Filmer ses collègues sans autorisation : une faute

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Filmer ses collègues sans autorisation : une faute

Enregistrer, à leur insu et dans une école, la directrice et plusieurs enseignants tandis qu’ils étaient en salles de cours et en salles des maîtres, est une pratique qui justifie une sanction disciplinaire du salarié fautif.

Résumé de l’affaire : M. [S]-[R] [Z] a été engagé par le lycée polyvalent [7] en tant qu’auxiliaire de vie scolaire par un contrat à durée déterminée de 9 mois, à temps partiel, avec une rémunération brute mensuelle de 869,26 €. Des tensions ont émergé en septembre 2019 en raison des pratiques religieuses de M. [Z], entraînant des enregistrements clandestins de sa part. Après une mise à pied conservatoire le 30 septembre 2019, il a été licencié pour faute grave le 18 octobre 2019, avec une ancienneté de 5 mois. M. [Z] a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes d’Evry, demandant sa requalification en rupture discriminatoire, ainsi que des rappels de salaires et des dommages-intérêts. Le jugement du 22 novembre 2021 a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant le lycée à verser des rappels de salaire et un euro pour non-respect de l’obligation de prévention et sécurité. Le lycée a fait appel, tout comme M. [Z] par voie d’appel incident. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires. L’affaire a été portée devant la cour, qui a finalement infirmé le jugement initial, débouté M. [Z] de toutes ses demandes et condamné ce dernier à verser 1 000 € au lycée en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/10129
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024

(n°2024/ , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10129 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZWQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY COURCOURONNES – RG n° 20/00538

APPELANTE

Etablissement Public LYCEE [7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent HAZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0508

INTIME

Monsieur [S] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0317

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Christophe Baconnier, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Philippine QUIL

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Le lycée polyvalent [7] a engagé M. [S]-[R] [Z] par contrat de travail à durée déterminée en qualité d’auxiliaire de vie scolaire. Le contrat était d’une durée de 9 mois à effet du 1er mai 2019 jusqu’au 31 janvier 2020. Il était à temps partiel et sa rémunération mensuelle brute s’élevait à la somme de 869,26 €.

Des difficultés sont survenues dans la relation de travail à compter de septembre 2019, les pratiques religieuses de M. [Z] posant des problèmes à l’équipe pédagogique et la direction du lycée ; M. [Z] procédait alors à des enregistrements sonores clandestins dans la salle des professeurs et à des enregistrements vidéos dans l’enceinte scolaire.

Une commission s’est réunie le 24 septembre 2019 et M. [Z] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire le 30 septembre 2019 ; M. [Z] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 18 octobre 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Z] avait une ancienneté de 5 mois.

Le 17 septembre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry pour contester le licenciement aux fins d’une demande de requalification de celui-ci en une rupture discriminatoire du contrat de travail et former des demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts.

En dernier lieu, il a formé les demandes suivantes :

« Requalifier la rupture du contrat en une rupture discriminatoire

En conséquence, condamner le lycée polyvalent [7] à payer Monsieur [S] [Z] les sommes suivantes :

– dommages intérêts pour préjudice psychologique : 70 000,00 euros

– salaires du 1er octobre 2019 au 31 janvier /2020 : 3 477,04 euros

– dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention et sécurité L. 4121-1 du code du travail : 5 000,00 euros »

Par jugement du 22 novembre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« FIXE le salaire mensuel de Monsieur [S] [Z] à la somme brute de 869,26 euros,

REQUALIFIE le licenciement de Monsieur [S] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE le lycée polyvalent [7], en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [S] [Z] les sommes suivantes :

– 3.477, 04 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, soit le 17 septembre 2020,

CONDAMNE le lycée polyvalent [7] à verser à Monsieur [S] [Z] la somme de Un euro à titre de dommage et intérêt pour non-respect de l’obligation de prévention et sécurité,

DEBOUTE Monsieur [S] [Z] du surplus de sa demande,

MET les dépens de la présente instance à la charge de la partie défenderesse. »

Le lycée polyvalent [7] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 13 décembre 2021.

La constitution d’intimée de M. [Z] a été transmise par voie électronique le 21 janvier 2022.

M. [Z] a formé un appel incident contre le jugement.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 mars 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, le lycée polyvalent [7] demande à la cour de :

« – Accueillir l’appel principal,

– Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

– Statuant à nouveau,

– Débouter Monsieur [S]-[R] [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et le déclarer irrecevable et mal fondé.

