L’Essentiel : La SARL ABC AUTOMOBILES et Monsieur [W], représenté par sa tutrice, sont en litige concernant un bail commercial signé en 1999. Après plusieurs impayés et un accord transactionnel en 2015, Monsieur [W] a refusé le renouvellement du bail en 2017, entraînant une mise en demeure. Les parties n’ayant pas trouvé d’accord, ABC AUTOMOBILES a assigné en justice en 2019. Le Tribunal a finalement statué en faveur de la société, lui accordant une indemnité d’éviction de 97.898 € et ordonnant l’expulsion de Monsieur [W], dont les demandes ont été rejetées.
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Contexte de l’affaireLa présente affaire oppose la SARL ABC AUTOMOBILES, représentée par son avocat, à Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice, Madame [I] [P]. Le litige concerne un bail commercial signé le 3 février 1999, pour un local commercial situé à [Localité 3], avec un loyer annuel de 66.000 francs HT. Événements marquantsLe bail a été renouvelé tacitement après une durée initiale de neuf ans. En mars 2014, un commandement de payer a été signifié à la société ABC AUTOMOBILES. Un accord transactionnel a été homologué par le juge en janvier 2015, concernant les loyers dus de 2008 à 2012 et ceux à venir jusqu’en 2017. En avril 2016, un nouveau commandement a été signifié pour des impayés et des travaux non autorisés. Refus de renouvellement et mise en demeureEn janvier 2017, Monsieur [W] a signifié son refus de renouvellement du bail, accompagné d’une offre d’indemnités d’éviction. En juin 2017, il a notifié une mise en demeure pour non-respect des obligations contractuelles. Les parties n’ont pas réussi à résoudre leur différend à l’amiable, entraînant une assignation en justice par la société ABC AUTOMOBILES en janvier 2019. Expertise et jugementUn expert a été désigné en février 2020 pour évaluer les indemnités d’éviction et d’occupation. Son rapport a été déposé en juillet 2021. En mai 2023, un jugement a placé Monsieur [W] sous tutelle, et sa tutrice a pris part à la procédure. Les conclusions des parties ont été notifiées en juillet et septembre 2022. Demandes des partiesLa SARL ABC AUTOMOBILES a demandé le déboutement de Monsieur [W] et le paiement d’une indemnité d’éviction de 98.239 €. De son côté, Monsieur [W] a demandé l’expulsion de la société et le paiement d’une indemnité d’occupation de 78.163,49 € HT, ainsi que le règlement des charges stipulées dans le bail. Décision du TribunalLe Tribunal a statué en faveur de la société ABC AUTOMOBILES, lui reconnaissant un droit à l’indemnité d’éviction de 97.898 €, tout en ordonnant l’expulsion de la société et le paiement d’une indemnité d’occupation. Les demandes de Monsieur [W] concernant les indemnités d’occupation ont été rejetées, et il a été condamné aux dépens de l’instance. ConclusionLe jugement a été rendu avec exécution provisoire, et les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. La décision a été signée par le Président et le Greffier, et le greffe a été chargé de la mise à disposition des parties. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le droit à indemnité d’éviction pour la société ABC AUTOMOBILES ?La société ABC AUTOMOBILES, en tant que locataire, a le droit à une indemnité d’éviction en vertu des dispositions de l’article L145-17 du Code de commerce. Cet article stipule que : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. » Il est important de noter que si le refus de renouvellement est fondé sur l’inexécution d’une obligation, l’infraction ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. En l’espèce, le Tribunal a constaté que les motifs invoqués par Monsieur [W] pour justifier le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction n’étaient pas suffisamment graves pour priver la société ABC AUTOMOBILES de son droit à indemnité. En conséquence, la société ABC AUTOMOBILES a été reconnue comme ayant droit à une indemnité d’éviction, fixée à 97.898 €, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Quelles sont les conditions de l’indemnité d’occupation selon le Code de commerce ?L’indemnité d’occupation est régie par l’article L145-28 du Code de commerce, qui précise que : « Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. » L’indemnité d’occupation doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, en tenant compte de tous les éléments d’appréciation. Dans le cas