L’Essentiel : La société L’Armoire à Tissus a utilisé les termes “la boîte à sac Georges” pour désigner des produits sur son site et ses réseaux sociaux, ce qui a entraîné une confusion chez les consommateurs. Le “sac Georges” est reconnu dans le domaine du loisir créatif, avec des milliers de publications sur Instagram. En se référant à ce produit, L’Armoire à Tissus a profité de la notoriété de la créatrice, Mme [Y], ce qui constitue une concurrence déloyale. Le tribunal a ainsi jugé que la société avait commis des actes de parasitisme, entraînant une réparation financière pour le préjudice subi.
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Un hashtag connu sur les réseaux sociaux est protégéLa dénomination donnée à un produit, même non déposée à titre de marque, est protégée dès lors qu’elle est connue / notoire sur les réseaux sociaux. La boîte à sac GeorgesEn l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats, en particulier les procès-verbaux de constat de commissaire de justice, que la société L’Armoire à Tissus a utilisé les termes “la boîte à sac Georges” ou “type Georges” et “[I]” pour désigner directement des produits qu’elle commercialise sur son site internet et les pages de ses réseaux sociaux, en particulier des boîtes contenant des coupons de tissus et de la mercerie nécessaires pour confectionner un sac, ou à travers des mots-clés permettant de référencer un contenu commerçant publié (exemple: “tout pour coudre un sac Georges de #vinydiy”). Une notoriété sur les réseaux sociauxOr, il est justifié par les demanderesses que le “sac Georges” en particulier est connu sous cette dénomination dans l’univers du loisir créatif de la couture, en particulier sur les réseaux sociaux: Ainsi le “#sacgeorges” compte-t-il 7188 publications sur instagram et 1000 suivis sur facebook, et le #sacgeorgesvinydiy reçoit-il 2.439 publications sur instagram. En faisant ainsi volontairement référence, dans l’intitulé de ses produits ou des mots-clés utilisés pour les référencer, à la société demanderesse et à l’un de ses produits phares, elle s’attire une clientèle et augmente sa visibilité sur internet, peu important que certains consommateurs puissent aussi découvrir par ce biais les créations des demanderesses. Exploitation fautive de notoriétéLa société poursuivie entretient ainsi une une confusion, dans l’esprit du consommateur, sur un lien existant entre elle et les demanderesses dans le sillage desquelles elle se place pour profiter de leur notoriété, peu important qu’elle ait, elle aussi, exposé des frais pour développer sa boîte de couture. La concurrence déloyale et parasitaire est ainsi démontrée. Il n’est pas démontré en revanche que la page créée sur le réseau social Facebook dédié aux “boîtes à sac Georges” soit le fait de la société L’Armoire à Tissus, les demanderesses admettant que cette page aurait été créée par une “revendeuse ambulante” de L’Armoire à Tissus, dont le statut n’est pas précisé. Quant à l’utilisation du nom “Mademoiselle G” pour désigner un sac dont il a été souligné qu’il est différent du sac Georges, elle est bien distincte et n’emporte aucun risque de confusion. Enfin, elle n’explique pas en quoi l’absence d’actualisation de l’adresse du siège social de la société sur le Kbis constituerait un acte de concurrence déloyale. * * * REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 28 mars 2024 TRIBUNAL [1] ■ 3ème chambre N° RG 22/08127 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT DEMANDERESSES Madame [I] [Y] Société [I] représentées par Me Marine LAPÔTRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #DV DÉFENDERESSE S.A.S. L’ARMOIRE À TISSUS représentée par Me Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1194 Décision du 28 mars 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l’audience du 15 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Claire LE BRAS et Madame Elodie GUENNEC, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE Mme [I] [Y] est une créatrice de patrons de couture permettant la réalisation d’accessoires, commercialisés sur internet sous le pseudonyme [I], notamment le sac “Georges” exploité via un blog internet https://[06].com/ et sur divers réseaux sociaux. Le sac “Georges” a été enregistré par Mme [Y] à titre de dessin et modèle, auprès de l’INPI, sous le numéro 20203935 le 3 septembre 2020 : La société [I], exploitée par Mme [Y], a pour activité la vente à distance sur catalogue spécialisé, via le site internet https://www.