Pour fixer les frais irrépétibles, la juridiction peut prendre en compte la situation économique de la partie condamnée.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; 2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %. |
L’Essentiel : La société ORIENT’ACTION PARIS, représentée par un dirigeant, et un acheteur ont engagé une action en justice contre la société VAST et son dirigeant, demandant l’interdiction d’utiliser la marque ORIENT’ACTION et des dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale. En mars 2024, les demandeurs ont augmenté leurs demandes à 499.791 € pour préjudice commercial, tout en ajoutant des frais irrépétibles. Le tribunal a ordonné à la société VAST de cesser l’utilisation de la marque et a condamné cette dernière à verser des sommes importantes pour ses actes illicites, tout en publiant le jugement pour réparer l’atteinte à l’image de la société ORIENT’ACTION.
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Résumé de l’affaire :
Contexte du LitigeLa société ORIENT’ACTION PARIS, représentée par un dirigeant, et un acheteur ont intenté une action en justice contre la société VAST et son dirigeant, demandant au tribunal d’ordonner à la société VAST de cesser l’utilisation de la marque ORIENT’ACTION, ainsi que de payer des dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale. Demandes InitialesLes demandeurs ont sollicité plusieurs mesures, notamment l’interdiction d’utiliser des signes distinctifs similaires à la marque ORIENT’ACTION, la restitution de documents appartenant à la société ORIENT’ACTION, et des dommages-intérêts s’élevant à 135.000 € pour contrefaçon de marque, ainsi que d’autres sommes pour concurrence déloyale. Évolution des DemandesEn mars 2024, la société ORIENT’ACTION et l’acheteur ont maintenu leurs demandes, augmentant le montant des dommages-intérêts à 499.791 € pour préjudice commercial et financier, tout en ajoutant des frais irrépétibles de 15.000 €. Contrats de LicenceLes parties avaient signé deux contrats de licence de marque en 2018, permettant à la société VAST d’exploiter la marque ORIENT’ACTION. Cependant, un protocole transactionnel signé en 2020 a mis fin à ces relations contractuelles, avec des conditions spécifiques sur l’utilisation des méthodes et documents de la société ORIENT’ACTION. Comportements ContestésLa société VAST a été accusée d’avoir continué à utiliser la marque et les documents de la société ORIENT’ACTION après la fin de leur contrat, ainsi que de dénigrer la société et de recruter des consultants de son réseau, ce qui a entraîné des pertes pour la société ORIENT’ACTION. Jugement du TribunalLe tribunal a rejeté la demande d’annulation de la marque ORIENT’ACTION, affirmant son caractère distinctif. Il a ordonné à la société VAST de cesser toute utilisation de la marque et a condamné cette dernière à verser des sommes importantes pour contrefaçon, concurrence déloyale, détournement d’investissements et atteinte à l’image. Publication du JugementLe tribunal a également ordonné la publication du jugement sur le site internet de la société VAST et dans des revues, aux frais de cette dernière, afin de réparer l’atteinte à l’image de la société ORIENT’ACTION. Frais et DépensLa société VAST a été condamnée à payer les frais de justice, y compris les frais d’huissier, et à verser une somme pour les frais irrépétibles à la société ORIENT’ACTION, tandis que les demandes de l’acheteur contre le dirigeant de la société VAST ont été rejetées. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de la société ORIENT’ACTION, confirmant la protection de sa marque et condamnant la société VAST pour ses actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, tout en ordonnant des mesures réparatoires significatives. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la demande d’annulation de la marque ORIENT’ACTIONLa société VAST soutient que la marque semi-figurative ORIENT’ACTION serait dépourvue de tout caractère distinctif en ce qui concerne les services d’éducation et de formation de la classe 41. L’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle précise : « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarés nuls : (…) 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ; (…) ». Le nom de la marque constitue un néologisme basé sur un jeu de mots issu du terme « orientation ». Si le terme orientation n’est pas distinctif pour des services relatifs à la formation et aux bilans de compétences, en revanche, la contraction des mots « orientation » et « action » devient un terme qui n’est plus seulement descriptif, mais caractérise une combinaison inhabituelle, et donc originale. Cette originalité est renforcée par la présentation graphique de la marque, montrant une manche à air gonflée par le vent, image qui est parfaitement étrangère aux services visés par le dépôt de marque. L’impression d’ensemble est ainsi éloignée de celle produite par la combinaison des significations des éléments qui la composent. En conséquence, la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de la marque n° 113868107 déposée le 24 octobre 2011 sera rejetée. Sur la contrefaçon de la marque ORIENT’ACTIONL’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. En l’espèce, les sociétés ORIENT’ACTION et VAST exercent toutes deux leurs activités dans le domaine des prestations de bilans de compétences, de validation des acquis, de bilans d’orientation, de coaching et de recrutement. Le protocole transactionnel signé le 30 avril 2020 entre ces deux sociétés prévoit notamment la fin des deux contrats de licence de marque à effet au 30 septembre 2020. Par dérogation, la société VAST a été autorisée par l’article 2 du protocole, à utiliser les méthodes ORIENT’ACTION jusqu’au 28 février 2021, uniquement pour les prestations en cours. Or, sont produits au débat des courriels adressés par le dirigeant de la société VAST ou ses préposés postérieurement au 30 