Évaluation des droits locatifs et contestation des indemnités dans le cadre d’un bail commercial.

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Évaluation des droits locatifs et contestation des indemnités dans le cadre d’un bail commercial.

L’Essentiel : M. et Mme [R] ont assigné la SAS ARTEMISIA GESTION pour obtenir leur expulsion des locaux commerciaux, invoquant un congé sans renouvellement et une indemnité d’éviction de 2 612 euros, prétendument payée. Les demandeurs affirment que la locataire ne peut contester le calcul de l’expert, tandis que la défenderesse conteste ce rapport, réclamant une indemnité de 17 741 euros. Le tribunal a statué que l’indemnité n’avait pas été acceptée, permettant à la locataire de rester dans les lieux. L’indemnité a été confirmée à 2 768,72 euros, et les demandeurs ont été condamnés aux dépens.

Contexte de l’affaire

M. et Mme [R] ont assigné la SAS ARTEMISIA GESTION pour obtenir leur expulsion des locaux commerciaux qu’ils avaient donnés à bail. Cette action a été motivée par un congé donné sans offre de renouvellement, et une indemnité d’éviction a été évaluée par un expert à 2 612 euros, somme que les demandeurs affirment avoir payée.

Arguments des demandeurs

Les demandeurs soutiennent que la locataire ne peut contester la méthode de calcul de l’expert, car celle-ci avait été convenue entre les parties. Ils demandent l’expulsion de la locataire et le remboursement de 1 500 euros pour leurs frais de conseil, arguant que l’indemnité a été versée et que la locataire n’a pas droit à une indemnité accessoire.

Arguments de la défenderesse

La défenderesse, SAS ARTEMISIA GESTION, conteste le rapport de l’expert et demande que l’indemnité soit fixée à 17 741 euros. Elle soutient que l’expert a commis une erreur dans sa méthode de calcul et que le chèque de l’indemnité n’a pas été encaissé. Elle réclame également 3 500 euros pour ses frais de conseil.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que l’indemnité d’éviction n’a pas été fixée judiciairement ni acceptée par les parties, ce qui donne droit à la locataire de rester dans les lieux jusqu’à ce que l’indemnité soit payée. Les demandeurs ont été déboutés de leur demande d’expulsion.

Indemnité d’éviction et accessoire

Le tribunal a confirmé le rapport de l’expert, estimant que la méthode de calcul était valable. L’indemnité principale a été fixée à 2 612 euros, et une indemnité accessoire de 156,72 euros a été accordée, portant le total à 2 768,72 euros. Les demandeurs ont été condamnés à payer cette somme à la défenderesse.

Conclusion

Le tribunal a ordonné que la SAS ARTEMISIA GESTION ne quittera les locaux qu’après le versement intégral de l’indemnité d’éviction. Les demandeurs ont également été condamnés aux dépens, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L.145-28 du Code de commerce dans le cadre d’une demande d’expulsion ?

L’article L.145-28 du Code de commerce stipule que :

« Le locataire d’un local commercial ne peut être expulsé qu’après paiement de l’indemnité d’éviction due en vertu de l’article L.145-14, sauf accord exprès des parties. »

Dans le cas présent, les demandeurs, M. et Mme [R], ont demandé l’expulsion de la société ARTEMISIA GESTION sans avoir préalablement obtenu un accord sur le montant de l’indemnité d’éviction.

Le tribunal a constaté que l’indemnité d’éviction n’avait pas été fixée judiciairement et que le chèque correspondant à cette indemnité n’avait pas été encaissé.

Ainsi, en application de l’article L.145-28, la locataire a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité, ce qui a conduit le tribunal à débouter les demandeurs de leur demande d’expulsion.

Quelles sont les implications de l’expertise dans la fixation de l’indemnité d’éviction ?

L’expertise réalisée par M. [H] a fixé l’indemnité d’éviction à 2 612 E.

Cependant, le tribunal a précisé que, en l’absence d’accord exprès entre les parties, l’indemnité doit être fixée judiciairement.

L’article 1720 du Code civil précise que :

« Le bailleur est tenu de garantir au preneur la jouissance paisible de la chose louée. »

Dans ce contexte, le tribunal a souligné que l’indemnité d’éviction doit être déterminée en tenant compte des éléments fournis par l’expert, mais qu’il reste libre de suivre ou non son avis.

Il a été établi que l’expert n’avait pas commis d’erreur grossière dans son évaluation, et que la méthode de calcul retenue était justifiée, ce qui a conduit à la confirmation de l’indemnité d’éviction de 2 612 E.

Comment se justifie l’indemnité accessoire dans le cadre d’une expulsion ?

L’indemnité accessoire a pour but de réparer les préjudices connexes liés à l’expulsion, tels que les frais de remploi, les troubles commerciaux ou les frais de déménagement.

L’article 1721 du Code civil stipule que :

« Le preneur est en droit d’obtenir une indemnité pour les pertes qu’il a subies du fait de l’éviction. »

Dans cette affaire, l’expert a écarté l’indemnité accessoire, arguant que l’activité de la société se poursuivait sur le site et qu’aucun frais de déménagement n’était justifié.

Le tribunal a retenu que l’indemnité accessoire, généralement évaluée à 12 % en cas de cessation d’activité, a été réduite à 6 % de l’indemnité principale, soit 156.72 E.

Ainsi, l’indemnité totale a été fixée à 2 768.72 E, prenant en compte les éléments de préjudice justifiés.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a décidé de ne pas faire application des dispositions de l’article 700, considérant que l’équité ne commandait pas une telle mesure.

Les demandeurs, M. et Mme [R], ont été déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens, ce qui signifie qu’ils devront supporter les frais de la procédure.

Cette décision souligne l’importance de la rigueur dans la présentation des demandes et des justifications lors des litiges commerciaux.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 25 Novembre 2024
DOSSIER : N° RG 22/03679 – N° Portalis DBX4-W-B7G-RBCT
NAC : 30B

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 8

JUGEMENT DU 25 Novembre 2024

PRESIDENT

Monsieur GUICHARD, Vice-Président
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire

GREFFIER lors du prononcé

M. PEREZ,

DEBATS

à l’audience publique du 23 Septembre 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.

JUGEMENT

Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDEURS

Mme [L] [F] épouse [R]
née le 12 Mai 1976 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6] – [Localité 2] SAVES
représentée par Maître Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 250

M. [X] [R]
né le 24 Juin 1975 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6] – [Localité 2] SAVES
représenté par Maître Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 250

DEFENDERESSE

S.A.S. ARTEMISIA GESTION, RCS MONTPELLIER 497 607 283, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 3]
représentée par Maître Jehan DE LA MARQUE de la SCP D’AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant/postulant, vestiaire : 243

Par acte de commissaire de justice du 30 août 2022, Madame [L] [R] et Monsieur [X] [R] ont fait assigner la SAS ARTEMISIA GESTION pour obtenir l’expulsion des locaux commerciaux donnés à bail et sis à [Localité 8] [Adresse 4].

Ils expliquent qu’ensuite d’un congé donné le 27 février 2019 donné sans offre de renouvellement pour le 31 août 2019, l’expert [H] commis par le juge des référés le 24 septembre 2020 a évalué dans son rapport du 23 novembre 2021 l’indemnité à la somme de 2 612 E qu’ils ont payée.

Dans le dernier état de leurs écritures :

– Les demandeurs concluent au débouté des demandes de la société locataire et à son expulsion avec l’allocation de la somme de 1 500 E pour ses frais de conseil.

Ils font valoir que c’est à tort que la locataire remet en cause la méthode de calcul de l’expert car les parties se sont entendues sur cette méthode et qu’il n’a pas commis une erreur grave permettant d’écarter son rapport ; que l’indemnité a été versée par chèque et que donc l’expulsion s’impose; que le coefficient multiplicateur de 3 revendiqué par la locataire a été écarté par l’expert ; que rien ne justifie du paiement d’une indemnité accessoire.

– La défenderesse conclut en demandant au tribunal d’écarter le rapport de l’expert et de fixer l’indemnité due à la somme de 17 741 E et à titre subsidiaire de désigner un nouvel expert, avec en tout état de cause le débouté des demandes et l’allocation de la somme de 3 500 E pour ses frais de conseil.

elle fait valoir que l’expert a commis une grave erreur au sein de sa méthode de calcul en appliquant le coefficient multiplicateur non au chiffre d’affaire mais au seul bénéfice ; qu’il a minoré le coefficient multiplicateur ; que le chèque de versement de l’indemnité n’a pas été encaissé ; qu’elle n’a jamais admis le calcul sur le bénéfice et le coefficient de 1.7 ; que l’indemnité accessoire est due.

L’ordonnance de clôture a été prise le 23 novembre 2023.

DISCUSSION

1° Sur la demande principale.