[05].com/. Elle dispose également de pages sur les réseaux sociaux Instagram,Youtube, Pinterest et Facebook. Interdire à la société défenderesse d’utiliser sous quelque forme que ce soit le dessin et modèle de “sac Georges” enregistré sous le numéro 20203935, sous astreinte; La condamner à leur verser: – la somme provisionnelle de 20 800 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à leur encontre; L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023. MOTIFS Sur la demande de rejet des pièces 4, 5 et 6 versées par la société L’Armoire à Tissus Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] soutiennent que les pièces 4, 5 et 6 produites par la défenderesse sont des copies d’écran insuffisamment datées ou ne comportant pas mention du site internet d’où elles sont extraites avec suffisamment de précision. Elles considèrent en outre que les données présentées dans le tableau de la pièce 6 ne sont pas attestées par un expert comptable ou un commissaire aux comptes. Elles demandent à ce qu’elles soient écartées des débats. Il est constant que la capture d’écran d’un site internet n’est pas, par principe, dépourvue de force probante. Il appartient au tribunal de l’apprécier, dans le cadre de l’examen des moyens soulevés par les parties et il n’est pas justifier de les écarter d’emblée des débats. Cette demande sera donc rejetée. Sur la caractérisation de la contrefaçon Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] rappellent que Mme [Y] est titulaire d’un dessin et modèle et énonce la combinaison de ses caractéristiques. Elles ajoutent que la société L’Armoire à Tissus commercialise des “boîtes surprises” qui contiennent des éléments nécessaires à la fabrication d’une création surprise chaque mois, dont l’une concernerait le “Sac Georges”, ainsi qu’en témoignent les informations mises en ligne et l’image du contenu des boîtes. Elles soutiennent que ces boîtes contiennent le patron de couture et que la société L’Armoire à Tissus a utilisé la photographie d’un sac Georges pour en faire la promotion. Elles soulignent que la mention “patron non inclus” a été rajoutée seulement après la première mise en demeure, ce qui témoigne de la mauvaise foi de la défenderesse. Elles reprochent enfin à la société L’Armoire à Tissus la commercialisation d’un patron de sac de voyage sous le nom “Mademoiselle G” ainsi que des boîtes contenant les fournitures permettant sa confection, qui reprennent les caractéristiques du modèle de sac Georges. Elle considère que la partie supérieure légèrement arrondie du sac est une différence mineure, les ressemblances étant suffisantes pour caractériser un risque de confusion dans l’esprit du public. Elle note que la photographie du sac versée comme antériorité par la défenderesse est celui d’une créatrice qui dispose d’une licence. La société L’Armoire à Tissus conclut à l’absence de contrefaçon du modèle français. Elle ajoute que pour l’illustration des boîtes surprises, il n’y a ni mention du sac Georges, ni utilisation du modèle. Elle conteste avoir jamais vendu le patron litigieux dans ce cadre. Elle précise avoir, au stade pré-contentieux, accepté la requête de Mme [Y] qui était uniquement de rediriger les clients vers son site pour commercialiser le patron de couture. Elle conteste le fait que le sac “Mademoiselle G” soit une contrefaçon du modèle. Elle se défend de toute référence à Georges et estime que la demanderesse n’expose pas quelles sont les similitudes entre les deux sacs qui permettraient au tribunal d’apprécier l’existence de ressemblances. Elle ajoute que les caractéristiques revendiquées sont communes à une majorité de sacs (une fermeture à glissière, des anses…) et met en exergue les nombreuses différences parmi lesquelles l’absence de poche à glissière sur le devant du sac et la forme différente, arrondie de son sommet. Elle conclut qu’il ne s’agit nullement d’une déclinaison du sac Georges. Appréciation du tribunal L’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle. Cette disposition, issue de la loi n°2014-315 du 11 mars 2014, transpose en droit français l’article 12 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles qui dispose en son 1. que l’enregistrement d’un dessin ou modèle confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son consentement de l’utiliser. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit aux fins précitées. En l’espèce, Mme [I] [Y] est titulaire du modèle français enregistré auprès de l’INPI sous le numéro 20203935, déposé le 3 septembre 2020 et publié le 16 octobre de la même année. La société [I] n’est pas titulaire de ce modèle et ne justifie pas être licenciée exclusive. Ainsi que l’indique Mme [Y], il s’agit d’un sac présentant un empiècement en son fond, comportant deux types de anses, deux anses suffisamment longues permettant de le porter à l’épaule et une anse d’une plus grande taille, s’attachant sur ses tranches, afin notamment de permettre un porté en bandoulière. Il a, sur l’un des côtés entre les deux parties de l’anse, une poche extérieure avec une fermeture à glissière. Le sac est fermé par une fermeture à glissière et comporte plusieurs poches et compartiments à l’intérieur. La société L’Armoire à Tissus ne conteste pas la validité de ce modèle; si elle produit la photographie d’un autre sac disponible sur internet, cette citation n’est pas pertinente s’agissant de la création d’une société se déclarant sous licence