Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
→ RésuméLa société Mil Pouss a introduit un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel de Montpellier, concernant un rapport d’expertise sur l’efficacité du produit phytosanitaire Basamid. La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi, confirmant la nullité partielle du rapport d’expertise en raison de l’absence d’impartialité de l’expert. Mil Pouss a contesté cette décision, arguant que l’essai avait été réalisé conformément aux instructions judiciaires. Cependant, la Cour a souligné que la responsabilité de l’expert ne pouvait être déléguée et a condamné Mil Pouss aux dépens, sans preuve d’un préjudice financier certain.
|
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 mars 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10145 F
Pourvoi n° X 19-23.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021
La société Mil Pouss, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° X 19-23.096 contre l’arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Arterris, société coopérative agricole, dont le siège est […] , ayant pour nom commercial Groupe coopératif occitan, venant aux droits de la Société coopérative centrale d’achats et d’approvisionnements agricoles des Pyrénées-Orientales (enseigne commerciale La Centrale),
2°/ à la société Certis Europe BV, société de droit étranger, dont le siège est […] , et le siège social au […] ,
3°/ à la société Kanesho Soil Treatment (KST), société de droit belge, dont le siège est […] ),
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Mil Pouss, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Kanesho Soil Treatment, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Arterris, après débats en l’audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Maunand, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mil Pouss aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mil Pouss et la condamne à payer à la société coopérative agricole Arterris, la somme de 2 000 euros et à la société Kanesho Soil Treatment, la somme de 2 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Maunand, conseiller, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Mil Pouss
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir prononcé la nullité partielle du rapport d’expertise de M. Y… en date du 16 février 2012 à partir de la page 58 et d’avoir débouté la Sarl Mil Pouss de l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les sociétés Certis et KST sollicitent au principal la confirmation du premier juge en ce qu’il a annulé partiellement le rapport d’expertise ; que la société Arterris sollicite la confirmation du premier jugement, et donc l’annulation partielle prononcée ; que la société appelante Mil Pouss demande l’homologation du rapport d’expertise ; que sont formulés plusieurs reproches à l’encontre des opérations d’expertise, le principal consistant dans l’organisation d’un essai de culture in vivo, qui n’aurait pas respecté l’interdiction pour l’expert de déléguer les opérations d’expertises qui lui sont confiées ; qu’il convient tout d’abord de préciser que l’ordonnance permettant cet essai, émanant du juge chargé du contrôle des expertises, ne constitue pas un blanc-seing pour la suite des opérations, et ce d’autant qu’en application de l’article 168 du code de procédure civile, le juge se prononce sur le champ si la difficulté survient au cours d’une opération à laquelle il procède ou assiste, ce qui n’était pas le cas, ou, dans les autres cas, fixe la date pour laquelle les parties et s’il y a lieu le technicien commis seront convoqués par le greffier, formalité qui n’a pas eu lieu, étant précisé que la requête tendant à s’opposer à cet essai émanait de Certis, qui a donc été soumise, ainsi que les autres sociétés, à la décision du juge, sans autre possibilité de s’expliquer ; que l’on peut s’interroger à loisir sur les raison pour lesquelles l’expert a cru utile de devoir procéder à cet essai, et sur celles pour lesquelles les sociétés défenderesses s’y sont opposées ; que l’essentiel tient au fait que l’essai litigieux s’est déroulé pendant trois mois, du 30 octobre 2009 au 26 janvier 2010, avec présence de l’expert sur les lieux le 30 octobre 2009, le 26 janvier 2010, et lors de deux accedits du 12 et du 26 novembre 2009, ce qui n’est pas significatif d’un contrôle strict sur la période, même si les précautions physiques ont été prises pour empêcher toute intrusion