L’Essentiel : L’augmentation des tarifs de TDF, fixée à 36,6%, a été jugée légitime par la cour, qui a souligné que cette hausse était conforme à l’ARCEPicle 1165 du code civil. TDF a justifié cette augmentation par la hausse de la redevance versée à la ville de Paris pour l’occupation du site de la tour Eiffel. Malgré les contestations de plusieurs diffuseurs, la juridiction n’a pas retenu d’abus dans la fixation des prix. La ville de Paris, cherchant à valoriser le site, a contraint TDF à proposer une redevance annuelle significativement plus élevée, impactant ainsi les tarifs de diffusion.
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L’augmentation majeure des tarifs de TDF (+36,6%) a été contestée (en justice) en vain par plusieurs diffuseurs. Aucun abus dans les nouvelles modalités de fixation du prix n’a été retenu par la juridiction. + 36,6% des coûts depuis le site de la tour EiffelPour légitimer cette hausse, la juridiction s’est fondée sur l’article 1165 du code civil et sur la décision de l’Arcep du 16 avril 2019 en matière de TNT qui a constaté une pente d’évolution des coûts de 36,6% des coûts de diffusion depuis le site de la tour Eiffel. TDF avait, dans l’augmentation du prix de ses prestations, tenu compte des règles de répartition de ses coûts fixées par l’ARCEP, et répercuté une partie de la hausse de la redevance annuelle pour l’occupation du site de la tour Eiffel, progression équivalente à celle calculée par l’ARCEP pour la diffusion HF TNT sur le même site. La hausse de 25% était légèrement inférieure à celle de ses coûts pour ses prestations radio du site de la tour Eiffel, lequel restait beaucoup moins cher que les autres sites TDF. Intervention de la ville de ParisLa ville de Paris a cherché à mieux valoriser le site de la tour Eiffel, contraignant TDF à proposer en réponse à l’appel d’offre une augmentation de 3,7 à 7,8 M € / an, augmentation partiellement répercutée sur sa tarification. Contrat de prestation de serviceLes deux parties (TDF et le diffuseur) ont invoqué l’article 1165 du code civil qui prévoit que dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. Il en résulte qu’à défaut d’un accord entre les parties avant l’exécution de ces contrats sur la détermination du prix, le prix peut être fixé unilatéralement par le créancier, mais celui-ci devra nécessairement motiver le montant pour le cas où le débiteur en contesterait le choix. Le juge peut alors, en cas d’abus, être saisi par le débiteur d’une demande de dommages-intérêts, voire d’une résolution du contrat, mais il ne lui revient pas de fixer le prix. En l’espèce, le prix annuel a été fixé par TDF, dans le projet de contrat pour la diffusion des programmes radiophoniques renant effet au 1er mars 2019, à 333.746,84 € HT, ce qui représentait une augmentation de l’ordre de 25% (le coût de diffusion annuel hors taxes passant de 229.823,97 € à 292.000 €). TDF a justifié cette hausse par le montant de la redevance versée à la ville de Paris. L’appel public à la concurrence pour la conclusion d’une convention d’occupation du domaine public relative à l’occupation et l’exploitation des locaux de la tour Eiffel a été lancé en 2017 par la mairie de Paris, qui revendiquait alors une ‘politique de dynamisation des recettes issues de l’exploitation du patrimoine de la Ville, avec des redevances renégociées à la hausse…’. Cet appel à concurrence prévoyait notamment que la part fixe garantie de la redevance annuelle ne pouvait être inférieure à la somme de 4.000.000 € HT, n’étant pas contesté que le précédent appel d’offres ne stipulait pas de minimum de redevance. Il précisait que les offres seraient examinées sur la base de critères hiérarchisés par ordre décroissant d’importance: la proposition de redevance, la robustesse économique de l’offre. Les offres devaient être déposées sous pli cacheté ou sous enveloppe fermée, les participants n’ayant ainsi pas connaissance de celles de leurs concurrents. Dans ces conditions, le recours à un appel d’offres est de nature, en cas de pluralité de concurrents comme en l’espèce -puisque la société TowerCast était également concurrente avec TDF à l’appel d’offres-, à favoriser une augmentation du prix de la redevance que les concurrents offraient de verser à la ville de Paris. Le montant de la redevance réglée par TDF à la ville de Paris a ainsi considérablement augmenté, s’élevant ainsi à 7,8 millions d’euros depuis la signature de cette nouvelle convention (7,78 M € selon TDF) alors qu’elle était auparavant de 3,7 M€ selon X, de 4,16 M€. L’augmentation du montant de la redevance versée par TDF à la ville de Paris, afin de remporter