de la demanderesse. Elle n’en tire en tout état de cause aucune conséquence juridique. Or, il ressort de captures d’écran datées des 2 et 4 mai 2022 effectuées sur la page internet www.larmoireatissus.net ainsi que du procès-verbal de constat dressé le 4 mai 2022 par Me [K], commissaire de justice au Vésinet, qu’est commercialisée par la société L’Armoire à Tissus une boîte intitulée “boîte à sac Georges” puis “boîte à sac de voyage”, comportant, selon les termes de l’annonce, le matériel nécessaire à la confection d’un “sac Georges” puis d’un “sac de voyage”. Il importe, à titre liminaire, de rappeler que le titulaire d’un modèle, dont l’image a été reproduite dans une affiche publicitaire (même si elle n’a pas pour objet de commercialiser le produit incorporant le modèle mais un produit différent) peut agir sur le fondement de l’ article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle pour faire cesser cette utilisation, si les conditions sont remplies. En effet, la liste des actes pouvant constituer une contrefaçon énoncée à l’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle n’est pas limitative au regard de l’article 12 de la drective 98/71/CE qu’elle transpose. En l’espèce, la société L’Armoire à Tissus ne conteste pas qu’il s’agit d’une photographie d’un sac qu’elle a cousu sur le modèle du “sac Georges” pour représenter le rendu fini de la boîte vendue. Le sac illustré reproduit en effet les caractéristiques précitées du modèle: il est doté d’un empiècement en son fond, présente deux anses suffisamment longues pour permettre le porté à l’épaule, a, sur l’un des côtés, entre les deux parties de l’anse, une poche extérieure fermée par une fermeture à glissière et le sac est fermé par une fermeture à glissière. Il produit donc sur l’observateur averti, amateur de loisirs créatifs et de couture et suffisamment vigilant, une impression visuelle d’ensemble identique. Cette photographie utilisée à fins promotionnelles pour vendre certaines “boîtes à sac Georges” puis “boîtes à sac de voyage” commercialisées par la société L’Armoire à Tissus, sur son site internet et sur facebook, constitue une contrefaçon du modèle de Mme [Y]. En revanche, la demanderesse ne démontre pas suffisamment, au moyen des pièces versées aux débats, le contenu de ces boîtes et ne prouve pas, en particulier, que la société L’Armoire à Tissus vend, à cette occasion, le patron reproduisant le modèle, permettant de confectionner le sac. Or, le demandeur à la contrefaçon supporte la charge de la preuve. Si la mention “patron non inclus” a été rajoutée après les premiers échanges pré-contentieux entre les parties, force est de constater que les publications produites, même antérieures, sous forme de captures d’écran ou dans le cadre d’un procès-verbal de constat de commissaire de justice, permettent seulement d’établir que ces boîtes contiennent la matière première nécessaire à la confection du sac désigné. L’énumération du contenu des boîtes “sac Georges” ou “sac de voyage” figurant sur les annonces, ne comporte pas le patron de couture, la seule mention “tout pour la création d’un sac Georges” n’étant pas suffisante pour établir la présence du patron et encore moins son contenu. Il ressort au contraire des quelques éléments produits à ce sujet, en particulier d’échanges avec des clients potentiels sur la page facebook de l’Armoire à Tissus trois et cinq jours avant l’établissement du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 5 avril 2022, soit avant la mise en demeure, qu’il est répondu que le patron de couture n’est pas dans la boîte et qu’il est renvoyé à la boutique de la société [I] pour se le procurer. Le fait de commercialiser des coupons de tissus (une découpe de tissu jacquard, de la doublure en popeline de coton, du simili cuir) et des articles de mercerie ne saurait constituer une contrefaçon de modèle, en l’absence de preuve de la vente du patron de couture, pas davantage que l’usage du nom “sac Georges” qui n’est pas protégé par le titre de propriété industrielle. S’agissant des “boîtes à surprise” commercialisées, aucune photographie du modèle de Mme [Y] n’y figure, ni d’ailleurs la référence expresse au “Sac Georges”. Si une publication mentionne que les boîtes à surprise comprennent un patron, sans que ce dernier ne soit produit, et qu’un rapprochement entre deux photographies permet de supposer qu’un des boîtes à surprise commercialisée pourrait être composée du nécessaire pour confectionner ledit “sac Georges”, la démonstration est insuffisante pour que soit caractérisée une contrefaçon de modèle. La demande ne peut donc prospérer sur ce point. Il importe de rappeler que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’observateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Or, en l’espèce, si le sac comporte un empiècement en son fond et deux types d’anses, le haut du sac est très arrondi, les anses ne sont pas cousues jusqu’en bas du sac et il est dépourvu de poche sur le côté si bien que l’utilisateur averti a une impression visuelle d’ensemble différente. La contrefaçon du modèle n’est pas établie. Par conséquent, seule l’utilisation du modèle à titre de photographie sur l’annonce de vente du kit du “sac Georges”, puis “Sac de Voyage” précitée, est constitutif de contrefaçon du modèle de Mme [Y]. Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] estiment subir un préjudice commercial résultant des conséquences économiques négatives de la contrefaçon puisqu’outre la commercialisation du patron, la société l’Armoire à Tissus a utilisé des photographies représentant le sac Georges pour promouvoir des produits qu’elle commercialise. Elles en retirent un manque à gagner, n’ayant pu réaliser les ventes. Faute pour la société défenderesse de produire des documents certifiés par expert comptable, elles demandent la somme de 800 euros. Elles invoquent un préjudice moral compte-tenu de l’atteinte portée à la valeur des actifs et à la notoriété alors que les kits sont vendus au rabais dans d’importantes quantités. Elles dénoncent des actes graves réalisés en connaissance de cause et demandent la somme de 5000 euros. La société L’Armoire à Tissus conteste tout manque à gagner dans la mesure où Mme [Y] bénéficie, selon elle, des retombées positives de ses boîtes à sac. Elle qualifie la demande d’indemnités de Mme [Y] de déraisonnable et conteste tout préjudice d’image alors que sa réputation est irréprochable. Dans la mesure où elle renvoie les clients à son patron de couture, elle a nécessairement fait des bénéfices. L’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; L’article L. 521-8 du même code dispose qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. En l’espèce, à titre liminaire, il sera interdit à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré par Mme [Y] sous le n°20203935 dans les conditions prévues au dispositif de la décision. En outre, à défaut de démontrer que la société L’Armoire à Tissus commercialise le patron de couture du “sac Georges”, Mme [Y] ne justifie pas de l’existence d’un manque à gagner, dans la mesure où elle ne commercialise pas elle-même ou via sa société, le matériel de couture nécessaire pour confectionner le sac. En revanche, elle se prévaut à raison d’un bénéfice indu réalisé par la société L’Armoire à Tissus, qui a utilisé une représentation du modèle dont elle est titulaire pour commercialiser sa boîte à couture “sac Georges” ou “sac de voyage”. Il est acquis que la boîte à sac Georges commercialisée à l’occasion de la fête des mères, pour laquelle a été utilisée la photographie du sac, est vendue 55 euros (le prix étant remisé à 39 euros). La défenderesse reconnaît avoir vendu trois boîtes à 39 euros et produit des factures, sans verser d’élément comptable probant permettant d’établir qu’elle n’a réalisé que ces trois ventes. Elle déclare dans ses écritures une marge de 10 euros par boîte environ, sans davantage l’étayer. La fête des mères est en revanche bien mentionnée sur l’offre. S’agissant des investissements intellectuels, matériels et promotionnels que Mme [Y] dit avoir mis en oeuvre, aucune pièce n’est versée aux débats pour apprécier les frais exposés. Elle justifie encore d’un préjudice moral caractérisé par l’atteinte portée à la valeur de ses actifs; la vente des produits au rabais comme l’atteinte à sa notoriété ne sont en revanche pas établies. Sur la caractérisation des actes anti-concurrentiels Moyens de parties Rappelant l’existence d’un partenariat noué avec la société Joelle tissus pour la commercialisation de kits de fournitures pour la réalisation des “sacs Georges”, Mme [Y] et la société [I] considèrent qu’en utilisant leur savoir-faire, leur notoriété et leurs créations pour commercialiser les boîtes précitées, la société L’Armoire à Tissus s’est rendue responsable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire. Elles concluent que la société défenderesse a usé de stratagèmes pour tirer profit des efforts, investissements, savoir-faire et notoriété du sac Georges. Elles ajoutent que la démarche consistant à utiliser le terme « Mademoiselle G » est aussi parasitaire, s’agissant de la première lettre de Georges. Elles considèrent qu’il y a un risque de confusion avec le sac Georges dont il constitue une déclinaison, à bas coût. Elles ajoutent que les mentions du site internet ne respectent pas les obligations légales. La société L’Armoire à Tissus indique avoir mentionné Mme [Y] non pour faire de la publicité mais pour la citer comme créatrice du patron. Elle indique avoir pensé être en bons termes avec elle, puisqu’elle avait plusieurs fois cité son nom dans ses publications. Elle soutient au contraire que les mots-clés utilisés sur les réseaux sociaux ont donné de la visibilité supplémentaire aux demanderesses. Elle relève qu’elles n’ont pas fait le choix de les protéger à titre de marque et précise que la page Facebook incriminée a été ouverte par un