Il a été jugé qu’un festival ne pouvait ainsi se tenir, dans des conditions normales, ni avant, ni après le 9 juin 2021, en raison des restrictions sanitaires Covid 19 concernant le nombre de personnes pouvant être accueillies outre les obligations imposées lors de cet accueil (port du masque, Pass sanitaire, séparation des participants notamment).
Si à la date de la tenue du festival initialement prévue du 4 au 6 juin 2021, la manifestation ne pouvait être tenue, ainsi que relevé par le tribunal, elle ne pouvait pas plus l’être sur la période des 11 au 13 juin 2021, d’autant qu’à la date de prononcé du jugement, les nouvelles mesures sanitaires n’avaient pas encore été prises, la loi du 31 mai 2021 ayant été publiée le 1er juin suivant, soit le lendemain du prononcé du jugement déféré, alors que le décret d’application du 1er juin a été publié au Journal officiel du 2 juin 2021.
On ne pouvait ainsi connaître à l’avance l’évolution de la législation et de la réglementation applicable à la date retenue par le tribunal, cette évolution étant la conséquence de celle de la pandémie. Il résulte expressément du jugement déféré qu’il s’est fondé sur une probabilité reposant sur un calendrier publié par le gouvernement, mais avant que les textes officiels ne soient pris et publiés. Aucun élément certain ne permettait ainsi de retenir que le festival pouvait se tenir aux dates retenues par cette décision.
En conséquence, il est bien résulté de la crise sanitaire et des restrictions légalement imposées un cas de force majeure, cette crise étant imprévisible à la date de la conclusion du contrat initial et de son avenant, extérieure aux parties et insurmontable, les différentes restrictions imposées rendant impossible la tenue d’un évènement devant accueillir un public important, alors que ce public devait pouvoir tester du matériel mis à sa disposition, assister ou même participer à des compétitions amateurs sur un périmètre géographique conséquent, pénétrer dans des stands d’exposition.
Cet évènement de force majeure s’étant prolongé au-delà d’un mois, il s’ensuit que l’appelant était fondé à solliciter la résiliation du contrat conclu en 2017 conformément à son article 7 et à l’article 1218 du code civil. Les effets des différentes mesures prises par l’État ne pouvaient être évités par des mesures appropriées en raison de la nature de la manifestation rappelée ci-dessus. Au demeurant, dans sa communication officielle, l’intimée avait annoncé le 12 mai 2021 que l’édition du festival était reportée en juin 2022, tout en attribuant la responsabilité de ce report à l’appelant. Aucun report ultérieur à l’année 2021 ne pouvait être en outre prévu, le contrat devant prendre fin après l’édition 2021, ainsi que prévu dans l’avenant conclu en 2018.
N° RG 21/02708 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K5RO
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT
la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] – [Localité 4]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023
Appel d’un jugement (N° RG 21/02040)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE
en date du 31 mai 2021
suivant déclaration d’appel du 18 juin 2021
APPELANTE :
OFFICE MUNICIPAL DE TOURISME DE [Localité 6] EPIC doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, régie par les dispositions du Code de tourisme et du Code Général des Collectivités Territoriales
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée et plaidant par Me BOZZARELLI de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Société CHLOROBIKE anciennement dénommée RIVERSIDE PUBLICATIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sabine KUSTER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l’audience publique du 08 février 2023, M. BRUNO, conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.
Faits et procédure:
1. La société Chlorobike, exerçant sous l’enseigne «’Vélo Vert-Vélo Vert Festival-Riverside Publications’» édite le magazine mensuel «’Vélo Vert Magazine’», mensuel destiné aux passionnés du VTT, exploite les sites internet www.velovert.com, www.vel.otaf.com et www.veloderoute.com et organise des évènements ayant pour thématique le vélo.
2. Par convention du 20 juillet 2017, l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] a signé avec la société Chlorobike un contrat concernant un partenariat pour les éditions 2018, 2019 et 2020 de la manifestation «’Vélo vert festival’», avec la station de [Localité 6]. Aux termes de l’article 2 de cette convention, l’accord devait s’appliquer pour les éditions 2018, 2019 et 2020 chaque premier week-end de juin et, sous réserve, du 4 au 6 juin 2021. L’article 8 de ce contrat a prévu qu’à l’expiration de la durée initiale du contrat visée à l’article 2, «’les parties conviennent que la convention sera renouvelée sur les bases de cette convention pour l’année 2021 par tacite reconduction. Au-delà, un accord écrit marquant les termes du renouvellement devra intervenir au plus tard le 31 août 2021. A défaut, les relations entre les parties cesseront à la suite de l’édition 2021, sans préjudice de l’application des cas de résiliation anticipée visées aux présentes ».
3. Un avenant a été signé entre les parties les 23 février 2018 et 27 mars 2018, permettant l’organisation d’une édition supplémentaire les 4, 5 et 6 juin 2021, selon un échéancier se terminant le 15 juin 2021 et prévoyant la prolongation de l’ensemble des accords antérieurs, dans les mêmes conditions que celles stipulées dans la convention 2 et son annexe 1 signés le 20 juillet 2017.