dans la partie de la serre consacrée à cet essai, ce qui ne permet absolument pas d’être certain de l’absolue impossibilité d’infestation volontaire ou involontaire, avec une absence de l’expert autorisant la dissimulation d’une éventuelle intrusion, qu’il n’appartient pas aux sociétés défenderesses de démontrer, la seule question soumise à la cour étant celle du respect de ses obligations par l’expert ; qu’en l’espèce, il n’est pas sérieusement contesté que pendant la durée de l’essai, seule la société Mil Pouss a pu avoir accès à la serre litigieuse, et a assuré sinon l’arrosage du moins le contrôle d’humidité, et le contrôle de température du sol, tous éléments et critères essentiels en matière d’infestation par le rhizoctonia, ce qui résulte de façon incontestable des éléments techniques généraux non contestés repris à la fois par l’expert au début de ses opérations, et par les parties ; qu’il ne peut être sérieusement soutenu qu’en se rendant quatre fois sur place en trois mois, l’expert ait pu se livrer à un véritable contrôle et qu’il s’agisse là d’opérations purement matérielles, puisque précisément le contrôle de l’humidité et de la température est essentiel à l’interprétation de l’essai ; que le grief ne consiste pas dans les résultats défavorables à l’une ou l’autre des parties, mais bien dans l’impossibilité pour telle partie, sur la base de résultats qui ne résultent pas de l’exécution par l’expert d’actes à caractère technique inhérents à sa mission, de devoir poursuivre le débat contradictoire dans l’incertitude d’opérations strictement menées et contrôlées par l’expert, qui au demeurant ne sont pas susceptibles d’éclairer techniquement la cour ; que l’argumentation du premier juge est d’autant plus pertinente en l’espèce, dans la mesure où il s’agit véritablement d’une délégation à l’une des parties d’un site strictement dédié à une opération d’expertise, avec possibilité d’intervention sur les paramètres essentiels aux réponses à faire par l’expert pour répondre à sa mission ; qu’enfin, les mesures de précaution invoquées par Mil Pouss et reprises par l’expert apparaissent d’autant plus insuffisantes que le problème d’infestation qui en réalité était la question centrale soumise à l’expert est dépendant de multiples facteurs, rien ne permettant de repousser, y compris en présumant de la bonne foi de toutes les parties, une infestation involontaire ayant pu échapper à l’expert, seulement présent quatre jours sur un délai de trois mois ; que par application de l’article 233 du code de procédure civile, le premier juge sera donc confirmé sur ce volet ; mais qu’il n’est pas inutile d’examiner ses autres motivations, s’agissant des délais accordés à la société demanderesse pour fournir les éléments permettant de quantifier son préjudice financier, délais qui ont été repoussés de fait jusqu’au 14 novembre 2011, au-delà du délai fixé par l’expert lui-même dans sa lettre circulaire en date du 20 octobre 2011 (pièce 72 de KST), impartissant un délai jusqu’à fin octobre pour le demandeur pour déposer ses pièces ; qu’au surplus, le même expert indiquait que fin novembre il déposerait son pré-rapport, ce qui laissait un mois aux sociétés défenderesses pour se prononcer sur ce pré-rapport, et notamment sur l’aspect financier, alors que les éléments financiers étaient réclamés depuis le premier accedit du 2 janvier 2009 ; qu’il n’est pas inutile de relever sur ce point, soulevé avec pertinence par le premier juge, qui a relevé l’atteinte au principe du contradictoire, et plus précisément au principe d’égalité des armes, puisqu’une partie dispose de plusieurs années pour chiffrer son préjudice, et que les adversaires ne disposent que d’un mois pour le contester ; que le deuxième intérêt de cette irrégularité tient au fond, dans la mesure où il sera motivé infra que précisément la question de la démonstration de ce préjudice financier est en toute hypothèse essentielle ; que le prononcé d’une nullité partielle prive bien entendu le rapport d’expertise d’une grande partie de sa valeur probatoire et notamment de la conclusion selon laquelle, après l’essai grandeur nature in vivo, l’expert a noté la difficulté à combattre le pathogène avec le basamid dont l’efficacité est loin d’être satisfaisante dans une terre fortement infestée, avec une conclusion qui s’imposerait d’elle-même (page 166 de l’expertise) : « dans ce type de sol et à ce niveau d’infestation, le produit manque d’efficacité, et surtout les modalités d’application portées sur les emballages sont trop succinctes pour une mise en oeuvre correcte » ; que cette conclusion ne peut être retenue, dans la mesure où elle n’est que la conséquence de l’essai in vivo qui est annulé, sachant qu’en page 47, avant cet essai, l’expert avait conclu qu’en l’état actuel des investigations il n’y avait rien qui soit de nature à incriminer le Basamid ; que l’incertitude est d’autant plus grande que l’expert a d’abord retenu un pourcentage de responsabilité à l’égard du client, dans la mesure où la terre était fortement infestée en raison « de la culture intensive, salade sur salade, avec cinq à neuf rotations la même année, et ce depuis plus de 10 ans, ce qui a pour effet d’accumuler résidus et fleurs pathogènes dans le sol, nonobstant le petit système racinaires des plantules par rapport à des salades normales, 15 à 20 fois plus grosses (page 100) » ; que toujours en page 100, il a été aussi pratiqué un test de sous-solage, lors du troisième accedit (page 43) qui a démontré l’action de l’outil, et les remontées de mottes, ces remontées de terre n’étant pas systématiques, mais cela démontre la possibilité de contamination du lit de semences depuis les zones profondes, sous réserve bien sûr que celle-ci soit contaminée, ces remontées n’étant ni systématiques, ni homogènes ; que la cour d’appel n’a évidemment aucune compétence technique et n’entend pas privilégier une quelconque analyse, mais fait état simplement – de façon non exhaustive – des éléments du débat, sans bien discerner pourquoi entre le pré-rapport et le rapport définitif, le pourcentage de responsabilité du client disparaît, comme si les résultats de l’essai in vivo avaient eu pour effet de faire disparaître les problèmes de culture intensive et celui des remontées intempestives des zones profondes ; que cela est d’autant plus vrai que Mil Pouss, qui ne conteste pas sérieusement son modèle de culture intensive à l’époque, n’hésite pas, avec l’expert, à réclamer au titre de son préjudice indirect une somme de 125 000 €, précisément pour avoir dû mettre en jachère certaines parcelles, la question légitime pouvant se poser de savoir si cette mise en jachère ne participe pas tout simplement d’un mode de culture moins intensif, avec en conséquence moins d’infestation de la terre et donc plus d’efficacité du produit ; que l’ensemble de ces problèmes, soulevé de façon non exhaustive et à titre documentaire en lecture d’expertise, démontre la complexité de la question et l’impossibilité à partie des opérations d’expertise préservées et des questions objectives soulevées, de retenir la démonstration d’une inefficacité du produit en tant que tel ; qu’en page 65, l’expert indique bien que ce produit est conforme, ce qui ne permet pas de faire droit à l’argumentation du client selon laquelle l’obligation de délivrance n’aurait pas été respectée ; que rien ne démontre que le produit commandé n’a pas été celui effectivement livré, la question de son efficacité étant distincte ; que la nullité du contrat de vente étant en voie de rejet, reste la question subsidiaire du manquement à l’obligation de conseil, dans la mesure où l’étiquette figurant sur l’emballage du produit serait insuffisante pour assurer une bonne efficacité de la désinfection ; que la société Certis produit en pièce numéro trois l’étiquette du Basamid granulé, qui précise tout d’abord les doses d’emploi, dont rien n’indique en l’espèce qu’elles aient un rapport avec l’inefficacité alléguée ; qu’il est ensuite indiqué que la réussite de la désinfection passe par le respect strict des opérations suivantes, à savoir : – préparer le sol comme pour un semis, le sol doit être exempt de mottes et de débris végétaux non décomposés sur toute l’épaisseur de la couche à désinfecter ; – maintenir le sol humide (60% de la capacité de rétention) pendant 15 jours avant la désinfection pour que les parasites à détruire soient en activité ; – lors de la désinfection, la température du sol à 10cm de profondeur doit se situer entre 12° et 20° pour obtenir une désinfection optimale ; – l’épandage doit être régulier et homogène. Il est immédiatement suivi d’une incorporation. En utilisant un appareil de type Rotobêche, Rotavateur, Totalabour. Exclure les herses rotatives ou alternatives. La pose d’un film plastique ou l’apport d’eau quotidien par aspersion visant à compenser l’évapotranspiration pendant huit jours après l’incorporation du granulé améliorent l’efficacité de la désinfection ; – délais de remise en culture : la vitesse de décomposition du granulé est fonction de la nature du sol, de son humidité et de sa température. Le délai de remise en culture est en moyenne de 15 à 20 jours après l’épandage. Avant toute remise en culture il est indispensable d’effectuer un test du cresson (lire le mode opératoire). Afin d’accélérer la décomposition du produit le sol peut être aéré en prenant la précaution de ne pas incorporer de la terre non désinfectée ; que l’étiquette se poursuit de manière aussi détaillée, avec la précision, sous l’intitulé « important », des éléments suivants ; « avec de nombreux fongicides, il existe un risque général d’apparition de souches fongiques résistantes à la matière active. Pour diminuer le risque d’apparition ou de développement du phénomène de résistance, il est nécessaire de respecter les préconisations d’emploi (dose recommandée, cadence et séquence de traitement, conditions d’application) et chaque fois que possible d’utiliser des produits à mode d’action différent en alternance ou en mélange. En dépit du respect de ces règles, on ne peut pas exclure une altération de l’efficacité du fongicide liée à ces phénomènes de résistance. De ce fait, nous déclinons toute responsabilité quant à d’éventuelles conséquences qui pourraient être dues à de telles résistances. Respecter les usages, doses, conditions et précautions d’emploi mentionnés sur l’emballage qui ont été déterminés en fonction des caractéristiques du produit et des applications pour lesquelles il est préconisé. Conduisez sur ces bases la culture et les traitements selon la bonne pratique agricole en tenant compte, sous votre responsabilité, de tout facteur particulier concernant votre exploitation, tels que la nature du sol, les conditions météorologiques, les méthodes culturales, les variétés végétales, la résistance des espèces » ; que la cour adopte les motifs pertinents du premier juge sur ce volet, selon lesquels cette étiquette est parfaitement détaillée et pointe parfaitement une possibilité de résistance, le tout étant parfaitement compréhensible pour un professionnel de la culture, connaissant parfaitement son mode d’exploitation et son site ; qu’au surplus, les conclusions de l’expert judiciaire sur ce point précis ne sont pas très éclairantes, la véritable question étant de savoir si Mil Pouss a été en possession des fiches technico-commerciales, puisqu’il n’est pas véritablement contesté qu’après mise en perspective de l’étiquette et de ces fiches, l’obligation d’information querellée aurait été respectée ; que Mil Pouss conteste avoir été en possession de ces fiches, l’expert indique en page 104 que « bien que le demandeur se plaigne de n’avoir jamais eu ces fiches en main, il aurait pu se les procurer auprès du fournisseur, même s’il n’est pas douteux que la mise en oeuvre ait été expliquée de vive voix » ; que néanmoins, l’expert explique dans le même paragraphe que la fiche spécifique du sac de granulé ne précise rien au sujet de la profondeur des labours préconisés entre 20 et 25 centimètres, et que l’absence d’information sur le mode d’action du produit, sa diffusion dans le sol, sur quelle largeur et quelle profondeur, pendant combien de temps est particulièrement handicapante pour un travail de qualité ; qu’il n’est pas contesté par ailleurs que la société Mil Pouss n’a pas participé à la formation proposée par la société Certis ; qu’en toute hypothèse, sur le strict plan du droit non sur celui des hypothèses contradictoires au plan cultural, puisque le client reproche une absence d’information et que les défendeurs lui reprochent de mauvaises pratiques culturales, il convient de s’interroger sur le lien direct entre l’absence d’information alléguée et l’inefficacité (au demeurant non démontrée) du produit ; qu’en d’autres termes, il conviendrait de prouver que les causes certaines de l’inefficacité du produit (au demeurant non démontrée) ont un lien direct avec le manquement à l’obligation d’information, et qu’ainsi l’agriculteur (pour autant professionnel) avait besoin d’être informé des effets possibles de la culture intensive pratiquée, des remontées possibles de terre infectée par la sous soleuse, de la nécessité d’une application homogène du granulé et des conséquences d’un nettoyage éventuellement insuffisant des outils, par exemple ; que la cour estime en réalité qu’au vu des mentions de l’expertise, et de la complexité d’un problème que l’expert n’a en réalité pas résolu