L’Essentiel : La dissolution d’un groupement, comme celle de la GALE, constitue une atteinte significative à la liberté d’association, nécessitant une justification par un risque réel pour l’ordre public. Le Conseil d’État a annulé le décret de dissolution, soulignant que les motifs avancés, tels que des actions violentes ou des appels à la haine, ne démontraient pas un lien direct avec les activités du groupement. Les publications sur les réseaux sociaux, bien que radicales, ne suffisent pas à établir une incitation à la violence. Ainsi, la décision de dissolution a été jugée manifestement illégale, portant atteinte aux libertés fondamentales. |
La dissolution d’un groupement ou d’une association est une décision portant une atteinte grave à la liberté de réunion et d’association, elle doit donc être justifiée par un risque réel à l’ordre public. Le Conseil d’Etat a censuré le décret portant dissolution du Groupe Antifasciste « Lyon et Environs ». Contrôle de proportionnalité du juge administratifPar décret du 30 mars 2022, le Président de la République a prononcé la dissolution de ce groupement sur le fondement du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le décret contesté est fondé sur trois motifs, le premier tiré de ce que le groupement dit « la GALE » mène des actions violentes, le deuxième tiré de ce que le groupement appelle à la haine et à la violence contre les forces de l’ordre, le dernier tiré de ce que le groupement est très actif sur les réseaux sociaux en légitimant la violence contre ses adversaires et en laissant figurer, sous ses publications, des commentaires d’une même violence. Droit de dissolution d’un groupementAux termes de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue de l’article 16 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : » Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent (…) à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ; « . Ces dispositions prévoient la dissolution d’associations ou groupements de fait dont les activités troublent gravement l’ordre public. Elles permettent d’imputer aux associations et groupements de fait les agissements commis par leurs membres, en cette qualité, ou les agissements directement liés aux activités de l’association ou du groupement dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient. Notion d’agissements violentsSi ce groupement a relayé sur les réseaux sociaux des messages appelant à des manifestations, dont certaines non déclarées et qui ont pu générer des troubles graves à l’ordre public notamment dans le cadre de la contestation dite « des gilets jaunes » et contre le « passe sanitaire », il ne résulte pas de l’instruction qu’il ait été à l’origine de ces appels ni que les agissements violents commis à l’occasion de ces manifestations aient été directement liés aux activités de ce groupement. Par ailleurs, la circonstance que des membres ou sympathisants du groupement aient participé à certaines de ces manifestations, en qualité de « militants antifascistes », ne saurait, à elle-seule, conduire à imputer au groupement dissous les éventuels agissements violents commis lors de ces manifestations. A cet égard, une manifestation non déclarée organisée en soutien à la cause kurde, et à l’encontre de quatre membres ou sympathisants du groupement lors d’une manifestation contre le « passe sanitaire », ayant donné lieu à leur condamnation à une peine contraventionnelle de 4ème classe pour violences volontaires sans ITT, ne sauraient être regardés, eu égard à leur nature, leur contexte et leur caractère isolé, comme des agissements violents au sens du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure précité. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que les dégradations de biens concernant des locaux de groupements d’extrême-droite, de l’Institut des sciences sociales, économiques et politique, de la police aux frontières ou du consulat de Turquie à Lyon et ses environs, dont le groupement a rendu compte sur les réseaux sociaux, aient été le fait de ce dernier. Positionnement et terminologie: un certain recule à prendreEn deuxième lieu, il résulte de l’instruction que le groupement de fait dit « la GALE », revendique mener un combat politique contre le fascisme, le racisme, le capitalisme et les institutions d’Etat notamment les forces de l’ordre et la justice. Très actif sur les réseaux sociaux, il affirme privilégier, « en tant que groupe antifasciste autonome et révolutionnaire, l’action directe comme un outil de lutte ». Ce positionnement et la terminologie employée ne sauraient, en eux-mêmes, caractériser, une provocation à des agissements violents au sens du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. De même, si le groupement relaie, parfois avec une complaisance contestable, les violences commises à l’encontre des forces de l’ordre, la revendication par le groupement d’un discours très critique à l’égard de l’institution policière ne saurait caractériser, à elle-seule, une provocation à des agissements violents, au sens du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il s’ensuit que si le groupement dit « la GALE » tient des propos radicaux et parfois brutaux, il ne peut manifestement, en l’état de l’instruction, être regardé comme appelant à commettre des agissements violents contre les forces de l’ordre au sens et pour l’application du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, second motif du décret contesté. Publications extrêmes sur les réseaux sociauxEn troisième lieu, il résulte de l’instruction que ne peuvent être regardées, à