Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
→ RésuméLa société Philippe Gourdon a formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel de Dijon, qui l’a condamnée à verser 27 214 euros HT à la société Michel Brot pour la campagne 2014. Ce litige porte sur des désaccords financiers liés à un contrat de prestations de services agricoles. La cour a jugé que la facturation de Michel Brot pour 2014, supérieure à celle de 2013, n’était pas justifiée. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Philippe Gourdon, confirmant la décision de la cour d’appel et condamnant la société aux dépens.
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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10207 F
Pourvoi n° D 19-16.961
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021
La société Philippe Gourdon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-16.961 contre l’arrêt rendu le 7 mars 2019 par la cour d’appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Michel Brot, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Philippe Gourdon, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Michel Brot, après débats en l’audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Philippe Gourdon aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Philippe Gourdon et la condamne à payer à la société Michel Brot la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Philippe Gourdon.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Philippe Gourdon à payer à la société Michel Brot la somme de 27.214 euros HT restant due en rémunération de la convention exécutée en 2013/2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la campagne 2014 ; les parties sont en total désaccord sur les conditions financières applicables, tant s’agissant de la rémunération des prestations dues à la société Michel Brot que concernant le prix de vente de la récolte ; que c’est l’article 5 intitulé « rémunération des prestations » du contrat de prestations de services agricoles et vente de récolte conclu entre les parties le 1er septembre 2012 qui en régit les conditions financières ; 1° sur le prix des prestations de la société Michel Brot ; que s’agissant en premier lieu de la rémunération de la société Michel Brot, il est stipulé que « la rémunération des prestations de services est fixée forfaitairement pour chaque campagne. Pour la campagne 2013, la rémunération des prestations de services assumées par le prestataire est fixée à 800 €HT par hectare y compris les intrants de la campagne culturale. Il est précisé que ce prix comprend les travaux, la main d’oeuvre ainsi que le carburant des matériels. A titre indicatif, la main d’oeuvre représente 20 % du prix et le carburant représente 12 % du prix » ; qu’il est constant que, s’agissant de la récolte 2013, la rémunération de la société Michel Brot s’est bien effectuée conformément à la convention, en multipliant le nombre d’hectare concernés, à savoir 119,57, par le prix unitaire de 800 € HT ; que pour les récoltes suivantes, le contrat prévoit expressément une possibilité de révision de la rémunération, dont il fixe les modalités. Il est ainsi énoncé : « A chaque campagne, le prix des prestations pourra être révisé proportionnellement à la variation des prix de main d’oeuvre et de carburant selon leur quote-part définie ci-dessus » ; qu’au regard de ces stipulations contractuelles, l’intimée n’était en droit de facturer pour la campagne 2014 qu’un prix forfaitaire de 800 € HT par hectare, éventuellement révisé en fonction de l’évolution de coût de la main d’oeuvre et de celui du carburant. Or, l’intimée a facturé à la société Philippe Gourdon un montant de 109 956 € HT qui, rapporté à la surface de 119,57 ha, qui n’avait pas été modifiée, abouti à un prix de 919,60 € HT par hectare. Pourtant, il n’est ni démontré, ni même simplement allégué que l’augmentation de 15 % ainsi appliquée sur le tarif antérieur soit la résultante de la variation du prix de la main d’oeuvre et/ou celui du carburant ; que dès lors ainsi que la société Michel Brot ne démontre pas s’être conformée au contrat pour établir sa rémunération au titre de la campagne 2014, c’est à bon droit que le premier juge l’a ramenée, par la stricte application des stipulations conventionnelles, à la somme de 95.656 € HT ; 2° Sur le prix de vente de la récolte ; que le prix de vente de la récolte n’est évoqué par la convention que dans le décompte des sommes dues au titre de l’année 2013, inclus dans l’article 5 précité, et libellé comme suit : « Le règlement des prestations se fera de la manière suivante : – vente par le client de la récolte 2012/2013 à la Sarl Brot Michel soit : > 73.42 ha de colza hiver plante entière > 46.15 ha de blé hiver plante entière = 150 656.00 € HT – prestation de services et des intrants dus par la Sarl Gourdon Philippe – 95 656 € HT – indemnisation perte de récolte par la compagnie d’assurance – € HT – solde à régler par la Sarl Michel Brot au 30 septembre 2013 par virement 65 000.00 HT » ; que ce décompte se rapporte exclusivement à l’année 2013, ainsi que le confirme sans ambiguïté la référence précise à l’année culturale et l’indication de l’échéance du paiement. Il ne peut dès lors être considéré, comme le soutient la société Philippe Gourdon, que ce décompte emporte de manière intangible et forfaitaire fixation du prix de vente des récoltes pour les campagnes ultérieures ; qu’en l’absence de stipulation contractuelle