septembre 2020 avec une messagerie électronique « orientaction.com » et l’utilisation de cette marque et de son logo, à de nouveaux clients le 13 octobre 2020, 9 novembre 2020 et 18 novembre 2020. S’agissant du nouveau client du 9 novembre 2020, un devis a été établi le même jour, sur entête ORIENT’ACTION. Contrairement à ce que soutient la société VAST, il ne s’agissait pas de prestations en cours. Ces agissements caractérisent une contrefaçon à l’identique de la marque ORIENT’ACTION, que la société VAST n’était plus autorisée à utiliser pour de nouvelles prestations postérieurement au 30 septembre 2020. Sur les droits d’auteur de l’auteur des e-booksL’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose, en ses deux premiers alinéas, que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. L’article L 112-2 du même code prévoit que sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code les livres, brochures et autres écrits, ainsi que les conférences, allocutions. Pour être originale, une œuvre doit être révélatrice d’un effort créatif, et traduire la personnalité de son auteur. La preuve d’un acte de contrefaçon peut être apportée par tout moyen. En l’occurrence, l’auteur des e-books expose avoir créé une méthode traduite dans des supports pédagogiques. Il sollicite la condamnation du dirigeant de la société VAST, invoquant la violation de ses droits d’auteur par ce dernier. Toutefois, les moyens qu’il développe au soutien de cette prétention sont tous tournés vers la société VAST, qui dispose d’une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant. Ainsi, les griefs élevés à l’encontre de la société VAST ne peuvent pas avoir pour conséquence juridique la condamnation personnelle du dirigeant, qui seule est réclamée. En l’absence de démonstration d’une contrefaçon de droits d’auteur par le dirigeant lui-même, les demandes formées par l’auteur des e-books seront rejetées. Sur la concurrence déloyaleL’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En l’occurrence, la société ORIENT’ACTION invoque la menace d’une action en justice émanant du dirigeant de la société VAST à l’encontre du candidat choisi pour lui succéder au sein du réseau ORIENT’ACTION. La société ORIENT’ACTION soutient que le but recherché aurait été de perturber son réseau de licenciés. En parallèle, la société ORIENT’ACTION établit, par la production d’attestations, que le dirigeant de la société VAST aurait tenu des propos dénigrants à son encontre auprès de tiers, et notamment de clients et de prospects. Cette posture de dénigrement a été confirmée par le rapport d’un enquêteur privé, au mois de mars 2021, s’étant présenté comme un client auprès de la société VAST. Ces agissements constituent un comportement déloyal fautif. Par ailleurs, la société VAST a démarché les consultants du réseau ORIENT’ACTION, afin de les recruter pour son propre compte. Bien que les consultants ne soient pas liés par une clause de non-concurrence, ce démarchage excède le jeu normal de la concurrence entre entreprises indépendantes. Ce faisant, la société VAST se place dans le sillage de la société ORIENT’ACTION, en bénéficiant du savoir-faire des consultants du réseau, qui pour certains continuent de se présenter sous la bannière ORIENT’ACTION, encore au mois de mai 2022, provoquant un détournement de clientèle. La société VAST a notamment recruté l’ancienne responsable de certification QUALIOPI de la société ORIENT’ACTION. Ces comportements démontrent la volonté de la société VAST de récupérer le savoir-faire de la société ORIENT’ACTION sans bourse délier, et caractérisent des actes de concurrence déloyale. Sur les mesures réparatoiresL’article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. En l’occurrence, la demanderesse établit que la seule utilisation de la marque ORIENT’ACTION sur GOOGLE MY BUSINESS avait généré, au 10 novembre 2020, pas moins de 1 896 vues. Le coût d’un bilan de compétences s’élève à 2 000 euros hors taxe. Ainsi, en retenant un taux de conversion de 2% par rapport au nombre de vues, la contrefaçon a procuré à la société VAST un chiffre d’affaires de 75 000 euros hors taxe. Compte tenu du budget important consacré par la société ORIENT’ACTION à ses actions de marketing, l’économie d’investissements promotionnels réalisés par la société VAST sera évaluée à 50 000 euros. L’utilisation illicite de sa marque a causé à la demanderesse un préjudice distinct, qui sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que prévu par les dispositions susvisées. Au total, la société VAST sera condamnée à payer à la société ORIENT’ACTION la somme de 135 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de marque. Sur l’indemnisation de la concurrence déloyaleL’existence d’un préjudice découlant d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme s’infère de la seule existence de ces actes. En l’espèce, en s’appropriant sans bourse délier le savoir-faire, les documentations et les supports pédagogiques de la société ORIENT’ACTION, la société VAST a fait l’économie des redevances induites par les contrats de licence, ainsi que des investissements nécessaires au développement de son activité. En outre, suite aux manœuvres de démarchage, près de quarante consultants de la société demanderesse ont rejoint la société VAST, entre 2020 et 2022. Ces débauchages ont provoqué la perte de clients, qui ont poursuivi leurs prestations avec la société VAST. Les effets de la concurrence déloyale sont visibles notamment à travers la forte augmentation du chiffre d’affaires de la société VAST, passée de 503 451 euros en 2020 à 1 043 095 euros en 2022. Sur les exercices comptables 2021 à 2023 inclus, la société VAST aurait dû s’acquitter de redevances de licence de marque, soit 15% du chiffre d’affaires, outre 2% au titre de la participation à la communication. La société ORIENT’ACTION a évalué ces redevances à la somme totale de 499 791 euros, arrêtée au 