l’appel d’offre, a été provoquée par la situation de concurrence et la redevance minimale fixée par cet appel d’offre, et elle représente une augmentation des coûts de diffusion supportés par TDF, sur laquelle elle fonde l’augmentation de ses tarifs. ____________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE VERSAILLES 12e chambre ARRET DU 13 JANVIER 2022 N° RG 20/01700 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T2CC AFFAIRE : SAS X C/ […] Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Février 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° RG : 2019F00945 LE TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : SAS X Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20200208 – Représentant : Me Didier THEOPHILE de l’AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANTE **************** Y Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2063613 – Représentant : Me Lena SERSIRON et Maryline PABAN de l’AARPI BAKER & MC KENZIE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Septembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Mme Véronique MULLER, Conseiller, Monsieur Bruno NUT, Conseiller, Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE, EXPOSE DES FAITS La SAS X est une filiale du groupe X dont l’activité consiste à concevoir et diffuser des programmes radio. La SAS TDF (TDF) a pour activité principale la diffusion hertzienne terrestre de services audiovisuels à partir de plusieurs points hauts qu’elle exploite en France. X et TDF ont conclu plusieurs contrats successifs de diffusion des programmes radiophoniques de X en Ile de France depuis le site de la tour Eiffel. Depuis 2007, les programmes radios conçus par X sont diffusés depuis le site de la tour Eiffel par TDF, qui est titulaire d’une autorisation d’exploitation accordée par la ville de Paris, propriétaire de la tour Eiffel. A la suite d’un appel à candidatures de la ville de Paris remporté par TDF à laquelle a participé TowerCast, une filiale du groupe X, cette autorisation est renouvelée pour une période de 10 ans, par une nouvelle convention d’occupation domaniale signée le 11 juillet 2018 et prenant effet à compter du 1er mars 2019. La redevance versée par TDF à la ville de Paris est passée de 3,7 à 7,8 millions d’euros par an. Par courriel du 19 décembre 2018, TDF a communiqué à X un projet de contrat pour la diffusion par TDF des programmes radiophoniques de X, prenant effet au 1er mars 2019 pour une durée de 5 ans, moyennant un prix de 333.746,84 € HT par an pour les prestations ‘Diffusion FM-Diffusion’, soit une augmentation de l’ordre de 25% par rapport aux conditions précédentes. Par lettre du 21 janvier 2019 adressée à TDF, le groupe X a contesté l’augmentation de tarif qu’elle a estimée inacceptable d’une société en position de monopole, et proposé une augmentation des tarifs plafonnée au système d’augmentation annuelle prévu au contrat antérieur, soit 2%. Par courrier de réponse du 20 février 2019, TDF a justifié l’augmentation du prix du contrat par celle de la redevance versée à la ville de Paris, rejeté les allégations du groupe X sur le pouvoir de marché de TDF, et souligné que le projet de contrat prévoit que le client peut mettre fin au contrat sans avoir à verser d’indemnités de résiliation. Par lettres RAR des 25 février et 6 mars 2019, le groupe X a réitéré ses demandes. Le 15 mars 2019, TDF a adressé à X, pour les prestations du mois de mars 2019, une facture de 27.812,24 € HT soit 33.374,69 € TTC, correspondant au tarif du projet de contrat. Par lettre du 4 avril 2019, X a maintenu sa contestation du tarif facturé, sollicitant à nouveau sa justification, a adressé un chèque de 27.473,58 € en règlement de la facture de TDF correspondant au tarif précédemment pratiqué, et indiqué qu’elle procéderait au paiement complémentaire de l’indexation annuelle prévue au contrat antérieur lorsque TDF aura pu l’établir et lui en fournir le montant justifié. Le 15 avril 2019, TDF a indiqué à X avoir déjà justifié l’augmentation de tarif et lui a demandé de bien vouloir procéder au paiement du solde de 5.901,11 € de sa facture du 15 mars 2019 d’ici le 30 avril 2019. Le même enchaînement s’est reproduit pour les factures suivantes émises par TDF. X a fait assigner TDF à bref délai, par acte d’huissier du 31 mai 2019, en demandant notamment au tribunal de commerce de juger que TDF a commis un abus dans la fixation du prix qu’elle lui a imposé pour la diffusion de ses programmes radios depuis le site de la tour Eiffel au titre des mois de mars et avril 2019, et de condamner TDF à lui payer des dommages-intérêts. Par jugement du 14 février 