tiers. Elle se défend d’être à l’origine de sa création. Elle conteste tout risque de confusion entre les produits vendus par les parties, le concept de boîte voyage n’étant pas comparable avec les produits des demanderesses. Elle se prévaut de ses propres investissements, soulignant qu’elle a imaginé les boîtes à sac, qu’elle les a mises en conditionnement, a créé un marketing autour de son savoir-faire. Rappelant n’avoir jamais commercialisé le patron, elle estime n’avoir commis aucune faute ni agissement parasitaire. Elle soutient que le prix de vente n’est pas un argument entendable, qu’elle n’a enregistré aucun bénéfice ou surplus de commandes pendant la période incriminée et qu’il est erroné de dire qu’elle bénéficierait d’une augmentation de la fréquence de consultation de son site internet. Elle se veut transparente et communique le nombre de boîtes portant la mention “sac georges” vendues ainsi que ses bénéfices. Elle conteste avoir cherché la notoriété de la société [I], se prévaut de ses propres investissements créatifs, de promotion et de publicité et revendique une réputation irréprochable. Elle soutient ne jamais avoir laissé croire à la clientèle qu’elle était liée à Mme [Y]. Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En l’espèce, il doit être d’emblée rappelé que les demanderesses ne peuvent se prévaloir, à titre d’actes qu’elles qualifient d’anticoncurrentiels, de faits qui ne sont pas distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon, s’agissant en particulier du sac “Mademoiselle G”, pour les motifs rappelés au §51. Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] demandent réparation pour le risque de confusion créé en reproduisant les éléments susvisés et pour le profit tiré de ses investissements. Elles notent encore que le trafic sur le site de la défenderesse a augmenté en conséquence pendant la période en litige et qu’elle a échappé au risque financier inhérent au lancement et à la pérennisation d’une activité commerciale. Ses agissements ont fait croire que le site internet L’Armoire à tissus était lié à elles ce qui leur occasionne un préjudice car elles soutiennent que les retours des consommateurs la concernant ne sont pas toujours positifs, ce qui nuit à leur image. Elles contestent tout partenariat noué avec la défenderesse et demandent une réparation forfaitaire. En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, la chambre commerciale retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (Cass., Com., 22 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.096, Bull. 1985, IV, n° 245 ; Cass., Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-14.442, Bull. IV, n° 105 ; Cass., 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.582 ; Cass., Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.272 ; Cass., Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.669). La société L’Armoire à Tissus sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 25.000 euros en réparation d’un préjudice qu’elle aurait subi sans davantage de développement. Les demanderesses prospèrent en une partie de leur demande; aucun abus dans l’exercice de leurs droits occasionnant un préjudice à la société L’Armoire à Tissus n’est caractérisé. Succombant à titre principal, la société L’Armoire à Tissus sera condamnée aux dépens de l’instance qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DÉBOUTE M. [Y] et la société [I] de leur demande tendant à ce que les pièces 4, 5 et 6 produites par la société L’Armoire à Tissus soient écartées des débats; FAIT INTERDICTION à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré sous le n°20203935 dont est titulaire Mme [Y], pour commercialiser ses produits, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée dans un délai de quinze jours après la signification de la présente décision courant pendant un délai d’un an; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] la somme provisionnelle de 300 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de son modèle; DÉBOUTE la société [I] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] et à la société [I] la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale par parasitisme; REJETTE les demandes de publication du jugement; DÉBOUTE la société L’Armoire à Tissus de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande de publication de la décision; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus aux dépens qui seront recouvrés directement par Me [C] sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] et à la société [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision et dit n’y avoir lieu à l’écarter. Fait et jugé à Paris le 28 mars 2024 LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce qui protège la dénomination d’un produit sur les réseaux sociaux ?La dénomination d’un produit, même si elle n’est pas déposée comme marque, bénéficie d’une protection dès lors qu’elle est reconnue comme étant notoire sur