présent, le Tribunal a examiné les surfaces occupées par la société ABC AUTOMOBILES et a pris en compte l’évaluation de l’expert judiciaire pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation. Il a été établi que la société ABC AUTOMOBILES devait payer une indemnité d’occupation calculée sur la base de la valeur locative des locaux, qui a été fixée à 68 € HT par m², pour une surface totale de 229 m². Quels sont les effets de la mise en demeure sur le droit à indemnité d’éviction ?La mise en demeure joue un rôle crucial dans la détermination du droit à indemnité d’éviction, comme le stipule l’article L145-17 du Code de commerce. Cet article précise que : « L’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. » Dans cette affaire, Monsieur [W] a signifié une mise en demeure à la société ABC AUTOMOBILES, mais le Tribunal a jugé que les motifs invoqués pour justifier le refus de renouvellement n’étaient pas suffisamment graves pour priver la société de son droit à indemnité d’éviction. Ainsi, même si des manquements ont été constatés, ils n’étaient pas de nature à justifier la perte du droit à indemnité d’éviction, ce qui souligne l’importance de la mise en demeure dans le cadre des relations locatives. Comment se calcule l’indemnité d’occupation dans le cadre d’un bail commercial ?L’indemnité d’occupation est calculée en fonction de la valeur locative des locaux, conformément à l’article L145-28 du Code de commerce. Dans cette affaire, l’expert a évalué la valeur locative à 85 € HT par m², appliquant un abattement de 20 % pour tenir compte de la précarité de la situation du locataire. Le calcul de l’indemnité d’occupation a été effectué sur la base des surfaces occupées, soit 229 m², et a été indexé sur l’indice des coûts de la construction. Le Tribunal a ainsi déterminé que la société ABC AUTOMOBILES devait payer une indemnité d’occupation d’un montant total de 142.355 € pour la période considérée, déduisant les sommes déjà versées par la société. Quelles sont les conséquences de la décision du Tribunal sur les dépens et les frais d’instance ?Selon l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, Monsieur [F] [W], en tant que partie perdante, a été condamné à supporter les entiers dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire. De plus, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, le Tribunal a condamné Monsieur [F] [W] à payer à la société ABC AUTOMOBILES une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Ces décisions illustrent l’application des règles de procédure civile en matière de frais et de dépens dans le cadre d’un litige commercial. |
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 J
N° RG 19/00439 – N° Portalis DB2H-W-B7D-TQ3E
Jugement du 19 Novembre 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Nadir OUCHIA – 1265
Maître Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS – 855
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 19 Novembre 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 18 Décembre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2024 devant :
Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assisté de Patricia BRUNON, Greffier,
DEMANDERESSE
S.A.R.L. ABC AUTOMOBILES,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 3]
représentée par Maître Nadir OUCHIA, avocat au barreau de LYON
DEFENDEUR
Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice madame [I] [P],
né le 07 Janvier 1938 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2] – [Localité 3]
représenté par Maître Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocats au barreau de LYON
Par acte sous seing privé en date du 03 février 1999, Monsieur [F] [W] a donné à bail commercial à la SARL ABC AUTOMOBILES, son local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 3] pour un loyer annuel de 66.000 francs HT, soit 9.915 € HT.
Ledit bail commercial a pris effet au 3 février 1999 pour une durée de neuf ans puis s’est poursuivi par tacite reconduction.
Le 31 mars 2014, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à la société ABC AUTOMOBILES.
Par ordonnance du 12 janvier 2015, le juge des référés de la présente juridiction a homologué l’accord transactionnel intervenu entre les parties le 24 novembre 2014 portant sur les loyers restant dus pour les années 2008 à 2012 ainsi que sur la fixation de ceux à venir pour les années 2015 à 2017.