31 décembre 2023. Fondée sur les comptes de la société VAST, produits au débat, cette évaluation du manque à gagner sera retenue, et la société VAST condamnée à payer cette somme. Sur le préjudice d’imageDu fait des agissements de la société VAST, le savoir-faire de la société ORIENT’ACTION a été associé à une enseigne concurrente. En parallèle, la société VAST a procédé au dénigrement de la société ORIENT’ACTION et de sa marque ORIENT’ACTION. Ce comportement a porté atteinte à l’image de cette dernière. En conséquence, en réparation de ce préjudice, la société VAST sera condamnée à lui payer la somme de 30 000 euros. Sur la demande de publication du jugementLe contexte du litige opposant les parties, l’atteinte portée à l’image de la société ORIENT’ACTION, et la réparation qu’elle est fondée à réclamer, impliquent que le dispositif du présent jugement soit publié en page d’accueil du site internet de la société VAST durant une durée de trois mois à compter de la signification de la décision. Cette publication sera également réalisée, aux frais de la société VAST, et dans la limite de la somme de 3 000 euros hors taxe, dans trois revues au choix de la société ORIENT’ACTION. Sur les frais irrépétiblesL’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; 2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. La société VAST, succombant à l’instance, ne pourra pas voir accueillie sa demande formée à ce titre. En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ORIENT’ACTION l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens. Une somme de 10.000 euros lui sera allouée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et mise à la charge de la société VAST. Sur les dépensAux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. En l’espèce, la société VAST, succombant à l’instance, sera condamnée au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier dressé en exécution de l’ordonnance du 17 mars 2021. Sur l’exécution provisoireAux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En l’espèce, il n’y a pas lieu de ne pas ordonner l’exécution provisoire. |
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°25/ DU 23 Janvier 2025
Enrôlement : N° RG 22/08400 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2FR2
AFFAIRE : S.A.R.L. ORIENT’ACTION [Localité 7] – M. [G] [S] ( Me Sophie BOMEL)
C/ S.A.S.U. VAST – M. [L] [C] (la SCP BOLLET & ASSOCIES)
DÉBATS : A l’audience Publique du 21 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : BERGER-GENTIL Blandine, en application des articles 804 et 805 du code de procédure civile, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et BERTHELOT Stéphanie, juge assesseur,en qualité de Juge Rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré,
Greffier lors des débats : BERARD Béatrice
Vu le rapport fait à l’audience
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 23 Janvier 2025
Après délibéré entre :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente, (juge rapporteur)
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
S.A.R.L. ORIENT’ACTION [Localité 7]
immatriculée au R.C.S de PARIS sous le n°790 181 820, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 3]
Monsieur [S] [G]
né le 15 Février 1980 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentés par Me Sophie BOMEL, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Pierre FERNANDEZ, avocat plaidant au barreau de PARIS
C O N T R E
DEFENDEURS
S.A.S.U. VAST,
immatriculée au RCS de Marseille sous le n° 834 009 029 prise en la personne de son Président en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 2]
Monsieur [C] [L]
né le 18 Août 1967 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Maître Jean paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,
Suivant actes d’huissier de justice des 20 et 26 juillet 2022, la société ORIENT’ACTION PARIS et Monsieur [S] [G] ont fait citer la société VAST et son dirigeant Monsieur [C] [L], sollicitant du tribunal :
« ORDONNER à la société VAST, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir de
cesser :
– d’utiliser tout signe distinctif identique ou similaire à la marque
ORIENT’ACTION ;
– de conserver la documentation commerciale, juridique et pédagogique appartenant à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ;
– d’utiliser tout document commercial, juridique ou pédagogique contrefaisant ceux de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ;
– d’utiliser le savoir faire et la méthodologie développés par la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
DIRE ET JUGER que le Tribunal se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte.
CONDAMNER la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] une somme de 135.000 € de dommages intérêts pour contrefaçon de la marque ORIENT’ACTION.
CONDAMNER Monsieur [C] [L] à payer à Monsieur [S] [G] une somme de 50.000 € de dommages intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur.
CONDAMNER in solidum la société VAST et Monsieur [C] [L] pour actes de concurrence déloyale et parasitaire, à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] :
– une somme de 200.000 € en réparation du préjudice de détournement d’investissements et d’atteinte au patrimoine immatériel de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ;
– une somme de 321.500 € en réparation du préjudice commercial et financier de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ;
– une somme de 30.000 € en réparation du préjudice d’image de la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir condamnant la société VAST pour les actes de concurrence parasitaire commis à l’égard de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] :
– En page d’accueil de son site internet www.vastrh.fr et pour une durée de 3 mois ;
– dans trois revues au choix de la demanderesse et aux frais de la société VAST, sans que le coût mis à sa charge puisse excéder la somme de 3.000 € HT.