– Recevoir le lycée polyvalent [7] en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et le déclarer recevable et bien fondé.

Par conséquent :

– Condamner Monsieur [S]-[R] [Z] à payer au Lycée Polyvalent [7] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Laurent HAZAN, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.  »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, M. [Z] demande à la cour de :

« – CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Evry Courcouronnes du 22 novembre 2021 en ce qu’il a condamné le LYCÉE POLYVALENT [7] à payer à Monsieur [S]-[R] [Z] la somme de 3.477,04 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud’hommes, soit le 17 septembre 2020 et en ce qu’il a CONDAMNE le LYCÉE POLYVALENT [7] pour non-respect de l’obligation de prévention et sécurité, mais sauf en ce qu’il a limité cette condamnation à 1 € et confirmer la mise à la charge de l’employeur des dépens de l’instance,

A titre principal,

– INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Evry Courcouronnes du 22 novembre 2021 en ce qu’il a requalifié le licenciement de Monsieur [S]-[R] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et statuant à nouveau,

– DIRE ET JUGER, et REQUALIFIER le licenciement de Monsieur [S]-[R] [Z] du 18 octobre 2019 en licenciement nul et, dès lors, ANNULER ledit licenciement.

A titre subsidiaire,

– CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Evry Courcouronnes du 22 novembre 2021 en ce qu’il a requalifié le licenciement de Monsieur [S]-[R] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et DIRE ET JUGER le licenciement de Monsieur [S]-[R] [Z] sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

– CONDAMNER le LYCÉE POLYVALENT [7] à payer à Monsieur [S]-[R] [Z] la somme de 70.000,00 € à titre de dommages et intérêts en raison du licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse.

– CONDAMNER le LYCÉE POLYVALENT [7] à payer à Monsieur [S]-[R] [Z] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de prévention et de sécurité.

– DEBOUTER le LYCÉE POLYVALENT [7] de l’intégralité de ses demandes.

– CONDAMNER le LYCÉE POLYVALENT [7] à payer à Monsieur [S]-[R] [Z] la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– CONDAMNER le LYCÉE POLYVALENT [7] aux entiers dépens de première instance et d’appel.  »

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 23 avril 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 17 juin 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est rédigée comme suit : « Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 8 octobre 2019.

En effet, vous avez enregistré, à leur insu et dans l’école, la directrice et plusieurs enseignants tandis qu’ils étaient en salles de cours et en salles des maîtres. Vous avez reconnu ces faits par courriel et lors de l’entretien du 8 octobre 2019 au cours duquel vous

avez produit les enregistrements litigieux.

Par ailleurs, le 24 septembre 2019 l’après midi, vous avez déclaré à l’élève en situation de handicap et dont vous êtes en charge que vous envisagiez de faire une main courante contre ses parents, ce qui l’a profondément choqué et perturbé.

Cette conduite dangereuse et inappropriée à l’égard de vos élèves et indélicate envers les personnels de l’école rend impossible votre maintien dans I ‘école et auprès des élèves.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 8 octobre 2019 nous ont permis de conforter notre appréciation à ce sujet.

En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’établissement s’avère impossible.

Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 30/09/2019.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès la date de première présentation de cette lettre par la poste et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnités de préavis, ni de licenciement.

(…) »

Sur la nullité du licenciement

M. [Z] soutient que son licenciement est nul du fait de la discrimination en raison de sa religion et du harcèlement moral qu’il a subis et qui ont conduit à son licenciement ; le lycée polyvalent [7] soutient que son licenciement pour faute grave est justifié et étranger à toute discrimination et à tout harcèlement moral.

L’article L.1152-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits dispose qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L’article L.1154-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’article L.1132-1 du code du travail dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article L.1134-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [Z] invoque les faits suivants :

– Mme [P] et Mme [J] ont délibérément ouvert une correspondance personnelle lui appartenant pendant qu’il faisait sa prière, ce qui l’a conduit à déposer une plainte le 14 septembre 2021.

– ayant eu accès à sa correspondance privée, Mme [J] prenant l’écriture hébraïque pour de l’arabe, a déclaré « Oui et puis je suis raciste, j’aime pas les arabes ».

– il a été filmé par Mme [O], durant sa prière, dans le but qu’il soit exclu officieusement de l’éducation nationale.

– Mme [I] n’a cessé de réclamer le non-renouvellement du CDD et son licenciement au motif qu’il effectuait sa prière sur le terrain de football en dehors de l’école.