elles-seules, comme une légitimation du recours à la violence, les publications sur les réseaux sociaux du groupement dit « la GALE », lesquelles s’inscrivent dans le cadre du positionnement politique « antifasciste » et « anticapitaliste » du mouvement. Il en est ainsi, en particulier, des photographies de tags « Mort aux nazis » sur les locaux du local du groupement d’extrême-droite Terra Nostra, des commentaires « On va se venger », publié à la suite de l’incendie d’une mosquée, et « pour une bonne dissolution, une seule solution : vive la chaux vive », publié en référence aux dissolutions des groupements d’extrême-droite Unité radicale, Bloc identitaire et Génération identitaire, des formules « deux banques ont eu le bonjour du bloc anticapitaliste », figurant dans le compte-rendu d’une manifestation, et « c’est cela qui nous tient à cœur en tant qu’antifascistes : des ripostes collectives et multiples d’autodéfense populaire ». Il en est de même du recours au mot-clé » #feuauxprisons « ou du dessin d’un centre de rétention administrative en flammes intitulé » feu aux centres de rétention « , à l’appui de publications dénonçant de supposées violences d’Etat. Il en résulte que la violence des propos qui peut être reprochée au groupement dit » la GALE « , ne peut cependant, en l’état de l’instruction, être regardée, manifestement, comme entrant dans les prévisions du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
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Q/R juridiques soulevées : Quelles sont les conditions nécessaires pour la dissolution d’un groupement ou d’une association ?La dissolution d’un groupement ou d’une association est une mesure qui porte atteinte à la liberté de réunion et d’association. Pour être justifiée, elle doit être fondée sur un risque réel à l’ordre public. Le Conseil d’État a ainsi censuré le décret de dissolution du Groupe Antifasciste « Lyon et Environs », soulignant que la décision doit être proportionnée et justifiée par des éléments concrets. En effet, le décret du 30 mars 2022, qui a prononcé cette dissolution, devait s’appuyer sur des motifs solides et vérifiables, ce qui n’a pas été le cas dans cette situation.Quels étaient les motifs de la dissolution du Groupe Antifasciste « Lyon et Environs » ?Le décret de dissolution du 30 mars 2022 reposait sur trois motifs principaux. Le premier motif évoquait des actions violentes menées par le groupement. Le deuxième motif concernait des appels à la haine et à la violence contre les forces de l’ordre. Enfin, le troisième motif soulignait l’activité du groupement sur les réseaux sociaux, où il légitimait la violence contre ses adversaires. Cependant, le Conseil d’État a estimé que ces motifs n’étaient pas suffisamment fondés pour justifier la dissolution, car ils ne démontraient pas un lien direct entre le groupement et les actes violents mentionnés.Comment le droit de dissolution est-il encadré par la loi ?L’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, modifié par la loi du 24 août 2021, stipule que les associations ou groupements de fait peuvent être dissous par décret en conseil des ministres s’ils provoquent à des agissements violents. Cette loi vise à protéger l’ordre public en permettant la dissolution de groupements dont les activités troublent gravement la paix sociale. Elle permet également d’imputer aux groupements les actions de leurs membres, à condition que les dirigeants aient été informés et n’aient pas pris les mesures nécessaires pour y mettre fin.Quelles sont les implications de la notion d’agissements violents dans ce contexte ?La notion d’agissements violents est déterminante pour justifier la dissolution d’un groupement. Dans le cas du Groupe Antifasciste « Lyon et Environs », bien que des membres aient participé à des manifestations, cela ne suffisait pas à établir leur responsabilité. Le Conseil d’État a noté qu’il n’y avait pas de preuve que le groupement ait été à l’origine des appels à la violence ou des troubles survenus lors de ces manifestations. De plus, les actes isolés de certains membres ne peuvent pas être imputés au groupement dans son ensemble, ce qui a été un point déterminant dans la décision de suspendre la dissolution.Quel est le positionnement politique du groupement « la GALE » ?Le groupement « la GALE » se positionne comme un acteur politique luttant contre le fascisme, le racisme et le capitalisme. Il revendique une approche d’action directe comme outil de lutte. Cette position, bien que radicale, ne constitue pas en soi une provocation à des agissements violents, selon le Conseil d’État. Le fait que le groupement critique les forces de l’ordre et les institutions ne suffit pas à établir une incitation à la violence, ce qui a été un autre point clé dans l’analyse de la légitimité de la dissolution.Comment les publications sur les réseaux sociaux ont-elles été interprétées dans cette affaire ?Les publications sur les réseaux sociaux du groupement « la GALE » ont été examinées pour déterminer si elles légitimaient la violence. Le Conseil d’État a conclu que ces publications, bien qu’extrêmes, s’inscrivaient dans un cadre politique antifasciste et anticapitaliste. Des messages tels que « Mort aux nazis » ou des références à des actions de « riposte collective » ne peuvent pas être considérés comme des appels à la violence au sens de la loi, ce qui a contribué à la décision de suspendre la dissolution. Ainsi, la nature des publications a été jugée insuffisante pour justifier une atteinte aux libertés fondamentales. |
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