Le 25 avril 2016, Monsieur [W] a fait signifier à la société ABC AUTOMOBILES un commandement de faire et de payer visant la clause résolutoire et valant mise en demeure de procéder, notamment, au paiement de diverses sommes et à la suppression d’aménagements intérieurs réalisés sans son accord.
Par ordonnance du 24 octobre 2016, le juge des référés, saisi sur assignation de Monsieur [W], outre s’être déclaré incompétent s’agissant des défauts de paiement, a condamné la société ABC AUTOMOBILES à procéder à la remise en état des lieux loués dans un délai de trois mois, sous peine de résiliation du bail.
Le 10 novembre 2016, la société ABC AUTOMOBILES a signifié à Monsieur [W] une demande de renouvellement du bail.
Le 31 janvier 2017, Monsieur [W] a signifié à la société ABC AUTOMOBILES son refus de renouvellement avec offre d’indemnités d’éviction.
Par exploit du 12 juin 2017, Monsieur [W] a fait signifier à la société ABC AUTOMOBILES une mise en demeure valant refus de renouvellement sans indemnités d’éviction pour motif grave et légitime considérant que cette dernière n’avait pas exécuté les condamnations prononcées à son encontre par l’ordonnance de référé du 24 octobre 2016.
Les parties ne sont pas parvenues à une résolution amiable de leur différend.
La société ABC AUTOMOBILES a, par exploit du 09 janvier 2019, assigné au fond Monsieur [W].
Par ordonnance du 17 février 2020, le juge de la mise en état a désigné Monsieur [U] [S] ès qualités d’expert avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation à compter du 1er février 2017.
L’expert a déposé son rapport le 05 juillet 2021.
Par jugement du 05 mai 2023 rendu par le Tribunal judiciaire de LYON, Monsieur [W] a été placé sous tutelle et Madame [I] [P] a été désignée ès qualités de tutrice, cette dernière intervenant volontairement à la présente procédure.
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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2022, la SARL ABS AUTOMOBILES sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles L145-9, L145-10, L145-14, L145-17 et L145-28 du Code de commerce,
– Débouter Monsieur [W] de ses demandes,
– Condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 98.239 € en règlement de l’indemnité d’éviction du local exploité [Adresse 1] à [Localité 3],
– Juger que cette somme devra être payée au plus tard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la date à laquelle le jugement sera passé en force de chose jugée, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard.
En cas d’usage du droit de repentir par Monsieur [W],
– Condamner ce dernier à lui payer la somme de 10.000 € au titre des frais d’instance.
En tout état de cause,
– Condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise de Monsieur [S], avec distraction au profit de Maître Nadir OUCHIA,
– Juger qu’il n’y a lieu d’écarte l’exécution provisoire de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 08 septembre 2023, Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désigné ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, sollicite d’entendre le Tribunal,
A titre principal,
– Ordonner l’expulsion de la société ABC AUTOMOBILES ainsi que tout occupant de son chef au besoin avec l’assistance de la force publique,
– Condamner la société ABC AUTOMOBILES à lui payer un solde d’indemnité d’occupation de 78.163,49 € HTHC arrêté au 31 août 2023 outre solde d’indemnité d’occupation indexées pour la période postérieure,
– Condamner la société ABC AUTOMOBILES à payer en plus des indemnités d’occupation les charges telles que stipulées au bail non renouvelé et notamment sa quote-part de taxe foncière.
A titre subsidiaire, si le Tribunal jugeait que la société ABC AUTOMOBILES n’a pas perdu son droit à indemnité d’éviction,
– Fixer l’indemnité d’éviction à un montant maximum de 97.898 €,
– Ordonner la compensation entre le solde d’indemnité d’occupation et charges restant dus à Monsieur [W] et l’indemnité d’éviction.
En tout état de cause,
– Condamner la société ABC AUTOMOBILES à lui payer la somme de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance et de ses suites.