CONDAMNER in solidum la société VAST et Monsieur [C] [L] à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] et à Monsieur [G], chacun, la somme de 10.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la société VAST en tous les dépens, en ce compris le coût de l’huissier constatant et de l’informaticien désigné suivant ordonnance du 17 mars 2021. »
Par conclusions signifiées le 25 mars 2024, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] et Monsieur [G] maintiennent leurs demandes initiales, portant leur demande indemnitaire à la sommes de 499.791 € en réparation du préjudice commercial et financier de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], et 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils font valoir que :
– la société est titulaire de la marque ORIENT’ACTION pour les classes 35, 41 et 42.
– les 5 janvier et 16 avril 2018, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] a signé avec la société VAST, fraichement créée, deux contrats de licence de la marque, couvrant les zones géographiques de [Localité 9], [Localité 6] et [Localité 8].
– par ces contrats d’une durée déterminée de trois ans, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] a concédé un droit d’exploitation de sa marque ORIENT’ACTION® à la société VAST, en vue de la réalisation de prestations de type bilans de compétences, outplacement, recrutements.
– parallèlement à ces contrats de licence, la société VAST a réalisé des prestations, notamment des bilans de compétences, dans le cadre d’une relation de sous-traitance avec la société ORIENT’ACTION basée [Localité 4].
– la société ORIENT’ACTION [Localité 7] et la société VAST ont régularisé, le 30 avril 2020, un protocole d’accord transactionnel destiné à encadrer les modalités de la fin de leurs relations contractuelles.
– la société VAST a tenté de s’approprier les supports créés par ORIENT’ACTION pour les exploiter pour son compte.
– la société VAST a menacé de poursuites injustifiées un autre licencié ORIENT’ACTION.
– la société VAST s’est livrée, via son dirigeant Monsieur [L], à un dénigrement systématique du Groupe ORIENT’ACTION et à un démarchage massif des consultants d’autres licenciés ORIENT’ACTION.
– sur une période de quelque mois, la société VAST a recruté pas moins de 17 consultants anciennement partenaires du réseau ORIENT’ACTION. Près de 60% des consultants travaillant au sein de la société VAST sont des d’anciens consultants ORIENT’ACTION.
– la société VAST n’a pas hésité à continuer d’utiliser les documents pédagogiques et commerciaux ORIENT’ACTION mis à sa disposition dans le cadre du contrat de licence pourtant arrivé à terme le 30 septembre 2020.
– plus de trois mois après la fin de son contrat de licence de marque, la société VAST a continué d’utiliser le logo ORIENT’ACTION pour établir ses devis et ainsi bénéficié illicitement de la notoriété du réseau ORIENT’ACTION.
– sur le site internet « moncompteformation.com », plateforme d’achat en ligne des formations mises en place par l’Etat, la société VAST a contrefait l’intégralité des présentations commerciales de la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
– par jugement en date du 20 mars 2023, le Tribunal de Commerce de PARIS, constatant que la société ORIENT’ACTION PARIS n’avait pas commis de manquement justifiant la résiliation du protocole à ses torts et qu’au contraire, la société VAST avait manqué à ses propres obligations, a débouté cette dernière de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à 15.000 € au titre de l’article 700 CPC.
– contrairement à ce que soutient la société VAST, la marque semi-figurative ORIENT’ACTION est originale et distinctive.
– le néologisme ORIENT’ACTION présente incontestablement une signification de fantaisie.
– la représentation d’une manche à air pour des services d’ « éducation » et de « formation » est, en elle-même, totalement originale puisqu’elle est étrangère à ces deux domaines.
– la forme, la couleur de la manche, son positionnement particulier, notamment le pied encré dans le « O » des termes « Orient’Action » qui constituent eux-mêmes un néologisme original, produisent incontestablement une impression d’ensemble qui confère à la marque un caractère original et distinctif.
– les e-books rédigés par Monsieur [G] constituent des écrits littéraires protégés.
– chaque E-book indique en page de couverture « Ces livrets vous sont offerts par Orient’Action et son auteur Dr. [S] [G] pour approfondir vos réflexions et passer à l’action. »
– à l’issue du contrat de licence, la société VAST et son dirigeant ont repris les éléments caractéristiques de l’œuvre de Monsieur [G] pour se les approprier en mettant en place des supports de formation contrefaisants.
– la société VAST et son dirigeant se sont rendus coupables de plusieurs types d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme dans le seul but de nuire au réseau ORIENT’ACTION et de tirer avantage, sans bourse délier, de la notoriété et du savoir-faire de la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
– la menace de procédure totalement injustifiée de la part de la société VAST n’avait pour autre but que de perturber le réseau de licenciés ORIENT’ACTION, à seules fins de conserver le plus longtemps possible sa « zone de chalandise » et ce, y compris postérieurement à la rupture de son contrat de licence. Monsieur [L] n’a pas hésité à travestir les termes du protocole de rupture en prétendant que celui-ci lui conférait une exclusivité sur « sa zone » jusqu’en septembre 2021 au lieu de septembre 2020.
– le fait de dénigrer la société ORIENT’ACTION [Localité 7] à l’égard de prospects, c’est-à-dire de clients potentiels, constitue un comportement particulièrement préjudiciable et sanctionnable.
– même en l’absence de clauses de non-concurrence dans les contrats des consultants, les débauchages auxquels s’est livrée la société VAST n’en demeurent pas moins fautifs, eu égard, non seulement à leur ampleur, mais également aux conditions déloyales dans lesquelles ils sont intervenus.
