L’Essentiel : La CPAM ne peut pas licencier un salarié pour des échanges d’emails à connotation raciste, car ceux-ci étaient privés et non destinés à être publics. La lettre de licenciement ne prouve pas que ces opinions aient eu un impact sur son travail ou l’image de l’organisme. Bien que le salarié ait violé le secret professionnel en transmettant des informations confidentielles, son ancienneté de 39 ans et l’absence de sanctions antérieures plaident en faveur d’une décision moins sévère. La cour a donc infirmé le licenciement, le jugeant non justifié par une faute grave ou sérieuse.
|
La CPAM n’est pas en droit de licencier un salarié au titre de l’échange d’emails à connotations racistes dès lors que ceux-ci s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics, et qui n’ont été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi. Propos sans incidence publiqueA noter que la lettre de licenciement ne soutenait pas que les opinions du salarié auraient eu une incidence sur son emploi, dans ses relations avec les usagers ou les collègues. Par ailleurs, la CPAM ne versait aux débats aucun élément tendant à prouver que les écrits de son salarié auraient été connus en dehors du cadre privé et que l’image de la CPAM aurait été atteinte. Faits en causeA titre d’exemple, le salarié avait notamment transmis à l’un de ses collègues une ‘Photos de famille’ qui présente une femme en burqas avec une petite fille et deux sacs poubelle avec le commentaire suivant : ‘Je lui ai dit qu’elle avait trois beaux enfants. Elle était furieuse. Je me suis fait engueuler dans une langue que je ne comprends pas.’ Liberté d’expression dans un cadre privéSi le salarié était tenu à un devoir de neutralité dans le cadre de ses fonctions, il pouvait user de sa liberté d’expression et exprimer ses opinions dans un cadre privé, quelles qu’elles soient, dès lors que ces opinions ne transparaissaient pas dans l’exercice de son emploi et que le salarié ne tenait aucun propos raciste ou xénophobe dans la sphère professionnelle. Notion de faute graveLa faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur. Envoi de message sans abusCertes, l’article 26 du règlement intérieur interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l’informatique. Toutefois, un salarié peut utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abuse pas. En l’espèce, l’envoi de quelques messages privés ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu. _________________________________________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE TOULOUSE 4eme Chambre Section 2 ARRÊT DU 21 JANVIER 2022 *** 21/01/2022 ARRÊT N° 2022/39 N° RG 19/04634 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NIKY Décision déférée du 10 Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTAUBAN (82) G X C/ CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GAR ONNE INFIRMATION PARTIELLE APPELANT Monsieur G X […] Représenté par Me Alexandrine L M, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE INTIMÉE CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GARONNE Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE BLANCHARD, F. CROISILLE-CABROL, conseillères chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : C. BRISSET, présidente A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère F. CROISILLE-CABROL, conseillère Greffière, lors des débats : A. RAVEANE ARRET : – CONTRADICTOIRE – prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties – signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre EXPOSÉ DU LITIGE M. G X a été embauché par la CPAM du Tarn et Garonne suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1977. En dernier lieu, il était technicien de prestations. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957. La CPAM reprochant à M. X des mails racistes et xénophobes et un mail violant le secret professionnel, par LRAR du 8 février 2017, elle l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 22 février 2017 ; par lettre remise en main propre le 14 février 2017, elle lui a notifié une mise à pied conservatoire. La CPAM du Tarn et Garonne envisageant un licenciement pour faute grave, elle a demandé la comparution de M. X devant le conseil régional de discipline, conformément à l’article 48 de la convention collective ; le 10 mars 2017, le conseil a estimé les faits avérés mais a voté à la majorité absolue contre un licenciement pour faute grave. Par LRAR du 16 mars 2017, la CPAM du Tarn et Garonne a notifié à M. X son licenciement pour faute grave. La relation de travail a pris fin le même jour. M. X a saisi le 1er août 2017 le conseil de prud’hommes de Montauban aux fins notamment de paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d’heures dues au ‘compteur souple’ et d’un ‘crédit d’heures’. Par jugement du 10 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Montauban a : – dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. X était justifié, – débouté M. X de toutes ses demandes, – débouté la CPAM du Tarn et Garonne de sa demande reconventionnelle, – condamné M. X aux dépens. M. X a relevé appel de ce jugement le 23 octobre 2019, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués. Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M. X demande à la cour de : – infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement pour faute grave était justifié, a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens, et, statuant à nouveau, – dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et donc abusif, – condamner la CPAM du Tarn et Garonne à payer à M. X les sommes suivantes : * 1.567,64 € de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, * 5.995,21 € d’indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés comprise, * 40.000 € d’indemnité de licenciement, * 100.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif, * 1.275,99 € au titre des heures dues au compteur souple, * 159,53 € au titre du crédit d’heures, * 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2020 auxquelles il est expressément fait référence, la CPAM du Tarn et Garonne demande à la cour de : – confirmer en toutes ses dispositions le jugement, – constater que le licenciement pour faute grave de M. X est entièrement justifié, – constater qu’aucune somme ne lui est due au titre de l’exécution du contrat de travail, – déclarer irrecevables ou mal fondées les demandes de M. X, – débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, – condamner M. X à payer à la CPAM du Tarn et Garonne la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner M. X aux entiers dépens. MOTIFS 1 – Sur le licenciement : Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur. La lettre de licenciement pour faute grave était ainsi rédigée : ‘ Le 1er février 2017, j’apprends qu’un salarié de mon entreprise a transféré de sa messagerie professionnelle vers la messagerie professionnelle d’un salarié de la CPAM 31, un mail ‘personnel et confidentiel’ contenant un poème incitant à la provocation et à la haine raciste et xénophobe envers la communauté musulmane. Le 07 février 2017, je décide de mettre en oeuvre la procédure interne de vérification des messageries nominatives et des fichiers des personnes ayant diffusé ou fait suivre le mail susmentionné. Il ressort de ces opérations que vous êtes impliqué dans la transmission de mails à caractère raciste et xénophobe. Saisi de cette affaire, je vous ai convoqué le 8 février à un entretien préalable en date du 22 février. Le 09 février 2017, j’ai décidé d’investiguer de manière plus approfondie votre messagerie et matériels informatiques conformément à la jurisprudence et la procédure interne (article 8.3 de la Charte d’utilisation de la messagerie Hermès). Les résultats de ces investigations, réalisées en présence d’un délégué du personnel, d’un représentant de la direction et de vous-même, ont permis de découvrir d’autres mails visant à la provocation, à la discrimination, à la haine raciste et xénophobe à l’encontre de la communauté musulmane ainsi qu’une atteinte grave au secret professionnel. Aussi ai-je décidé le 14 février de prendre à votre encontre une mesure de mise à pied à titre conservatoire et ce jusqu’au prononcé de la décision. Il ressort des investigations réalisées dans votre BAL professionnelle que vous avez délibérément : – été auteur et destinataire de courriels au contenu illicite, – atteint gravement aux règles du secret professionnel. Dès 2012, vous avez émis des mails au contenu illicite car incitatif à la discrimination et à la haine raciale dans le cadre de vos fonctions au moyen de votre messagerie professionnelle ‘G.X@cpam-montauban.cnamts.fr’ et en avez reçu de même tonalité. Sur ce point, vous répondez qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre des messages qui se veulent humoristiques et du racisme. Je m’étonne de votre réponse d’autant que le 10 septembre 2012 vous avez transmis à trois de vos collègues un mail intitulé ‘Photos de famille’ qui présente une femme en burqas avec une petite fille et deux sacs poubelle avec le commentaire suivant : ‘Je lui ai dit qu’elle avait trois beaux enfants. Elle était furieuse. Je me suis fait engueuler dans une langue que je ne comprends pas.’ De la même manière le 18 janvier et le 5 novembre 2013, vous avez transmis deux courriels à des collègues, et à des tiers faisant état de commentaires tendancieux concernant la communauté islamique ‘des personnalités publiques collaborent avec les Frères musulmans en leur donnant des subventions pour des grandes mosquées’ l’UMP, le PS sont prêts à brader toutes les valeurs de la République pour tenter d’obtenir des voix musulmanes aux élections’. Si vous reconnaissez avoir fait preuve de négligence, en relayant ces messages tendancieux et provocants par complaisance voire par jeu, il n’en reste pas moins qu’en votre qualité de salarié d’un organisme en charge d’une mission de service public, vous êtes tenu, en application du principe de laïcité, posé par l’article 1er de la Constitution, à une obligation de neutralité dans l’exercice de vos fonctions, vous interdisant de faire état de vos opinions et convictions religieuses dans l’exercice de vos fonctions. Dès lors, le contenu des correspondances excède très largement les limites admissibles de l’exercice par un salarié de sa liberté d’expression au sein de l’organisme et avait en ce sens gravement porté préjudice à l’image de l’organisme Enfin, dans un courriel du 20 février 2014, je relève une atteinte grave au secret professionnel. En effet, vous avez transmis à un tiers, l’attestation de salaire d’une personnalité publique (rugbyman professionnel en Pro D2 de l’Union Sportive Montalbanaise) comportant des données confidentielles de l’assuré, numéro d’immatriculation, éléments de salaire, domiciliation et les données bancaires de son employeur l’USM. Ce même jour, le destinataire du mail, que vous présentez comme une connaissance du rugby, vous répond en ces termes ‘Oh putain 4333/mois. J’aurais dit plus ! C’est brut ça ‘ Il est blessé. Je savais pas. Je garde ça pour moi c’est un peu confidentiel en effet » Lorsque l’on vous demande d’expliquer votre geste, vous déclarez ‘Et là c’est l’occasion qui fait le larron, j’ai bien transmis son attestation de salaire.’ Vous n’avez ainsi pas hésité à communiquer des données protégées à au moins une personne tiers à l’entreprise, violant ainsi vos obligations contractuelles de secret professionnel et de sécurité des données informatiques en les détournant de la finalité déclarée auprès de la CNIL par l’employeur. Conformément aux dispositions de l’article 48 de la convention collective nationale, vous avez été invité le 10 mars à vous présenter de Conseil de Discipline Régional auprès duquel j’ai sollicité votre licenciement pour faute grave. Le Conseil de Discipline Régional a reconnu à l’unanimité que les faits sont avérés et s’est prononcé à la majorité absolue contre la mesure de licenciement pour faute grave proposée par la CPAM. Vous trouverez ci-joint une copie de l’avis de cette instance. Or, en agissant de la sorte, vous avez délibérément contrevenu : – Au principe constitutionnel de laïcité et de l’obligation de neutralité subséquente s’imposant à tout salarié d’un organisme de sécurité sociale, tenu, en application du principe de laïcité de la République Française posé à l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, à une obligation de neutralité dans l’exercice de ses fonctions. Cette exigence de neutralité obligé les collaborateurs de l’Assurance Maladie à s’interdire de faire état de leurs opinions et convictions religieuses dans l’exercice de leurs fonctions ; – Aux dispositions de l’article 26 du Règlement Intérieur : ‘Il est interdit d’utiliser pour son propre compte et sans autorisation préalable les équipements, véhicules, matériels’appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l’informatique’. Je ne peux accepter que des collaborateurs détournent de leur finalité strictement professionnelle les moyens et ressources informatiques mis à leur disposition dans le cadre de leurs missions. L’exigence de protection et de secret des données nominatives et personnelles des assurés contenues dans le système d’information de l’Assurance Maladie impose que l’utilisation du système informatique soit exclusivement réservée à des fins professionnelles ; – Aux dispositions de l’article 27 du Règlement Intérieur : ‘Sans que cette liste soit limitative, les actes suivants sont interdits (‘) propos racistes ou discriminatoires’ ; – Aux dispositions de l’article 1er de la