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a : – débouté la SAS X de ses demandes de dommages et intérêts et de sa demande d’injonction de ne pas réitérer, – condamné la SAS X à payer à la SAS TDF les montants déduits à tort des sept factures des mois de mars à septembre 2019, soit la somme en principal de 41 307,77 € TTC, majorée des intérêts de retard au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à compter de la date d’échéance respective de chacune des factures impayées, et avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil, – condamné la SAS X à payer à la SAS TDF la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution, – condamné la SAS X aux dépens. La société X a interjeté appel le 16 mars 2020. Par conclusions du 21 juin 2021, elle demande à la cour d’appel de : – infirmer le jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre dans toutes ses dispositions, Statuant à nouveau : – dire et juger que TDF a commis un abus dans la fixation du prix imposé à X pour la diffusion de ses programmes radios depuis le site de la Tour Eiffel, depuis le mois de mars 2019 ; en conséquence, condamner TDF à payer à X la somme de 160.615,30 € à titre de dommages et intérêts, correspondant à la facturation abusive pour les prestations des mois de mars 2019 à mai 2021, – donner acte à X qu’elle se réserve la possibilité d’augmenter sa demande de dommages et intérêts si TDF réitère cet abus pour la facturation des services fournis au cours des mois à venir, – enjoindre à TDF de ne pas réitérer cet abus, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée, – débouter TDF de toutes ses demandes, fins et prétentions, – condamner TDF à payer à X la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Par conclusions du 11 mai 2021, TDF demande à la cour de : – déclarer mal fondé l’appel interjeté par la société X, – dire et juger que le préjudice allégué par la société X n’est pas justifié et que la demande de dommages-intérêts est mal fondée, – dire et juger que la demande d’injonction de ne pas réitérer l’abus est mal fondée, En conséquence, – confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 14 février 2020 en toutes ses dispositions, – débouter la société X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, – condamner la société X à payer la somme de 30.000 € à la société TDF sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juillet 2021. MOTIVATION Sur la demande principale Le jugement s’est fondé sur l’article 1165 du code civil et sur la décision de l’Arcep du 16 avril 2019 en matière de TNT qui a constaté une pente d’évolution des coûts de 36,6% des coûts de diffusion depuis le site de la tour Eiffel. Il a retenu que TDF avait, dans l’augmentation du prix de ses prestations, tenu compte des règles de répartition de ses coûts fixées par l’ARCEP, et répercuté une partie de la hausse de la redevance annuelle pour l’occupation du site de la tour Eiffel, progression équivalente à celle calculée par l’ARCEP pour la diffusion HF TNT sur le même site. Il a relevé que la hausse de 25% était légèrement inférieure à celle de ses coûts pour ses prestations radio du site de la tour Eiffel, lequel restait beaucoup moins cher que les autres sites TDF. Il a noté que la ville de Paris cherchait à mieux valoriser ce site, contraignant TDF à proposer en réponse à l’appel d’offre une augmentation de 3,7 à 7,8 M € / an, augmentation partiellement répercutée sur sa tarification. Il en a déduit que la progression des coûts et prix des prestations de TDF était justifiée, et que X n’avait pas démontré un abus dans la fixation du prix de la prestation de service. X soutient que l’appréciation de l’abus prévu par l’article 1165 du code civil ne doit pas se faire au vu du seul examen du montant du prix, suppose une situation de contrainte, et procède de la violation du devoir de loyauté contractuelle. Elle dénonce l’augmentation des tarifs de TDF de 25% à compter du mois de mars 2019 pour des prestations identiques, que TDF ne peut expliquer par l’augmentation de la redevance dont elle est à l’origine. Elle souligne que TDF a seule décidé de proposer à la mairie de Paris, répondant à son appel d’offres, un montant de 7,8 millions, soit près de 2 fois le montant indiqué dans l’appel à candidatures et le double de la redevance précédente, et ne peut en faire supporter la charge aux éditeurs de radio qui ne disposent pas d’alternative. Elle explique que le site de la tour Eiffel est incontournable, de sorte qu’elle est contrainte de conclure avec TDF, aucun autre opérateur ne diffusant depuis ce site. Elle critique le jugement qui s’est fondé sur une