– ces comportements illustrent la volonté de la société VAST et de son dirigeant, non seulement de récupérer tout le savoir faire de la société ORIENT’ACTION via le débauchage des consultants de cette dernière, mais également d’utiliser, par le biais détourné de la communication trompeuse de ses consultants sur internet, le nom et la
notoriété ORIENT’ACTION pour développer son activité de manière déloyale.
– sur une période de quelque mois, la société VAST, qui ne travaillait qu’avec son dirigeant et une consultante sur une zone territoriale limitée, a recruté plusieurs dizaines de consultants anciennement partenaires du réseau ORIENT’ACTION couvrant l’ensemble du territoire national.
– les consultants débauchés ont continué de se présenter sous la marque ORIENT’ACTION et d’obtenir par ce biais des contacts clients qu’ils ont finalement traités via leur nouveau partenariat avec la société VAST.
– dès lors qu’elle a négocié le protocole de rupture de ses contrats de licence, la société VAST s’est ainsi lancée dans une vaste opération de captation de la clientèle ORIENT’ACTION.
– l’offre de services que la société ORIENT’ACTION [Localité 7] propose en matière de formation et d’accompagnement professionnel repose sur une méthode originale qui lui a notamment valu d’être sélectionnée en mars 2009 parmi les 100 projets les plus innovants de l’Union Européenne dans la catégorie innovation sociale.
– dans le cadre du contrat de licence, la société VAST a eu accès au savoir faire original de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], non seulement dans le domaine de l’accompagnement professionnel, mais également d’un point de vue opérationnel et commercial.
– la société VAST a adopté une méthode de bilan de compétences reprenant les caractéristiques essentielles de celle de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], avec le même déroulé en 5 étapes, l’utilisation des mêmes tests, des mêmes modèles théoriques et une documentation pédagogique très largement inspirée de celle de son concurrent.
La société VAST a ainsi fait l’économie de plusieurs années de recherche et d’expérimentation pour mettre sur pied en quelques semaines seulement une méthode qu’un enseignant-chercheur en psychologie a lui-même mis plus de 15 ans à développer.
– la société VAST, non seulement utilise une méthode identique à celle de la société
ORIENT’ACTION [Localité 7], mais en outre, a contrefait la quasi-intégralité de la documentation commerciale et juridique de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], se contentant d’y apposer son logo en lieu et place de celui de la demanderesse.
En défense et par conclusions signifiées le 8 juillet 2024, la société VAST et Monsieur [L] demandent au tribunal d’annuler la marque ORIENT’ACTION, de rejeter les demandes adverses, et de condamner les demandeurs à leur payer des indemnités au titre des frais irrépétibles.
Ils font valoir que :
– aucun des contrats de licence signés ne stipule de clause de non-concurrence.
– dès la signature du protocole transactionnel, les sociétés Orient’action [Localité 7] et Orient’action ont rapidement cherché à remplacer la société VAST sans même attendre que le protocole transactionnel soit dûment exécuté.
– le constat avec saisie sollicité le 16 mars 2021 et opéré le 30 mars 2021 dans les locaux de la société VAST n’était donc rien d’autre qu’une tentative d’intimidation de la part des sociétés Orient’action [Localité 7] et Orient’action.
– depuis l’arrêt de sa relation commerciale avec les sociétés Orient’action et Orient’action [Localité 7], la société VAST n’utilise plus aucun document émanant de ces dernières.
– la société Orient’action [Localité 7] n’a pas entendu respecter les termes du protocole transactionnel conclu 30 avril 2020 puisqu’elle a précisément utilisé ce dernier en justice et initié une action directement en lien avec le différend réglé par le protocole transactionnel contre la société VAST.
– la marque déposée ORIENT’ACTION ne représente que la contraction des deux éléments non distinctifs « ORIENTATION » et « ACTION » dont l’appréhension globale est insusceptible de créer une impression d’ensemble suffisamment éloignée de celle produite par la réunion des éléments qui la composent.
– les éléments figuratifs présentés, par leur caractère accessoire par rapport à l’élément verbal ORIENT’ACTION, ne sont pas de nature à changer la perception globale que se fait le consommateur de la marque dans son ensemble.
– le titulaire d’une marque dépourvue de caractère distinctif perd tout intérêt et qualité à agir en contrefaçon de marque sur le fondement de sa marque annulée.
– les pièces produites par les demandeurs sont antérieures au 28 février 2021, date butoir au-delà de laquelle la société VAST ne pouvait plus exploiter la marque .
Or, la société VAST était autorisée à poursuivre l’exploitation de la marque invoquée après le 30 septembre 2020 pour les contrats en cours. La société ORIENT’ACTION ne démontre pas que les communications et devis versés auraient été transmis dans le cadre de relations contractuelles nées après le 30 septembre 2020.
– une copie d’écran non datée n’a aucune valeur probante.
– en matière de référencement sur internet, la réservation d’un mot clé constituant la marque d’un tiers n’est illicite que lorsque les résultats de la recherche ne permettent pas à l’internaute de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque.
– aucune confusion ne saurait être décelée dans les résultats affichés par le moteur de recherche lorsque l’internaute effectue une recherche, de sorte qu’aucune atteinte aux fonctions essentielles de la marque ne saurait être reprochée.
