisation, arguant d’une irrégularité de la procédure, mais celle-ci a été jugée régulière par le magistrat, qui a autorisé la poursuite des soins.

Admission en soins psychiatriques

Le 24 janvier 2025, le directeur de l’établissement public de santé a admis Mme [T] [V] en urgence pour des soins psychiatriques sans son consentement, suite à une demande de Mme [D] [W], cheffe de service de l’association Aurore. Cette hospitalisation complète a pris effet immédiatement.

Poursuite des soins psychiatriques

Le même jour, le directeur a décidé de prolonger l’hospitalisation complète pour un mois. Le 28 janvier 2025, il a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir l’autorisation de continuer cette hospitalisation. Le procureur de la République a donné un avis favorable à cette demande le 31 janvier 2025.

Débats judiciaires

Les débats ont eu lieu lors d’une audience publique le 3 février 2025, après un renvoi de l’affaire. L’avocate de la personne hospitalisée a été entendue et a demandé la mainlevée de l’hospitalisation en raison d’une prétendue irrégularité de la procédure.

Régularité de la procédure

L’avocat a soutenu que le second certificat médical, requis dans les soixante-douze heures suivant l’admission, avait été établi trop tardivement. Cependant, il a été établi que le certificat avait été délivré dans les délais légaux, et la procédure a été jugée régulière.

Évaluation de l’état de santé

Le certificat médical initial a décrit un état préoccupant de la patiente, avec des symptômes tels que des discours incohérents et des idées délirantes. Des certificats médicaux ultérieurs ont confirmé la persistance des troubles psychiatriques, nécessitant une surveillance médicale constante.

Déclaration de la patiente

Lors de l’audience, Mme [T] [V] a déclaré se sentir mieux qu’à son arrivée et a exprimé le souhait de retourner à son ancien domicile avec un suivi médical. Malgré ses déclarations, les avis médicaux ont souligné que son état ne lui permettait pas de consentir aux soins.

Décision du magistrat

Le magistrat a rejeté la demande d’irrégularité et a autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète de Mme [T] [V]. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État, et l’ordonnance a été notifiée avec exécution provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la régularité de la procédure

L’article L. 3211-2-2, alinéas 1er au 3 du code de la santé publique, précise que lorsqu’une personne est admise en soins psychiatriques, elle doit faire l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin doit réaliser un examen somatique complet et un psychiatre de l’établissement doit établir un certificat médical constatant l’état mental de la personne.

Ce certificat doit confirmer ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Il est important de noter que le psychiatre ne peut pas être l’auteur du certificat médical ayant conduit à l’admission.

De plus, un second certificat médical doit être établi dans les soixante-douze heures suivant l’admission, dans les mêmes conditions que le premier.

Dans cette affaire, l’avocat de la personne hospitalisée a soutenu que le second certificat a été établi quarante-huit heures après l’hospitalisation, ce qui constituerait une irrégularité.

Cependant, il a été établi que le second certificat a été rédigé dans les délais requis, et l’article L. 3211-2-2 ne stipule pas de durée d’observation minimale avant l’établissement de ce certificat.

Ainsi, la procédure a été jugée régulière.

Sur la poursuite de l’hospitalisation complète

L’article L. 3211-12-1, I-1° du code de la santé publique stipule que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission.

Le juge doit être saisi dans un délai de huit jours suivant cette admission.

L’article L. 3212-1, I, précise que pour qu’une personne atteinte de troubles mentaux fasse l’objet de soins psychiatriques, deux conditions doivent être réunies :

1° ses troubles mentaux doivent rendre impossible son consentement ;

2° son état mental doit nécessiter des soins immédiats, justifiant une hospitalisation complète ou une prise en charge sous une autre forme.

L’article L. 3211-3, alinéa 1er, indique que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état mental de la personne.

Dans cette affaire, le certificat médical initial a décrit un état préoccupant du patient, justifiant une hospitalisation complète.

Les certificats médicaux établis par des médecins psychiatres ont confirmé la nécessité d’une surveillance médicale constante.

Bien que la personne hospitalisée ait exprimé un sentiment d’amélioration, les avis médicaux ont conclu que ses troubles psychiatriques persistaient, rendant nécessaire la poursuite de l’hospitalisation.

Ainsi, la poursuite de l’hospitalisation complète a été autorisée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE

DÉLAI DE 12 JOURS

ADMISSION A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

N° RG 25/00825 – N° Portalis DB3S-W-B7J-2SJN
MINUTE: 25/194

Nous, Thomas SCHNEIDER, juge, magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny désigné par le président en application de l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire, assisté de Lucie BEAUROY-EUSTACHE, greffier, avons rendu la décision suivante concernant:

LA PERSONNE EN SOINS PSYCHIATRIQUES :

Madame [T] [V]
née le 03 Décembre 1991 à COTE D’IVOIRE (99272)
[Adresse 1]
[Localité 3]

Etablissement d’hospitalisation: L’EPS DE [4], sis [Adresse 2]

présente assistée de Me Chanda JAMIL, avocat commis d’office,
assitée d’une interprète en langue BAMBARA, [S] [V] [T], qui prête serment devant nous,

PERSONNE A L’ORIGINE DE LA SAISINE

Madame la directrice de L’EPS DE [4]
Absente

TIERS A L’ORIGINE DE L’HOSPITALISATION

Madame [J] [W]
Absente

MINISTÈRE PUBLIC

Absent
A fait parvenir ses observations par écrit le 31 janvier 2025

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par décision du 24 janvier 2025, le directeur de l’établissement public de santé de [4] a admis Mme [T] [V] en urgence en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète à compter du même jour, à la demande présentée le 23 janvier 2025 par Mme [D] [W], en sa qualité de cheffe de service de l’association Aurore.

