L’Essentiel : En matière de fraude bancaire, la banque peut produire le « détail des connexions à l’espace client ». Cependant, ce document ne prouve pas que le client ait effectivement validé l’ajout d’un bénéficiaire frauduleux. L’absence de preuve concernant l’adresse IP et le numéro de téléphone utilisé pour l’envoi d’un SMS de confirmation soulève des doutes. De plus, le client avait déjà signalé des tentatives de fraude, ce qui aurait dû inciter la banque à faire preuve de vigilance. En conséquence, la responsabilité de la banque est engagée, et le jugement en faveur du client est confirmé.
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En matière de fraude bancaire au détriment du client, la banque est recevable à produire le « détail des connexions à l’espace client ». Rien ne permet d’affirmer que ce document serait établi pour les ‘ besoins de la cause’.
Toutefois, quant à la valeur probante de ce document, si ce relevé mentionne bien qu’à une date précise le client se serait connecté à son espace client pour authentifier le RIB d’un nouveau bénéficiaire, celui de l’auteur de la fraude, il n’en demeure pas moins, que rien n’établit que ce soit bien le client qui ait avalisé cet ajout. De même, rien n’établit que l’adresse IP mentionnée sur ce relevé, soit bien celle de l’ordinateur ou du mobile du client. D’autre part, et surtout, alors que la banque indique avoir envoyé un SMS à son client pour lui demander confirmation de cet ajout, elle n’indique en rien le numéro de téléphone auquel elle a adressé ce SMS, qu’elle ne produit pas, ce qui aurait pourtant permis de vérifier si le client en avait bien été le destinataire. Enfin, le mois précédant ce virement litigieux, le client avait signalé, à 2 reprises, qu’il était victime de tentatives de fraude par des ajouts de bénéficiaires qu’il n’avait pas demandé, ce qui aurait dû inciter la banque à faire preuve de plus de vigilance, s’agissant d’un virement d’une somme conséquente (responsabilité de la banque engagée). __________________________________________________________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère chambre ARRÊT DU 31 MARS 2022 N° RG 21/00393 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H5SM RG :11-20-391 S.A. BNP PARIBAS C/ X APPELANTE : S.A. BNP PARIBAS […] […] Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Jean christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE INTIMÉ : Monsieur Y X né le […] à OBRECHIES […] […] R e p r é s e n t é p a r M e F l o r e n c e R O C H E L E M A G N E d e l a S E L A R L ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère Mme A B, Magistrate à titre honoraire GREFFIER : Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision DÉBATS : À l’audience publique du 27 Janvier 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Mars 2022, et prorogé au 31 Mars 2022, Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ; ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 31 Mars 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour Par acte du 7 mai 2020, M. Y X a assigné la société anonyme BNP Paribas devant le tribunal judiciaire d’Avignon afin qu’elle soit condamnée à lui rembourser la somme de 6.000 euros débitée sur son compte, frauduleusement, le 7 août 2019 et sans son accord. Par jugement contradictoire du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire d’Avignon a, pour l’essentiel, condamné la société anonyme BNP Paribas à payer à M. Y X la somme de 6.000 euros en remboursement du virement, celle de 1 euro de dommages intérêts pour préjudice moral, et, enfin, celle de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par déclaration du 28 janvier 2021, la banque a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022 elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. X de toutes ses prétentions, et le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. Elle conclut, en substance, que l’opération contestée par l’intimé consiste en un virement externe de 6. 000 euros réalisé par internet vers un bénéficiaire préalablement ajouté et validé par M. X dans sa liste de bénéficiaire de confiance et par authentification via l’envoi d’un code à usage unique reçu sur le téléphone de M. X, qu’en conséquence, M. X, dont le préjudice trouve son origine dans sa propre négligence puisqu’il a lui-même ajouté à ses bénéficiaires le rib du fraudeur, ne peut aujourd’hui se prévaloir de sa propre turpitude afin de solliciter le remboursement de la somme litigieuse, et qu’il ne rapporte pas la preuve d’une faute qui lui soit imputable, alors qu’ elle a respecté ses obligations contractuelles. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2021, M. X demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner l’appelante à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que la banque succombe dans l’administration de la preuve des négligences qu’elle lui impute, notamment, en celle qu’il aurait communiqué des données personnelles par réponse au courrier frauduleux, que l’appelante a manqué à ses obligations contractuelles puisqu’elle n’a pas suspendu l’opération litigieuse alors qu’il l’avait avertie de précédentes tentatives de fraude pas courriers, et qu’en conséquence, la banque avait pour obligation de le rembourser immédiatement après avoir été informé du caractère frauduleux du prélèvement. Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. Il est constant que le 7 août 2019, un virement de 6.000 euros a été émis du compte de M. X avec le motif ‘ achat de voiture pour M. YEELD’, qu’il contestait être l’auteur de ce virement et déposait ensuit plainte, pour escroquerie, devant les services de police. Pour rejeter l’argumentation de la banque selon laquelle M. X a fait preuve d’une négligence grave à ses obligations, devant entraîner le rejet de sa demande de remboursement, le juge de première instance a considéré que la pièce produite par la banque ne ‘comporte aucune indication d’en tête, soit de la banque, soit de l’organisme gérant le système informatique… et n’est assorti d’aucune explication d’un organisme ou d’un service nominativement identifié permettant de l’identifier.’ Cependant, devant la cour, la banque produit la même pièce intitulée ‘ détail des connexions à l’espace client de Monsieur X’ et portant le logo BNP PARIBAS. Or, en dépit des protestations de M. X, rien ne permet d’affirmer que ce document, comme il le prétend, ait été établi pour les ‘ besoins de la cause’ en appel. Quant à la valeur probante de ce document, même s’il émane de la banque elle même, elle doit être retenue, s’agissant d’un moyen de preuve dont les parties ont pu largement discuter. En revanche, la portée de ce document est toute relative. En effet, si ce relevé mentionne bien que le 6 août 2019, M. X, se serait connecté, ce qu’il conteste, à son espace client pour authentifier le RIB d’un nouveau bénéficiaire, celui de l’auteur de la fraude, il n’en demeure pas moins, que rien n’établit que ce soit bien M. X, qui ait avalisé cet ajout. D’ailleurs, alors que M. X indique qu’il n’avait plus de code d’accès à son compte, via internet, ce qu’il déclarait déjà à sa banque, le 6 juillet, l’appelante n’a pas répondu à cet argument De même, rien n’établit que l’adresse IP mentionnée sur ce relevé, soit bien celle de l’ordinateur ou du mobile de M. X, d’autre part, et surtout, alors que la banque indique avoir envoyé un SMS à M. X pour lui demander confirmation de cet ajout, ce que conteste encore l’intimé, elle n’indique en rien le numéro de téléphone auquel elle a adressé ce SMS, qu’elle ne produit pas, ce qui aurait pourtant permis de vérifier si M. X en avait bien été le destinataire. Ainsi, étant, par ailleurs, observé que le mois précédant ce virement litigieux, M. X avait signalé, à 2 reprises, qu’il était victime de tentatives de fraude par des ajouts de bénéficiaires qu’il n’avait pas demandé, ce qui aurait du inciter la banque à faire preuve de plus de vigilance, s’agissant d’un virement d’une somme conséquente, l’appelante ne rapporte pas la preuve, qu’il lui incombe d’établir, de la négligence grave qu’elle impute à M. X, de telle sorte que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X les frais irrépétibles exposés en appel et il convient de lui allouer la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La banque, succombant en son appel, doit être condamnée aux entiers dépens. PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré Y ajoutant Condamne la société BNP PARIBAS à payer à M. Y X la somme de 1.200 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Condamne la S.A BNP PARIBAS aux entiers dépens. Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la fraude bancaire mentionnée dans le texte ?La fraude bancaire évoquée dans le texte concerne un virement de 6.000 euros effectué à partir du compte de M. Y X, sans son consentement. Ce virement a été réalisé vers un bénéficiaire que M. X n’avait pas autorisé, ce qui a conduit à une plainte pour escroquerie. La banque, BNP Paribas, a été assignée en justice par M. X pour obtenir le remboursement de cette somme. Le jugement initial a condamné la banque à rembourser M. X, mais celle-ci a interjeté appel, arguant que M. X avait lui-même ajouté le bénéficiaire à sa liste de confiance, ce qui a entraîné une discussion sur la négligence de M. X dans la gestion de ses informations bancaires. Quels éléments de preuve la banque a-t-elle fournis pour soutenir sa position ?La banque a produit un document intitulé « détail des connexions à l’espace client de Monsieur X », qui mentionne que M. X se serait connecté à son espace client pour authentifier le RIB d’un nouveau bénéficiaire. Cependant, ce document n’établit pas de manière concluante que M. X a effectivement validé cet ajout. De plus, la banque a affirmé avoir envoyé un SMS à M. X pour confirmer l’ajout du bénéficiaire, mais n’a pas fourni le numéro de téléphone utilisé pour cet envoi, ce qui aurait permis de vérifier si M. X avait bien reçu ce message. Ces éléments soulèvent des doutes quant à la véracité des affirmations de la banque et à la responsabilité de M. X dans cette affaire. Quelles étaient les préoccupations de M. X avant le virement litigieux ?M. X avait signalé à deux reprises à sa banque qu’il était victime de tentatives de fraude, notamment par des ajouts de bénéficiaires qu’il n’avait pas demandés. Ces alertes auraient dû inciter la banque à faire preuve de plus de vigilance, surtout en ce qui concerne un virement d’une somme conséquente comme celui de 6.000 euros. Cette situation soulève des questions sur la responsabilité de la banque dans la protection des comptes de ses clients et sur son obligation de réagir face à des signaux d’alerte concernant des activités frauduleuses. Quel a été le jugement de la cour d’appel concernant la responsabilité de la banque ?La cour d’appel a confirmé le jugement initial, estimant que la banque n’avait pas prouvé la négligence grave de M. X, qu’elle lui imputait. Le juge a noté que la banque n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir que M. X avait effectivement validé l’ajout du bénéficiaire. De plus, la cour a souligné que la banque n’avait pas respecté ses obligations contractuelles en ne suspendant pas l’opération litigieuse après avoir été informée des tentatives de fraude. En conséquence, la banque a été condamnée à rembourser M. X et à payer des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Quelles sont les implications de cet arrêt pour les clients et les banques ?Cet arrêt souligne l’importance pour les banques de prendre au sérieux les alertes de leurs clients concernant des activités suspectes. Il met également en lumière la nécessité pour les établissements financiers de fournir des preuves claires et vérifiables lorsqu’ils contestent des demandes de remboursement liées à des fraudes. Pour les clients, cela renforce l’idée qu’ils doivent être vigilants et proactifs dans la gestion de leurs comptes, tout en sachant qu’ils ont des droits en cas de fraude. Les banques, de leur côté, doivent améliorer leurs protocoles de sécurité et de communication pour protéger leurs clients contre de telles situations. |
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