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En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée au 18 décembre 2023.
I. Sur le droit à indemnité d’éviction
. Au soutien de sa demande tendant à contester le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction et à voir condamner Monsieur [W] à lui payer une telle indemnité selon l’estimation retenue par l’expert judiciaire, la société ABC AUTOMOBILES fait valoir de manière générale que Monsieur [W] fonde son refus sur des motifs non pertinents que sont le prétendu défaut d’exécution de l’ordonnance de référé du 26 octobre 2016 et du paiement partiel de l’indemnité d’occupation.
A ce titre, la société ABC AUTOMOBILES, soulignant que la date d’appréciation des motifs est celle de la date du congé et non celle de son échéance, relève que Monsieur [W] avait implicitement renoncé à se prévaloir de ces éventuelles infractions, dont il tire motifs dans son refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, au regard du fait qu’il avait formulé un refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction le 31 janvier 2017 alors qu’il ne pouvait déjà ignorer les griefs formulés par la suite.
Subsidiairement, la société ABC AUTOMOBILES soutient que les motifs fondant le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction ne sont ni sérieux ni légitimes, en ce que les travaux dont il est fait état par Monsieur [W] n’ont nullement modifié la structure des locaux et qu’ils étaient en toutes hypothèses parfaitement connus de celui-ci, outre que les locaux ont été remis dans leur état antérieur. De plus, la société ABC AUTOMOBILES se défend de toute absence de paiement intégral de l’indemnité d’occupation dont elle était redevable, soutenant à l’inverse avoir versé des sommes indues sur la base d’une indemnité d’occupation injustement fixée par Monsieur [W] qui n’a, notamment, pas pris en compte un abattement de précarité.
. En réponse, Monsieur [W], soulignant que les faits dont le bailleur n’a connaissance que postérieurement à l’acte de refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction constituent un motif recevable de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, fait valoir comme motifs graves et légitimes, au soutien de la perte du droit à indemnité d’éviction de la société ABC AUTOMOBILES, que celle-ci a manqué à exécuter dans les délais les travaux ordonnés par l’ordonnance de référé du 24 novembre 2016 lui faisant obligation, dans un délai de trois mois, de remettre en état les locaux après y avoir réalisé des travaux sans autorisation du bailleur, et ayant donné lieu le 12 juin 2017 à signification d’une mise en demeure d’avoir dans un délai d’un mois à supprimer le bureau et régler les impayés d’indemnité d’occupation pour une période courant à partir de février 2017.
En outre, il souligne s’agissant de l’indemnité d’occupation, que l’expert n’a pas tenu compte dans son estimation d’une partie importante de la surface occupée par la société ABC AUTOMOBILES et qu’ainsi, en tenant compte de l’estimation au m² HT retenue par l’expert judiciaire à fin août 2023, cette dernière lui est redevable de la somme de 78.163,49 € HT.
Enfin, sur l’indemnité d’éviction calculée par l’expert judiciaire, Monsieur [W] relève une erreur de calcul dans le rapport d’expertise faisant état d’une somme de 98.239 € au lieu de 97.898 €.
Réponse du Tribunal,
En application de l’article L145-17 du Code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent aliéna.
Aux termes de l’article L145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contre de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation.
Il y a lieu de rappeler qu’il est loisible au bailleur de modifier en cours d’instance les motifs de son refus de renouvellement dès lors que ceux-ci ne lui étaient pas connus au moment de la délivrance du congé. Ainsi, il y a lieu de rappeler que Monsieur [W] fait valoir comme motifs dans la mise en demeure qu’il a faite signifier le 12 juin 2017 le non-respect de l’ordonnance du 24 octobre 2016 au jour de l’échéance du délai de trois mois à compter de sa signification effectuée le 24 novembre 2016 et le non règlement d’indemnités d’occupation pour une période postérieure au 31 janvier 2017.