– les demandeurs échouent à démontrer tout acte de contrefaçon du simple fait de la réservation, par la société VAST, du terme « ORIENT’ACTION® », dans l’outil de référencement Google Mybusiness.
– s’agissant du droit d’auteur, les travaux de recherche de Monsieur [G] sont impropres à caractériser l’originalité des œuvres revendiquées.
– le simple fait que l’accompagnement pédagogique proposé aux personnes souhaitant se reconvertir soit décomposé en 5 étapes n’est pas susceptible en soi de démontrer l’originalité du support global.
– la société ORIENT’ACTION [Localité 7] échoue à démontrer qu’il existe des ressemblances telles entre les supports pédagogiques en cause, que les supports utilisés par la société VAST seraient contrefaisants.
– la société ORIENT’ACTION ne saurait en effet bénéficier d’un monopole sur le développement personnel dont elle n’est pas créatrice, et qui est pratiqué dans tous les secteurs.
– le fait que la société VAST ait recours à des citations, des tests ou des exercices n’est pas contrefaisant.
– les seules ressemblances relevées entre les supports concurrents sont insignifiantes et n’ont trait qu’à des éléments appartenant au fond commun de tout support pédagogique.
Les points communs relevés entre les supports de formation ne surpassent pas les différences notables entre les formations, qui diffèrent tant par leur contenu, que par leur aspect général.
– il est erroné d’affirmer que le simple fait de recruter des consultants indépendants précédemment membres du réseau Orient’action caractérisait une pratique parasitaire.
– les prestations proposées étant fondamentalement identiques, il est cohérent que la documentation commerciale et juridique associée ne diffère pas ou peu entre les intervenants de ce marché que sont des sociétés telles qu’Orient’action [Localité 7] ou Vast.
– la société Orient’action [Localité 7] est défaillante tant dans la preuve des agissements déloyaux de la société Vast que de l’implication personnelle et intentionnelle de Monsieur [L]. Il ne peut être jugé que Monsieur [L] a commis une faute personnelle détachable de ses fonctions susceptibles d’engager sa responsabilité personnelle.
La clôture a été prononcée le 8 octobre 2024.
Lors de l’audience du 21 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2025.
Les 5 janvier et 16 avril 2018, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] et la société VAST ont signé deux contrats de licence de marque, couvrant les zones géographiques de [Localité 9], [Localité 6] et [Localité 8].
Par protocole transactionnel signé le 30 avril 2020, les deux signataires des contrats de licence ont convenu de mettre un terme anticipé à leurs relations contractuelles.
Sur la demande d’annulation de la marque ORIENT’ACTION
L’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle précise : « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls : (…) 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ; (…) ».
En l’espèce, la société VAST soutient que la marque semi-figurative ORIENT’ACTION serait dépourvue de tout caractère distinctif en ce qui concerne les services éducation et formation de la classe 41.
Le nom de la marque constitue un néologisme basé sur un jeu de mots issu du terme « orientation ».
Si le terme orientation n’est pas distinctif pour des services relatifs à la formation et aux bilans de compétences, en revanche, la contraction des mots « orientation » et « action » devient un terme qui n’est plus seulement descriptif, mais caractérise une combinaison inhabituelle, et donc originale.
Cette originalité est renforcée par la présentation graphique de la marque, montrant une manche à air gonflée par le vent, image qui est parfaitement étrangère aux services visés par le dépôt de marque.
L’impression d’ensemble est ainsi éloignée de celle produite par la combinaison des significations des éléments qui la compose.
En conséquence, la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de la marque n° 113868107 déposée le 24 octobre 2011 sera rejetée.
Sur la contrefaçon de la marque ORIENT’ACTION
L’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
En l’espèce, les sociétés ORIENT’ACTION et VAST exercent toutes deux leurs activités dans le domaine des prestations de bilans de compétences, de validation des acquis, de bilans d’orientation, de coaching et de recrutement.
Le protocole transactionnel signé le 30 avril 2020 entre ces deux sociétés prévoit notamment la fin des deux contrats de licence de marque à effet au 30 septembre 2020.
Par dérogation, la société VAST a été autorisée par l’article 2 du protocole, à utiliser les méthodes ORIENT’ACTION jusqu’au 28 février 2021, uniquement pour les prestations en cours.
Or, sont produits au débat des courriels adressés par le dirigeant de la société VAST ou ses préposés postérieurement au 30 septembre 2020 avec une messagerie électronique « orientaction.com » et l’utilisation de cette marque et de son logo, à de nouveaux clients le 13 octobre 2020, 9 novembre 2020 et 18 novembre 2020.
S’agissant du nouveau client du 9 novembre 2020, un devis a été établi le même jour, sur entête ORIENT’ACTION.
Contrairement à ce que soutient la société VAST, il ne s’agissait pas de prestations en cours.
Ces agissements caractérisent une contrefaçon à l’identique de la marque ORIENT’ACTION, que la société VAST n’était plus autorisée à utiliser pour de nouvelles prestations postérieurement au 30 septembre 2020.
Le procès-verbal de constat, dressé par huissier de justice le 8 juillet 2021, montre que sur le réseau social FACEBOOK, la société VAST utilise encore, dans sa communication, la marque ORIENT’ACTION (pages 10, 18, 27 à 38, 42, 45, 46).
