Divorce et Résidence Séparée : Conditions et Compétence Juridique

·

·

Divorce et Résidence Séparée : Conditions et Compétence Juridique

Contexte du mariage

Madame [R] [Z] et Monsieur [D] [V] se sont mariés le 6 avril 2019 à Dakar, Sénégal, en choisissant un régime matrimonial conforme à la législation sénégalaise. Leur union n’a donné naissance à aucun enfant.

Demande de divorce

Le 14 décembre 2023, Madame [R] [Z] a déposé une demande de divorce auprès du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre, sans préciser le fondement de sa demande. Le 11 avril 2024, le juge a constaté que les époux résidaient séparément et a attribué à l’épouse la jouissance du logement conjugal, tout en ordonnant la restitution des clés et des effets personnels à l’épouse.

Conclusions de la demanderesse

Dans ses dernières conclusions, Madame [R] [Z] a demandé que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, en fixant la date des effets du divorce à la date de saisine du tribunal. Elle a également sollicité des mesures accessoires concernant la jouissance du domicile conjugal et le règlement des charges afférentes.

Non-comparution de l’époux

Monsieur [D] [V] n’ayant pas constitué avocat, il a été considéré comme non comparant. Le jugement a donc été rendu en vertu des dispositions applicables, réputé contradictoire.

Clôture de l’instruction

L’instruction a été clôturée par ordonnance le 3 juin 2024, et le dossier de plaidoirie de la demanderesse a été déposé à l’audience du 10 octobre 2024. Le prononcé du jugement a été renvoyé au 5 novembre 2024 pour plus ample délibéré.

Compétence du juge et loi applicable

Le juge a vérifié sa compétence et la loi applicable, constatant que les époux résidaient habituellement en France au moment de la demande. En conséquence, les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur le divorce.

Prononcé du divorce

Le divorce peut être demandé lorsque le lien conjugal est définitivement altéré, ce qui nécessite une séparation d’au moins un an. Bien que Madame [R] [Z] ait affirmé que son époux avait quitté le domicile conjugal en mai 2023, des éléments de preuve ont montré que Monsieur [D] [V] était toujours inscrit à l’adresse du domicile conjugal.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté Madame [R] [Z] de sa demande de divorce, considérant qu’elle n’avait pas prouvé l’altération définitive du lien conjugal. Les dépens de l’instance ont été mis à la charge de l’épouse, et il n’a pas été ordonné d’exécution provisoire de la décision.

Conclusion

Le jugement a été prononcé le 5 novembre 2024, déclarant le tribunal compétent et déboutant Madame [R] [Z] de sa demande de divorce et de ses demandes subséquentes. La décision est susceptible d’appel dans le mois suivant sa signification.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG n°
23/10208
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

Cabinet 10

JUGEMENT PRONONCÉ LE 05 Novembre 2024

JUGE AUX AFFAIRES
FAMILIALES

Cabinet 10

N° RG 23/10208 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YZNV

N° MINUTE : 24/00138

AFFAIRE

[R] [Z] épouse [V]

C/

[D] [V]

DEMANDEUR

Madame [R] [Z] épouse [V]
Née le 15 Septembre 1969 à DAKAR (SENEGAL)
30 rue du Capitaine Ferber
92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Représentée par Me Anne-lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 113

DÉFENDEUR

Monsieur [D] [V]
Né le 24 Avril 1966 à DAKAR (SENEGAL)
30 rue du Capitaine Ferber
92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Défaillant

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Devant Madame Coralie GALLIEN, Juge aux affaires familiales
assistée de Madame Anouk ALIOME, Greffier

DEBATS

A l’audience du 10 Octobre 2024 tenue en Chambre du Conseil.

JUGEMENT

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de cette décision au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [Z] et Monsieur [D] [V] se sont mariés le 6 avril 2019 à Dakar (Sénégal) et ont déclaré avoir opté pour l’un des régimes prévus par la loi sénégalaise.

Aucun enfant n’est issu de leur union.