– à la suite de la déclaration de main courante de Mme [J], il a fait l’objet d’une garde à vue le 24 octobre 2019 qui l’a brisé psychologiquement et a conduit à son hospitalisation du 24 octobre 2019 au 24 novembre 2019, à la suite d’une tentative de suicide (pièce salarié n° 8).

La cour constate que les derniers faits présentés par M. [Z] et qui sont survenus le 24 octobre 2019 et après cette date sont étrangers à la relation de travail qui a pris fin le 18 octobre 2019.

En ce qui concerne les autres éléments présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination, la cour constate que M. [Z] produit le bordereau de communication de pièces suivant :

1. Certificat d’adhésion Brit Otam du 29 juillet 2019

2. Courriel de M. [Z] à l’Académie de [Localité 8] du 17 septembre 2019

3. Photographie du terrain de football où est pratiquée la prière

4. Courriel licence savate à M. [Z] du 9 février 2016 et licences 2018-2019

5. Enregistrements (Clé USB)

6. Licence d’hébreux [Z] du 7 mai 2013

7. Bulletin de situation Groupe Hospitalier [6] du 8 novembre 2019

8. Arrêté du Préfet de l’Essonne du 27 octobre 2019.

Le certificat d’adhésion Brit Otam du 29 juillet 2019 relatif à un engagement religieux de M. [Z] est un élément de preuve étranger aux faits présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination (pièce salarié n° 1).

Le courriel de M. [Z] à l’Académie de [Localité 8] du 17 septembre 2019 (pièce salarié n° 2) est rédigé comme suit « En outre, je suis soumis à 3 prières quotidiennes. (Shaharite, Minha et Arvite)

Néanmoins, les prières de shaharite et Arvit sont divisées en deux parties: 1) le shemah Yisserael et 2) Amida.

Or je fais la partie 2) entre 11 H30-12h30 sur le terrain de football en dehors de l’Ecole [5].

Cette zone est grande, très très souvent inoccupée et proche de l’Ecole donc, je n’ai pas à parcourir une grande distance pour retourner à l’Ecole.

Néanmoins, je me rendis compte à posteriori que je suis visible depuis la salle des professeurs.

En outre, je suis affecté à une Elève nommée [F] [N], qui est manifestement sujette à des problèmes psychiatriques ( cela est un constat et non un jugement de valeur), qui, s’est déjà mise à parler deux fois de religion; pour une raison que j’ignore.

Je n’ai guère envie d’avoir une fiche S sur le dos.

Merci de prendre les mesures » prophylaxiques » idoines.

Je ne suis guère paranoiaque, je suis réaliste. »

Il s’agit aussi d’un élément de preuve étranger aux faits présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination.

La photographie du terrain de football (pièce salarié n° 3) ne prouve non plus aucun des éléments présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination.

Il en est de même du courriel de validation de la licence de la FF savate de M. [Z] du 9 février 2016 et de la licence 2018-2019 (pièce salarié n° 4).

La clé USB (pièce salarié n° 5) n’est accompagnée d’aucun procès-verbal de retranscription par un commissaire de justice ; il n’est pas possible d’accéder à son contenu en raison de la charte informatique en vigueur dans les juridictions et à la cour d’appel de Paris qui interdit de connecter une clé USB remises par des parties à un ordinateur professionnel. Cet « élément de preuve » mentionné dans le bordereau de communication de pièces « 5. Enregistrements (Clé USB) » ne peut donc pas prouver les faits présentés plus haut au titre du harcèlement moral et de la discrimination.

La licence d’hébreux de M. [Z] du 7 mai 2013 est un élément de preuve étranger aux faits présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination (pièce salarié n° 6).

Le bulletin de situation Groupe Hospitalier [6] du 8 novembre 2019 dont il ressort que M. [Z] a été hospitalisé du 24 octobre 2019 au 31 décembre 2019 (pièce salarié n° 7) et l’arrêté du préfet de l’Essonne du 27 octobre 2019 relatif à l’hospitalisation sous contrainte de M. [Z] jusqu’au 24 novembre 2019 (pièce salarié n° 8) sont aussi des éléments de preuve étrangers aux faits présentés plus haut à l’appui du harcèlement moral et de la discrimination (pièce salarié n° 7) étant précisé que la relation de travail a pris fin le 18 octobre 2019.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que M. [Z] ne prouve pas les faits qu’il invoque au soutien de ses moyens relatifs au harcèlement moral et à la discrimination et ne présente dès lors pas des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral ou d’une discrimination.

La cour déboute donc M. [Z] des demandes relatives à la nullité du licenciement.