4. Lors de l’édition 2020, les parties ont reporté l’événement aux 25,26 et 27 septembre compte tenu des dispositions prises par le gouvernement pour faire face à la crise sanitaire, notamment par décret du 31 mai 2020 prescrivant des restrictions quant à l’accueil du public, les regroupements de plus de 10 personnes étant interdits. Les parties se sont accordées sur le fait que l’édition 2020 n’a pas eu les retombées espérées. Elles ont engagé des échanges à la suite de la demande de la commune et de l’Office municipal de tourisme de [Localité 6], invoquant des difficultés financières importantes liées à la crise sanitaire et à la moins-value de l’édition 2020, d’une part sur l’allégement du festival afin de réduire les coûts, d’autre part sur un éventuel report de l’événement en septembre 2021 ou en juin 2022. La société Chlorobike a proposé d’avancer les frais que l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] doit engager auprès des prestataires et d’étaler la participation financière de l’Office jusqu’à la fin de l’année 2022.
5. En mars 2021, l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] a décliné les propositions d’étalement des dépenses et a réitéré sa demande de report à 2022, aux motifs qu’il lui est impossible d’organiser cette édition 2021 d’un point de vue financier, d’un point de vue sanitaire, se trouvant dans la même situation qu’en 2020 et n’ayant aucune visibilité sur l’évolution de la crise.
7. Aucun accord n’a été trouvé aux termes de leur rencontre, pas plus que dans le cadre d’une médiation judiciaire. L’Office municipal de tourisme de Villard de Lans a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe la société Chlorobike, et selon exploit du 23 avril 2021, il a saisi le tribunal judiciaire Grenoble afin, notamment, de constater l’existence d’un cas de force majeure et d’imprévision lié à la situation sanitaire, et de prononcer la résiliation de la convention ainsi que celle de son avenant.
8. Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a’:
– débouté l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] de sa demande de résiliation du contrat pour cause de force majeure;
– débouté l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] de sa demande de révision du contrat pour cause d’imprévision;
– dit que l’exécution du contrat liant «’la société Riverside Publications’» et l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] est suspendue du fait de la force majeure jusqu’au 9 juin 2021;
– condamné l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] à mettre à disposition tous les moyens humains et matériels nécessaires à l’organisation du festival Vélo Vert, conformément au contrat, et en particulier à l’annexe 1, à la première date utile, soit les 11,12 et 13 juin, sauf meilleur accord sur la date dans les semaines suivantes, ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement jusqu’à la date de l’événement, sans pouvoir excéder quatre mois;
– condamné l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] à payer à «’la société Riverside Publications’» le reliquat de la somme forfaitaire due aux termes du contrat soit la somme de 138.000 euros TTC, dans les 8 jours de la signification du jugement;
– condamné l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] à rembourser à «’la société Riverside Publications’» les fonds avancés pour le paiement des prestataires portant sur les postes contractuels lui incombant, soit la somme de 20.388,76 euros TTC, sous réserve de la mise en ‘uvre effective de l’édition 2021 du festival et du maintien de l’intervention de ces prestataires, dans les 8 jours de la production des factures;
– condamné l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] à payer à «’la société Riverside Publications’» la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires;
– condamné l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] aux entiers dépens de l’instance’;
– accordé à la Selarl Lexavouté le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit et a dit n’y avoir lieu à l’écarter.
9. L’Office municipal de tourisme de [Localité 6] a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2021 concernant l’intégralité de ses dispositions, reprises dans sa déclaration d’appel.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 2 février 2023.
Prétentions et moyens de l’Office municipal de tourisme de [Localité 6]’:
10. Selon ses conclusions remises le 31 janvier 2023, il demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants, 1218 et suivants du code civil et 1195 du code civil, de réformer la décision déférée en ce qu’elle a’:
– débouté le concluant de sa demande en résiliation du contrat pour cause de force majeure’;
– débouté le concluant de sa demande de révision pour cause d’imprévision’;
– condamné le concluant à mettre à disposition tous les moyens humains et matériels nécessaires à l’organisation du festival Vélo Vert, conformément au contrat sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement jusqu’à la date de l’évènement sans pouvoir excéder 4 mois’;
– condamné le concluant à payer à «’la Sas Riverside Publications’» le reliquat de la somme forfaitaire due au terme du contrat, soit la somme de 138.000 euros TTC dans les 8 jours de la signification du jugement’;
– condamné le concluant à rembourser à «’la Sas Riverside Publications’» les fonds avancés par elle à hauteur de 20.388,76 euros TTC sous réserve de la mise en ‘uvre effective de l’édition 2021 du festival et du maintien de l’intervention de ses prestataires dans les 8 jours de la production des factures’;
– condamné le concluant à payer à «’la Sas Riverside Publications’» la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
11. L’Office municipal de tourisme de [Localité 6] demande à la cour de’:
– constater l’existence d’un état de force majeure et/ou d’imprévision lié à la situation sanitaire en relation directe et certaine avec la Covid 19′;
– de dire que le contrat ne pouvait se poursuivre en l’état’;
– en conséquence, de prononcer la résiliation de la convention conclue entre le concluant et «’la société Riverside Publications’» ainsi que de son avenant’;
– de juger que dans ces conditions, il y a lieu d’infirmer et de réformer la décision déférée en ce qu’elle a condamné le concluant à payer à l’intimée les sommes 138.000 euros au titre du reliquat de la somme forfaitaire due au terme du contrat ainsi qu’à rembourser à «’la Sas Riverside Publications’» les fonds avancés par elle à hauteur de 20.388,76 euros TTC sous réserve de la mise en ‘uvre effective de l’édition 2021 du festival et du maintien de l’intervention de ses prestataires dans les 8 jours de la production des factures et en ce qu’elle a condamné le concluant à payer à «’la Sas Riverside Publications’» la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de juger irrecevable et en tout cas mal fondée l’ensemble des demandes reconventionnelles formulées par la société Chlorobike’;
– de débouter en conséquence cette dernière de l’intégralité de ses prétentions’;
– de condamner la société Chlorobike à une somme de 30.000 euros de dommages-intérêts au profit du concluant en indemnisation de son préjudice moral’;
– de juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge du concluant les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts’;
– en conséquence, de condamner la société Chlorobike au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner la société Chlorobike aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Scp Guidetti-Bozzarelli-Le Mat, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’Office municipal de tourisme de [Localité 6] expose’:
12. – que l’épidémie Covid 29 constitue un cas de force majeure, au sens de l’article 1218 du code civil, alors que l’état d’urgence sanitaire a été prolongé le 15 février 2021 jusqu’au 1er juin 2021 puis jusqu’au 30 septembre 2021′; qu’ainsi, un cocontractant peut se prévaloir de la force majeure pour un contrat conclu avant le 17 mars 2020′; que l’article 10 alinéa 1 de la convention a prévu que si « Le fait pour l’une des parties, de ne pas se prévaloir à quelque moment que ce soit de l’un des droits découlant du présent contrat ne pourra pas être interprété comme l’abandon de son droit à faire observer ultérieurement chaque clause des présentes », cela n’a eu aucune incidence sur l’avenant signé en 2018, lequel doit, en raison de son caractère accessoire, suivre le sort du contrat principal’; qu’ainsi, le concluant est en droit de demander la résiliation du contrat en raison de la force majeure liée à la crise sanitaire’;
13. – que l’article 1195 résultant de la réforme du droit des contrats a consacré la théorie de l’imprévision, lors de la survenance d’un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat, rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse, lorsque la partie touchée par le changement de circonstances n’a pas accepté d’en assumer le risque’; que tel est le cas du concluant, qui, pour supporter le coût du changement lié à l’épidémie, a sollicité la renégociation du contrat’;
14. – que l’article 7 du contrat stipule qu’en cas de survenance d’un événement de force majeure se prolongeant au-delà d’un mois, chacune des parties aura la faculté de résilier de plein droit la convention, sans dommages et intérêts de part et d’autre’;
15. – que si le tribunal judiciaire a retenu qu’il n’était pas démontré que le festival prévu au contrat serait totalement interdit le 4 juin, et qu’il n’y avait donc pas de caractère irrésistible et insurmontable à compter du 9 juin, déduisant que la condition contractuelle de durée de l’empêchement qui devait être au moins d’un mois n’était pas remplie, puisque le festival pourrait se tenir à compter du 9 juin de manière aménagée, il est cependant établi que ce festival ne pouvait se tenir ni avant ni après le 9 juin’; qu’en effet, en imposant d’organiser le festival du 11 au 13 juin, sauf meilleur accord sur les semaines suivantes, le tribunal a ignoré les textes prévoyant l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes à la date du 9 juin’;
16. – que si le tribunal s’est référé à des jauges d’ouverture correspondant à des salles de spectacles, à des manifestations de plein air ou sportives, l’activité projetée correspondait à des événements de type T (foires-expositions, salons à caractères temporaires), ne pouvant recevoir qu’un nombre de visiteurs limités selon les catégories prévues’; qu’en outre, l’état d’urgence a été prorogé jusqu’au 30 septembre, avec une obligation de présenter un Pass sanitaire pour les manifestations de plus de 1.000 personnes’; que dans un mail du 11 mai 2021, la préfecture avait indiqué au concluant que les manifestations sur la voie publique pouvaient être limitées jusqu’au 30 juin à 25 personnes’; qu’ainsi, un cas de force majeure se poursuivant plus d’un mois a existé’;
17. – que les demandes reconventionnelles de l’intimée visant le paiement de 201.416,67 euros H.T à titre de restitution en valeur des prestations de service fournies, de 423.926,17 euros HT à titre de dommages et intérêts en raison de la perte subie, de 30.000 euros au titre du préjudice d’image et de 30.000 euros au titre de son préjudice moral, sont irrecevables car nouvelles devant la cour’; qu’il en est de même concernant sa demande de résiliation du contrat’;
18. – que la cour a compétence pour trancher sur cette exception en raison de l’avis rendu par la Cour de Cassation le 11 octobre 2022 et de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 19 janvier 2023 ;