Par assignation du 14 décembre 2023 remise au greffe le 20 décembre 2023, Madame [R] [Z] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre d’une demande en divorce sans en préciser le fondement.

Par ordonnance d’orientation et sur les mesures provisoires en date du 11 avril 2024, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre a notamment :
constaté que les époux résident séparément,attribué à l’épouse la jouissance du logement du ménage, bien locatif situé 30 rue du Capitaine Ferber 92130 Issy-les-Moulineaux ainsi que de son mobilier, à charge de règlement des loyers et frais afférents,ordonné à l’époux non attributaire la restitution des clés d’accès et du badge afférents au domicile conjugal à l’épouse,ordonné la remise des vêtements et des effets personnels,fixé la date d’effet des mesures provisoires au 11 avril 2024.
Dans ses dernières conclusions signifiées au défendeur selon remise à étude, auxquelles il sera référé s’agissant des moyens, Madame [R] [Z] sollicite que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal et sur les conséquences du divorce :
fixer la date des effets du divorce à la date de saisine de la présente juridiction.fixer les mesures accessoires au divorce relatives aux époux comme suit : attribuer la jouissance du domicile conjugal à l’épouse,◦attribuer la jouissance du mobilier garnissant le domicile conjugal à l’épouse,◦modalités de règlement des charges y afférents : l’épouse devra s’acquitter seule du loyer et des charges afférentes au logement. dire n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions de la décision à intervenir qui ne seraient pas conformes aux demandes de la requérante,dire qu’en application des dispositions de l’article 1127 du Code de procédure civile, les dépens de la présente procédure seront supportés par l’époux.
Monsieur [D] [V], cité à étude, n’a pas constitué avocat et est donc considéré, en application des articles 1114 et 751 du code de procédure civile, comme non comparant. Il sera néanmoins statué sur le fond en vertu de l’article 472 du même code. Il y a donc lieu de rendre un jugement réputé contradictoire.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 3 juin 2024. Le dossier de plaidoirie de la demanderesse a été déposé à l’audience du 10 octobre 2024.

Le prononcé du jugement par sa mise à disposition au greffe a été renvoyé, pour plus ample délibéré, au 5 novembre 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la compétence du juge français et la loi applicable

Il ressort des pièces du dossier que Madame [R] [Z] est de nationalité française et Monsieur [D] [V] de nationalité sénégalaise. Le mariage a été célébré au Sénégal.

Les règles de compétence étant d’ordre public, compte tenu de cet élément d’extranéité, le juge a l’obligation de vérifier sa compétence ainsi que la loi applicable au litige.

Sur la compétence et la loi applicable s’agissant de la demande en divorce

En application de l’article 3 du Règlement n°2019/1111 du Conseil de l’Union Européenne du 25 juin 2019 dit « Bruxelles II Ter » applicable à compter du 1er août 2022, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce de l’État membre :
a) sur le territoire duquel se trouve :
— la résidence habituelle des époux,
— la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore,
— la résidence habituelle du défendeur,
— en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux,
— la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou
— la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question ; ou
b) de la nationalité des deux époux.

En l’espèce, et en application de ces dispositions, il convient de retenir la compétence du juge français dès lors que les époux avaient leur résidence habituelle en France au moment de l’introduction de l’instance.

En conséquence, il convient de constater que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du divorce des époux.

À défaut de choix de la loi applicable par les parties en application de l’article 5 du Règlement du 20 décembre 2010 dit « Rome III », l’article 8 de ce Règlement prévoit que le divorce est soumis à la loi de l’État :
— de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut,
— de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut,
— de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut,
— dont la juridiction est saisie.

En l’espèce, les époux ayant leur résidence habituelle en France, la loi française est applicable.

Sur le prononcé du divorce

Aux termes des articles 237 et 238 du code civil, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré. L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce.

Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.

L’article 1126 du code de procédure civile dispose que le juge ne peut relever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai d’un an prévu au premier alinéa de l’article 238 du code civil sauf lorsque le défendeur est non comparant.