Il a décidé le 24 janvier 2025 de poursuivre pour un mois les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Le 28 janvier 2025, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète.

Le procureur de la République a donné un avis favorable au maintien de l’hospitalisation par réquisitions écrites du 31 janvier 2025.

Les débats se sont déroulés à l’audience publique tenue le 3 février 2025, suite à un renvoi de l’affaire décidé à l’audience du 30 janvier 2025, dans la salle d’audience aménagée à l’établissement public de santé de [4], situé [Adresse 2].

Me Niamé Doucouré, avocate de la personne hospitalisée, a été entendue en ses observations.

L’ordonnance a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIVATION

Sur la régularité de la procédure

L’article L. 3211-2-2, alinéas 1er au 3 du code de la santé publique dispose que lorsqu’une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète. Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d’admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l’auteur du certificat médical ou d’un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d’admission a été prononcée. Dans les soixante-douze heures suivant l’admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article.

Par conclusions déposées le 3 février 2025, l’avocat de la personne hospitalisée demande la mainlevée de l’hospitalisation complète avec le cas échéant un effet différé de vingt-quatre heures en raison de l’irrégularité de la procédure. Il soutient, au visa de l’article L. 3211-262 du code de la santé publique, que le second certificat « dit des 72 heures » a été établi le 25 janvier 2025 à 11h29, soit quarante-huit heures après l’hospitalisation de Mme [T] [V], hospitalisée le 23 janvier 2025 à 20h00, ce qui lui fait nécessairement grief.

En l’espèce, le second certificat médical a été établi le 25 janvier 2025 à 11h21, après le premier certificat médical du 24 janvier 2025 à 10h25 et dans les soixante-douze heures suivant l’admission en date du 23 janvier 2025. L’article L. 3211-2-2 précité, contrairement à ce qui est soutenu, n’impose pas de durée d’observation minimale avant l’établissement du second certificat médical. La seule exigence est qu’il survienne après un premier certificat médical réalisé dans les vingt-quatre premières heures, ce qui est le cas en l’espèce.

Le moyen d’irrégularité sera donc rejeté.

Il ressort de ces développements et des pièces de la requête que la procédure est régulière.

Sur la poursuite de l’hospitalisation complète

L’article L. 3211-12-1, I-1°, du code de la santé publique dispose que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l’État dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 du même code. Le juge est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission.

L’article L. 3212-1, I, du même code précise qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.

L’article L. 3211-3, alinéa 1er du même code prévoit que, lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

En l’espèce, le certificat médical initial établi le 23 janvier 2025 par le docteur [Z], médecin, décrit l’état suivant du patient : contact étrange, instabilité psychomotrice, discours incohérent, délire de persécution, déni des troubles, refus des soins. Il constate le risque grave d’atteinte à l’intégrité du patient.

Des certificats médicaux ont été établis les 24 et 25 janvier 2025 par les docteurs [G] [C] et [O] [L], médecins psychiatres, afin de constater l’état de santé de la personne hospitalisée.

L’avis médical motivé dressé le 29 janvier 2025 par le docteur [E] [B], psychiatre de l’établissement, relate l’état suivant du patient : idées de persécution très vagues contre les autres résidents et les soignants, soliloquies, claustration retrouvée, idées délirantes, fausse reconnaissance et de thématique mystique, déni des troubles important.

Mme [T] [V] a déclaré à l’audience que l’hospitalisation se passe bien ; qu’elle va beaucoup mieux qu’à son arrivée à l’hôpital ; qu’elle avait des problèmes de santé à son arrivée en France ; qu’elle a été hospitalisée à cause du stress et de l’angoisse ; qu’elle prend des médicaments pour le sommeil et l’angoisse qui lui font beaucoup de bien ; qu’elle n’a pas de visite, car elle ne connaît personne ici, et est hébergée dans un centre d’hébergement d’urgence ; que l’association Aurore est venue la voir au centre d’hébergement ; qu’elle souhaite retourner où elle résidait auparavant et avoir un suivi médical à l’extérieur ; et qu’elle estime aller mieux qu’au moment où le médecin a donné son avis.

L’avis médical motivé et l’audition établissent que les troubles psychiatriques de la personne hospitalisée persistent. Une surveillance médicale constante dans un cadre hospitalier est nécessaire pour s’assurer de l’observance des soins prescrits et notamment du traitement. Une interruption intempestive des soins aurait des conséquences néfastes pour la santé de la personne hospitalisée et son environnement.

L’état de santé du patient, tel que rapporté par l’avis médical motivé, ne lui permet pourtant pas de consentir réellement aux soins.

La poursuite de l’hospitalisation complète sera donc autorisée.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat du siège,

Rejette le moyen d’irrégularité ;

Autorise la poursuite de l’hospitalisation complète de Mme [T] [V] ;

Laisse les dépens à la charge de l’État ;

Rappelle que l’ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Bobigny le 3 février 2025.

Le Greffier

Lucie BEAUROY-EUSTACHE

Le Juge

Thomas SCHNEIDER

Ordonnance notifiée au parquet le à
le greffier

Vu et ne s’oppose :

Déclare faire appel :


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon