Dépôt d’oeuvre d’art : un mandat d’intérêt commun ?

Notez ce point juridique

L’artiste peintre M. [I] et la société [5] ont signé un contrat de mise en dépôt d’oeuvres d’art en janvier 2013, mais la collaboration a pris fin en décembre 2017 lorsque M. [I] a décidé de rompre le contrat. La [5] a assigné M. [I] en justice pour obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat. Le tribunal judiciaire de Paris a condamné M. [I] à verser des dommages et intérêts à la [5], mais a également ordonné à cette dernière de restituer les oeuvres de M. [I]. M. [I] a interjeté appel de cette décision et demande une révision des dommages et intérêts alloués, ainsi que des compensations pour les préjudices subis en raison des manquements de la [5]. La [5] demande quant à elle une augmentation des dommages et intérêts alloués par le tribunal.

1. Respectez les termes de votre contrat : Assurez-vous de respecter les termes de votre contrat, y compris en ce qui concerne les préavis de rupture et les obligations contractuelles. Ne rompez pas un contrat sans motif légitime et sans respecter les délais prévus.

2. Clarifiez les conditions de votre relation contractuelle : Si les termes de votre contrat sont imprécis, demandez à établir un contrat écrit plus précis pour éviter toute ambiguïté et tout litige ultérieur. Assurez-vous que les obligations de chaque partie sont clairement définies pour éviter tout malentendu.

3. Protégez vos droits d’auteur : Assurez-vous que vos droits d’auteur sont respectés et que vous autorisez explicitement toute reproduction de vos œuvres. En cas de non-respect de vos droits d’auteur, demandez réparation pour toute atteinte à votre propriété intellectuelle.

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Sur la qualification des relations contractuelles et les conditions de la rupture

Ayant qualifié le contrat, analysé comme une mise en dépôt accessoire à un contrat de vente, de mandat d’intérêt commun à durée indéterminée, qui ne pouvait être révoqué sans un préavis raisonnable, le tribunal a décidé qu’il avait été fautivement rompu sans préavis par M. [I] faute pour lui de rapporter la preuve d’un motif légitime, les manquements graves tenant aux retards de paiement, aux fermetures intempestives et au manque de professionnalisme allégués à l’encontre de la galerie n’ayant jamais été formulés en presque cinq ans de relations et n’étant pas suffisamment justifiés, son affirmation selon laquelle la galerie avait voulu annuler son exposition de janvier 2018 étant démentie par les pièces produites et le refus de restitution des toiles ne pouvant non plus avoir motivé la rupture puisqu’il était postérieur à celle-ci.

M. [I] conteste la qualification de mandat d’intérêt commun retenue par le tribunal en soutenant que ni le caractère onéreux du mandat ni son caractère exclusif ne peuvent déterminer l’intérêt commun, l’objet d’un tel mandat étant une communauté d’intérêts aux mandant et mandataire fondée sur la création et le développement d’une clientèle commune, cet intérêt ne pouvant être réduit, s’agissant du mandataire, à la seule rémunération qui lui sera servie, mais également de protéger le mandataire de la perte de la clientèle du mandant. Il fait valoir que dans le cadre d’un mandat de vente confié par un artiste à une galerie, l’intérêt commun repose sur la notion de clientèle commune afin de garantir l’essor de la carrière artistique par l’exposition du travail de l’artiste au sein notamment des institutions culturelles et en conséquence l’augmentation des revenus pour les deux parties au mandat.

Il soutient qu’en l’occurrence, il ne peut y avoir de développement d’une clientèle commune alors que le contrat ne tendait pas à créer une clientèle nouvelle, mais seulement à le faire bénéficier de celle de la galerie en application de l’article 1 du contrat, et dont il n’avait aucune connaissance, n’ayant en cinq ans jamais eu communication de l’identité des collectionneurs ayant acquis ses œuvres, auxquels il est donc dans l’impossibilité de présenter sa production future, en sorte qu’il n’existait entre eux aucune entreprise commune à l’accroissement de laquelle leur collaboration aurait contribué, et qu’ayant conservé la clientèle en question, la galerie ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice du fait de la rupture du contrat.

Il maintient que dans ces conditions il pouvait résilier le mandat, révocable ad nutum en vertu de l’article 2004 du code civil, sans être tenu au respect d’aucun préavis, d’autant qu’avant de notifier cette révocation à la galerie le 21 décembre 2017 en raison de la rupture du lien de confiance qui les unissait, il avait recherché une issue amiable en la mettant en demeure, comme une condition à la poursuite de leur relation, d’établir un contrat écrit plus précis, ce que la galerie a refusé.

Sur les demandes indemnitaires de la galerie au titre de la rupture du contrat

Le tribunal a retenu que la galerie avait subi du fait de l’annulation de l’exposition un préjudice financier correspondant au montant de la commission qu’elle aurait perçue sur la vente des deux toiles qui lui avaient été réservées par une acheteuse, soit 14 000 euros, et à l’indemnisation de la perte de chance, évaluée à 30 % de leur prix de vente affiché, de percevoir ses commissions sur la vente des autres œuvres exposées.

Il lui a également alloué la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la rupture brutale d’une relation contractuelle qui la liait avec M. [I] depuis cinq ans, à un mois de l’exposition de ses œuvres, alors qu’ils entretenaient des liens étroits s’apparentant à de l’amitié. Il a en revanche écarté la demande de remboursement des frais annexes qui auraient été engagés pour l’exposition de M. [I], faute de preuve de l’affectation à cette exposition des dépenses invoquées, ainsi que

Réglementation applicable

– Code civil
– Code de procédure civile
– Code de déontologie des galeries d’art
– Loi du 29 juillet 1881

Avocats

– Me Alexis FOURNOL, avocat au barreau de PARIS
– Me Béatrice COHEN, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs

– Relations contractuelles
– Rupture de contrat
– Qualification du contrat
– Mandat d’intérêt commun
– Préavis raisonnable
– Motif légitime
– Manquements graves
– Déontologie
– Révocation ad nutum
– Faute contractuelle
– Préjudice financier
– Préjudice moral
– Préavis de rupture
– Exposition d’oeuvres d’art
– Restitution des oeuvres
– Prix de vente
Assurance
Promotion des oeuvres
– Clientèle commune
– Préjudice financier
– Préjudice matériel
– Dénigrement
– Diffamation
– Préjudice moral
– Droits d’auteur
– Reproduction d’oeuvres
– Capitalisation des intérêts
Dépens

Définitions juridiques

– Relations contractuelles: ensemble des liens juridiques établis entre deux parties par le biais d’un contrat
– Rupture de contrat: cessation anticipée d’un contrat par l’une des parties
– Qualification du contrat: détermination de la nature juridique du contrat
– Mandat d’intérêt commun: mandat donné à une personne pour agir dans l’intérêt de plusieurs parties
– Préavis raisonnable: notification préalable d’une décision à prendre
– Motif légitime: raison valable justifiant une action
– Manquements graves: violations sérieuses des obligations contractuelles
– Déontologie: ensemble des règles éthiques et déontologiques à respecter
– Révocation ad nutum: révocation d’un mandat à tout moment sans motif
– Faute contractuelle: non-respect des obligations contractuelles
– Préjudice financier: dommage financier subi par une partie
– Préjudice moral: dommage moral subi par une partie
– Préavis de rupture: notification préalable de la volonté de rompre un contrat
– Exposition d’oeuvres d’art: présentation publique d’oeuvres artistiques
– Restitution des oeuvres: retour des oeuvres à leur propriétaire
– Prix de vente: montant demandé pour l’acquisition d’un bien ou d’un service
– Assurance: contrat garantissant une indemnisation en cas de sinistre
– Promotion des oeuvres: actions visant à faire connaître et valoriser des oeuvres
– Clientèle commune: ensemble de clients partagés par plusieurs parties
– Préjudice matériel: dommage matériel subi par une partie
– Dénigrement: action de déprécier la réputation d’une personne ou d’une entreprise
– Diffamation: allégation mensongère portant atteinte à l’honneur ou à la réputation
– Droits d’auteur: droits exclusifs accordés à l’auteur d’une oeuvre
– Reproduction d’oeuvres: duplication d’oeuvres protégées par le droit d’auteur
– Capitalisation des intérêts: calcul des intérêts cumulés sur une période donnée
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire

 

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 16 JANVIER 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17979 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZBS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 18/12517

APPELANT :

Monsieur [M] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Alexis FOURNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1601

INTIMEE :

S.A.R.L. [6] représentée par son représentant légal audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Béatrice COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1631

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère, et Mme Nicole COCHET, Magistrate honoraire juridictionnel chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Nicole COCHET, Magistrate honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 10 janvier 2024 prorogé au 16 janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [M] [I], artiste peintre né en 1982 travaillant par séries à partir de photographies personnelles retouchées numériquement, et la société à responsabilité limitée [6]- ci après ‘[5]’-, spécialisée dans la découverte d’artistes contemporains émergents, ont signé le 22 janvier 2013, ‘ pour la durée du partenariat entre eux’, un contrat dit de ‘ mise en dépôt d’oeuvres d’art’, sur la base duquel ils ont collaboré jusqu’au 21 décembre 2017, date à laquelle M. [I] a adressé à la [5] un courrier recommandé avec accusé de réception l’informant de ce qu’il ne souhaitait plus qu’elle réalise l’exposition personnelle de ses oeuvres prévue pour janvier 2018 et qu’il entendait rompre leur collaboration et récupérer l’ensemble de ses toiles.

La [5] lui ayant refusé cette restitution, celle-ci a été ordonnée le 5 avril 2018 par ordonnance réputée contradictoire dans le cadre de la procédure de référé d’heure à heure initiée à cette fin par M. [I].

Considérant fautive et brutale la rupture de leur collaboration intervenue dans de telles conditions, la [5], par acte en date du 26 octobre 2018, a fait assigner M.[I] devant le tribunal de grande instance de Paris – aujourd’hui tribunal judiciaire – aux fins d’obtenir l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis de ce fait.

Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré irrecevable la pièce n°64 produite postérieurement à l’ordonnance de clôture par la [5],

– dit que M. [I] a commis une faute en résiliant le 21 décembre 2017 le contrat qui le liait à la [5] depuis le 22 janvier 2013 sans respecter un préavis,

– condamné M. [I] à verser à la [5] à titre de dommages et intérêts la somme de 14 000 euros au titre des commissions qu’elle aurait perçues pour les oeuvres Rivière Corse et Calanque enfantine, la somme de 9 885 euros au titre de la perte de chance de percevoir des commissions sur la vente des autres oeuvres devant être exposées et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

– débouté la [5] du surplus de ses demandes de dommages et intérêts,

– ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil sur les sommes allouées à la [5],

– condamné la [5] à verser à M. [I] à titre de dommages et intérêts la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral du fait de la non restitution de ses oeuvres,

– débouté M. [I] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la non restitution de trois de ses oeuvres par la [5], des autres manquements professionnels, de la contrefaçon dont elle se serait rendue coupable et pour procédure abusive,

– dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés et qu’ils pourront directement être recouvrés par Maître Chloé Bonvalet, avocat au barreau de Paris, qui en a fait

la demande conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision et débouté, en conséquence, les parties de leur demande de ce chef.

Par déclaration du 10 décembre 2020, M. [I] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 mars 2021, M. [M] [I] demande à la cour de :

– juger que la [5] n’a subi aucun préjudice financier d’ordre matériel ou moral,

en conséquence,

– infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle a retenu une indemnisation au profit de l’intimée,

– juger qu’il a subi de nombreux préjudices en raison des diverses inexécutions contractuelles de la [5], de la restitution tardive de ses oeuvres par l’intimée et des actes de contrefaçon commis par l’intimée,

en conséquence,

– infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle a retenu une indemnisation atténuée des préjudices qu’il a réellement subis et,

– condamner, corrélativement, la [5] à lui verser :

– la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi,

– la somme de 660,39 euros au titre du préjudice matériel subi en raison du non-versement de la quote-part artiste attachée à la vente de l’oeuvre La Lecture en 2019,

– la somme de 2 000 euros au titre de la perte de chance de pouvoir vendre les oeuvres non

restituées par l’intimée dans le délai prévu,

– la somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral résultant de son impossibilité de pouvoir jouir des oeuvres non restituées par l’intimée dans le délai prévu,

– la somme de 5 000 euros au titre du préjudice résultant de la contrefaçon de ses oeuvres par le biais de leur production et leur présentation non autorisées sur le site internet de l’intimée,

– ordonner à la [5] de retirer son nom et son travail de son site internet et de l’ensemble des réseaux sociaux gérés par l’intimée et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, délai dont le point de départ commencera à courir 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner la [5] à lui verser la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la [5] aux entiers frais et dépens des deux instances qui seront recouvrés par Maître Alexis Fournol, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 6 juin 2021, la Sarl [6] demande à la cour de :

– la déclarer recevable en son appel incident et bien fondée en ses demandes,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a

– qualifié le contrat la liant à M. [I] de contrat de dépôt accessoire à un mandat de vente,

– jugé que M. [I] a commis une faute en résiliant le 21 décembre 2017 le contrat qui le liait à elle depuis le 22 janvier 2013 sans respecter aucun préavis,

– condamné M. [I] à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 14 000 euros au titre des commissions qu’elle aurait perçues pour les oeuvres Rivière Corse et Calanque enfantine et 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

– jugé qu’en raison de la faute de M. [I] elle avait subi une perte de chance de percevoir des commissions sur les autres oeuvres devant être exposées,

– mais l’infirmer en ce qu’il

– n’a retenu au titre de cette perte de chance que 9 885 euros,

– l’a déboutée du surplus de ses demandes de dommages et intérêts,

en conséquence,

– condamner M. [I] à lui verser, en réparation de la rupture fautive des relations contractuelles, la somme globale de 69 600 euros se décomposant comme suit :

– 52 600 euros au titre de dommages intérêts résultant de la perte des bénéfices,

– 2 000 euros pour les préjudices annexes,

– 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la désorganisation des rapports avec la clientèle,

– 5 000 euros au titre du préjudice moral,

Y ajoutant,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 5 000 euros à M. [I] en indemnisation de son préjudice moral du fait de la non restitution des oeuvres,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la non restitution de trois de ses oeuvres par elle, des autres manquements professionnels, de la contrefaçon dont elle se serait rendue coupable et pour procédure abusive,

– condamner M. [I] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice distinct résultant du dénigrement,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur l’ensemble des sommes qui lui seront allouées,

– condamner M. [I] à lui verser la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– condamner M. [I] aux entiers frais et dépens des deux instances qui seront recouvrés par Maître Béatrice Cohen, avocate aux offres de droit.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 octobre 2023.

SUR CE,

Sur la qualification des relations contractuelles et les conditions de la rupture

Ayant qualifié le contrat, analysé comme une mise en dépôt accessoire à un contrat de vente, de mandat d’intérêt commun à durée indéterminée, qui ne pouvait être révoqué sans un préavis raisonnable, le tribunal a décidé qu’il avait été fautivement rompu sans préavis par M. [I] faute pour lui de rapporter la preuve d’un motif légitime, les manquements graves tenant aux retards de paiement, aux fermetures intempestives et au manque de professionnalisme allégués à l’encontre de la galerie n’ayant jamais été formulés en presque cinq ans de relations et n’étant pas suffisamment justifiés, son affirmation selon laquelle la [5] avait voulu annuler son exposition de janvier 2018 étant démentie par les pièces produites et le refus de restitution des toiles ne pouvant non plus avoir motivé la rupture puisqu’il était postérieur à celle-ci.

M. [I] conteste la qualification de mandat d’intérêt commun retenue par le tribunal en soutenant que ni le caractère onéreux du mandat ni son caractère exclusif ne peuvent déterminer l’intérêt commun, l’objet d’un tel mandat étant une communauté d’intérêts aux mandant et mandataire fondée sur la création et le développement d’une clientèle commune, cet intérêt ne pouvant être réduit, s’agissant du mandataire, à la seule rémunération qui lui sera servie, mais également de protéger le mandataire de la perte de la clientèle du mandant. Il fait valoir que dans le cadre d’un mandat de vente confié par un artiste à une galerie, l’intérêt commun repose sur la notion de clientèle commune afin de garantir l’essor de la carrière artistique par l’exposition du travail de l’artiste au sein notamment des institutions culturelles et en conséquence l’augmentation des revenus pour les deux parties au mandat.

Il soutient qu’en l’occurrence, il ne peut y avoir de développement d’une clientèle commune alors que le contrat ne tendait pas à créer une clientèle nouvelle, mais seulement à le faire bénéficier de celle de la galerie en application de l’article 1 du contrat, et dont il n’avait aucune connaissance, n’ayant en cinq ans jamais eu communication de l’identité des collectionneurs ayant acquis ses oeuvres, auxquels il est donc dans l’impossibilité de présenter sa production future, en sorte qu’il n’existait entre eux aucune entreprise commune à l’accroissement de laquelle leur collaboration aurait contribué, et qu’ayant conservé la clientèle en question, la galerie ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice du fait de la rupture du contrat.

Il maintient que dans ces conditions il pouvait résilier le mandat, révocable ad nutum en vertu de l’article 2004 du code civil, sans être tenu au respect d’aucun préavis, d’autant qu’avant de notifier cette révocation à la galerie le 21 décembre 2017 en raison de la rupture du lien de confiance qui les unissait, il avait recherché une issue amiable en la mettant en demeure, comme une condition à la poursuite de leur relation, d’établir un contrat écrit plus précis, ce que la [5] a refusé.

A titre subsidiaire, il conteste avoir commis une quelconque faute, sa décision reposant sur des motifs légitimes et sérieux tenant aux manquements répétés de la galerie aux obligations contractuelles et déontologiques auxquelles elle était soumise, celle-ci ayant exécuté le contrat de mauvaise foi.

Ainsi, la [5] ne lui a rendu aucun compte de sa gestion, ne l’informant pas sur les ventes réalisées, ne le payant qu’avec retard et même s’abstenant de tout réglement en juillet 2015 pour la vente d’une oeuvre dont il n’a jamais eu connaissance,et appliquant couramment sans le moindre accord de sa part des réductions de prix supérieures aux 10 % autorisés par le contrat de vente.

Elle s’est en outre constamment abstenue d’établir les bons de dépôt pour les oeuvres remises, ce qui en a retardé la restitution, et n’a pas suffisamment travaillé à promouvoir ses oeuvres, notamment auprès des intitutions culturelles et artistiques, les seules démarches en ce sens étant émises depuis les comptes personnels de la galeriste et non de ceux de la galerie, créant de la confusion dans l’esprit du public, pendant qu’elle lui imposait par ailleurs une exclusivité qui, l’empêchant à la fois d’exposer dans d’autres galeries et de promouvoir lui-même sur les réseaux sociaux les oeuvres qu’elle ne divulguait pas, l’a placé sous sa complète dépendance économique.

Il reproche enfin à sa concontractante les tergiversations et le manque de professionnalisme qui ont affecté l’organisation de l’exposition personnelle prévue pour ses oeuvres début 2018, dont la date a été arrêtée très tardivement et pour laquelle aucune campagne de communication n’a été organisée, tout en soutenant qu’il n’avait aucune intention de l’annuler mais qu’il s’y est trouvé contraint par le refus opposé par la galerie à sa demande d’établissement d’un contrat écrit précisant ses obligations à son égard.

La [5] demande la confirmation du jugement dont appel en insistant sur le fait que le contrat intéressait autant M. [I], bénéficiant d’une exposition, de l’expérience et de la clientèle de la galerie, qu’elle-même dans la mesure où elle percevait un pourcentage sur la vente des toiles qu’elle réalisait, en sorte que les relations ne pouvaient être unilatéralement rompues. Elle souligne le caractère fautif et brutal de la rupture notifiée sans préavis par M.[I] le 21 décembre 2017, soit à un mois de son exposition personnelle qui devait se tenir à partir du 27 janvier 2018 sans qu’il n’ait jamais été question de l’annuler et dont la promotion était largement lancée, alors que les pièces produites établissent que lors de leur déjeuner-discussion du 19 décembre 2017, M. [I] s’était formellement engagé à la maintenir. Elle demande à la cour de constater, comme l’a fait le jugement dont appel, que les griefs qu’il invoque aujourd’hui ne peuvent être retenus comme motifs de la rupture en l’absence pendant les cinq années de leur relation, de toute réclamation de sa part relative à l’un quelconque des points aujourd’hui soulevés.

Selon l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Le document qui fixe la relation contractuelle entre la [5], dénommée- ‘ le galeriste’, et M.[I], dénommé’l’artiste’, en date du 22 janvier 2013, intitulé ‘contrat de mise en dépôt d’oeuvres d’art’, comporte les brèves dispositions suivantes :

1/ Objet

L’artiste place en dépôt ce jour les oeuvres d’art dont la liste est annexée au contrat. Cette liste est accompagnée de leur description sommaire …et éventuellement d’une reproduction en miniature.

Ce dépôt est effectué aux mains du galeriste, qui l’accepte, afin que ce dernier le mette en vente auprès de la clientèle de sa galerie. Il s’engage à mettre ces oeuvres en valeur du mieux qu’il peut dans le respect des contraintes liées au bon fonctionnement de sa galerie.

2/ Durée de la mise en dépôt

La présente mise en dépôt est consentie pour la durée du partenariat entre l’artiste et le galeriste à dater de janvier 2013 . Les oeuvres déposées iront ensuite alimenter le stock de la galerie et ce durant tout le partenariat entre l’artiste et le galeriste. A la fin du contrat…, la restitution des oeuvres aura lieu….

3/ Assurance

Le galeriste déclare être titulaire d’une police d’assurance …et s’engage en outre à assurer les oeuvres à ses frais pour la valeur indiquée à l’annexe jointe pour toute la durée de la mise en dépôt…

4/ Prix de vente

Les prix seron indiqués sur la liste annexe . Ces prix mentionneront le prix de vente au public et la valeur nette revenant à l’artiste . Le règlement s’effectuera dès la réception du paiement dans son intégralité chez la galeriste.

5/ Restitution

A la fin de la période de mise en dépôt, les oeuvres qui n’auront pas été vendues seront restituées par le galeriste à l’artiste et feront l’objet d’un contrat de remise en mains propres.’

L’annexe jointe à ce contrat, intitulée ‘état descriptif et estimatif des oeuvres d’art présentes à la [5] Anouklebourdiecen exposition et/ ou en stock’, ne mentionne qu’une oeuvre de M. [I], nommée et très sommairement décrite ‘Arin, huile sur toile 97 x 146 cm, 2013 « , suivie quant à l’indication de sa valeur de la mention ‘ video d’un total de vente de 3800 E, assurée 1900 E’.

L’intitulé du nom des parties, la mention de la mission de mise en valeur de l’oeuvre du galeriste à l’alinéa 2 de l’article 1, l’existence du paragraphe 4 relatif au prix de vente et la précision, au paragraphe 5, que seront restituées en fin de contrat ‘les oeuvres qui n’auront pas été vendues’, traduit le fait qu’en dépit de la qualification de ‘contrat de dépôt d’oeuvres d’art’ donnée par les parties, la [5] et M. [I] ont entendu se lier au delà du mandat de dépôt simple par lequel M. [I] confiait ses oeuvres à la galerie, celle-ci étant pour sa part mandatée pour les vendre, moyennant une commission que cet écrit ne fixe pas mais dont le montant de 50% effectivement appliqué sur chaque vente réalisée, n’ a jamais fait l’objet d’aucune contestation dans le cours de la relation ni d’ailleurs après sa rupture.

La galerie était en outre missionnée pour assurer la promotion des oeuvres, et les pièces versées aux débats justifient de son activité de placement des toiles produites et déposées par M. [I] tant en expositions qu’auprès de collectionnneurs, le fil des messages échangés entre M. [I] et Mme [D], gérante de la galerie, établissant l’existence d’échanges relatifs à la production de l’artiste, portant sur le choix des sujets, sur l’évolution des toiles en cours de production et sur la dénominationn à donner à chacune.

Ainsi, en dépit du caractère imprécis et elliptique de ces dispositions, la commune intention des parties a été de se lier par un contrat de dépôt d’oeuvres d’art en galerie en vue de leur vente, ce qui n’est pas contesté.

Le contrat présente une communauté d’intérêts en ce qu’il permet la reconnaissance de l’artiste et la valorisation de son oeuvre que s’efforce d’obtenir la galerie d’art et qui bénéficient communément aux deux parties.

L’intérêt commun d’un tel contrat ne réside pas dans le développement d’une clientèle commune comme en matière de contrat d’agent commercial, mais dans le rayonnement de l’oeuvre de l’artiste à l’essor duquel tant ce dernier que la galerie d’art ont intérêt. La jurisprudence que cite M. [I] ayant trait au contrat d’agent commercial est inopérante s’agissant du contrat litigieux.

Le contrat conclu entre les parties doit donc être qualifié de mandat d’intérêt commun.

Le contrat consistant en un mandat d’intérêt commun et étant à durée indéterminée pouvait être rompu unilatéralement par M. [I] moyennant le respect d’un préavis raisonnable, sauf à établir des circonstances rendant impossible le maintien du contrat et justifiant sa rupture sans préavis.

En l’occurrence, si M. [I] articule aujourd’hui à l’encontre de la [5] des griefs dont certains ne sont pas injustifiés au regard des recommandations du code de déontologie des galeries d’art et des usages professionnels, tels par exemple l’absence systématique d’établissement de bons de dépôt décrivant les oeuvres successivement déposées auprès de la galerie – qui en détenait 13 au moment de la rupture – et fixant leur prix, le retard fréquent des règlements dûs qui auraient dû être concomitants à l’encaissement du prix, ou encore le fait de lui faire supporter sa part sur les remises de plus de 10 % régulièrement pratiquées d’initiative par la galerie sans l’avoir préalablement consulté, il demeure qu’aucun de ces griefs n’a été articulé à l’encontre de la [5] avant ou concomitamment à la rupture ni été découvert postérieurement à celle-ci et ne peut par conséquent la justifier .

Contrairement à ce qu’indique M. [I] dans ses écritures, la lettre de rupture du 21 décembre 2017 ne fait pas état du déroulement de la relation, ne se référant qu’à la période récente de la préparation de l’exposition de janvier 2018, son propos se résumant à lui indiquer

‘je considère que suite à tes diverses hésitations, revirements concernant mon exposition personnelle du mois de janvier, le lien de confiance qui nous unissait tacitement depuis 5 ans a été rompu .Cette façon de travailler n’est tenable ni économiquement ni moralement.

Je te confirme donc ma décision de quitter la galerie comme je te l’ai déjà dit samedi dernier. Je t’ai confirmé mardi qu’il n’y aurait pas d’exposition tant que nous ne serions pas parvenus à un accord écrit. Je m’étonne donc que depuis mardi soir, tu communiques sur une exposition sans mon consentement et sans que nous soyons parvenus à une accord raisonnable .

Les toiles que j’ai peint (sic) récemment n’ont fait l’objet d’aucun frais de production de ta part, tu n’as donc aucun mandat de vente sur celles-ci et elles restent ma propriété …'(suit un paragraphe concernant la récupération des treize oeuvres de M.[I] déposées à la galerie)

La rupture est ainsi exclusivement fondée sur le refus de la [5] de fixer précisément par écrit les conditions de ses relations avec M. [I], alors que s’il avait des motifs de les trouver imparfaites, pour autant il ne justifie ni même ne prétend les avoir critiquées pendant les cinq années au cours desquels il évoque lui même un fonctionnement reposant sur l’existence d’un lien réciproque de confiance.

Dans ces conditions, l’absence de contrat écrit plus précis, dont il n’est pas justifié une demande antérieure de la part de M. [I] qui s’en est accomodé durant plusieurs années, n’était pas de nature à rendre impossible le maintien de la relation contractuelle et à justifier la rupture sans préavis de celle-ci.

Intervenue à un mois d’une manifestation annoncée en juillet, en octobre et finalement encore le 20 décembre 2017 à certains collectionneurs clients de la galerie, alors qu’en dépit des ‘ hésitations et revirements’allégués par M.[I], la tenue de l’exposition entre le 27 janvier et le 28 février 2018, était certaine, comme le confirment les témoins du déjeuner du 17 décembre 2017 au cours duquel Mme [D] a cherché à convaincre l’artiste de la maintenir,et sans que le projet d’organisation d’une autre exposition demandé mi décembre par la galerie à M. [Y] pour la même période n’ait d’autre objectif que de préparer dans l’urgence une alternative au retrait dont M.[I] menaçait la galerie, la rupture immédiate du contrat avec reprise sous un mois de l’ensemble des tableaux déposés à la [5], peints pour la plupart dans la perspective de l’exposition dans laquelle tous devaient figurer, est abusive et constitue de sa part de M. [I] une faute contractuelle en confirmation de la décision dont appel.

Sur les demandes indemnitaires de la [5] au titre de la rupture du contrat

Le tribunal a retenu que la galerie avait subi du fait de l’annulation de l’exposition un préjudice financier correspondant au montant de la commission qu’elle aurait perçue sur la vente des deux toiles qui lui avaient été réservées par une acheteuse, soit 14 000 euros, et à l’indemnisation de la perte de chance, évaluée à 30 % de leur prix de vente affiché, de percevoir ses commissions sur la vente des autres oeuvres exposées.

Il lui a également alloué la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la rupture brutale d’une relation contractuelle qui la liait avec M. [I] depuis cinq ans, à un mois de l’exposition de ses oeuvres, alors qu’ils entretenaient des liens étroits s’apparentant à de l’amitié. Il a en revanche écarté la demande de remboursement des frais annexes qui auraient été engagés pour l’exposition de M. [I], faute de preuve de l’affectation à cette exposition des dépenses invoquées, ainsi que la demande de réparation du préjudice qu’aurait entraîné la rupture en désorganisant les relations de clientèle de la galerie, faute de démonstration dudit préjudice.

M. [I] conteste ces condamnations, soutenant qu’aucune des oeuvres de cette exposition n’ayant encore fait l’objet d’une mise en dépôt ni d’une remise matérielle à la galerie, ni ne figurant en annexe du mandat de dépôt, la galerie ne détenait aucun mandat de les vendre et n’a donc pu subir aucun préjudice matériel du fait de l’annulation de l’exposition.

Il soutient également qu’elle ne peut non plus prétendre à sa commission sur la vente des deux oeuvres réservées par anticipation, cette réservation n’étant en aucun cas une vente ferme.

Subsidiairement, il demande que la perte de chance de vendre les oeuvres non encore réservées qu’a retenue le tribunal soit réduite en raison du caractère non définitif des prix figurant sur la liste produite par la galerie et de l’espérance réelle de concrétiser effectivement toutes ces ventes, le nombre de ces ventes en exposition ayant toujours été très inférieur à celui des oeuvres exposées et pour des prix affectés de remises quasi systématiques par rapport à ceux annoncés.

Il dénie également tout préjudice moral qu’aurait pu subir la galerie, les éléments invoqués pour justifier de ses préjudices ne concernant pas la structure mais seulement sa gérante, encore que de manière illusoire, en sorte que la condamnation prononcée procéde d’une confusion erronée entre la personne physique qu’est Mme [D] et la personne morale qu’est la galerie, qui en l’occurrence forme seule la demande.

La [5] réitère ses demandes initiales en contestant les rejets et réductions opérées par le tribunal, soutenant qu’elle pouvait attendre de l’exposition un chiffre d’affaires compris entre 83 200 euros et 105 200 euros dont elle aurait dû percevoir la moitié soit 52 600 euros, les prix de vente prévus corrélés avec la cote de l’artiste et les pré-réservations effectuées en amont de l’exposition par des collectionneurs fervents des oeuvres de M.[I] justifiant du caractère réaliste de cette attente, en sorte que les réductions opérées par le tribunal sont injustifiées.

Elle continue par ailleurs de prétendre à l’indemnisation des frais et de l’investissement humain de l’assistant de la galerie engagés en vue de l’exposition – 2000 euros -, et, à hauteur de 10 000 euros, à celle de la désorganisation des rapports avec sa clientèle causée par l’annulation brutale et fautive de l’exposition, gravement nuisible à ses rapports avec ses collectionneurs, tout en demandant confirmation de l’indemnisation accordée par le tribunal au titre de son préjudice moral, en réparation des circonstances brutales et violentes de la rupture de la relation commerciale et des tentatives d’intimidation traumatisantes et perturbantes de M. [I], alors que les relations entretenues étaient cordiales voire amicales, le risque pris à soutenir l’artiste dans la situation économique critique qui est celle des galeries d’art devant également être pris en considération.

Bien que l’intimée n’indique aucunement le délai raisonnable du préavis qu’aurait dû respecter M. [I] dans l’exercice de son droit de rompre le contrat à durée indéterminée les liant, il n’est pas en débat qu’au vu de l’ancienneté de la relation contractuelle, le respect d’un préavis avec un tel délai aurait permis le maintien de l’exposition prévue le 27 janvier 2018. Celle-ci a donc été annulée en raison de la faute de M. [I].

Compte tenu de la continuité de la relation des parties depuis cinq ans, au cours duquel il n’est pas contesté que M. [I] ait mis en dépôt à la [5] de nombreux tableaux sans que ces remises n’aient donné lieu à l’établissement des bons de dépôts correspondants, et alors que la galerie disposait de la liste nommant les dix tableaux prévus pour l’exposition – sans préjudice des quelques autres dont la production d’ici le vernissage prévu au 27 janvier 2018 était évoquée – et fixant le prix de vente à afficher pour chacun, M.[I] ne peut sans mauvaise foi prétendre que la galerie n’avait pas de mandat sur ces ventes puisqu’il les peignait précisément dans le but de les lui déposer pour l’exposition et leur vente, en sorte que le principe d’un préjudice subi par la galerie du fait de la non tenue de l’exposition ne peut être mis en cause.

Quant au montant du préjudice, c’est à tort en revanche que le tribunal a considéré la réservation par une collectionneuse des deux tableaux Calanque enfantine et Rivère Corse comme valant vente ferme, ce qui ne peut être le cas puisqu’ainsi que le fait remarquer M. [I], il n’en est justifié que par un simple courriel, aucune facture n’ayant été établie puisque le prix lui-même n’était pas arrêté, restant à négocier la demande d’y inclure les frais de transport. Pour ces deux tableaux, la non tenue de l’exposition a ainsi entraîné, comme pour les autres oeuvres, une perte de chance de les vendre au prix offert par la collectionneuse – 28 000 euros au total soit 5 000 euros de moins que le prix affiché – qui compte tenu de cette pré-réservation, sera évaluée à 80 % – soit une perte totale de 22 400 euros [ 80% (15 000 + 13000)] et, pour la [5], une perte de chance de récupérer sa commission de 50 % sur ces ventes correspondant à la somme de 11 200 euros.

Quant à la perte de bénéfices alléguée, que le tribunal a pertinemment qualifiée de perte de chance de vendre les tableaux exposés non réservés, elle est à apprécier en considération de leur prix affiché, affecté d’une réduction de 15 % correspondant au montant moyen des remises accordées aux clients sur les ventes réalisées dans le cadre des trois expositions d’oeuvres de M.[I] – 12 % pour l’exposition de 2013, 13% en 2015 et jusqu’à 22 % lors de l’exposition Artparis de 2017 – qui est aussi celui de la remise consentie sur le prix de vente des deux tableaux réservés . Le produit potentiel maximum des ventes lors de l’exposition s’établit donc pour eux à la somme de 54 315 euros, portant un espoir de commission de moitié soit 27 157, 50 euros pour la galerie, pour autant cependant que toutes les oeuvres exposées soient vendues.

Les pièces produites établissant que lors des trois expositions sus mentionnées, il a été vendu 6 oeuvres sur 19 en 2013, 4 oeuvres sur 13 en 2015 et et 3 oeuvres sur 6 en 2017, soit une sur trois en moyenne, c’est à juste titre que le tribunal a fixé à 30 % la perte de chance indemnisable de la galerie, qui appliquée à l’assiette de 27 157, 50 euros ci dessus déterminée , aboutit à une réparation à ce titre de 8147, 25 euros (30 % de 27 157, 50 euros), le montant total de sa perte de chance indemnisable de la [5] étant ainsi ramené à la somme de 19 347, 25 euros (11200 + 8147,25).

Sur le dédommagement demandé au titre des frais engagés pour l’organisation de l’exposition, la cour ne trouve dans les éléments du débat aucun motif de revenir sur la décision de rejet prise par le tribunal au constat de ce que les factures produites n’établissaient pas l’affectation des dépenses ainsi alléguées à la préparation de l’exposition de M. [I].

Sur la réparation de la désorganisation des relations avec la clientèle, la galerie, qui consécutivement à la rupture sans préavis de la relation contractuelle moins d’un mois avant l’exposition prévue en janvier 2018, a nécessairement eu à informer les collectionneurs férus de ses oeuvres du départ de la galerie de M. [I] , en particulier ceux qui s’étaient montrés intéressés par la vente prévue en janvier 2018, mais le préjudice de désorganisation des rapports avec sa clientèle qu’elle indique avoir subi à ce titre doit être relativisé alors que par ailleurs il résulte des pièces produites qu’elle a été en mesure d’organiser une exposition de remplacement. Le préjudice de la galerie de ce fait doit donc être évalué, au vu des pièces produites au débat, à la somme de 2 000 euros.

Enfin les termes de la demande de réparation du préjudice moral invoqué par la [5], qui se plaint de la déperdition d’une relation cordiale sinon amicale forte, traduisent en fait la désillusion personnelle de sa gérante Mme [H] [D], et la galerie qui ne justifie d’aucun préjudice moral personnel distinct du préjudice, déjà réparé, au titre de la désorganisation subie en raison de la rupture abusive du contrat, doit être déboutée de sa demande en infirmation de la décision dont appel.

Sur le dénigrement de la [5] par M. [I]

Le tribunal, après requalification du reproche de dénigrement fait par la [5] à M. [I] en une diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, s’agissant d’une allégation portant directement atteinte à l’honneur et à la considération de la personne morale de la [5], a débouté celle-ci de sa demande indemnitaire à ce titre.

La [5] soutient que M. [I] a nui à sa réputation en envoyant un message à l’ensemble de ses cocontractants, artistes et collectionneurs, qui n’a pas le caractère d’un message privé, prétextant sans fondement qu’elle était lourdement endettée, ce dans le seul but de la dénigrer et de semer le désordre dans ses relations professionnelles et commerciales avec d’autres artistes en propageant de manière malveillante et infondée de fausses informations, les témoignages dont il se prévaut ayant trait soit à des faits qui ont été résolus – la non restitution d’oeuvres à M.[C] [T] – soit à l’émission d’une opinion défavorable à Mme [D] que son autrice a aussitôt regrettée et démentie, émise dans un mail privé dont elle avait explicitement interdit à M. [K] d’user dans la procédure. Elle maintient qu’il s’agit d’agissements sanctionnables en application des dispositions de l’article 1240 du code civil.

M.[I] n’articule pas de moyen de défense en réponse à la position de l’intimée .

La cour ne peut qu’approuver la décision du tribunal en ce que le grief fait à M.[I] par la [5], consistant en l’envoi à une dizaine d’artistes exposant ou ayant exposé en ses murs d’un mail dont elle critique le contenu, ne saurait être qualifié de dénigrement, puisqu’ en tant qu’imputation d’un fait susceptible de porter atteinte à sa réputation, il ne pourrait éventuellement s’agir que d’une diffamation.

Le rejet de cette demande est par conséquent confirmé.

Sur les demandes indemnitaires de M. [I]

Le jugement dont appel a rejeté la demande d’indemnisation de M.[I] au titre du retard de restitution de trois oeuvres, chiffrée par celui-ci au prix de vente des oeuvres en question, faute de justification de leur valeur effective, soulignant en outre que le préjudice ne pouvait en tout état de cause résider dans la perte de cette valeur, mais seulement dans la perte de chance d’avoir pu réaliser ces ventes pendant la durée où les oeuvres étaient demeurées retenues par la [5].

Il également écarté toute indemnisation des manquements professionnels reprochés à la [5], ainsi que celle au titre de la contrefaçon alléguée par M.[I], la reproduction de ses oeuvres pendant le cours du contrat étant nécessaire à leur mise en valeur et n’ayant jamais fait l’objet d’une contestation de sa part.

Il n’a finalement indemnisé, à hauteur de 5000 euros, que le préjudice moral subi par M.[I] du fait du refus de la [5] de lui restituer ses oeuvres après la résiliation du contrat, mais non le préjudice matériel allégué à ce titre, qu’il a jugé non établi.

M. [I] conteste cette appréciation et persiste en des demandes indemnitaires qu’il reformule en appel, pour réclamer la réparation du préjudice moral résultant des manquements contractuels de la galerie et de l’anxiété créée de ce fait tout au long de la relation contractuelle, du préjudice matériel résultant de la non perception de sa quote part sur la vente de son oeuvre ‘La Lecture’ , du préjudice né de la restitution tardive de certaines de ses oeuvres en dépôt constitué tant par la perte de chance de pouvoir vendre ces oeuvres plus tôt que par l’impossibilité de pouvoir jouir des toiles dont il était propriétaire et créateur et enfin du préjudice né de l’atteinte au respect de son oeuvre que caractérise la reproduction de ses tableaux sur le site internet de la galerie, situation qui persistait en 2021 et à laquelle il demande qu’il soit mis fin par une injonction faite à la galerie, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir, de retirer de son site internet, de son compte Instagram et de son compte Facebook toute reproduction de ses oeuvres.

La [5] s’oppose à l’ensemble de ces demandes en invoquant l’absence de tout préjudice, rien ne démontrant qu’elle ait en quoi que ce soit manqué au respect de ses obligations professionnelles dans leur cadre de leurs relations dénuées de toute opacité, instaurées selon l’usage entre artistes et galeries sur la seule base de la bonne foi. Elle soutient par ailleurs que les trois oeuvres manquantes ont été restituées et qu’aucune atteinte n’a été portée à l’image de M. [I], la reproduction de ses oeuvres n’ayant été faite que pour assurer leur promotion dont elle était chargée, et toujours dans le respect de son droit moral.

Pas plus qu’à la réparation d’une faute prétendue de la [5] résultant des imprécisions des termes de la relation contractuelle, M. [I] ne peut prétendre à la réparation d’un préjudice moral qui résulterait de l’angoisse née des incertitudes de cette relation pendant le cours de celle-ci, qu’il dénonce rétrospectivement sans en avoir en aucun moment fait reproche à la galerie pendant les cinq ans de leur collaboration, et dont il n’ a même pas fait état en lui notifiant la rupture de la relation contractuelle, la lettre du 21 décembre 2017 n’évoquant son caractère moralement et économiquement intenable qu’en référence à l’organisation de l’exposition à venir, tout en rappelant au contraire le lien de confiance qui l’avait régie pendant ces cinq années.

Cest en revanche à juste titre que le tribunal a accordé à M. [I] l’indemnisation du préjudice moral lié à la non restitution immédiate des treize oeuvres qui étaient déposées à la [5] au moment de la rupture, cette restitution étant de droit dès lors que cette rupture était actée, ainsi que le rappelle le code de déontologie des galeries d’art ; or le terme du 20 janvier 2018 fixé par M. [I] dans la lettre du 21 décembre 2017 s’est trouvé largement dépassé, la restitution n’ayant été obtenue, et encore de manière d’abord incomplète, qu’à la suite de la procédure de référé d’heure à heure qu’il a conduite en avril 2018, à laquelle la [5] n’a pas jugé devoir être présente ni représentée.

Quant aux demandes de réparation du préjudice matériel, il est établi que la [5] a vendu en juillet 2015 l’oeuvre de M. [I] intitulée ‘La lecture ‘ sans jamais l’en avoir informé ni lui avoir reversé la quote part de 50 % qui lui était due sur ce prix de vente, ce qui justifie la condamnation de la galerie à lui verser la somme de 660,39 euros demandée à ce titre.

Quant à la restitution tardive des trois toiles qu’il a dû attendre jusqu’à novembre 2019, elle constitue, ainsi que l’a retenu le tribunal, une faute avérée de la part de la galerie, tenue en principe à restitution immédiate. Si, destinant ces oeuvres à la vente, M.[I] ne peut prétendre avoir subi un préjudice moral effectif tenant à l’impossibilité alléguée d’en jouir personnellement , ni par conséquent obtenir une réparation à ce titre, il est en revanche fondé à demander celle de la perte de chance de les vendre qui est résultée de leur indisponibilité prolongée. En retenant pour assiette de cette perte de chance la somme de 9000 euros qu’il propose, cohérente par rapport aux prix auxquels avaient été précédemment vendues d’autres de ses toiles de même format, il lui sera alloué la somme de 2000 euros qu’il demande de ce chef, représentant une perte de chance de 22 %, soit une estimation pertinente au regard de la durée importante pendant laquelle il s’est trouvé empêché de les présenter.

Enfin, quant à l’atteinte aux droits d’auteur dont M. [I] demande réparation, la mission de promotion des oeuvres de M.[I] impartie à la [5], même sans stipulation écrite précise en ce sens, impliquait qu’elle puisse disposer d’un droit de reproduction de ses oeuvres, le point n’étant d’ailleurs discuté que dans le cadre de la présente procédure, alors qu’il n’est pas justifié de la moindre objection soulevée par M. [I] à ce sujet pendant les cinq années d’exécution du contrat au cours de laquelle la [5] a nécessairement reproduit ses oeuvres, soit sur support papier soit sur support électronique, pour les faire valoir sur ses outils de communication, pour les présenter aux collectionneurs ou pour établir les catalogues des expositions auxquelles il participait. Il ne peut donc être sérieusement discuté qu’il existait entre les parties un accord verbal autorisant la [5] à reproduire les toiles de M. [I] et utiliser son nom, l’appelant ne pouvant donc prétendre à une indemnisation de ce chef, en confirmation de la décision dont appel.

En revanche , la persistance d’une telle situation à partir de la résolution du contrat en décembre 2017 n’est ni justifiée ni acceptable, M. [I], seul titulaire de ses droits moral et pécuniaire sur ses oeuvres, étant fondé interdire à la galerie de poursuivre une publication dont la rupture de la relation lui avait nécessairement retiré le droit. Or ses oeuvres étaient encore publiées sur le site de la galerie au moins en février 2021, sans que la galerie ait disposé d’une autorisation spécifique à cette fin, ce qui constitue une atteinte au droit d’auteur de M. [I] qui sera réparée par la condamnation de la galerie à lui payer de ce chef la somme de 3000 euros.

Sera donc interdite à la [5], pour autant que celle-ci perdure au jour de la présente décision, toute reproduction non autorisée de l’oeuvre de M. [I] dans les termes conformes à sa demande précisés au dispositif de la présente décision, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur la capitalisation des intérets, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La capitalisation des intérêts sur les sommes dues demandée par la [5], ordonnée par le tribunal conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, est confirmée.

M. [I] sera condamné aux dépens en tant que partie principalement sucombante, ce avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile, des motifs tirés de l’équité justifiant qu’il ne soit pas fait application à son encontre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS :

La cour

Confirme les dispositions du jugement dont appel, sauf en ce qu’il a :

– fixé à 14 000 euros et 9 885 euros la réparation le préjudice matériel de la Sarl [6] et à 5 000 euros celle de son préjudice moral,

– débouté la Sarl [6] de sa demande en réparation du préjudice né de la désorganisation des rapports avec sa clientèle,

– débouté M. [M] [I] de sa demande de réparation des préjudices nés de la restitution tardive de trois de ses oeuvres et de la contrefaçon par l’atteinte portée à son droit d’auteur,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [M] [I] à payer à la Sarl [6] la somme totale de 19 347, 25 euros en réparation des pertes de chance de commissionnement découlant de la rupture des relations contractuelles,

Condamne M. [M] [I] à payer à la Sarl [6] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice né de la désorganisation des rapports avec sa clientèle,

Déboute la Sarl [6] de sa demande de réparation au titre du préjudice moral,

Condamne la Sarl [6] à payer à M.[I] la somme de 2 000 euros en réparation de sa perte de chance de vendre les trois tableaux tardivement restitués en novembre 2019,

Condamne la Sarl [6] à payer à M.[I] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de ses oeuvres par le biais de leur production et de leur présentation non autorisée sur le site internet de la Sarl [6],

Y ajoutant,

Condamne la Sarl [6] à payer à M.[I] la somme de 660,39 euros en réparation de son préjudice matériel,

Ordonne en tant que de besoin à la Sarl [6] de retirer le nom et le travail de M. [M] [I] de son site internet et de l’ensemble des réseaux sociaux qu’elle gère, dans le délai de un mois de la signification de la décision à intervenir,

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte,

Rejette toutes les autres demandes,

Condamne M. [M] [I] aux dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée par la Sarl [6] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

 

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