Distribution de films : la rupture abusive de relations commerciales

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Distribution de films : la rupture abusive de relations commerciales
L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Maurefilms à ICC, les sociétés ont entretenu des relations commerciales établies pour la distribution de films à la Réunion. Malgré des litiges fréquents, la continuité de leur collaboration était attendue. Cependant, Maurefilms a échoué à prouver la brutalité de la rupture, ne fournissant aucun préavis suffisant. La demande de dommages-intérêts, fondée sur un chiffre d’affaires estimé de films non réservés, a été rejetée, car elle ne se rapportait pas à la brutalité de la rupture, mais à la rupture elle-même. Ainsi, Maurefilms a été déboutée de ses demandes.

Un distributeur de films et un exploitant de salle sont bien en relation commerciale, la rupture abusive de relations commerciales leur est donc applicable. Toutefois, seul l’abus dans la rupture (exemple : non-respect d’un préavis suffisant) est indemnisable et non la rupture en elle-même.   

Affaire Maurefilms c/ ICC

Les sociétés Maurefilms et ICC dans le cadre de leur activité de distribution, acquièrent des droits exclusifs de représentation, limités territorialement et temporellement, sur des oeuvres cinématographiques auprès de sociétés de distribution nationales ou étrangères et procèdent à la distribution à titre exclusif desdites oeuvres sur l’île de la Réunion, moyennant un pourcentage sur les recettes des salles. Afin d’assurer la meilleure exploitation du film, les distributeurs proposent leur catalogue à l’ensemble des exploitants de l’île, avec lesquels ils concluent des contrats de concession de droits de représentation cinématographique ou ‘contrat de location’.

Action en rupture brutale des relations commerciales établies

Les sociétés Maurefilms et ICC se font depuis plusieurs années des griefs réciproques relatifs à des manquements contractuels, des agissements anti-concurrentiels, et des refus de promotion ou de réservation d’oeuvres cinématographiques. Ces litiges ont à plusieurs reprises conduit à la saisine du médiateur du cinéma en application des dispositions des articles L.213-1 et suivants du code du cinéma et de l’image animée.

Un litige a opposé les sociétés Maurefilms et ICC quant à la promotion publicitaire accompagnant la distribution des oeuvres cinématographiques. Le médiateur du cinéma a été saisi du litige opposant les deux sociétés. C’est dans ce contexte que les sociétés Maurefilms, Mascareignes Kino et Lory ont assigné la société ICC devant le tribunal de commerce de Paris, en vue d’obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions de l’article L.442-6, I 5° dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

En l’espèce, compte tenu de la spécificité de la distribution et de l’exploitation des oeuvres cinématographiques sur l’île de la Réunion, les parties sont depuis de nombreuses années en relation commerciale constante pour la location des oeuvres cinématographiques de leur catalogue respectif.

Quand bien même cette relation commerciale est régulièrement émaillée de litiges à l’occasion de la négociation de chaque contrat de location de film et régulièrement portés devant le médiateur du cinéma, la particularité pour la société ICC et les sociétés du groupe Etheve (Maurefilms) d’exercer les activités principales de distribution et d’exploitation d’oeuvres cinématographiques sur l’île de la Réunion implique, pour la plus large diffusion des oeuvres, une continuité du flux d’affaires que chacune des parties peut raisonnablement attendre. Dès lors, il existait bien des relations commerciales établies entre les parties au sens des dispositions de l’article L.442-6, I, 5°.

Sanction de la brutalité de la rupture

L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Ce texte vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis. Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné. Le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d’insuffisance du préavis et s’évalue en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

Or la société Maurefilms qui ne fait valoir aucun délai de préavis à l’appui de ses demandes ne caractérise pas la brutalité de la rupture alléguée. Elle se borne à réclamer sur le fondement de l’article L.442-6, une somme représentant 80% du chiffre d’affaires qui aurait pu être réalisé sur 20 films non réservés et la réparation d’un préjudice indirect de la rupture, soit la réparation de préjudices non pas liés à la brutalité de la rupture, mais à la rupture elle-même. En conséquence, la société Maurefilms a été déboutée de toutes ses demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la relation entre un distributeur de films et un exploitant de salle ?

La relation entre un distributeur de films et un exploitant de salle est une relation commerciale. Cela signifie qu’ils sont liés par des contrats qui régissent la distribution et l’exploitation des œuvres cinématographiques. La rupture abusive de ces relations commerciales est donc applicable, mais A noter que seul l’abus dans la rupture, tel que le non-respect d’un préavis suffisant, est indemnisable. La rupture en elle-même, sans abus, ne donne pas droit à une indemnisation.

Quelles sont les spécificités de l’affaire Maurefilms c/ ICC ?

Dans l’affaire Maurefilms c/ ICC, les sociétés Maurefilms et ICC ont acquis des droits exclusifs de représentation sur des œuvres cinématographiques pour la distribution sur l’île de la Réunion. Ces droits sont limités territorialement et temporellement, et les distributeurs proposent leur catalogue aux exploitants de salles, concluant des contrats de concession. Les litiges entre ces sociétés ont souvent été portés devant le médiateur du cinéma, notamment concernant des manquements contractuels et des refus de promotion.

Quels étaient les griefs entre Maurefilms et ICC ?

Les sociétés Maurefilms et ICC ont eu des griefs réciproques concernant des manquements contractuels, des agissements anti-concurrentiels, et des refus de promotion ou de réservation d’œuvres cinématographiques. Ces différends ont conduit à plusieurs saisines du médiateur du cinéma, en vertu des articles L.213-1 et suivants du code du cinéma et de l’image animée. Un litige spécifique a été porté devant le tribunal de commerce de Paris, où Maurefilms a demandé des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Comment est définie une relation commerciale établie selon le code de commerce ?

Selon l’article L.442-6, I 5° du code de commerce, une relation commerciale établie doit être caractérisée par un caractère suivi, stable et habituel. La stabilité se réfère à la prévisibilité de la relation, permettant à la victime de la rupture d’anticiper une continuité du flux d’affaires. Dans le cas de Maurefilms et ICC, leur relation commerciale était constante, malgré des litiges fréquents, ce qui a permis de qualifier leur relation de « établie ».

Quelles sont les conséquences de la rupture brutale des relations commerciales ?

L’article L.442-6, I, 5° du code de commerce stipule que la rupture brutale d’une relation commerciale établie engage la responsabilité de l’auteur de la rupture. Cela signifie qu’une rupture sans préavis écrit, ou avec un préavis insuffisant, peut entraîner des dommages-intérêts pour la partie lésée. Le préjudice est évalué en fonction du gain manqué pendant la période d’insuffisance du préavis, prenant en compte la marge brute escomptée.

Pourquoi Maurefilms a-t-elle été déboutée de ses demandes ?

Maurefilms a été déboutée de ses demandes car elle n’a pas démontré de délai de préavis suffisant pour caractériser la brutalité de la rupture. Elle a demandé des dommages-intérêts basés sur un pourcentage du chiffre d’affaires potentiel de films non réservés, mais cela ne concernait pas la brutalité de la rupture, mais plutôt la rupture elle-même. En conséquence, le tribunal a rejeté ses demandes, soulignant l’absence de preuve d’une rupture abusive.

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