19. – que si l’intimée considère que ces nouvelles demandes sont recevables dès lors qu’elles résultent de la survenance d’un fait, il faut cependant qu’il soit intervenu après la décision déférée’; qu’en la cause, lors de l’audience du 10 mai 2021, l’intimée savait que le festival ne pouvait se tenir, ce qu’elle a reconnu en indiquant que la décision interviendra trop tard pour qu’elle puisse organiser l’événement, faute de temps utile’; qu’il appartenait ainsi à l’appelante de solliciter du tribunal la résiliation pour faute du contrat, avec les conséquences indemnitaires’; que le fait que le festival 2021 ne se soit pas tenu n’est pas ainsi un fait nouveau, ni une évolution depuis que le tribunal a statué’; que ces demandes ne sont pas plus l’accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions de l’intimée présentées en première instance’; qu’une partie ne peut présenter de telles demandes qui seraient le prolongement de celles présentées par l’autre en première instance’; ainsi, que face à une demande de résiliation présentée par le concluant en première instance, il appartenait à l’intimée de présenter également une telle demande devant le premier juge, et non de se limiter à présenter des demandes indemnitaires ou une révision du contrat; que ces demandes ne se rattachent pas par un lien suffisant avec celles présentées en première instance’;
20. – sur le fond, que c’est l’intimée qui a pris l’initiative d’annuler l’événement en publiant sur son site internet deux messages les 12 et 16 mai 2021, indiquant qu’elle n’assurerait pas la manifestation’; qu’ainsi, la décision du tribunal enjoignant le concluant, sous astreinte, à mettre à disposition des moyens nécessaires à la tenue de l’événement est inexécutable’;
21. – que les sommes avancées par l’intimée ne sont fondées sur aucun élément tangible’;
22. – que l’intimée étant à l’origine de la rupture du contrat, elle doit être condamnée à payer au concluant la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Prétentions et moyens de la société Chlorobike’:
23. Selon ses conclusions remises le 1er février 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1218 et 1195, 1217, 1228, 1229 et 1352-8 du code civil, de l’article 567 du code de procédure civile’:
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] de sa demande en résiliation du contrat pour cause de force majeure; en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande de révision du contrat pour cause d’imprévision; en ce qu’il a dit que l’exécution du contrat liant la concluante et l’appelant est suspendue du fait de la force majeure jusqu’au 9 juin 2021; en ce qu’il a condamné l’appelant à payer à la concluante le reliquat de la somme forfaitaire due aux termes du contrat, soit la somme de 138.000 euros TTC, dans les 8 jours de la signification du jugement; en ce qu’il a condamné l’appelant à payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;
– ajoutant à ce jugement, de prononcer la résiliation du contrat du 20 juillet 2017 pour inexécution fautive de l’Office municipal de tourisme de [Localité 6];
– de condamner l’appelant à payer à «’la société Riverside Publications’» les sommes suivantes:
* 201.416,67 euros H.T à titre de restitution en valeur des prestations de service fournies par «’la société Riverside Publications’» pour l’édition 2021 du «’Vélo Vert Festival’»’;
* 30.000 euros au titre du préjudice d’image’;
* 30.000 euros au titre de son préjudice moral’;
– de le condamner à payer à la concluante, à titre de dommages et intérêts venant réparer le préjudice financier, à titre principal, les sommes suivantes:
* 150.000 euros H.T (soit 180.000 euros TTC) au titre de sa contribution financière à l’édition 2021 du festival en deniers ou quittance, compte tenu de la condamnation intervenue en première instance et 423.926,17 euros H.T à titre de dommages et intérêts en raison de la perte subie’;
* à titre de dommages et intérêts venant réparer le préjudice financier, à titre subsidiaire, la somme de 502.544,50 euros H.T’;
– en toutes hypothèses, de débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– de condamner l’appelant à verser à «la société Riverside Publications’» la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué [Localité 5].
La société Chlorobike expose’:
24. – que lors de l’audience du 10 mai 2021, l’appelant a confirmé sa demande d’annulation tandis que «’la société Riverside Publications’» a sollicité la condamnation de l’appelant à exécuter ses obligations contractuelles afin de pouvoir organiser le festival le week-end des 11, 12, 13 juin 2021, ce que la réglementation sanitaire permettait’; que le tribunal ayant mis sa décision en délibéré au 31 mai 2021, soit 10 jours avant la date pour laquelle «la société Riverside Publications’» demandait à pouvoir organiser le festival, le refus de l’appelant d’exécuter la moindre de ses obligations tant qu’une décision judiciaire définitive ne serait pas rendue, a de facto empêché la tenue du festival, et contraint «’la société Riverside Publications’» à annoncer son annulation’;
25. – qu’il est constant que l’épidémie de Covid-19 était imprévisible le 20 juillet 2017 lors de la signature du contrat et le 27 mars 2018 lors de la signature de l’avenant qui le prolonge pour l’édition 2021 du festival prévue les 4, 5 et 6 juin 2021′; que le caractère insurmontable s’apprécie lors de l’exécution du contrat et doit avoir pour conséquence de rendre l’exécution de l’obligation radicalement impossible, faute de toute alternative’; que si l’impossibilité d’exécuter le contrat est temporaire, le contrat est seulement suspendu’;
26. – que les parties ont entendu aménager et préciser les conséquences d’un cas de force majeure qui serait temporaire en indiquant à l’article 7 que «Si l’événement qualifié de force majeure se prolonge au-delà d’une période d’un (1) mois, chacune des parties aura la faculté de résilier de plein droit le présent contrat, sans dommages et intérêts de part et d’autre.»’; qu’il aurait ainsi fallu que pendant tout le mois de juin 2021, la totalité du festival ne puisse se tenir’; qu’ainsi, le tribunal a justement retenu qu’au regard de la législation en vigueur et des annonces gouvernementales, l’empêchement n’était ni définitif, ni d’une durée supérieure à un mois, et que le festival pouvait se tenir à compter du 9 juin 2021, même dans une version réduite et aménagée’;