S’il en résulte que les motifs invoqués par Monsieur [W] sont parfaitement valables, il n’apparait néanmoins pas que ceux-ci soient suffisamment graves pour justifier que la société ABC AUTOMOBILES ne puisse bénéficier d’une indemnité d’éviction.
En effet, bien que la société ABC AUTOMOBILES ayant été condamnée à remettre en état les locaux en supprimant bureau et WC et n’ayant procédé, selon procès-verbal de constat dressé par Maître [E] [D] le 27 février 2017, qu’à la suppression des WC et à la réduction de surface du bureau, l’absence de suppression totale de ce dernier dont l’existence est attestée depuis au moins le 20 mars 2002 (certification de surface pièce 2 ABC) et alors qu’il est nécessaire pour l’exercice même de l’activité professionnelle prévue aux termes du bail, ne saurait être considérée comme suffisamment grave pour justifier de sa perte de droit à indemnité d’éviction.
Il en est de même s’agissant du motif visant le non règlement des indemnités d’occupation alors même que le montant de celles-ci est contesté.
Dès lors, la société ABC AUTOMOBILES bénéficie d’un droit à indemnité d’éviction en l’absence de motifs graves et légitimes justifiant que ce droit lui soit refusé.
En conséquence, et tenant compte de l’évaluation réalisée par l’expert judiciaire, sous réserve de la correction soulignée par Monsieur [F] [W] dans ses conclusions, il y a lieu de condamner ce dernier à payer à la société ABC AUTOMOBILES la somme de 97.898 € au titre de l’indemnité d’éviction, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration du 2ème mois plein suivant la signification de la présente décision et pendant une période de 4 mois.
Par suite, rappelant que les parties s’accordent sur le fait que le bail a pris fin à la date du 31 janvier 2017, il sera ordonnée l’expulsion de la société ABC AUTOMOBILES ainsi que tout occupant de son chef selon les dispositions de l’article L145-29 du Code de commerce et les modalités exposées au dispositif de la présente décision, la société ABC AUTOMOBILES étant à compter du 31 janvier 2017 et jusqu’à parfaite évacuation des locaux condamnée à payer une indemnité d’occupation dont le montant est ci-après fixé.
II. Sur le montant de l’indemnité d’occupation
Au soutien de sa demande de condamnation à paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 78.163,49 € HTHC arrêtée au 31 août 2023 outre solde indexés pour la période postérieure et charges dont taxe foncière, Monsieur [W] fait valoir que le montant de l’indemnité doit correspondre à la valeur locative des locaux commerciaux estimée par l’expert à 68 € HT par m² sur la base d’une surface locative devant comprendre la surface des mezzanines (40m²) et du terrain privatif (185,50m²), outre les 229 m² de locaux retenus par l’expert, soit une surface totale de 418,50m² pour une indemnité d’occupation d’un montant annuel de 28.458 € HT au 1er février 2017 outre indexation à l’indice du coût de la construction du 2ème trimestre. Monsieur [W] en déduit au regard des sommes réglées par la société ABC AUTOMOBILES, que cette dernière lui reste redevable d’une somme de 78.163,49 € HT.
En réponse, la société ABC AUTOMOBILES fait valoir qu’elle a au contraire versé des sommes indues au regard de l’évaluation de l’indemnité faite par l’expert judiciaire qui a justement retenu une surface totale louée utile, hors terrain, de 229 m² après avoir écarté les arguments visant à une prise en compte différente des surfaces de mezzanines et terrain. En outre, elle relève que l’expert distingue bien entre valeur locative au m² et indemnité d’occupation dont le montant au m² bénéficie d’un abattement de 20% de la valeur locative pour arriver en l’espèce à 85 x 0,8 = 68 € HT/m².
Réponse du Tribunal,
En application de l’alinéa 1er de l’article L145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation.
Vu l’article L145-33 du Code de commerce ;
En l’espèce, il ressort du contrat de bail conclu le 3 février 1999 que celui-ci portait sur un local d’une surface de 200m² (corrigée à 249m² en 2001 après agrandissement) environ et d’un terrain de 400m² environ pour un loyer de 66.000 FrF HT annuel, soit 10.061,64 € HT (taux de 6,55957 FrF pour 1 euro).
L’expertise fait quant à elle ressortir les surfaces de :
– 229 m² au sol pour la zone « ATELIER RDC »
– 40m² environ « MEZZANINE »
Aux termes de son rapport, l’expert ne retient comme surface de calcul de l’indemnité d’occupation que la surface ATELIER RDC, soit 229m², excluant la mezzanine eu égard à la faible hauteur sous plafond de celle-ci, directement sous toiture, et excluant également les 400 m² de terrain utilisés par le preneur pour le stockage de véhicules et autres matériels dans la mesure ou les références locatives présentées sont toujours dites « terrain intégrés » et qu’ainsi sa valorisation n’est jamais faite à part, ce dont il résulte de la lecture même du bail qui n’opère pas une telle distinction /précision.
Partant de ces éléments, l’expert a constaté pour des locaux équivalents une valeur locative dans une fourchette comprise entre 50 et 90 € HT/an/m², relevant que la disposition d’un terrain privatif était un facteur de plus-value.
Il retient ainsi une valeur locative annuelle de 85€ HT – HC/an/m², soit une valeur locative de remplacement de 20.610 € HT / an au 1er février 2017 avec comme indice de référence l’ICC du 2ème trimestre 2016 (1.622), distinguant celle-ci de la valeur locative de remplacement qui n’est pas calculée en référence au local en particulier mais eu égard à un local situé dans une zone de chalandise particulière.
L’expert, applique ensuite un abattement de 20 % sur la valeur locative qu’il retient au regard de la précarité de la situation du locataire qui ne bénéficie plus de la protection du statut des baux commerciaux et le fait que son exploitation soit perturbée, entrainant notamment l’arrêt des investissements. Il en ressort une valeur de 85 x 0,8 = 68 € HT/an/m² au 1er février 2017.
Dès lors, la société ABC AUTOMOBILES doit être considérée selon l’évaluation de l’expert comme redevable d’une indemnité d’occupation d’un montant annuel de :
Année
Indice au 2ème trimestre précédent
calcul
Loyer annuel
1er février 2017
1622
68 € x 229m² x 12
15.572 euros
1er février 2018
1664
(15.572 x 1664) / 1622
15.975 euros
1er février 2019
1699
(15.975 x 1699) / 1664
16.311 euros
1er février 2020
1746
(16.311 x 1746) / 1699
16.762 euros
1er février 2021
1753
(17.762 x 1753) / 1746
17.783 euros
1er février 2022
1821
(17.783 x 1821) / 1753
18.473 euros
1er février 2023
1966
(18.472 x 1966) / 1821
19.943 euros
1er février 2024
2123
(19.943 x 2123) / 1966
21.536 euros
TOTAL
142.355 euros
Relevant que la demande de condamnation formée par Monsieur [W] ne vise que la période du 1er février 2017 au 31 août 2023, il y a lieu de réduire le total susmentionné à la somme de (142.355 – 21.536) – ((19.943 / 12) x 8) = 107.524 euros.
Sur ce montant, il convient de déduire les sommes effectivement réglées par la société ABC AUTOMOBILES telles que cela résulte de ses pièces et conclusions dont la teneur n’est pas contestée par Monsieur [W], en ce qu’il s’agit de la poursuite du paiement de l’indemnité arrêtée par les parties dans leur protocole d’accord transactionnel du 24 novembre 2014 prévoyant un loyer de 1.647,80 € TTC jusqu’au terme du bail.
Ainsi, du 1er janvier 2017 au 1er août 2022, la société ABC AUTOMOBILES a réglé la somme totale de (1.647,80 x (12 x 5)) + (1.647,80 x 7) = 110.402,60 €, soit une somme supérieure à celle effectivement due au titre de l’indemnité d’occupation ci-avant fixée.
Il en résulte que la demande de Monsieur [W] n’est pas fondée en ce qu’il n’y a lieu de retenir une surface différente de celle retenue par l’expert et dont il résulte le calcul susmentionné démontrant que la société ABC AUTOMOBILES n’est plus redevable d’aucune somme au titre de l’indemnité d’occupation pour la période considérée au dispositif de ses conclusions.
En conséquence, la société ABC AUTOMOBILES sera condamnée au paiement de l’indemnité d’occupation telle que calculée ci-avant et selon les modalités reprises au dispositif de la présente décision, outre paiement charges dont taxe foncières prévues au bail ; la demande de Monsieur [W] portant sur un solde d’indemnité d’occupation de 78.163,49 € HT et HC arrêté au 31 août 2023 sera rejetée au même titre que tout autre, la demande de compensation devenant par ailleurs sans objet.
III. Sur les demandes de fin de jugement
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désignée ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, partie perdante, supportera les entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Nadir OUCHIA.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.
En l’espèce, Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désignée ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, sera condamné à payer à la société ABC AUTOMOBILES, au titre des frais irrépétibles de la procédure, la somme qu’il est équitable de fixer à 2.000 € en l’absence de pièces justificatives.
En l’espèce, il n’y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
CONDAMNE Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désigné ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, à payer à la société ABC AUTOMOBILES la somme de 97.898 € au titre de l’indemnité d’éviction, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration du 2ème mois plein suivant la signification de la présente décision et pendant une période de 4 mois ;
FIXE à TROIS MOIS pleins suivant la date du versement de l’indemnité d’éviction à la société ABC AUTOMOBILES elle-même ou à la notification à celle-ci du versement de l’indemnité à un séquestre désigné sur accord des parties ou selon les modalités de l’article L145-29 du Code de commerce, le délai dont dispose la société ABC AUTOMOBILES pour restituer les locaux objets du contrat de bail commercial et propriété de Monsieur [F] [W] ;
ORDONNE l’expulsion de la société ABC AUTOMOBILES et de tout occupant de son chef au-delà du délai susmentionné et au besoin avec le concours de la force publique ;
CONDAMNE la société ABC AUTOMOBILES à payer à Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désigné ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, une indemnité à compter du 1er février 2017 selon les montants visés au tableau suivant, outre les charges dont taxe foncière prévues aux clauses du bail :
Année
Indice au 2ème trimestre précédent
calcul
Loyer annuel
1er février 2017
1622
68 € x 229m² x 12
15.572 euros
1er février 2018
1664
(15.572 x 1664) / 1622
15.975 euros
1er février 2019
1699
(15.975 x 1699) / 1664
16.311 euros
1er février 2020
1746
(16.311 x 1746) / 1699
16.762 euros
1er février 2021
1753
(17.762 x 1753) / 1746
17.783 euros
1er février 2022
1821
(17.783 x 1821) / 1753
18.473 euros
1er février 2023
1966
(18.472 x 1966) / 1821
19.943 euros
1er février 2024
2123
(19.943 x 2123) / 1966
21.536 euros
TOTAL
142.355 euros
DIT que l’indemnité d’occupation est indexée sur l’indice des coûts de la construction du 2ème trimestre de chaque année et que celle-ci sera payée mensuellement le 1er de chaque mois d’avance jusqu’à parfaite libération des lieux et remise des clés, déduction faite des sommes déjà versées ;
CONDAMNE Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désigné ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, à payer à la société ABC AUTOMOBILES une somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [F] [W], représenté par sa tutrice Madame [I] [P] désigné ès qualités par jugement du 05 mai 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LYON, aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;
AUTORISE Maître Nadir OUCHIA à se prévaloir des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. CASTELBOU, et le Greffier présent lors du prononcé, Mme BIZOT.
Le Greffier Le Président,
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