les réseaux sociaux. Cela signifie que si un produit est largement connu et utilisé par un public, son nom peut être protégé contre toute utilisation non autorisée par des tiers. Cette protection est particulièrement pertinente dans le contexte des réseaux sociaux, où la notoriété peut se construire rapidement grâce à des publications, des hashtags et des interactions. Ainsi, un produit qui acquiert une certaine popularité peut voir son nom protégé, même sans enregistrement formel en tant que marque. Quels éléments ont été présentés par la société L’Armoire à Tissus dans cette affaire ?La société L’Armoire à Tissus a utilisé les termes “la boîte à sac Georges” et “type Georges” pour désigner des produits commercialisés sur son site internet et ses réseaux sociaux. Ces produits incluent des boîtes contenant des coupons de tissus et de la mercerie, nécessaires pour confectionner un sac. Elle a également utilisé des mots-clés pour référencer son contenu, comme “tout pour coudre un sac Georges de #vinydiy”. Ces éléments ont été présentés comme une manière d’attirer une clientèle en utilisant la notoriété du sac Georges, qui est un produit phare de la société demanderesse. Comment la notoriété du sac Georges a-t-elle été établie ?La notoriété du sac Georges a été établie par les demanderesses à travers des statistiques sur les réseaux sociaux. Par exemple, le hashtag “#sacgeorges” comptait 7188 publications sur Instagram et 1000 abonnés sur Facebook, tandis que le hashtag “#sacgeorgesvinydiy” recevait 2439 publications sur Instagram. Ces chiffres démontrent que le sac Georges est bien connu dans l’univers du loisir créatif, en particulier dans le domaine de la couture. Cette notoriété a été utilisée pour justifier la protection de la dénomination et pour soutenir les accusations de concurrence déloyale contre la société L’Armoire à Tissus. Quelles accusations ont été portées contre la société L’Armoire à Tissus ?La société L’Armoire à Tissus a été accusée de confusion dans l’esprit des consommateurs, en laissant entendre qu’il existait un lien entre elle et les demanderesses. En utilisant des termes associés au sac Georges, elle aurait profité de la notoriété de ce produit sans autorisation. Les demanderesses ont également soutenu que la société L’Armoire à Tissus avait commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, en s’appropriant les efforts et la réputation des créatrices du sac Georges. Cela a été considéré comme une exploitation fautive de la notoriété du produit. Quelles preuves ont été présentées concernant la contrefaçon ?Les demanderesses ont présenté des preuves sous forme de captures d’écran et de procès-verbaux de constat, montrant que la société L’Armoire à Tissus commercialisait des produits en utilisant le nom “sac Georges”. Cependant, il a été noté que la société L’Armoire à Tissus ne vendait pas le patron de couture du sac Georges, ce qui a été un point crucial dans l’évaluation de la contrefaçon. Les preuves ont montré que la société avait utilisé des photographies du sac Georges pour promouvoir ses produits, ce qui a été jugé comme une contrefaçon du modèle. Quelle a été la décision du tribunal concernant la concurrence déloyale ?Le tribunal a conclu que la société L’Armoire à Tissus avait effectivement commis des actes de concurrence déloyale en utilisant la notoriété du sac Georges pour attirer des clients. Il a été établi que la société avait créé une confusion dans l’esprit des consommateurs en utilisant des mots-clés et des références au sac Georges, ce qui lui a permis de bénéficier de la réputation des demanderesses. En conséquence, la société a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour le préjudice causé par ses actes de parasitisme. Quelles réparations ont été ordonnées par le tribunal ?Le tribunal a ordonné à la société L’Armoire à Tissus de payer une somme provisionnelle de 300 euros à Mme [Y] en réparation du préjudice subi en raison de la contrefaçon de son modèle. De plus, la société a été condamnée à verser 1.500 euros pour le préjudice causé par des actes de concurrence déloyale. Le tribunal a également interdit à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré par Mme [Y] pour commercialiser ses produits, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée. Quelles étaient les conclusions finales du tribunal ?Les conclusions finales du tribunal ont abouti à plusieurs décisions clés. La société L’Armoire à Tissus a été interdite d’utiliser le modèle enregistré par Mme [Y] et a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour la contrefaçon et la concurrence déloyale. Le tribunal a également rejeté les demandes de publication judiciaire du jugement et a condamné la société L’Armoire à Tissus aux dépens de l’instance. En somme, la décision a renforcé la protection des droits de propriété intellectuelle et a sanctionné les pratiques commerciales déloyales. |
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