particulière à cet égard, c’est nécessairement le prix de vente au cours réel qui doit être réglé par la société Michel Brot à la société Philippe Gourdon en paiement de chaque récolte successive. C’est au demeurant une solution conforme à la spécificité du marché concerné, soumis à de multiples contraintes et variables, et dont les cours peuvent évoluer d’une année sur l’autre avec une très forte amplitude, tant à la hausse qu’à la baisse ; que c’est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu le prix de vente réel à la récolte 2014, soit 68 442 € HT, comme devant venir en déduction des sommes dues à la société Michel Brot ; 3° sur la paille ; que l’économie du contrat est basée sur la vente à la société Michel Brot des récoltes plantes entières, ce qui inclut la paille. Or, il n’est pas contesté qu’au moins une partie de la paille a été cédée à un tiers, de sorte que la société Michel Brot n’a pas perçu l’intégralité des produits auxquelles elle pouvait prétendre ; que le premier juge a relevé avec pertinence que les pièces produites de part et d’autre ne permettaient pas de déterminer sur quelles quantités exactes de paille portait le différend, de sorte qu’il était fondé à ordonner sur ce point la réalisation d’une expertise technique ; que s’agissant de la campagne 2014, la décision entreprise sera en définitive confirmée en ce qu’elle a condamné la société Philippe Gourdon à payer à la société Michel Brot la somme de 27 214 € HT résultant de la différence entre les prestations de l’intimée (95 656 € HT) et le prix de vente de la récolte (68 442 € HT), et ordonné une expertise concernant la paille ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la récolte 2014 ; qu’en application de l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et applicable à la présente espèce, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l’article 1156 ajoute que l’on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ; qu’il ressort de la lecture du contrat qu’aux termes de ce dernier, les parties entendaient réaliser des « travaux agricoles de la préparation du sol à la récolte tels que définis et précisés dans les obligations de l’entrepreneur et la fourniture des intrants et vente de récolte », sur 119,57 hectares des parcelles telles que listées en annexe du contrat ; que l’article 4 stipule que le contrat est conclu pour l’année culturale 2012/2013, soit une durée d’environ 12 mois pour se terminer après l’enlèvement des récoltes en 2013. ( ) Il est convenu expressément entre les soussignées que le présent contrat pourra éventuellement se renouveler d’année en année, à moins que l’une des parties notifie son intention de résilier le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard le 30 avril précédant la dernière récolte effectuée par l’entrepreneur ( ) ; qu’enfin, l’article 5 Rémunérations des prestations précise que la rémunération des prestations de services est fixée forfaitairement pour chaque campagne. Pour la campagne 2013, la rémunération des prestations de services assumées par le prestataire est fixée forfaitairement à 800 € HT par hectare y compris les intrants de la campagne culturale. Il est précisé que ce prix comprend les travaux, la main d’oeuvre ainsi que le carburant des matériels. A titre indicatif, la main d’oeuvre représente 12 % du prix. A chaque campagne, le prix des prestations pourra être révisé proportionnellement à la variation des prix de main d’oeuvre et de carburant selon leur quote-part définie ci-dessus. Le règlement des prestations se fera de la manière suivante : – vente par le client de la récolte 2012/2013 à la Sarl Michel Brot soit * 73,42 ha de colza hiver plante entière * 46,15 ha de blé hiver plante entière = 160.656 € HT – prestation de services et des intrants dus par la Sarl Gourdon Philippe = 95.656 € HT – indemnisation perte de récolte par la compagnie d’assurance = . – solde à régler par la Sarl Michel Brot au 30 septembre 2013 par virement = 65.000 € HT ; que ces stipulations contractuelles permettent d’établir que les parties ont entendu fixer forfaitairement la seule rémunération due à la Sarl Michel Brot, à hauteur de 800 € par hectare ; que la récolte 2013 vendue par la Sarl Philippe Gourdon n’a pas été chiffrée forfaitairement puisque sa valeur a été fixée à la somme de 160.656 € HT mais en se référant expressément à des quantités précises de colza et de blé plantes entières ; qu’ainsi, comme le précisent d’ailleurs les dernières lignes de l’article 5, le montant de 65.000 € HT n’a pas été fixé par les parties comme étant la somme due chaque année, en cas de reconduction du contrat par la Sarl Michel Brot à sa cocontractante mais comme le montant évalué à la date de conclusion du contrat compte tenu des quantités de blé et de colza à récolter pour la seule récolte 2013 ; que les termes du contrat ne permettent pas de conclure comme le fait la demanderesse que la rémunération prévue pour la vente de sa récolte annuelle était fixée forfaitairement ; que dès lors que l’article 5 prévoyait expressément de prendre en compte les quantités récoltées pour chiffrer la valeur de la récolte de la Sarl Philippe Goudron, il en ressort qu’il était inutile de prévoir une clause de renégociation des conditions financières concernant cette dernière. L’absence d’une telle clause ne peut donc être opposée par la demanderesse à la Sarl Michel Brot pour conclure au paiement de la somme de 65.000 € HT figurant