Le dirigeant de la société VAST apparaît encore, sur le site « le bilan de compétences » en janvier 2022, sous le sigle « ORIENTACTION – [Localité 9] 13 ».
Bien que la copie d’écran ne soit pas datée, elle a été jointe à un courriel du 20 janvier 2022, dont la date d’expédition n’est pas contestée.
Et encore, le 10 novembre 2020, Monsieur [L] a créé une page GOOGLE MY BUSINESS utilisant la marque ORIENT’ACTION, se créant ainsi une vitrine en contrefaisant par reproduction à l’identique la marque.
En conséquence, il sera ordonné à la société VAST de cesser d’utiliser tout signe distinctif identique ou similaire à la marque ORIENT’ACTION, d’utiliser ou de conserver tout document commercial, juridique et pédagogique appartenant à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ou contrefaisant ceux de cette société, et d’utiliser le savoir-faire et la méthodologie développés par cette dernière.
Afin d’assurer l’efficacité de cette mesure, toute infraction constatée passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement sera sanctionnée d’une astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, pendant une durées de deux ans, passé le délai d’un mois après la signification du jugement.
Aucune considération ni aucun fondement juridique n’impose que le tribunal se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte.
Sur les droits d’auteur de Monsieur [G]
L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose, en ses deux premiers alinéas, que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
L’article L 112-2 du même code prévoit que sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code les livres, brochures et autres écrits, ainsi que les conférences, allocutions.
Pour être originale, une œuvre doit être révélatrice d’un effort créatif, et traduire la personnalité de son auteur.
La preuve d’un acte de contrefaçon peut être apportée par tout moyen.
En l’occurrence, Monsieur [G] expose avoir créé une méthode traduite dans des supports pédagogiques.
Il sollicite la condamnation de Monsieur [L], invoquant la violation de ses droits d’auteur par ce dernier.
Toutefois, les moyens qu’il développe au soutien de cette prétention sont tous tournés vers la société VAST, qui dispose d’une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant, Monsieur [L].
Ainsi, les griefs élevés à l’encontre de la société VAST ne peuvent pas avoir pour conséquence juridique la condamnation personnelle de Monsieur [L], qui seule est réclamée.
En l’absence de démonstration d’une contrefaçon de droits d’auteur par Monsieur [L] lui-même, les demandes formées par Monsieur [G] seront rejetées.
Sur la concurrence déloyale
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’occurrence, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] invoque la menace d’une action en justice émanant de Monsieur [L] à l’encontre du candidat choisi pour lui succéder au sein du réseau ORIENT’ACTION.
La société ORIENT’ACTION [Localité 7] soutient que le but recherché aurait été de perturber son réseau de licenciés.
En parallèle, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] établit, par la production d’attestations, que Monsieur [L] aurait tenu des propos dénigrants à son encontre auprès de tiers, et notamment de clients et de prospects.
Cette posture de dénigrement a été confirmée par le rapport d’un enquêteur privé, au mois de mars 2021, s’étant présenté comme un client auprès de la société VAST.
Cet élément a été régulièrement communiqué et soumis au débat contradictoire des parties.
Ces agissements constituent un comportement déloyal fautif.
Par ailleurs, la société VAST a démarché les consultants du réseau ORIENT’ACTION, afin de les recruter pour son propre compte.
Bien que les consultants ne soient pas liés par une clause de non-concurrence, ce démarchage excède le jeu normal de la concurrence entre entreprises indépendantes.
Ce faisant, la société VAST se place dans le sillage de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], en bénéficiant du savoir-faire des consultants du réseau, qui pour certains continuent de se présenter sous la bannière ORIENT’ACTION, encore au mois de mai 2022, provoquant un détournement de clientèle.
La société VAST a notamment recruté l’ancienne responsable de certification QUALIOPI de la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
Ces comportements démontrent la volonté de la société VAST de récupérer le savoir-faire de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] sans bourse délier, et caractérisent des actes de concurrence déloyale.
La société VAST a également repris pour son compte le modèle de convention de formation professionnelle, de contrat de sous-traitance et de contrats de prestations, élaborés pour la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
La société VAST sera donc condamnée à réparer les conséquences dommageables de ces actes de concurrence déloyale.
En revanche, la société ORIENT’ACTION [Localité 7] n’établit pas que Monsieur [L] aurait pu agir en-dehors de ses fonctions de dirigeant de la société VAST.
Les demandes formées à l’encontre de Monsieur [L] seront donc rejetées.
Sur les mesures réparatoires
Sur l’indemnisation de la contrefaçon de la marque ORIENT’ACTION
L’article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
En l’occurrence, la demanderesse établit que la seule utilisation de la marque ORIENT’ACTION sur GOOGLE MY BUSINESS avait généré, au 10 novembre 2020, pas moins de 1 896 vues.
Le coût d’un bilan de compétences s’élève à 2 000 euros hors taxe.
Ainsi, en retenant un taux de conversion de 2% par rapport au nombre de vues, la contrefaçon a procuré à la société VAST un chiffre d’affaires de 75 000 euros hors taxe.
Compte-tenu du budget important consacré par la société ORIENT’ACTION à ses actions de marketing, l’économie d’investissements promotionnels réalisés par la société VAST sera évaluée à 50 000 euros.
L’utilisation illicite de sa marque a causé à la demanderesse un préjudice distinct, qui sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que prévu par les dispositions susvisées.
Au total, la société VAST sera condamnée à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 135 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de marque.
Sur l’indemnisation de la concurrence déloyale
L’existence d’un préjudice découlant d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme s’infère de la seule existence de ces actes.
En l’espèce, en s’appropriant sans bourse délier le savoir-faire, les documentations et les supports pédagogiques de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], la société VAST a fait l’économie des redevances induites par les contrats de licence, ainsi que des investissements nécessaires au développement de son activité.
En outre, suite aux manœuvres de démarchage, près de quarante consultants de la société demanderesse ont rejoint la société VAST, entre 2020 et 2022.
Ces débauchages ont provoqué la perte de clients, qui ont poursuivi leurs prestations avec la société VAST.
Les effets de la concurrence déloyale sont visibles notamment à travers la forte augmentation du chiffre d’affaires de la société VAST, passée de 503 451 euros en 2020 à 1 043 095 euros en 2022.
Sur les exercices comptables 2021 à 2023 inclus, la société VAST aurait dû s’acquitter de redevances de licence de marque, soit 15% du chiffre d’affaires, outre 2% au titre de la participation à la communication.
La société ORIENT’ACTION a évalué ces redevances à la somme totale de 499 791 euros, arrêtée au 31 décembre 2023.
Fondée sur les comptes de la société VAST, produits au débat, cette évaluation du manque à gagner sera retenue, et la société VAST condamnée à payer cette somme.
Par ailleurs, la société VAST, au travers des actes de concurrence déloyale, et en s’appropriant le fruit du travail réalisé par la société ORIENT’ACTION, a nécessairement réalisé d’importantes économies en termes d’investissements et d’industrie, se procurant un avantage concurrentiel indu.
Ces économies réalisées de façon indue justifient la condamnation de la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice de détournement d’investissements et d’atteinte au patrimoine immatériel.
Sur le préjudice d’image
Du fait des agissements de la société VAST, le savoir faire de la société ORIENT’ACTION a été associé à une enseigne concurrente.
En parallèle, la société VAST a procédé au dénigrement de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] et de sa marque ORIENT’ACTION.
Ce comportement a porté atteinte à l’image de cette dernière.
En conséquence, en réparation de ce préjudice, la société VAST sera condamnée à lui payer la somme de 30 000 euros.
Sur la demande de publication du jugement
Le contexte du litige opposant les parties, l’atteinte portée à l’image de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], et la réparation qu’elle est fondée à réclamer, impliquent que le dispositif du présent jugement soit publié en page d’accueil du site internet de la société VAST durant une durée de trois mois à compter de la signification de la décision.
Cette publication sera également réalisée, aux frais de la société VAST, et dans la limite de la somme de 3 000 euros hors taxe, dans trois revues au choix de la société ORIENT’ACTION [Localité 7].
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
La société VAST, succombant à l’instance, ne pourra pas voir accueillie sa demande formée à ce titre.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ORIENT’ACTION [Localité 7] l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens.
Une somme de 10.000 euros lui sera allouée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et mise à la charge de la société VAST.
Monsieur [G] voyant ses demandes rejetées, sera débouté de sa demande formée à ce titre.
Aucune considération tirée de l’équité ne commande de faire application de ces dispositions au bénéfice de Monsieur [L].
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la société VAST, succombant à l’instance, sera condamné au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier dressé en exécution de l’ordonnance du 17 mars 2021.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de ne pas ordonner l’exécution provisoire.
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Rejette la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de la marque française semi-figurative ORIENT’ACTION n° 113868107 déposée le 24 octobre 2011.
Ordonne à la société VAST de cesser d’utiliser tout signe distinctif identique ou similaire à la marque ORIENT’ACTION, d’utiliser ou de conserver tout document commercial, juridique et pédagogique appartenant à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] ou contrefaisant ceux de cette société, et d’utiliser le savoir-faire et la méthodologie développés par cette dernière, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et pour une durée de deux années.
Rejette la demande tendant à ce que le tribunal se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte.
Déboute Monsieur [S] [G] de ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [C] [L] au titre de la contrefaçon de droits d’auteur.
Rejette les demandes formées par la société ORIENT’ACTION [Localité 7] à l’encontre de Monsieur [C] [L].
Condamne la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 135 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de la marque ORIENT’ACTION.
Condamne la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 499 791 euros en réparation du préjudice commercial et financier résultant des actes de concurrence déloyale.
Condamne la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice de détournement d’investissements et d’atteinte au patrimoine immatériel.
Condamne la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice d’image.
Ordonne la publication du dispositif du jugement en page d’accueil du site internet de la société VAST (www.vastrh.fr) durant trois mois à compter de la signification de la décision, ainsi que dans trois revues au choix de la société ORIENT’ACTION [Localité 7], aux frais de la société VAST, et dans la limite de la somme de 3 000 euros hors taxe.
Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles par la société VAST, Monsieur [C] [L] et Monsieur [S] [G].
Condamne la société VAST à payer à la société ORIENT’ACTION [Localité 7] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Condamne la société VAST au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût du constat d’huissier dressé en exécution de l’ordonnance du 17 mars 2021.
Juge ne pas avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 23 Janvier 2025
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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