Charte d’utilisation de la messagerie opposable aux salariés de l’organisme car annexée au règlement intérieur, en ce qu’elle interdit aux utilisateurs ‘la provocation à la discrimination, à la haine notamment raciale, ou à la violence’. Enfin, vous n’avez pas respecté les règles du secret professionnel auquel tout salarié d’un organisme de sécurité sociale est tenu et avez enfreint : – Les dispositions de l’article 18 du règlement intérieur : ‘Les agents sont tenus par les dispositions concernant le secret professionnel. En particulier, ils ne peuvent détourner ou communiquer à des tiers des documents appartenant à l’entreprise et concernant des assurés ou partenaires enregistrés à des fichiers informatiques ou autres’ ; – Les dispositions de la LR-DDO-143/2014 sur les conditions d’utilisation du RNCPS : Répertoire National Commun de la Protection Sociale (qui comprend l’applicatif EOPSS) : ‘Les données du RNCPS ne doivent en aucun cas être communiquées à des tiers, par respect du secret professionnel et en application du principe de protection des données personnelles’. Compte tenu d’une part, de la gravité des faits reprochés et d’autre part, que vous ne pouviez ignorer causer nécessairement un préjudice à la CPAM de Tarn et Garonne, et d’une manière plus générale, à l’Assurance Maladie, la poursuite de la relation contractuelle et votre maintien dans l’organisme s’avèrent impossibles. Je vous notifie donc par la présente votre licenciement pour faute grave…’ Ainsi, la lettre de licenciement évoque seulement des mails des 10 septembre 2012, 18 janvier 2013, 5 novembre 2013 et 20 février 2014. M. X soutient que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, notamment en raison de : – l’irrégularité de la procédure préalable de vérification de la messagerie du salarié, qui a été convoqué à un entretien préalable au licenciement avant cette vérification ; – l’irrégularité de la charte informatique, non soumise à la DIRECCTE et à la CNIL, ni signée par le salarié ; – l’assistance du directeur de la CPAM lors du conseil de discipline ; – l’impossibilité pour l’employeur de ‘fouiller’ (sic) dans les fichiers et mails personnels du salarié sans son accord et de les utiliser dans le cadre d’une procédure de licenciement, ceci relevant de la vie privée ; – l’absence de mail adressé par M. X à Mme Y ou M. I Z, ou de mail envoyé à ces salariés, l’employeur ne justifiant pas comment il est ‘remonté’ jusqu’à M. X ; – l’absence de rédaction par M. X de mails racistes, celui-ci ayant seulement reçu ou relayé des mails ; – l’absence d’atteinte à l’image de la CPAM. Il ressort des procès-verbaux établis par la CPAM du Tarn et Garonne en date du 8 février 2017 concernant M. I Z et Mme J Y, et du 14 février 2017 concernant MM. G X et G A, tous étant employés de la CPAM du Tarn et Garonne, que, le 1er février 2017, M. I Z a transféré sur l’adresse générique de la CPAM de la Haute-Garonne un mail qu’il avait reçu de Mme Y le 25 octobre 2016, avec pour objet ‘personnel et confidentiel’, évoquant une ‘poésie’ à caractère raciste et xénophobe, l’une des responsables de la CPAM de la Haute-Garonne ayant transféré ce mail à l’une des responsables de la CPAM du Tarn et Garonne. La CPAM du Tarn et Garonne a alors effectué une vérification des messageries professionnelles de M. Z et de Mme Y le 7 février 2017, puis des messageries professionnelles de MM. X et A le 9 février 2017. La cour rappelle au préalable que l’employeur ne peut accéder à un mail issu d’une messagerie professionnelle du salarié mais expressément identifié par le salarié comme étant ‘personnel’, qu’en présence du salarié, ou celui-ci dûment appelé ; ce n’est qu’en cas de circonstances particulières que l’employeur peut passer outre. En l’espèce, M. X a bien été appelé aux opérations de contrôle, il y a assisté et a été destinataire du procès-verbal dressé. Le 7 février 2017, la CPAM a découvert, sur la messagerie professionnelle de M. I Z, un mail du 10 septembre 2012 adressé par M. X à plusieurs personnes, intitulé ‘photo de famille’, ce mail étant produit aux débats; contrairement à ce qu’affirme la lettre de licenciement, M. X n’a pas adressé ce mail à trois collègues, mais à deux collègues (MM. A et B), ainsi qu’à des tiers dont M. K Z (DDSP81), M. B l’ayant à son tour adressé à M. I Z. C’est donc au vu de ce mail, trouvé sur la messagerie de M. I Z, que la CPAM a convoqué M. X, le 8 février 2017, à un entretien préalable au licenciement, puis a, le 9 février 2017, procédé au contrôle de la messagerie