Les parties sont unies par un bail du 1er septembre 2010 soumis au statut initialement conclu entre les demandeurs et la société MONNE -DECROIX RESIDENCE qui porte sur un appartement et un parking moyennant un loyer annuel de 2 820.55 E HT, la TVA de 5 % en sus.

Dans les faits, il s’agit d’un programme immobilier porté par le groupe MONNE-DECROIX qui a vendu les appartements à des particuliers qui les ont donnés à bail à la société de gestion qui elle-même les sous-loue.

La procédure de référé et l’expertise ont concerné douze propriétaires.

Monsieur [H] a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 2 612 E.

Les demandeurs soutiennent alors que cette indemnité a été payée, en sorte que l’expulsion est de droit.

Mais à défaut d’un accord exprès des parties, l’indemnité proposée par l’expert doit être fixée judiciairement par le tribunal judiciaire qui est libre de suivre ou non l’avis du technicien.

Il n’est en rien justifié d’un accord puisque les demandeurs ne justifient pas de l’encaissement du chèque qui est contesté (ni d’ailleurs de son envoi mais il n’est pas contesté).

En sorte qu’à ce jour l’indemnité n’est n’étant ni fixée par le tribunal, ni par un accord des parties, la locataire a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité par application des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce.

En sorte que les demandeurs seront déboutés de leur demande qui ne porte pas sur la fixation de l’indemnité mais uniquement sur l’expulsion.

2° Sur la demande reconventionnelle

C’est nécessairement à titre reconventionnel que la défenderesse demande que la rapport de l’expert soit écarté et que l’indemnité soit fixée à la somme de 17 741 E avec son maintien dans les lieux jusqu’au paiement.

Il n’existe tout d’abord aucune raison d’écarter le rapport de l’expert qui n’a pas commis d’erreur grossière puisque l’estimation par le résultat pratiquée par Monsieur [H] est parfaitement envisageable; par ailleurs il s’en explique, de même que sur la coefficient multiplicateur et l’indemnité accessoire.

– L’indemnité principale.

Pour ce qui est de la méthode, il n’est pas justifié d’usages professionnels et il est vrai que l’expert n’explique pas pourquoi il retient le revenu théorique brut (chiffres d’affaire-loyers) et non la totalité du chiffre d’affaires annuel.

Mais le tribunal retient que s’agissant d’une société de gestion qui se rémunère sur le différentiel entre la location et la sous location, la valeur marchande de son fonds est justement établie par le recours au revenu théorique, ainsi que l’expert l’a retenu.

Pour ce qui est du coefficient multiplicateur de 2, l’expert s’en est expliqué de manière pertinente en relevant que si le taux de 3 revendiqué se concevait dans des villes comme [Localité 7] ou [Localité 5], il n’était pas justifié à [Localité 8] dans un quartier qui au surplus ne se situe pas au contre ville et alors que les taux toulousains habituels se situent entre 1.8 et 2.2.

En sorte que l’indemnité principale qui n’est pas autrement contestée est de 2 612 E.

– L’indemnité accessoire.

Elle a pour fonction de réparer les préjudices connexes (frais de remploi, trouble commercial, frais du déménagement).

L’expert a écarté cette indemnité puisque l’activité se poursuit sur le site et qu’il n’existe pas de frais de déménagement puisque les meubles appartiennent aux bailleurs; que de plus aucune pièce ne justifie d’un préjudice autre.

La société fait valoir qu’elle devra maintenir ses services à l’identique alors même qu’elle n’exploitera plus le lot.

Ce à juste titre.

Cette indemnité est généralement de 12 % en cas de cessation de l’activité; elle sera pour la réduction retenue évaluée à 6 % de l’indemnité principale, soit à la somme de 156.72 E.

Soit une indemnité totale de 2 768.72 E.

Les demandeurs qui succombent à titre principal supporteront les dépens.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant à juge unique, publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe.

DEBOUTE Monsieur et Madame [R] de leurs demandes.

DIT n’y avoir à écarter le rapport de Monsieur [H].

CONDAMNE Monsieur et Madame [R] à payer à la SAS ARTEMISIA GESTION une indemnité d’éviction de 2 768.72 E.

DIT que la société ARTEMISIA GESTION ne devra quitter les locaux commerciaux donnés à bail qu’après le versement intégral de l’indemnité d’éviction.

CONDAMNE Monsieur et Madame [R] aux dépens.

DIT n’y avoir à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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