décision de l’ARCEP inapplicable à la radio, et relève que TDF n’a pas justifié des règles de répartition de ses coûts. TDF soutient que l’article 1165 du code civil donne au créancier le pouvoir de fixer le prix d’une prestation de services unilatéralement, et qu’en cas de contestation il doit le motiver. Elle en déduit que le juge n’a que le pouvoir de prononcer des dommages-intérêts en cas d’abus, dont l’appréciation est liée à la fixation du prix, et qu’il devra apprécier si l’augmentation est légitime et si le contractant qui le fixe a eu un comportement loyal. TDF explique la hausse de ses prix par celle des coûts d’accès à la tour Eiffel du fait de l’augmentation de la redevance domaniale, la ville de Paris voulant optimiser ses revenus. Elle ajoute que le prix plancher de 4 millions d’euros est un prix de départ fixé par la ville de Paris, qui a eu recours à un appel d’offres et a négocié avec les candidats pour augmenter la redevance. Elle avance que la concurrence avec TowerCast a entraîné une hausse de la redevance, laquelle grève ses coûts de diffusion, et justifie qu’elle répercute cette hausse aux éditeurs de radio. Elle déclare que le débiteur n’a pas un droit au maintien du prix, qu’il n’est soumis à aucune contrainte juridique ou technique. Elle explique avoir augmenté ses tarifs de diffusion aux radios conformément aux principes de l’ARCEP dans sa décision du 16 avril 2019, et qu’une telle hausse est justifiée par celle des coûts d’accès à l’infrastructure qu’elle supporte et qu’elle est fondée à partiellement répercuter. Elle déclare avoir imputé la hausse des coûts d’accès (3,5 M€) sur l’activité radio (1,5 M€) et la TNT (1 M€), conservant 1 M€ à sa charge, que le lien de causalité entre les augmentations des tarifs de diffusion radio et de la redevance est établi. Elle fait état du caractère compétitif de ses prix, qu’elle a fixés loyalement. *** Les deux parties, invoquant l’article 1165 du code civil, conviennent ainsi que le contrat qui les lie est un contrat de prestation de service. L’article 1165 du code civil prévoit que dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. Il en résulte qu’à défaut d’un accord entre les parties avant l’exécution de ces contrats sur la détermination du prix, le prix peut être fixé unilatéralement par le créancier, mais celui-ci devra nécessairement motiver le montant pour le cas où le débiteur en contesterait le choix. Le juge peut alors, en cas d’abus, être saisi par le débiteur d’une demande de dommages-intérêts, voire d’une résolution du contrat, mais il ne lui revient pas de fixer le prix. En l’espèce, le prix annuel a été fixé par TDF, dans le projet de contrat pour la diffusion des programmes radiophoniques de X prenant effet au 1er mars 2019, à 333.746,84 € HT, ce qui représente une augmentation de l’ordre de 25% (le coût de diffusion annuel hors taxes passant de 229.823,97 € à 292.000 €) et X ayant contesté cette hausse, TDF l’a justifiée par le montant de la redevance versée à la ville de Paris. L’appel public à la concurrence pour la conclusion d’une convention d’occupation du domaine public relative à l’occupation et l’exploitation des locaux de la tour Eiffel a été lancé en 2017 par la mairie de Paris, qui revendiquait alors une ‘politique de dynamisation des recettes issues de l’exploitation du patrimoine de la Ville, avec des redevances renégociées à la hausse…’. Cet appel à concurrence prévoyait notamment que la part fixe garantie de la redevance annuelle ne pouvait être inférieure à la somme de 4.000.000 € HT, n’étant pas contesté que le précédent appel d’offres ne stipulait pas de minimum de redevance. Il précisait que les offres seraient examinées sur la base de critères hiérarchisés par ordre décroissant d’importance: la proposition de redevance, la robustesse économique de l’offre. Les offres devaient être déposées sous pli cacheté ou sous enveloppe fermée, les participants n’ayant ainsi pas connaissance de celles de leurs concurrents. Dans ces conditions, le recours à un appel d’offres est de nature, en cas de pluralité de concurrents comme en l’espèce -puisque la société TowerCast membre du groupe X était également concurrente avec TDF à l’appel d’offres-, à favoriser une augmentation du prix de la redevance que les concurrents offraient de verser à la ville de Paris. Les parties conviennent que le montant de la redevance réglée par TDF à la ville de Paris a considérablement augmenté, s’élevant ainsi à 7,8 millions d’euros depuis la signature de cette nouvelle convention (7,78 M € selon TDF) alors qu’elle était auparavant de 3,7 M€ selon X, de 4,16 M€ selon TDF. L’augmentation