de M. X. Le 9 février 2017, après l’engagement de la procédure de licenciement, la CPAM a alors découvert, sur la messagerie de M. X, plusieurs mails dont quelques extraits figurent dans le procès-verbal du 14 février 2017, ces mails étant soit ‘personnels et confidentiels’ soit ‘perso’ : – mail du 8 mars 2013 adressé par M. C (Labinal) à M. X : ‘Merci phiphi j’adore la secu gratuite ça c’est une honte… A demain mon poulet, soit en forme, grande journée en perspective. Beaucoup de boulot, le munster à coté c’était de la rigolade’ ; – mail du 8 mars 2013 adressé par M. X à M. C : ‘Bonjour Frédo, c’est le week end, et je sais ce que tu affectionnes. A+’ ; – mail du 20 février 2014 adressé par M. C à M. X : ‘Oh putin 4300/mois. J’aurais dit plus ! C’est brut ça ‘ Il est blessé je savais pas. Je garde ça pour moi c’est un peu confidentiel en effet…’ ; – mail du 20 février 2014 adressé par M. X à M. C : ‘Salut Frédo. Ceci explique cela ! A +’ ; – mail du 12 novembre 2014 adressé par M. C à des destinataires inconnus en copie cachée : ‘C’est Mohamed, Mouloud et D qui tombent dans une crevasse. Que se passe-t-il ‘ On s’en fout, mais l’histoire commence bien…’. Néanmoins, la CPAM ne verse aux débats aucun de ces 5 mails, qui ne figurent pas non plus en annexe du procès-verbal du 14 février 2017, alors même que les échanges de mails avec M. C du 20 février 2014 sont expressément visés dans la lettre de licenciement. Quant au mail par lequel M. X a transmis à M. C les éléments concernant le rugbyman, il n’est ni versé aux débats ni évoqué dans le procès-verbal du 14 février 2017. Les 3 autres mails des 8 mars 2013 et 12 novembre 2014, évoqués dans ce procès-verbal, ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement. Le mail du 10 septembre 2012 évoqué dans la lettre de licenciement n’est pas mentionné dans le procès-verbal du 14 février 2017. Il ressort du procès-verbal du 14 février 2017 que le mail du 18 janvier 2013 n’a pas été trouvé sur la messagerie de M. X, mais sur celle de M. A ; il a été envoyé par M. X à M. A avec pour objet ‘lettre d’un avocat de Metz’; son contenu n’est pas reproduit dans le procès-verbal qui mentionne seulement ‘mail à caractère raciste’, et ce mail n’est pas produit aux débats. Enfin, s’agissant du mail du 5 novembre 2013, il n’est pas évoqué dans les procès-verbaux, ni produit aux débats. Il est annexé au procès-verbal du 8 février 2017 des mails des 9 décembre 2015, 13, 20 et 25 octobre 2016, lesquels toutefois ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement, ni dans le procès-verbal du 14 février 2017, et ne portent pas le nom de M. X comme expéditeur ou destinataire. Ces mails ne peuvent donc pas fonder un licenciement. Dans la lettre de licenciement, l’employeur soutient que les mails contreviennent: – au principe de laïcité prévu par la Constitution qui s’impose à tout salarié d’un organisme de sécurité sociale dans l’exercice de ses fonctions ; – à l’interdiction des propos racistes, haineux ou discriminatoires, en application du règlement intérieur de la CPAM et de la charte Hermès ; – à l’interdiction d’utiliser pour son propre compte les outils informatiques, prévue par le règlement intérieur. La cour rappelle d’abord qu’un seul mail visé par la lettre de licenciement est produit aux débats ce qui pose problème pour que la cour puisse apprécier pleinement le contenu des autres mails, même si M. X ne conteste pas l’existence de mails. De plus, nonobstant leur caractère raciste et xénophobe, il demeure que les messages reçus ou envoyés par M. X s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics, et qui n’ont été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de M. I Z. Si le salarié était tenu à un devoir de neutralité dans le cadre de ses fonctions, il pouvait user de sa liberté d’expression et exprimer ses opinions dans un cadre privé, quelles qu’elles soient, dès lors que ces opinions ne transparaissaient pas dans l’exercice de son emploi et que le salarié ne tenait aucun propos raciste ou xénophobe dans la sphère professionnelle. La lettre de licenciement ne soutient pas que ces opinions auraient eu une incidence sur son emploi, dans ses relations avec les usagers ou les collègues. Par ailleurs, la CPAM du Tarn et Garonne ne verse aux débats aucun élément tendant à prouver que les écrits de M. X auraient été connus en dehors du cadre privé et que l’image de la CPAM aurait été atteinte. Certes, l’article 26 du règlement intérieur interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l’informatique. Toutefois, un salarié peut utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abuse pas. En l’espèce, l’envoi de quelques messages privés ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu. Reste le mail relatif au rugbyman, M. X ne contestant pas avoir transmis par mail à un ami, M. C, l’attestation de salaire de ce rugbyman, bien que ce mail ne soit pas produit. Il est incontestable que M. X a violé le secret professionnel. Pour autant, il convient de rappeler que M. X avait une ancienneté de 39 ans au sein de la CPAM et qu’il n’avait fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire. Même si l’employeur n’était pas tenu de suivre l’avis du conseil de discipline, force est de noter que ce dernier avait voté à la majorité contre le licenciement pour faute grave. Infirmant le jugement, la cour considère donc que le licenciement de M. X ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse. 2 – Sur les conséquences du licenciement : Sur le salaire pendant la mise à pied conservatoire : La mise à pied conservatoire a pris effet du 15 février au 16 mars 2017. Il ressort des bulletins de paie et du reçu pour solde de tout compte que : – en février 2017, il n’y a pas eu de retenue ; – en mars 2017, il y a eu une retenue de 1.209,57 € au titre du mois de février 2017 et le salaire de mars 2017 n’a pas été payé ; de sorte qu’en l’absence de faute grave, le salarié a droit au paiement de son salaire pendant la mise à pied conservatoire soit les 1.567,64 € bruts réclamés, les congés payés n’étant pas réclamés. Sur l’indemnité compensatrice de préavis : En application de l’article 54 de la convention collective, compte tenu d’une ancienneté de plus de 5 ans (39 ans), M. X peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois, sur la base d’un salaire mensuel de 2.419,13 €. Il sera fait droit à sa demande chiffrée qu’il limite à 5.995,21 € congés payés inclus. Sur l’indemnité de licenciement : M. X qui réclame une indemnité de licenciement de 40.000 € n’explicite pas son calcul. M. X peut prétendre : – soit, en application des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, en leur rédaction applicable à l’époque du licenciement, à une indemnité de licenciement égale à 1/5e de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoutent 2/15e de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté, soit 28.223,18 € ; – soit, en application de l’article 55 de la convention collective, à une indemnité de licenciement égale à la moitié du dernier salaire mensuel par année d’ancienneté, avec un maximum de 13 mois, soit 31.448,69 €. Il lui sera donc alloué l’indemnité la plus favorable soit 31.448,69 €. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: Au moment du licenciement, M. X avait plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés de sorte que les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs aux salaires des 6 derniers mois en application de l’article L 1235-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017. Il était âgé de 63 ans comme étant né le […]. Il avait une ancienneté de 39 ans. Il justifie de la perception d’allocations chômage de juin 2017 à septembre 2017 et il a alors pu prendre sa retraite, étant précisé qu’il ne justifie pas du montant de la perte de droits à retraite autrement que par ses propres dires qui ne sont étayés d’aucune pièce. Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 30.000 €. Sur le remboursement à Pôle Emploi : En application des articles L 1235-3, L 1235-4 et L 1235-5 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités. Il convient donc d’office d’ordonner le remboursement par l’employeur au Pôle emploi des indemnités chômage à hauteur de 3 mois. 3 – Sur les heures : M. X soutient que : – il lui reste dû 60 heures au titre du ‘compteur souple’ soit la somme de 2.419,13 € / 151,67h x 80 h – 1.275,99 € (sic) ; – il lui reste dû 10 heures au titre du ‘crédit d’heures’ soit la somme de 2.419,13€ / 151,67h x 10 h = 159,53 €. Toutefois, il ne fournit aucune autre précision (fondement juridique de ses demandes, période…) et d’ailleurs son premier calcul ne correspond ni à 80h ni à 60h. Il ne pourra donc qu’être débouté de ses demandes à ce titre, par confirmation du jugement de ce chef. 4 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile : L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles, et le jugement sera infirmé sur ces points. L’équité commande de mettre à la charge de l’employeur les frais irrépétibles exposés par le salarié soit 2.500 €. PAR CES MOTIFS, Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. G X de ses demandes aux titres du compteur souple et du crédit d’heures, et débouté la CPAM du Tarn et Garonne de sa demande reconventionnelle, ces dispositions étant confirmées, Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant, Dit que le licenciement de M. G X n’était justifié ni par une faute grave ni par une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse, Condamne la CPAM du Tarn et Garonne à payer à M. G X les sommes suivantes : – 1.567,64 € bruts de salaire pendant la mise à pied conservatoire, – 5.995,21 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis, – 31.448,69 € d’indemnité de licenciement, – 30.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, – 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, Ordonne le remboursement par la CPAM du Tarn et Garonne à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. G X du jour de son licenciement au jour du jugement, à hauteur de 3 mois, Condamne la CPAM du Tarn et Garonne aux dépens de première instance et d’appel. Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte du licenciement de M. X par la CPAM ?Le licenciement de M. X par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Tarn et Garonne a été motivé par des échanges d’emails jugés racistes et xénophobes. M. X, technicien de prestations, a été accusé d’avoir transmis des messages inappropriés via sa messagerie professionnelle. Ces emails ont été découverts suite à une erreur d’envoi d’un collègue, ce qui a conduit à une enquête interne. La CPAM a alors convoqué M. X à un entretien préalable au licenciement, et a décidé de le licencier pour faute grave, malgré l’avis du conseil de discipline qui a voté contre cette mesure. Quelles sont les implications de la liberté d’expression dans un cadre privé pour M. X ?La liberté d’expression dans un cadre privé est un droit fondamental qui permet aux individus d’exprimer leurs opinions sans crainte de répercussions, tant que ces opinions ne sont pas exprimées dans le cadre de leur travail. Dans le cas de M. X, bien qu’il ait été tenu à un devoir de neutralité en tant que salarié d’un organisme public, il a pu exprimer ses opinions dans un cadre privé. Les échanges d’emails, bien que controversés, se sont déroulés dans un groupe restreint et n’avaient pas vocation à devenir publics. La cour a noté que la CPAM n’a pas prouvé que ces opinions avaient eu un impact sur son travail ou sur l’image de l’organisme, ce qui a joué en faveur de M. X lors de l’examen de son licenciement. Qu’est-ce qui constitue une faute grave dans le cadre d’un licenciement ?La faute grave est définie comme un acte ou un ensemble d’actes qui constituent une violation des obligations contractuelles d’une telle gravité qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Dans le cas de M. X, la CPAM a tenté de prouver que ses emails constituaient une faute grave. Cependant, la charge de la preuve incombe à l’employeur. La cour a conclu que la CPAM n’avait pas démontré que les actes de M. X justifiaient un licenciement pour faute grave, notamment en raison de l’absence de preuves tangibles que ses actions avaient eu des conséquences néfastes sur l’entreprise ou sur ses relations professionnelles. Quels éléments ont été pris en compte concernant l’envoi de messages privés par M. X ?L’envoi de messages privés par M. X a été examiné à la lumière des règles internes de la CPAM. Bien que le règlement intérieur interdisait l’utilisation des équipements de l’entreprise pour des fins personnelles sans autorisation, la cour a noté qu’un salarié peut utiliser sa messagerie professionnelle pour des messages privés tant qu’il n’en abuse pas. Dans le cas de M. X, l’envoi de quelques messages privés n’a pas été jugé excessif, indépendamment de leur contenu. La cour a donc considéré que cet envoi ne constituait pas une violation suffisamment grave pour justifier un licenciement. Quelles ont été les conséquences du licenciement de M. X ?Les conséquences du licenciement de M. X ont été significatives. La cour a infirmé le jugement initial qui avait validé le licenciement pour faute grave. Elle a reconnu que le licenciement n’était pas justifié et a ordonné à la CPAM de verser à M. X plusieurs indemnités. Ces indemnités comprenaient le salaire pendant la mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, la CPAM a été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à M. X pendant une période de trois mois. |
Laisser un commentaire