dans le contrat et portant sur la récolte de 2013 ; qu’il ne ressort par ailleurs d’aucune clause du contrat qui viendrait remettre en question la volonté des parties de déterminer le prix de la récolte en fonction de la quantité récoltée, que l’entrepreneur a accepté de fixer forfaitairement le coût de la récolte annuelle et de supporter de la sorte un aléa relatif aux différences de rendement ou à une évolution du cours des céréales pour les années suivantes ; que le contrat n’a ainsi prévu une faculté de renégociation annuelle que pour la rémunération forfaitaire de l’entrepreneur ; qu’en revanche, il ressort de la facture du 31 octobre 2014 de la Sarl Michel Brot que les prestations n’ont pas été tarifées dans les mêmes conditions que pour la première récolte soumise au contrat puisque la Sarl Michel Brot n’applique plus la rémunération forfaitaire de 800 € par hectare mais distingue les prestations, au prix unitaire de 399 € et la facturation d’engrais, semences et phytos à des prix unitaires distincts. Non seulement les modifications tarifaires ne répondent pas aux conditions de l’article 5 de la convention, dont il n’est pas contesté qu’elle a été reconduite d’un commun accord pour la campagne 2014, mais elles ne découlent d’aucune autre convention conclue entre les parties ; que la facture de la Sarl Michel Brot pour la campagne 2014 dont donc être retenue pour un montant HT de 95.656 € ; que la récolte 2014 étant chiffrée à 68.442 € HT sans que la demanderesse conteste les quantités (qu’elle a elle-même fait figurer dans sa facture datée du 30 septembre 2014) et le calcul effectué par courrier du 19 décembre 2014, il en résulte une somme de 27.214 € HT restant due à la Sarl Michel Brot en rémunération de la convention exécutée en 2013/2014 ; qu’en outre, la Sarl Michel Brot ne démontre pas avoir sollicité la production de l’attestation d’assurance des récoltes à son cocontractant dès le printemps 2014 et n’a en tout état de cause jamais mis en demeure la Sarl Philippe Gourdon de justifier de l’exécution de son obligation contractuelle pendant la durée de leurs relations contractuelles. Elle ne forme d’ailleurs aucune demande contre la demanderesse fondée sur cette non justification d’assurance ; qu’au surplus, le courrier de résiliation adressé le 10 novembre 2014 par la Sarl Michel Brot, soit hors des délais contractuellement fixés, se borne à invoquer le désaccord qui oppose les parties sans aucune autre précision ; qu’ainsi, aucune conséquence ne peut être tirée de l’absence de justification par la demanderesse de la souscription d’une assurance pour ses récoltes 2014, bien que les justifications produites par la Sarl Philippe Gourdon ne soient pas de toute clarté, en l’absence de communication des polices qui permettraient seules de connaître le périmètre assuré et les périodes concernées ;
1) ALORS QU’à défaut d’accord contraire des parties, la tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée donne naissance à un nouveau contrat dont les stipulations sont identiques à celles du contrat reconduit ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le contrat litigieux, conclu le 1er septembre 2012 pour la campagne 2012/2013, avait été reconduit d’un commun accord pour la campagne 2013/2014, que l’article 5 de ce contrat en régit les conditions financières, et que celui-ci énonce que le prix de vente de la récolte s’élève à la somme de 150 656 euros HT au titre de l’année culturale 2013 ; qu’en refusant de faire application de ce prix au titre de l’année culturale 2014, au motif qu’en l’absence de stipulation contractuelle particulière à cet égard, c’est nécessairement le prix de vente au cours réel qui doit être réglé par l’acheteuse, la société Michel Brot, à la venderesse, la société Philippe Gourdon, cependant qu’en l’absence de modification ayant fait l’objet d’un accord entre les parties du contrat tacitement reconduit, les stipulations initiales de ce contrat devaient recevoir application, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE le juge ne peut fixer le prix d’une vente en retenant une méthode de détermination du prix qui n’a pas été prévue au contrat par les parties ; qu’en affirmant, pour fixer le prix de vente de la récolte 2014 à la somme de 68.442 euros HT, qu’en l’absence de stipulation concernant la fixation du prix de vente des récoltes pour les campagnes ultérieures à celle de 2012/2013 c’était nécessairement le prix de vente au cours réel qui devait être réglé par la société Michel Brot à la société Philippe Gourdon en paiement de chaque récolte successive, la cour d’appel a violé l’article 1591 du code civil ;
3) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu’ils résultent des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d’appel (cf. p. 8), la société Philippe Gourdon soutenait que les premiers juges ne pouvaient reprendre le chiffrage établi par la société Michel Brot définissant un prix par tonne de céréales, pour considérer que la récolte 2013/2014 avait une valeur de 68.442 euros HT, et non une valeur forfaitaire (cf. concl., p. 8) ; que dès lors, en affirmant, pour retenir que la récolte 2014 était chiffrée à 68.442 euros, par motifs adoptés, que la société Philippe Gourdon ne contestait pas les quantités et le calcul effectué par courrier du 19 décembre 2014 de la société Michel Brot, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile.
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