En l’espèce, l’assignation en divorce a été délivrée le 14 décembre 2023. Elle ne comportait pas le fondement de la demande en divorce. Il convient donc de se placer à la date du prononcé du divorce pour apprécier le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal.

Madame [R] [Z] fait valoir que les époux résident séparément depuis le 27 mai 2023, date à laquelle son époux a quitté le domicile conjugal. Elle ajoute que, depuis, son époux ne lui donne plus de nouvelles et qu’elle ne sait pas où il réside.

Elle verse notamment une main courante en date du 27 mai 2023 qui mentionne que son époux a quitté le domicile conjugal ainsi qu’une attestation d’une de ses proches.

Pour autant, il convient de relever qu’il ressort du procès-verbal dressé par le commissaire de justice en date du 16 mai 2024 que la signification des premières conclusions au fond de l’épouse a été effectuée à l’adresse du domicile conjugal. Le commissaire de justice relève que le domicile de l’époux à cette adresse est certain en ce qu’il résulte de ses vérifications que :
son nom est inscrit sur le tableau des résidents,son nom est inscrit sur la boîte aux lettres,son nom est inscrit sur l’interphone,l’adresse a été confirmée par le voisinage.
Il ressort également de la procédure que le juge de la mise en état a attiré l’attention de la demanderesse sur ce point.

Dans ces conditions, il est incompatible de considérer que Monsieur [D] [V] réside toujours au sein de l’ancien domicile conjugal aux yeux de la procédure tout en sollicitant le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal en faisant valoir qu’il a quitté ledit domicile conjugal depuis le mois de mai 2023.

Il appartient à l’épouse de faire citer Monsieur [D] [V] selon la voie de signification la plus adaptée si toutefois elle ne sait pas où se trouve son époux, notamment par voie d’établissement d’un procès-verbal dressé selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile prévu à cet effet.

Dès lors, sur le fondement des textes précités, Madame [R] [Z] sera déboutée de sa demande en divorce ainsi que de l’ensemble de ses demandes subséquentes.

SUR LES MESURES ACCESSOIRES

Sur les dépens

Aux termes de l’article 1127 du code de procédure civile, les dépens de l’instance sont à la charge de l’époux qui en a pris l’initiative, à moins que le juge n’en dispose autrement

En l’espèce, aucun élément ne justifie de faire exception au principe et les dépens seront mis à la charge de Madame [R] [Z].

Sur l’exécution provisoire

Il est rappelé qu’en application de l’article 1074-1 du code de procédure civile, à moins qu’il n’en soit disposé autrement, les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Madame Coralie GALLIEN, juge aux affaires familiales, assistée de Madame Anouk ALIOME, greffière, statuant en chambre du conseil, par jugement réputé contradictoire, susceptible d’appel, prononcé par mise à disposition au greffe :

Vu l’assignation en divorce remise au greffe le 20 décembre 2023,
Vu l’ordonnance d’orientation et sur les mesures provisoires prononcée le 11 avril 2024,

SE DÉCLARE compétent pour statuer sur le litige en application de la loi française,

DEBOUTE Madame [R] [Z] de sa demande tendant à prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal et de ses demandes subséquentes, afférentes aux conséquences du divorce,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Sur les mesures accessoires

CONDAMNE Madame [R] [Z] aux dépens de l’instance, qui seront le cas échéant recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle,

DIT N’Y AVOIR LIEU à ordonner l’exécution provisoire,

DIT que la présente décision devra être signifiée par la partie la plus diligente à l’autre partie par acte de commissaire de justice et qu’elle est susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la Cour d’appel de VERSAILLES, 

Ainsi jugé et prononcé au Tribunal Judiciaire de Nanterre, Pôle Famille, cabinet 10, conformément aux articles 450 et 456 du code de procédure civile, le 5 novembre 2024, la minute étant signée par Coralie GALLIEN, juge aux affaires familiales et par Anouk ALIOME, greffière.

LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon