L’Essentiel : Les faits de l’affaire concernent deux mineurs, déclarés coupables de destruction volontaire par un moyen dangereux et complicité par le tribunal pour enfants. L’acquéreur du bâtiment partiellement détruit après les faits a vu sa constitution de partie civile déclarée irrecevable. L’acquéreur, les représentants légaux des mineurs, le ministère public et la société ont interjeté appel de cette décision, contestant l’irrecevabilité de la constitution de partie civile. La Cour d’appel a déclaré irrecevable cette constitution, arguant que l’acquéreur avait acquis le bâtiment en toute connaissance de cause et ne pouvait pas invoquer un préjudice directement causé par l’infraction.
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Contexte de l’affaireLes faits de l’affaire concernent [V] [N] et [W] [Z], déclarés coupables de destruction volontaire par un moyen dangereux et complicité par le tribunal pour enfants. Mme [B] [K], qui a acquis le bâtiment partiellement détruit après les faits, a vu sa constitution de partie civile déclarée irrecevable. Appel de la décisionMme [K], les représentants légaux de [W] [Z], le ministère public et la société [2] ont interjeté appel de la décision du tribunal pour enfants. L’appel vise spécifiquement la déclaration d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme [K]. Arguments de l’appelLe moyen d’appel soulève plusieurs points. Premièrement, il affirme que l’action civile appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction, et que l’acquéreur d’un bien peut demander réparation. Deuxièmement, il soutient que Mme [K] a subi un préjudice lié à la nécessité de sécuriser les locaux endommagés, ce qui justifierait sa constitution de partie civile. Enfin, il mentionne que Mme [K] a reçu des droits de la part de Monsieur [M] [L], ce qui devrait lui permettre de se constituer partie civile. Réponse de la Cour d’appelLa Cour d’appel a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [K], arguant qu’elle avait acquis le bâtiment après l’incendie et en toute connaissance de cause. Les juges ont également noté qu’elle ne pouvait pas invoquer un préjudice directement causé par l’infraction. Interprétation des droits de propriétéLa Cour a précisé que l’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel, limité par le Code de procédure pénale. Seul le titulaire des droits de propriété au moment de l’infraction peut demander une indemnisation pour le préjudice subi. Le nouveau propriétaire, bien qu’il soit cessionnaire des droits, ne peut pas demander réparation pour un dommage indirect résultant de l’infraction. Conclusion de la CourEn conséquence, le moyen d’appel a été écarté, et l’arrêt a été jugé régulier en la forme. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’action civile en matière pénale selon le Code de procédure pénale ?L’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui doit être strictement encadré par les dispositions du Code de procédure pénale. L’article 2 de ce code précise que l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Ainsi, seuls les titulaires des droits de propriété sur un bien au moment de la commission de l’infraction peuvent demander réparation pour les préjudices subis. Cela signifie que le nouveau propriétaire d’un bien, même s’il a acquis les droits sur celui-ci, ne peut pas demander réparation pour un préjudice résultant d’une infraction commise avant son acquisition. Il ne peut en effet avoir subi qu’un dommage indirect, ce qui le rend irrecevable à se constituer partie civile. Quelles sont les conditions de recevabilité de la constitution de partie civile ?La recevabilité de la constitution de partie civile est conditionnée par la démonstration d’un préjudice directement causé par l’infraction. L’article 3 du Code de procédure pénale stipule que l’action civile est ouverte à toute personne qui justifie d’un préjudice résultant d’une infraction. Dans le cas présent, la Cour d’appel a jugé que la partie civile, ayant acquis le bâtiment après la survenance de l’incendie, ne pouvait pas invoquer un préjudice directement causé par l’infraction. Elle a ainsi considéré que la constitution de partie civile était irrecevable, car la plaignante n’était pas titulaire des droits de propriété au moment des faits. Cette décision est conforme aux principes énoncés dans le Code de procédure pénale, qui vise à protéger les droits des victimes directes d’infractions. Comment la Cour d’appel a-t-elle justifié sa décision concernant le préjudice allégué par la partie civile ?La Cour d’appel a justifié sa décision en indiquant que la partie civile ne pouvait pas invoquer un préjudice directement causé par l’infraction, étant donné qu’elle avait acquis le bien après les faits. Elle a également souligné que les pièces versées aux débats ne permettaient pas d’établir un lien direct entre l’infraction et le préjudice allégué. En effet, pour qu’un préjudice soit pris en compte, il doit être directement lié à l’infraction, ce qui n’était pas le cas ici. La Cour a donc conclu que la partie civile ne pouvait pas se constituer en raison de l’absence de préjudice direct, conformément à l’article 593 du Code de procédure pénale, qui exige des motifs clairs pour toute décision de ce type. Ainsi, la décision de la Cour d’appel a été considérée comme régulière et fondée sur des bases juridiques solides. |
N° 00156
ODVS
11 FÉVRIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 FÉVRIER 2025
Mme [B] [K], épouse [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Limoges, chambre des mineurs, en date du 17 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre [V] [N] et [W] [Z] des chefs, pour le premier, de destruction par un moyen dangereux et pour le second, de complicité, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [B] [K], épouse [G], les observations de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société [2], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [V] [N] et [W] [Z] ont été déclarés coupables de destruction volontaire par un moyen dangereux et complicité par le tribunal pour enfants. Cette juridiction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [B] [K], qui, postérieurement aux faits, avait acquis le bâtiment partiellement détruit.
3. Mme [K], les représentants légaux de [W] [Z], le ministère public et la société [2], partie intervenante, ont relevé appel de cette décision.
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [K], épouse [G], alors :
« 1/° que l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; que l’action en réparation du dommage causé à un bien appartient à l’acquéreur de celui-ci, dès lors qu’elle lui est transmise de plein droit, en tant qu’accessoire, avec le droit de propriété ; qu’en décidant néanmoins que Madame [G] ayant acquis l’immeuble litigieux postérieurement à la survenance de l’incendie et en toute connaissance de cause, elle était irrecevable à se constituer partie civile au titre du préjudice résultant des dommages causé à l’immeuble, la Cour d’appel a violé les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
2°/ que Madame [G] soutenait que, du fait de l’infraction, elle avait subi un préjudice né postérieurement à la vente, consistant dans la nécessité de sécuriser les locaux endommagés pendant le cours des investigations judiciaires destinées à établir les causes de l’incendie, de sorte qu’elle était recevable à se constituer partie civile à ce titre ; qu’en se bornant dès lors à relever que Madame [G] avait acquis l’immeuble postérieurement à la survenance de l’incendie, pour en déduire qu’elle était irrecevable à se constituer partie civile, sans répondre à ses conclusions invoquant un dommage né de l’infraction, mais survenu postérieurement à celle-ci, la Cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ que Madame [G] soutenait que Monsieur [M] [L] lui avait transmis, par acte sous seing privé enregistré au service des impôts, les droits qu’il détenait à l’encontre des auteurs du dommage, en sa qualité d’actionnaire principal de la Société [1] et de caution de celle-ci, de sorte qu’elle était recevable, à ce titre, à se constituer partie civile ; qu’en s’attelant à répondre à ces conclusions, la Cour d’appel a violé
l’article 593 du Code de procédure pénale. »
5. Pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Mme [K] en raison de la destruction partielle d’un bâtiment dont elle est propriétaire, l’arrêt attaqué énonce qu’elle a acquis l’immeuble litigieux postérieurement à la survenance de l’incendie et en toute connaissance de cause.
6. Les juges ajoutent qu’en l’état des pièces qu’elle verse aux débats, Mme [K] ne peut invoquer un préjudice directement causé par l’infraction.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
8. En effet, l’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les dispositions du code de procédure pénale, dont l’article 2 dispose qu’elle n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
9. Ainsi, le titulaire des droits de propriété sur un immeuble au moment de la commission de l’infraction ayant généré un préjudice en raison des atteintes à ce bien peut en obtenir l’indemnisation devant le juge répressif.
10. En revanche le nouveau propriétaire du bien, bien que cessionnaire des droits sur cet immeuble, ne peut demander, devant la juridiction pénale, l’indemnisation d’un préjudice résultant pour lui de la même infraction dès lors que, n’étant pas titulaire des droits de propriété au moment où elle a été commise, il ne peut avoir subi qu’un dommage indirect.
10. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
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