L’Essentiel : Madame [E] [O] a contesté le taux d’incapacité permanente partielle de 8% attribué par la CPAM du Rhône suite à un accident du travail. Lors de l’audience du 26/09/2024, elle a soutenu que son taux devrait se situer entre 10% et 25% en raison de douleurs persistantes. La CPAM a défendu le taux de 5%, évoquant un état antérieur de lombalgie. Après consultation médicale, le tribunal a réformé la décision, fixant le taux à 13%, tout en rejetant la demande de réévaluation du taux socio-professionnel. L’exécution provisoire a été ordonnée, et la CPAM a été condamnée aux dépens.
|
Contexte de l’affaireMadame [E] [O] a déposé une requête le 02/10/2023 pour contester une décision implicite de rejet de la Commission Médicale de Recours Amiable, qui avait confirmé le taux d’incapacité permanente partielle de 8% attribué par la CPAM du Rhône suite à un accident du travail survenu le 10/03/2022. Les séquelles de cet accident, décrites par le médecin conseil, concernent un blocage lombaire avec limitations fonctionnelles. Audience et arguments des partiesLors de l’audience publique du 26/09/2024, Madame [E] [O] a été assistée par son avocat et a contesté le taux médical de 5% qui lui a été attribué, le jugeant insuffisant. Elle a soutenu qu’un taux d’incapacité entre 10% et 25% serait plus approprié, en raison de la persistance de douleurs importantes. Elle a également demandé une réévaluation de son taux socio-professionnel, soulignant son licenciement pour inaptitude et sa reconnaissance en tant que travailleur handicapé. La CPAM, représentée par Monsieur [Y], a défendu le taux de 5% en tenant compte d’un état antérieur de lombalgie. Consultation médicale et conclusionsLe tribunal a ordonné une consultation médicale, réalisée par le Docteur [U] [Z], qui a examiné le dossier médical de Madame [E] [O]. Le médecin consultant a noté une pathologie lombaire avec des douleurs modérées et a proposé d’augmenter le taux médical à 10%, considérant que cela correspondait mieux aux séquelles de l’assurée. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré le recours recevable et a réformé la décision de la CPAM, fixant le taux d’incapacité permanente partielle à 13%, dont 3% pour le taux socio-professionnel. Cependant, la demande de réévaluation du taux socio-professionnel a été rejetée, le tribunal estimant que la CPAM avait correctement pris en compte l’inaptitude et le licenciement de l’assurée. L’exécution provisoire a été ordonnée, et la CPAM a été condamnée aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité du recoursLa recevabilité du recours formé par Madame [E] [O] est confirmée par le tribunal. En vertu de l’article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), il est impératif d’exercer un recours administratif préalable avant de pouvoir engager un recours contentieux. L’article L142-4 du Code de la sécurité sociale stipule que ce dernier s’applique aux litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Dans cette affaire, Madame [E] [O] a bien exercé un recours préalable devant la Commission Médicale de Recours Amiable le 12 avril 2023, qui a été rejeté par décision implicite. Elle a ensuite formé un recours contentieux le 2 octobre 2023, ce qui rend son recours recevable. Sur l’évaluation du taux médicalL’évaluation du taux médical d’incapacité permanente est régie par l’article L434-2 du Code de la Sécurité Sociale. Cet article précise que le taux est déterminé en fonction de la nature de l’infirmité, de l’état général de la victime, de son âge, ainsi que de ses facultés physiques et mentales. Le médecin consultant, le Docteur [U] [Z], a examiné les séquelles de Madame [E] [O] et a noté une pathologie lombaire avec des irradiations. Il a observé une raideur lombaire modérée et a réalisé divers tests cliniques, concluant que le taux médical devrait être porté à 10%, ce qui est plus conforme au barème indicatif. Ainsi, le tribunal a décidé de réformer la décision contestée et d’attribuer un taux médical de 10% à Madame [E] [O], considérant que cela correspond à une évaluation plus juste de ses séquelles. Sur l’évaluation du taux socio-professionnelL’article L434-2 du Code de la Sécurité Sociale stipule que le taux d’incapacité permanente doit également prendre en compte les aptitudes et qualifications professionnelles de la victime. La majoration du taux d’incapacité pour retentissement professionnel nécessite la preuve d’une perte d’emploi ou d’un préjudice économique en lien direct avec l’accident de travail. Dans le cas présent, Madame [E] [O] a été déclarée inapte à son poste de technicienne/géomètre et a été licenciée. Cependant, la CPAM a attribué un taux socio-professionnel de 3%, tenant compte de son inaptitude et de son licenciement, tout en précisant que l’assurée bénéficie déjà d’une pension d’invalidité de catégorie 1. Le tribunal a donc rejeté la demande de réévaluation du taux socio-professionnel, considérant que la CPAM avait correctement indemnisé l’incidence professionnelle de l’accident. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 26 Novembre 2024
Minute n° :
Audience du : 26 septembre 2024
Requête n° : N° RG 23/03121 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YWB2
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
Madame [E] [O]
[Adresse 1]
[Localité 2]
assistée de Maître SGUALIA Emilie, avocate au barreau de LYON
partie défenderesse
CPAM DU RHONE
Service Contentieux Général
[Localité 3]
représentée par Monsieur [Y] [J], audiencier muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Caroline LAMANDE
Assesseur collège salarié : Bruno MARCHE
Assistés lors des débats et du délibéré de : Maéva GIANNONE, Greffière
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[E] [O]
CPAM DU RHONE
Me Emilie SGUAGLIA, vestiaire : 2295
Une copie certifiée conforme au dossier
Par une requête déposée au greffe en date du 02/10/2023, Madame [E] [O] a formé un recours à l’encontre d’une décision implicite de rejet de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision notifiée de la CPAM du RHONE du 15/02/2023, et qui fixe à 8% dont 3% de taux socio professionnel, le taux d’incapacité permanente partielle en raison d’un accident du travail du 10/03/2022 consolidé le 03/11/2022, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante par le médecin conseil : « Séquelles indemnisables d’un blocage lombaire d’effort sur état antérieur à type de limitation fonctionnelle et algique du rachis lombaire ».
Le greffe de la juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 26/09/2024.
À cette date, en audience publique :
– Madame [E] [O] était présente assistée de Me SGUAGLIA. Elle a fait valoir que sa situation n’avait pas été exactement évaluée et conteste le taux médical de 5% qui lui a été attribué qui est à son sens insuffisant au regard des séquelles qu’elle présente. Elle expose que le barème indicatif prévoit un taux minimum de 5% pour une persistance des douleurs et gène fonctionnelle discrète, et un taux de 15% à 25% pour des douleurs importantes. La requérante soutient qu’un taux d’IPP compris entre 10% et 25% serait plus adapté.
Elle précise qu’elle a formulé une demande de rechute de son accident de travail, en date du 27/07/2023, refusée par la CPAM par décision du 31/08/2023.
Elle sollicite également une réévaluation du taux socio professionnel. Elle rappelle qu’elle occupait un poste de technicienne/géomètre, qu’elle a été licenciée pour inaptitude et que ses possibilités de réinsertion professionnelles sont réduites. Elle est reconnue travailleur handicapée.
– La CPAM du RHONE était comparante, représentée par Monsieur [Y]. Elle sollicite la confirmation du taux médical de 5% et rappelle que le médecin conseil a tenu compte d’un état antérieur connu, à savoir une MP98 de lombalgie et sciatique L5S gauche du 11/08/2020, pris en charge en maladie au titre d’une affection de longue durée à compter du 17/08/2020.
La caisse sollicite le rejet de la demande de réévaluation du correctif socio professionnel au motif que l’assurée est en invalidité catégorie 1 à compter du 01/11/2022 et qui indemnise déjà l’incidence professionnelle.
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au Docteur [U] [Z], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Madame [E] [O], a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales, dont les parties ont pu discuter.
Les conclusions écrites du médecin consultant auprès du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 26/11/2024.
– Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.
En l’espèce Madame [E] [O] justifie avoir exercé un recours préalable devant la commission médicale de recours amiable le 12/04/2023 et qui a été rejeté par décision implicite. Elle a formé un recours contentieux le 02/10/2023.
Le recours est déclaré recevable.
Sur l’évaluation du taux médical
La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale.
En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
En l’espèce, le Docteur [U] [Z], médecin consultant, relève d’après le rapport réalisé par le médecin conseil, une pathologie essentiellement lombaire avec irradiations. D’après l’examen clinique, il note une raideur lombaire modérée, avec une rotation réduite d’1/3 sur la droite. Les trois marches sont réalisées, l’accroupissement est complet, sans appui. L’indice de Schoeber est de 20/27 cm, la distance doigt sol est de 25 cm. L’extension est possible mais limitée. Le médecin consultant ne note pas de troubles neurologiques sous-jacents. Il y a une prise d’antalgique de niveau 2.
Compte tenu de ces éléments, le médecin consultant propose de porter le taux médical à 10%, plus conforme au barème, et se situe ainsi dans la fourchette pour des douleurs discrètes, à savoir entre 5% et 15%.
Il ressort des observations et constatations du médecin consultant, des pièces fournies, du rapport du médecin-conseil et des débats à l’audience de ce jour, que le taux médical de 10% correspond à une plus juste évaluation des séquelles de l’assurée à la date de consolidation, conformément au barème indicatif.
En conséquence, il convient de réformer la décision contestée et d’attribuer un taux médical de 10 % à Madame [E] [O].
Sur l’évaluation du taux socio-professionnel
Il résulte des dispositions de L. 434-2 du Code de la sécurité sociale que » Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques, et mentales de la victime, ainsi que d ‘après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité « .
Les notions de qualification professionnelle et d’aptitude se rapportent aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée et aux facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Dès lors, la majoration du taux d’incapacité au titre du retentissement professionnel suppose que soit rapportée la preuve d’une perte d’emploi ou d’un préjudice économique distinct en lien direct et certain avec l’accident de travail.
En l’espèce, Madame [E] [O] occupait un poste d’opérateur de technicienne/géomètre au sein du groupe [4] depuis 2002. Elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 04/07/2022 : » l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi « . Par la suite, elle a été licenciée le 22/07/2022.
Néanmoins, en attribuant un taux socio professionnel de 3%, la CPAM a tenu compte de ces éléments et a correctement indemnisé l’incidence professionnelle de l’accident de travail de l’assurée au regard de son inaptitude et de son licenciement, et ce d’autant plus que l’assurée bénéficie d’une pension invalidité catégorie 1 qui indemnise déjà la perte de capacité de travail.
Compte tenu de ces éléments, il n’y a pas lieu de majorer le taux socio-professionnel accordé.
Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire vu l’ancienneté du litige.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,
– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par Madame [E] [O] ;
– REFORME la décision de la CPAM du RHONE du 15/02/2023, confirmée implicitement par la Commission Médicale de Recours Amiable et FIXE à 13% dont 3% de taux socio professionnel, le taux d’incapacité permanente partielle de Madame [E] [O] en raison de son accident de travail du 10/03/2022 consolidé le 03/11/2022 ;
– REJETTE la demande de réévaluation de taux socio-professionnel ;
– ORDONNE l’exécution provisoire ;
– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie ;
– CONDAMNE la CPAM du Rhône aux dépens exposés à compter du 01/01/2019 ;
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Laisser un commentaire