27. – que ce festival devait comprendre un salon d’exposition avec essais de matériels sur des parcours en montagne, ainsi que des épreuves sportives et des animations’; qu’en raison de ces spécificités, il s’inscrivait dans les activités de catégories T (salons et foires d’exposition), et de compétitions sportives en plein air dans l’espace public’; qu’ainsi, à compter du 9 juin et jusqu’au 30 juin 2021, le plafond d’accueil était de 5.000 personnes, avec un protocole sanitaire adapté et l’utilisation d’un Pass sanitaire au-delà de 1.000 personnes par hall d’exposition’; que l’appelant a ainsi pu organiser un festival d’humour les 29 et 30 mai 2021 et ne peut soutenir que l’épidémie et la réglementation constituaient un cas de force majeure’; qu’en réalité, la nouvelle équipe municipale a souhaité ne pas consacrer de budget à un événement qu’elle ne souhait pas reconduire les années suivantes’;
28. – que la concluante est ainsi fondée à solliciter la résolution du contrat pour faute et à solliciter une indemnisation’; que l’appelant n’a payé que 20.000 euros HT sur les 170.000 euros HT dus au titre de sa contribution prévue par l’article 3 du contrat, et n’a pas fourni les prestations dues’; que la concluante a réalisé des prestations, pour lesquelles elle est en droit de demander le paiement de 201.416,67 euros HT soit 241.700 euros TTC’;
29. – que suite à l’annulation du festival, «’la société Riverside Publications’» s’est vue contrainte de rembourser les festivaliers qui s’étaient inscrits et avaient payé leur inscription pour un montant total de 68.438,67euros H.T’;
30. – que des sociétés exposantes qui souhaitaient participer au salon avaient réservé des stands et prestations complémentaires pour un montant de 177.487,50 euros H.T’; qu’il s’agissait d’engagements fermes et non annulables qui correspondent à un chiffre d’affaire perdu pour 100% des sommes en cause, soit une perte de 177.487,50 euros H.T.’;
31. – que les sociétés partenaires officielles et sponsors du festival n’ont, en raison de son annulation, pu bénéficier des prestations auxquelles «’la société Riverside Publications’» s’était engagée, ce qui a entraîné l’émission d’avoirs annulant les factures émises pour un montant total de 178.000 euros H.T.’;
32. – ainsi, qu’un chiffre d’affaires de 423.926,17 euros HT a été perdu’; qu’au vu des résultats des précédentes éditions, le préjudice résultant de l’annulation de l’édition 2021 peut être chiffré de la façon suivante : 372.574 euros de charges de personnel, 129.970,50 euros de marge non réalisée (moyenne entre la marge de 185.869 euros réalisée en 2019 et celle de 74.072 euros de 2020), soit 502.544,50 euros’;
33. – que «’la société Riverside Publications’» s’est vue contrainte d’annoncer l’annulation d’un événement qu’elle a créé et organisé depuis 2013 et sur lequel elle a bâti sa réputation, alors que la réglementation permettait de le tenir’; qu’elle a subi un préjudice d’image devant être réparé à hauteur de 30.000 euros et un préjudice moral à même hauteur;
34. – que la situation de l’appelant ne peut caractériser un cas d’imprévision, puisqu’il a considéré qu’en réalité le festival n’est plus suffisamment intéressant financièrement, au regard de son coût et des retombées financières; qu’en outre, il faut que la partie qui s’en prévaut continue à exécuter ses obligations, ce qui n’a pas été le cas de l’appelant’; que les dépenses que l’appelant devait prendre en charges n’augmentaient pas pour l’année 2021, puisque le contrat initial prévoyait un montant identique chaque année, de sorte que l’épidémie n’a eu aucune incidence sur cette participation’; que si la participation réelle de l’appelant a augmenté à partir de 2018, c’est en raison de son acceptation’; que de simples difficultés financières sont insuffisantes, alors que l’appelant n’en rapporte pas la preuve’; que l’épidémie n’a entraîné aucune exécution plus onéreuse’;
35. – que les demandes reconventionnelles de la concluante sont recevables par application des articles 564 et 567 du code de procédure civile, résultant de l’annulation du festival résultant du refus de l’appelant de verser sa participation et de fournir les prestations indispensables;
36. – que la fin de non-recevoir opposée par l’appelant relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.
*****
37. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION:
1) Concernant la recevabilité des demandes reconventionnelles de la société Chlorobike’:
38. Il résulte du jugement déféré que l’intimée a sollicité du tribunal’:
– le rejet des demandes de l’appelant’;
– sa condamnation à lui verser la somme de 180.000 euros TTC au titre de sa participation financière pour le festival 2021′;
– le paiement de 112.505,26 euros HT correspondant aux frais et coûts engagés pour le festival’;
– subsidiairement, la révision du contrat afin de prévoir que la société Chlorobike avance, pour le compte de l’Office municipal de tourisme de [Localité 6], un budget total de 112.505,06 euros HT au titre des prestations et matériels que l’office a la charge de fournir, avec un étalement du solde de la participation financière de 170.000 euros HT et le remboursement de l’avance définie ci-avant, par échéances mensuelles d’un montant égal à compter de la signification du jugement’;
– en tout état de cause, de condamner l’office sous astreinte à mettre en ‘uvre, dès la signification du jugement, les prestations prévues au contrat du 20 juillet 2017 et de son annexe n°1 en vue du festival 2021, qui se tiendra à la première date utile conformément à la réglementation sanitaire applicable du 11 au 13 juin 2021, ou à défaut, du 18 au 20 juin, sinon du 25 au 27 juin 2021.
39. En conséquence, les demandes reconventionnelles formées par la société Chlorobike sont effectivement nouvelles devant la cour. Concernant la compétence de la cour pour l’examen de la recevabilité de ces nouvelles prétentions, l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] a formé un incident devant le conseiller de la mise en état tendant à les voir déclarer irrecevables, mais il s’est désisté de cet incident au vu de la jurisprudence de la Cour de Cassation concernant les pouvoirs respectifs du conseiller et de la cour. Par ordonnance juridictionnelle du 19 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a ainsi constaté’ce désistement.
40. Il résulte de l’article 914 du code de procédure civile que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à prononcer la caducité de l’appel, à déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel, à déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910’; à déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l’article 930-1.
41. Le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d’appel chargé de l’instruction de l’appel. Conformément à l’article L311-1 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires. Il en résulte que la cour d’appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l’appel au titre de son effet dévolutif, celles touchant à la procédure d’appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l’examen des fins de non-recevoir édictées à l’article 564 du code de procédure civile, relatives à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel, relève de l’appel et non de la procédure d’appel. En conséquence, la cour a compétence pour apprécier la recevabilité des demandes nouvelles déposées devant elle par la société Chlorobike.
42. Selon les articles 564 et suivants du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
43. En la cause, il résulte des explications des parties que le festival 2021 a été finalement annulé, bien que le tribunal judiciaire ait seulement suspendu le festival jusqu’au 9 juin 2021, et ait condamné l’appelant à mettre à disposition des moyens nécessaires pour sa tenue du 11 au 13 juin 2021, sauf meilleur accord des parties, inexistant en l’espèce. Les demandes reconventionnelles de la société Chlorobike concernent désormais la résiliation du contrat aux torts de l’appelant, et tendent à obtenir sa condamnation à l’indemniser des conséquences de cette résiliation. Elles sont nées postérieurement au jugement déféré, et résultent de la survenance du nouveau fait résultant de l’annulation du festival. En conséquence, elles sont recevables.
2) Sur le fond, concernant la résiliation du contrat :
44. Selon l’article 7 du contrat conclu le 20 juillet 2017, «dans le cas où l’événement qualifié de force majeure se prolongerait au-delà d’une période d’un mois, chacune des parties aura la faculté de résilier de plein droit le présent contrat, sans dommages et intérêts de part et d’autre’». Les parties ont entendu qualifier l’événement de force majeure dans ce même article : «un événement hors du contrôle de la partie qui ne s’est pas exécutée, tel que catastrophe naturelle, grève, troubles sociaux, guerre, hostilités, défaut d’approvisionnement, non-disponibilité des moyens de transport, et plus généralement tout événement reconnu comme tel par la jurisprudence. »
45. Concernant l’existence d’un cas de force majeure permettant la résiliation du contrat, ainsi que relevé par le tribunal judiciaire, il n’est ni contesté ni contestable que l’épidémie de COVID-19 n’était pas prévisible à la date de la conclusion du contrat le 20 juillet 2017 ou de son avenant le 28 mars 2018. En revanche, la résiliation demandée ne peut intervenir que dans l’hypothèse où l’organisation du festival, prévu les 4, 5 et 6 juin 2021, serait rendue impossible du fait de la pandémie ou de la législation accompagnant la crise sanitaire, et ce durant plus d’un mois à la lecture de la dérogation au texte prévue par le contrat. En deçà de ce délai, l’article 1218 trouve sa pleine application et permet prioritairement la suspension de l’exécution du contrat sous la réserve que les effets de l’événement de force majeure ne puissent être évités par des mesures appropriées.
46. Il résulte du jugement déféré que le décret du 1er mai 2021 modifiant celui du 29 octobre 2020 portant sur les restrictions imposées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, dispose que les activités sportives de plein air sont possibles, à l’exception des sports de combat ou collectifs, ce qui s’applique bien aux compétitions cyclistes ou randonnées à vélo. Pour autant, les salles de spectacles, même en plein air, les fêtes foraines, foires et salons demeurent fermés. Enfin, lorsque l’accueil du public n’y est pas interdit, les gérants des établissements mentionnés au I de l’article 45 du décret, dont les établissements sportifs de plein air, organisent les manifestations, à l’exclusion de tout événement festif ou pendant lesquels le port du masque ne peut être assuré de manière continue, dans les conditions suivantes :
1° les personnes accueillies ont une place assise,
2° une distance minimale d’un siège est laissée entre chaque personne ou chaque groupe de personnes dans la limite de six,
3° l’accès aux espaces permettant des regroupements est interdit, sauf s’ils sont aménagés de manière à garantir le respect de l’article 1er.
47. Le tribunal a ensuite indiqué qu’au jour de l’audience, le festival Vélo Vert ne répondait pas à ces critères et n’était pas autorisé, mais que l’état d’urgence sanitaire n’a été prolongé que jusqu’au 1er juin 2021, de sorte que la législation qui aura cours au jour prévu pour la tenue du festival n’est pas encore connue, même si des mesures d’ouverture et d’assouplissement des restrictions ont été annoncées par le gouvernement, selon un calendrier prévisionnel par ailleurs versé par l’0ffice municipal du tourisme. Ainsi, aux termes de ce calendrier, dès le 19 mai 2021, les salles de spectacles seront autorisées à rouvrir, devant respecter une jauge de 800 personnes en intérieur et 1000 en extérieur avec places assises, tandis que les foires et les salons seront eux encore interdits. Le festival Vélo Vert est à la croisée entre d’une part l’activité sportive, pour laquelle il est prévu que le protocole doit être adapté à chaque lieu et à chaque activité, et d’autre part un salon du vélo, en considération du nombre d’exposants venant proposer du matériel à l’essai ou des prestations, en parallèle des randonnées et compétitions organisées. Le festival doit donc accueillir tant des participants aux activités sportives que du public venu assister aux épreuves ou découvrir les stands.
48. Le tribunal a estimé que selon le prévisionnel annoncé, le festival ne répondra pas aux critères de restrictions imposés entre le 19 mai et le 9 juin dans sa composante «’exposition/salon’», mais sera autorisé s’agissant des épreuves sportives, y compris en public dès lors que des mesures seront prises pour assurer la distanciation sociale. Il en a déduit qu’il n’est donc pas démontré que le festival prévu au contrat sera formellement et totalement interdit le 4 juin, alors que l’existence de difficultés dans l’organisation d’un événement du fait d’une cause extérieure n’est pas constitutive d’un cas de force majeure, en l’absence de caractère irrésistible et insurmontable. Cependant, compte tenu de l’interdépendance existant entre les deux activités prévues lors du festival, à savoir l’exposition, la démonstration et les essais de matériels d’une part, les épreuves ou activités sportives d’autre part, il convient de considérer qu’elles sont indissociables et que le festival dans sa globalité ne sera donc pas au rang des activités autorisées le 4 juin 2021, alors que selon ce calendrier, les assouplissements prévus à compter du 9 juin permettront sa tenue, dans toutes ses composantes, postérieurement à cette date puisqu’il est prévu que les foires et salons seront autorisées, le nombre de personnes accueillies lors de spectacles passant de 1000 autorisées le 19 mai à 5000, tandis que les établissements sportifs devront continuer à adapter le protocole en fonction des lieux et des activités. Il a ainsi retenu que ces prévisions ne rendent pas insurmontables sa mise en ‘uvre à partir du 9 juin, et ainsi que l’exécution du contrat n’est que suspendue, les parties pouvaient prendre des mesures appropriées, en repoussant d’un ou plusieurs week-ends l’événement afin de s’assurer de sa tenue, ce que les parties avaient choisi de faire en 2020, déjà au motif de l’épidémie Covid 19.
49. Le tribunal a ainsi indiqué que l’empêchement lié à la gestion de la crise sanitaire n’est ni définitif ni d’une durée supérieure à un mois, puisque le festival pourra se tenir à compter du 9 juin de manière aménagée’; que l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] ne démontre pas que ce retard dans l’exécution justifierait la résiliation du contrat. Il a ainsi débouté l’appelant de sa demande en résiliation du contrat pour cause de force majeure.
50. En conséquence, le tribunal judiciaire a considéré l’exécution du contrat suspendue pour cause de force majeure jusqu’au 9 juin 2021 et a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Chlorobike en disant que l’événement devra donc se tenir à la première date utile suivante, à savoir les 11,12 ,13 juin, sauf meilleur accord entre les parties.
51. La cour observe que selon la maquette éditée par le gouvernement le 12 mai 2021 en vue de la sortie de la crise sanitaire, il a été prévu, notamment à partir du 9 juin 2021, un couvre-feu à 23 heures, la réouverture des cafés, restaurants en intérieur et salles de sports, avec un plafond de 5.000 personnes pour les salles de spectacle. Le Pass sanitaire est obligatoire au-delà de 1.000 personnes. Ces mesures sont applicables aux établissement sportifs en plein air ou couverts. Pour les pratiques sportives en extérieur hors compétition, une restriction a été imposée, les groupes étant limités à 25 personnes. Pour les compétitions sportives amateurs de plein air dans l’espace public, une limite de 500 participants en simultané ou par épreuve a été fixée, avec une limite de 5.000 spectateurs avec Pass sanitaire au-delà de 1.000. Pour les festivals ou manifestations se déroulant dans l’espace public, la jauge est fixée par le préfet avec Pass sanitaire au-delà de 1.000 personnes. Pour les salons et les foires d’exposition, la limite est de 5.000 personnes, avec Pass sanitaire au-delà de 1.000. Par courriel du 11 mai 2021 adressé à l’appelant, le préfet de l’Isère lui a indiqué que si la date du 9 juin est celle à laquelle la réglementation relative aux manifestations sportives est susceptible de changer, cependant les dernières informations laissent à penser que les manifestations sportives sur la voie publique pourrait être limitées jusqu’au 30 juin à 25 personnes.
52. Selon la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, à compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :
– réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;
– réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion’;
– subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.
53. L’application de cette loi a été précisée par le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire. La règle de principe est l’interdiction des rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes. Par dérogation, sont autorisées les compétitions et manifestations sportives soumises à une procédure d’autorisation ou de déclaration, dans la limite, pour les compétitions qui ne sont pas organisées au bénéfice des sportifs professionnels ou de haut niveau, de 50 sportifs par épreuve. Sont également autorisés les évènements accueillant du public assis, dans la limite de 1.000 personnes, organisés sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Une distance minimale d’un siège est laissée entre les sièges occupés par chaque personne ou chaque groupe jusqu’à six personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble. Le port du masque est obligatoire. Des restrictions de circulation restent imposées sur l’ensemble du territoire métropolitain. Ces mesures n’ont été assouplies que par le décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
54. Ainsi que soutenu par l’appelant, le festival ne pouvait ainsi se tenir, dans des conditions normales, ni avant, ni après le 9 juin 2021, en raison des restrictions concernant le nombre de personnes pouvant être accueillies outre les obligations imposées lors de cet accueil (port du masque, Pass sanitaire, séparation des participants notamment). Si à la date de la tenue du festival initialement prévue du 4 au 6 juin 2021, la manifestation ne pouvait être tenue, ainsi que relevé par le tribunal, elle ne pouvait pas plus l’être sur la période des 11 au 13 juin 2021, d’autant qu’à la date de prononcé du jugement, les nouvelles mesures sanitaires n’avaient pas encore été prises, la loi du 31 mai 2021 ayant été publiée le 1er juin suivant, soit le lendemain du prononcé du jugement déféré, alors que le décret d’application du 1er juin a été publié au Journal officiel du 2 juin 2021. On ne pouvait ainsi connaître à l’avance l’évolution de la législation et de la réglementation applicable à la date retenue par le tribunal, cette évolution étant la conséquence de celle de la pandémie. Il résulte expressément du jugement déféré qu’il s’est fondé sur une probabilité reposant sur un calendrier publié par le gouvernement, mais avant que les textes officiels ne soient pris et publiés. Aucun élément certain ne permettait ainsi de retenir que le festival pouvait se tenir aux dates retenues par cette décision.
55. En conséquence, contrairement à l’appréciation du premier juge, il est bien résulté de la crise sanitaire et des restrictions légalement imposées un cas de force majeure, cette crise étant imprévisible à la date de la conclusion du contrat initial et de son avenant, extérieure aux parties et insurmontable, les différentes restrictions imposées rendant impossible la tenue d’un évènement devant accueillir un public important, alors que ce public devait pouvoir tester du matériel mis à sa disposition, assister ou même participer à des compétitions amateurs sur un périmètre géographique conséquent, pénétrer dans des stands d’exposition.
56. Cet évènement de force majeure s’étant prolongé au-delà d’un mois, il s’ensuit que l’appelant était fondé à solliciter la résiliation du contrat conclu en 2017 conformément à son article 7 et à l’article 1218 du code civil. Les effets des différentes mesures prises par l’État ne pouvaient être évités par des mesures appropriées en raison de la nature de la manifestation rappelée ci-dessus. Au demeurant, dans sa communication officielle, l’intimée avait annoncé le 12 mai 2021 que l’édition du festival était reportée en juin 2022, tout en attribuant la responsabilité de ce report à l’appelant. Aucun report ultérieur à l’année 2021 ne pouvait être en outre prévu, le contrat devant prendre fin après l’édition 2021, ainsi que prévu dans l’avenant conclu en 2018.
57. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être infirmé en toutes ses dispositions à l’exception, en l’absence de demande d’infirmation résultant des dernières conclusions des parties, de celles ayant’:
– débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires;
– accordé à la Selarl Lexavouté le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit et a dit n’y avoir lieu à l’écarter.
58. En conséquence de ce qui précède, la cour prononcera la résiliation du contrat conclu en 2017, et subséquemment, de son avenant conclu en 2018. La société Chlorobike ne peut qu’être déboutée de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles.
3) Concernant la demande de dommages et intérêts de l’appelant’:
59. L’Office municipal ne justifiant d’aucun préjudice moral concernant la rupture du contrat, sa demande de dommages et intérêts ne peut qu’être rejetée, d’autant qu’aucune faute de l’intimée n’est démontrée.
60. Succombant devant cet appel, l’intimée sera condamnée à payer à l’appelant la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 914, 564 et suivants du code de procédure civile, les articles 1104, 1218 et suivants, 1195 du code civil ;
Déclare les demandes nouvelles formées par la société Chlorobike recevables’;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant’:
– débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires;
– accordé à la Selarl Lexavoué le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit et a dit n’y avoir lieu à l’écarter’;
statuant à nouveau’;
Déboute la société Chlorobike de l’intégralité de ses demandes ;
Prononce la résiliation du contrat et de son avenant, conclus entre l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] et la société Chlorobike ;
Déboute l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] de sa demande de dommages et intérêts’;
Condamne la société Chlorobike à payer à l’Office municipal de tourisme de [Localité 6] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Chlorobike aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Scp Guidetti-Bozzarelli-Le Mat, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile’;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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