Sur le fond du licenciement

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. C’est à l’employeur qu’incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il ressort de la lettre de licenciement que M. [Z] a été licencié pour les faits suivants :

– il a enregistré, à leur insu et dans l’école, la directrice et plusieurs enseignants tandis qu’ils étaient en salles de cours et en salles des maîtres

– il a, le 24 septembre 2019, déclaré à l’élève en situation de handicap dont il avait la charge, qu’il envisageait de faire une main courante contre ses parents, ce qui l’a profondément choqué et perturbé.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et notamment la déclaration de main courante du 25 septembre 2019 de Mme [J], enseignante (pièce employeur n° 6), la lettre du 14 septembre 2019 de Mme [C], enseignante (pièce employeur n° 3) et des moyens débattus que le lycée polyvalent [7] établit que M. [Z] a, le 24 septembre 2019, menacé l’élève en situation de handicap dont il avait la charge, « de faire une main courante à la police ou de porter plainte » (sic), ce qui a profondément choqué et perturbé l’enfant.

La cour retient que cette faute est telle qu’elle imposait le départ immédiat de M. [Z], le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis au motif qu’en menaçant ainsi l’enfant en situation de handicap qu’il était censé accompagner et protéger en veillant à sa sécurité et à son confort durant les temps de vie scolaire et parascolaire M. [Z] a eu un comportement inapproprié et incompatible avec ses fonctions d’auxiliaire de vie scolaire.

Et c’est en vain que M. [Z] conteste la valeur probante des éléments de preuve produits par le lycée polyvalent [7] et qu’il soutient que la jeune [F] avait, depuis le 23 septembre 2019, un comportement d’une particulière agressivité tant à son égard qu’à l’égard d’autres enfants, que les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés au matin du 24 septembre 2019 à 9h18, qu’il est cependant resté au côté de l’enfant jusqu’aux alentours de 13h56 et que si l’enfant avait été traumatisé, Mme [C] ne lui aurait pas recommandé d’accompagner la jeune [F] au lancer de javelot cinq heures plus tard ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif qu’il ne sont pas de nature à l’exonérer de la faute retenue à son encontre du fait de son comportement inapproprié et incompatible avec ses fonctions d’auxiliaire de vie scolaire.

Sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’autre grief, la cour retient que le licenciement pour faute grave de M. [Z] est justifié.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné le lycée polyvalent [7] à payer à M. [Z] la somme de 3 477, 04 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, soit le 17 septembre 2020, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de M. [Z] est justifié par une faute grave et rejette les demandes de M. [Z] relatives à la rupture de son contrat de travail.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

M. [Z] demande par infirmation du jugement la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et fait valoir, à l’appui de cette demande que :

– il était affecté à l’aide humaine de la jeune [F] dont le handicap se manifestait en outre par une particulière agressivité vis-à-vis de lui et aussi de ses camarades.

– il s’est beaucoup interrogé sur la prise en charge adéquate de cette élève et sollicitait régulièrement Mme [C] afin qu’elle lui donne son avis.

– il a été laissé sans assistance, sans formation face au comportement agressif de l’enfant, alors même qu’il exerçait son activité dans le cadre d’un contrat aidé d’accompagnement à l’emploi et qu’il ne disposait d’aucune formation spécifique.

– plutôt que d’être accompagné dans la gestion difficile de cette relation de travail, il a été moqué, harcelé et discriminé.

Le lycée polyvalent [7] s’oppose à cette demande.

Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Toutefois, l’employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité, a pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [Z] est mal fondé au motif que M. [Z] a été embauché en qualité d’assistant « aide humaine aux enfants en situation de handicap » dans le cadre d’un contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI CAE) régi par les articles L.5134-19 et suivants du code du travail lequel prévoit des actions d’accompagnement, de formation, de tutorat et de validation des acquis et en particulier l’accompagnement par un tuteur en la personne de M. [Y] (pièce employeur n° 1 ‘ contrat de travail) et qu’il a pu bénéficier de plusieurs entretiens avec la directrice et les enseignantes qui lui ont consacré le temps nécessaire avant qu’il s’exclut de lui-même par son comportement inapproprié tant à l’égard de la jeune [F] . qu’à l’égard des enseignantes elles-mêmes.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné le lycée polyvalent [7] à payer à M. [Z] la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité , et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [Z] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner M. [Z] à payer au lycée polyvalent [7] la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute M. [Z] de toutes ses demandes,

Condamne M. [Z] à payer au lycée polyvalent [7] la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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