du montant de la redevance versée par TDF à la ville de Paris, afin de remporter l’appel d’offre, a été provoquée par la situation de concurrence et la redevance minimale fixée par cet appel d’offre, et elle représente une augmentation des coûts de diffusion supportés par TDF, sur laquelle elle fonde l’augmentation de ses tarifs. Le jugement a considéré la décision de l’ARCEP (autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, qui est une ARCOM) du 16 avril 2019 pour apprécier la hausse des tarifs de TDF, ce que conteste X en relevant que cette décision ne concerne pas la diffusion radio mais des programmes télévisuels. L’ARCEP, qui ne régule pas le marché de la diffusion radio, a rendu le 16 avril 2019 une décision portant sur la télévision numérique, dans laquelle elle a apprécié la définition des tarifs des sites réputés non ‘réplicables’, X relevant que le site de la tour Eiffel est irremplaçable en ce qu’il couvre 12 millions d’habitants et n’a pas de site concurrent. L’Arcep a relevé qu’elle devait tenir compte des coûts supportés par TDF dont fait partie la redevance domaniale, et qu’il était ‘justifié et proportionné que le tarif régulé de la prestation DiffHF fournie depuis le site de la Tour Eiffel prenne en considération une partie de la hausse de la redevance annuelle pour l’occupation de ce site’ (note de la cour: DiffHF = diffusion des hautes fréquences). Elle a notamment indiqué, en note de bas de page, que l’augmentation de la redevance de la nouvelle convention d’occupation de ce site avait emporté une augmentation significative des coûts de TDF, ajoutant ‘ce surcoût sera réparti entre les activités TNT d’une part et radio d’autre part, hébergées sur le site de la Tour Eiffel, au prorata du chiffre d’affaires qu’elles génèrent’. Ainsi, si X souligne que cette décision ne concerne pas la diffusion radio, il n’en demeure pas moins que cette ARCOM a estimé légitime de faire supporter aux radios une partie de la hausse de la redevance pour ce site, et que le raisonnement qu’elle a suivi pour apprécier si l’augmentation de tarif est fondée peut être considéré. TDF expose que le tarif final de diffusion qu’elle propose est divisé en trois: accès, émission, énergie, de sorte que l’augmentation de la redevance versée à la ville de Paris a une incidence sur les coûts d’accès à la tour Eiffel. Le passage de la redevance à 7,8 M€ représente une augmentation d’au moins 3,5M€, et TDF déclare en conserver à sa charge 1 M€, et en répartir 1 M€ au titre de l’augmentation de la redevance de la TNT et 1,5 M€ au titre de l’augmentation de la redevance de la radio. Il a été constaté par huissier, au vu du chiffre d’affaires des activités réalisées par TDF sur le site de la tour Eiffel, tels que communiqués, que ce chiffre est constitué par la TNT à 39,4 %, par la radio à 60,6 %. Il ressort des offres faites par TDF pour la TNT qu’elles sont passées de 2018 à 2019 de 475.000 à 660.568 € par client, soit une hausse d’au moins un million d’euros (le chiffre de six clients n’étant pas contesté). Le chiffre d’affaires revendiqué par TDF au titre de l’activité radio est en augmentation de 1,52 M€ en 2019 en appliquant les nouveaux tarifs, par rapport aux anciens, ce qui confirme le fait que l’augmentation de la redevance pour la radio est de 1,5 M€. L’annexe de la décision de l’ARCEP montre que l’augmentation des coûts de la prestation DiffHF sur le site de la tour Eiffel est, s’agissant de la TNT, d’environ 36%. Le jugement a relevé que l’augmentation des coûts à partir de ce site pour la diffusion radio est d’environ 35%, chiffre en adéquation avec les données fournies par TDF montrant, à partir de l’augmentation tarifaire de la prestation, que l’impact de l’augmentation de la redevance révèle une augmentation du coût de la prestation d’environ 35%. X ne peut se limiter à mettre en doute ces chiffres du fait qu’ils proviennent de TDF, sans élément de nature à les contester utilement, alors que ces chiffres sont cohérents et que cette augmentation des coûts de la diffusion radiophonique est similaire à celle retenu par l’ARCEP pour la diffusion de la TNT. Aussi, l’augmentation de la tarification de TDF pour la diffusion radiophonique de 25 % est inférieure à celle des coûts de prestations radiophoniques que TDF doit supporter pour le site de la tour Eiffel. Le fait que le site de la tour Eiffel soit incontournable pour X, et que cette augmentation de tarif s’effectue pour les mêmes services qu’auparavant, ne peut empêcher cette augmentation tarifaire. TDF justifie avoir par ailleurs avoir adressé le 16 novembre 2018 à TowerCast, société du groupe X, une offre pour un service d’accès au site de la tour Eiffel, à laquelle il n’a pas été répondu. À titre surabondant, le jugement a relevé que le site de la tour Eiffel était, au vu de la population couverte, moins cher que les autres sites exploités par TDF, et X n’a produit aucune pièce pour le contester. Il résulte de ce qui précède que l’augmentation des tarifs de TDF est motivée, au sens de l’article 1165 précité, et que X n’a pas démontré l’existence d’un abus dans sa fixation par TDF. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté X de sa demande de dommages-intérêts. Il ne sera pas fait droit à ses demandes subséquentes. Sur la demande reconventionnelle Le jugement a condamné X au paiement de la somme de 41.307,77 € au titre des montants déduits à tort des factures, avec intérêts de retard. Les conclusions de X ne contiennent aucun développement sur ce point, et TDF demande la confirmation du jugement, demande à laquelle il sera fait droit. Sur les autres demandes Les condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance seront confirmées. X sera condamnée au paiement des dépens d’appel, ainsi qu’au versement à TDF de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant par décision contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société X à payer la somme de 3.000 € à la société TDF sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier, Le président, |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle a été l’augmentation des tarifs de TDF et comment a-t-elle été justifiée ?L’augmentation des tarifs de TDF a été de 36,6%, un chiffre contesté par plusieurs diffuseurs en justice, mais sans succès. La juridiction a fondé sa décision sur l’article 1165 du code civil et sur une décision de l’Arcep du 16 avril 2019, qui a constaté cette même augmentation des coûts de diffusion depuis le site de la tour Eiffel. Cette hausse a été justifiée par TDF par la nécessité de répercuter une partie de l’augmentation de la redevance annuelle pour l’occupation du site de la tour Eiffel. En effet, TDF a tenu compte des règles de répartition de ses coûts fixées par l’ARCEP, et la hausse de 25% appliquée à ses prestations radio était légèrement inférieure à l’augmentation de ses coûts. Comment la ville de Paris a-t-elle influencé les tarifs de TDF ?La ville de Paris a joué un rôle déterminant dans l’augmentation des tarifs de TDF en cherchant à mieux valoriser le site de la tour Eiffel. En réponse à un appel d’offres, TDF a été contrainte de proposer une augmentation de la redevance annuelle, qui est passée de 3,7 millions d’euros à 7,8 millions d’euros. Cette augmentation a été partiellement répercutée sur la tarification de TDF. L’appel à concurrence lancé par la mairie de Paris visait à dynamiser les recettes issues de l’exploitation du patrimoine de la ville, ce qui a conduit à des redevances renégociées à la hausse. Cela a eu pour effet d’augmenter les coûts de diffusion supportés par TDF, justifiant ainsi l’augmentation de ses tarifs. Quelles sont les implications de l’article 1165 du code civil dans ce contexte ?L’article 1165 du code civil stipule que dans les contrats de prestation de service, si les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix avant l’exécution, le créancier peut fixer le prix unilatéralement. Cependant, il doit motiver ce montant en cas de contestation. Cela signifie que TDF, en tant que créancier, avait le droit de fixer le prix de ses prestations, mais devait justifier cette décision. En cas d’abus dans la fixation du prix, le débiteur peut saisir le juge pour demander des dommages-intérêts ou la résolution du contrat. Dans cette affaire, le tribunal a conclu que TDF n’avait pas abusé de sa position en fixant ses tarifs, et que l’augmentation était justifiée par les coûts réels qu’elle devait supporter. Quels ont été les résultats du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre ?Le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, rendu le 14 février 2020, a débouté la SAS X de ses demandes de dommages-intérêts et d’injonction de ne pas réitérer l’augmentation tarifaire. Le tribunal a également condamné la SAS X à payer à TDF les montants déduits à tort des factures, soit un total de 41.307,77 euros, avec intérêts de retard. Le tribunal a considéré que TDF avait justifié l’augmentation de ses tarifs par les coûts réels de diffusion et que la hausse de 25% était inférieure à l’augmentation des coûts de diffusion. La SAS X a ensuite interjeté appel, mais le jugement a été confirmé en toutes ses dispositions, y compris les condamnations aux dépens. |
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