de façon certaine, au-delà de la nullité partielle de son essai in vivo, le manquement à l’obligation d’information, qui ne résulterait que de la non transmission des fiches technico-commerciales, n’est pas avéré au vu de la précision de l’étiquette précitée, et de la référence aux bonnes pratiques culturales pour un professionnel, dont l’expert judiciaire estime lui-même qu’il a reçu des explications de vive voix sur la mise en oeuvre du produit, et qui n’a pas souhaité se rendre à une séance de formation ; qu’enfin la mise en oeuvre de la responsabilité des défendeurs suppose la démonstration d’un préjudice quantifié de façon certaine ; que sur ce plan, il est radicalement impossible de quantifier un quelconque préjudice qui puisse résulter tout d’abord de l’achat du produit, qu’il faudrait rembourser, alors que ce produit est conforme et constitue une charge d’exploitation en toute hypothèse ; qu’au surplus, il est tout aussi radicalement impossible de chiffrer un préjudice certain, sans absolument aucun document comptable certifié par un expert comptable ou un commissaire aux comptes, et soumis au travail contradictoire de l’expert qui pouvait faire appel à un sapiteur spécialisé ; que ces éléments comptables ont été réclamés depuis plusieurs années, l’expert étant parfaitement informé des objections des défendeurs sur ce volet, ce qui s’ajoute au délai très court qui a été imparti pour pouvoir répondre, ainsi que motivé supra ; qu’il n’est pas répondu sur l’affirmation selon laquelle l’expert a travaillé sur des tableaux fournis par la société Mil Pouss, la circonstance qu’il ait réduit au final les prétentions de la société ne modifiant en rien l’absence de recours à des pièces comptables certifiées ; qu’ainsi, que ce soit sur le fondement de l’inefficacité du produit, ou sur celui des manquements à l’obligation d’information, la société demanderesse, qui a la charge de la preuve, est dans l’incapacité de démontrer une relation directe avec un préjudice certain, à supposer démontrée ladite inefficacité et lesdits manquements ; que c’est donc un débouté global qui s’impose, par confirmation du premier juge, la cour n’estimant pas sur le strict plan de l’équité devoir faire une application supplémentaire de l’article 700 du code de procédure civile en appel (arrêt pages 3 à 11) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « avant toute défense au fond, les sociétés KST et Certis Europe poursuivent la nullité du rapport d’expertise, totale pour la première et partielle pour la seconde ; sur la nullité du rapport d’expertise ; qu’il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d’exécutions relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ; qu’en particulier et conformément à l’article 114, la nullité est subordonnée à la preuve de l’existence d’un grief ; que l’essentiel des critiques formulées à l’encontre de l’expertise effectuée par M. Y… portent sur la réalisation de l’essai grandeur nature ; qu’en effet, après avoir procédé à des analyses de la terre du basamid et des plantules, puis fait procéder à des essais du basamid en laboratoire, l’expert a procédé à un essai grandeur nature, in situ, sur l’exploitation du demandeur ; qu’aux termes de l’article 233 du code de procédure civile, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; que ce texte n’interdit pas à l’expert de se faire assister dans sa tâche par un technicien procédant sous sa responsabilité et dont il vérifie les constatations ; qu’en l’occurrence, l’essai litigieux s’est déroulé du 30 octobre 2009 au 26 janvier 2010, soit sur une durée de trois mois ; que l’expert a été présent sur les lieux à la mise en place le 30 octobre 2009 et à l’issue de l’essai le 26 janvier 2010 et lors des deux accedits des 12 et 26 novembre 2009 ; que tout le reste du temps, l’essai a été placé sous la garde et le contrôle de la Sarl Mil Pouss ; que celle-ci s’est retrouvée chargée de l’arrosage et du contrôle de la température du sol ; que le suivi quotidien de l’essai in vivo a ainsi été réalisé par la demanderesse elle-même, sans aucun contrôle de l’expert ; qu’un tel procédé est en violation totale de l’article 233 du code de procédure civile, la réalisation d’une partie des opérations d’expertise ne pouvant être confiée au demandeur au procès ; que les sociétés KST et Certis Europe subissent un grief certain puisque les conclusions du rapport d’expertise qui leur sont défavorables sont fondées sur cet essai ; qu’il est également soulevé une difficultés quant à la partie de l’expertise relative à l’évaluation du préjudice subi par la Sarl Mil Pouss ; qu’aux termes de l’article 239 du code de procédure civile, le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis ; qu’en application de l’article 276, l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai ; qu’en octobre 2010, la Sarl Mil Pouss n’avait toujours pas communiqué les justificatifs complets de son préjudice financier alors que les opérations d’expertise ont débuté le 2 janvier 2009 ; que par ordonnance en date du 9 mars 2011, le juge chargé du contrôle des expertises a prorogé le délai imparti à Monsieur Y… pour déposer son rapport au 30 juin 2011 ; que les 7 avril et 3 mai 2011, Monsieur Y… a adressé une lettre circulaire aux parties indiquant qu’à défaut des justificatifs, il chiffrerait le préjudice forfaitairement et au minimum ; que les opérations sont restées en l’état et qu’aucune audience a été fixée le 20 octobre 2011 devant le juge chargé du contrôle des expertises ; que par ordonnance en date du 9 novembre 2011, le juge chargé du contrôle des expertises a dit que l’expert devra établir et adresser son pré-rapport aux parties, au vu des seules pièces fournies en temps utile, pour le 30 novembre 2011 ; que l’expert par lettre circulaire du 20 octobre 2011 a fixé le dernier délai de communication des pièces du demandeur à la fin octobre ; que la Sarl Mil Pouss a adressé ses pièces les 27 et 31 octobre 2011, puis des pièces complémentaires le 14 novembre 2011 ; qu’en dépit des contestations des sociétés KST et Certis Europe, l’expert a pris en compte ces éléments ; que les pièces communiquées le 14 novembre 2011 ont été adressées au-delà du délai fixé par l’expert et que les communications des 27 et 31 octobre apparaissent bien tardives pour permettre un examen utile par les parties ; qu’après trois années d’expertise, cette prise en compte d’éléments communiqués tardivement est contraire au respect du contradictoire et fait grief aux sociétés KST et Certis Europe ; qu’en revanche, il ne saurait être reproché à l’expert de ne pas avoir répondu aux dires présentés par les sociétés KST et Certis Europe ; que les deux sociétés ont déposé plusieurs dires ; que notamment la société Certis Europe a présenté un dire récapitulatif n°2 le 13 janvier 2012, très développé ; que l’expert l’a intégré à son rapport et présente ses réponses au cours du dire ; que s’agissant de la polémique sur les photographies communiquées par la société KST et non annexées par l’expert, il convient de relever que l’expert indique, en page 160, qu’il laisse au conseil de KST le soin de présenter ces photos qu’il a visionnées présentées sous forme de fichier informatique lourd ; que ces deux derniers moyens ne sont donc pas fondés ; qu’il convient en outre de relever qu’il n’est présenté aucun grief à l’encontre du début des opérations d’expertise (accedit 1, 2 et 3) ; qu’il y a donc lieu d’annuler partiellement le rapport d’expertise, à compter de la page 58 ; sur le fond ; que le litige dure depuis 2008 et qu’une nouvelle expertise apparaît inopportune ; que le tribunal peut statuer, à tout le moins sur le principe même des actions engagées, en l’état des éléments contenus dans la partie non annulée du rapport d’expertise et des pièces versées aux débats ; sur la demande principale en nullité du contrat de vente ; qu’à titre principal, la Sarl Mil Pouss poursuit l’annulation de la vente en date du 26 mars 2008 pour erreur sur les qualités substantielles du produit vendu ; qu’aux termes de l’article 1110 du code civil, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; que la Sarl Mil Pouss soutient que son consentement a été vicié, croyant à l’efficacité du basamid qui s’est révélé totalement inefficace pour traiter le rhizoctonia ; que la société Arterris conclut au débouté, l’efficacité du basamid étant avérée ; qu’il convient de rappeler que le basamid est homologué en France depuis le 1er décembre 1968 ; que cette homologation a été régulièrement renouvelée ; que par décision notifiée le 2 février 2010, l’utilisation du basamid granulé a été autorisée avec une dose d’emploi inférieure soit 500kg par hectare au lieu de 700kg antérieurement, les études préalables ayant démontré l’efficacité du produit même avec ce dosage moindre ; qu’une directive d’exécution de la commission européenne en date du 20 avril 2011 a inscrit le dazomet (nom commercial : basamid) à l’annexe I de la directive 91/414 CEE du conseil relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ; que les normes européennes sont particulièrement strictes et que ces décision établissent l’efficacité du produit ; que les tests en laboratoire effectués dans le cadre de l’expertise judiciaire ont confirmé cette efficacité ; que la Sarl Mil Pouss ne peut dès lors arguer d’aucune erreur sur la qualité substantielle du produit ; que l’inefficacité dont a été victime la Sarl Mil Pouss est due aux conditions d’utilisation, les bonnes pratiques n’ayant pas été respectées ; qu’il est acquis aux débats que la monoculture intensive pratiquée par la Sarl Mil Pouss favorise l’infestation importante de la terre ; que la Sarl Mil Pouss n’a mis en place aucune mesure de prophylaxie, telle que le nettoyage des outils, ou la mise en place d’un pédiluve, dispositions pourtant indispensables ; que les conditions d’utilisation du produit n’ont pas été respectées, l’application du produit n’étant pas homogène et des mottes de terres non traitées étant remontées vers la surface en raison de labours trop profonds ; qu’il y a donc lieu de débouter la Sarl Mil Pouss de sa demande d’annulation de la vente ; sur la demande subsidiaire fondée sur le manquement à l’obligation de conseil et d’information ; que la Sarl Mil Pouss poursuit sur ce fondement la responsabilité tant de son veneur que des sociétés Certis Europe et KST ; qu’elle soutient que la notice d’utilisation du produit est succincte et insuffisante et reproche à son vendeur de ne pas l’avoir suffisamment informée sur la mise en oeuvre du produit ; que les défenderesses concluent au débouté ; que l’étiquette figurant sur l’emballage du produit est versée aux débats par la société Certis ; que contrairement à ce que soutient la Sarl Mil Pouss, le mode d’emploi du produit y figure de manière précise et détaillée ; que les opérations suivantes doivent être respectées : préparation du sol : le sol doit être exempt de mottes et débris végétaux ; humidité du sol : l’humidité doit être maintenue (60% de la capacité de rétention) pendant au moins 15 jours avant le désinfection ; température du sol : la température du sol à 10cm de profondeur doit se situer entre 12 et 20° ; épandage et incorporation : l’épandage doit être régulier et homogène ; qu’il est précisé le délai de remise en culture et que le mode opératoire du test de cresson est spécifié ; qu’il est difficile d’être plus précis ; qu’en outre figure sur l’étiquette la mention suivante : « respectiez les usages, doses, conditions et précautions d’emploi mentionnées sur l’emballage, conduisez sur ces bases la culture et les traitements selon la bonne pratique agricole en tenant compte, sous votre responsabilité, de tous facteurs particuliers concernant votre exploitation, tels que la nature du sol, les conditions météorologiques, les méthodes culturales, les variétés végétales, la résistance des espèces
» ; que l’attention de l’utilisateur est ainsi attirée sur la nécessité de tenir compte des facteurs particuliers de son exploitation ; que la Sarl Mil Pouss est un professionnel qui connaît les facteurs particuliers de son exploitation et est à même d’adapter ses pratiques ; qu’enfin, la Sarl Mil Pouss n’a pas participé à la formation proposée par la société Certis ; qu’aucun manquement à l’obligation d’information et de conseil ne peut être retenu et la Sarl Mil Pouss sera déboutée de ses demandes sur ce fondement (jugement pages 9 à 14 ) ;
1°) ALORS QUE le rapport d’expertise ne peut être annulé pour avoir procédé à l’exécution de la mesure d’instruction selon les modalités autorisées par le juge chargé du contrôle des expertises ; qu’en annulant la partie du rapport d’expertise relative à l’essai de culture in vivo, pour cela que l’expert n’avait pas rempli personnellement la mission qui lui était confiée, dans la mesure où l’essai avait été mené in situ, pour partie hors la présence de l’expert, quand le juge chargé du contrôle des expertises avait, le 27 octobre 2009, autorisé cet essai selon cette modalité, la cour d’appel a violé les articles 166 et 233 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune l’exécution de celle qui a été déjà été prescrite ; qu’il n’est alors pas tenu de respecter la procédure visée par l’article 168 du code de procédure civile, qui se rapporte aux décisions visant à trancher les difficultés auxquelles se heurterait l’exécution de la mesure d’instruction, visées par l’article 167 du code de procédure civile ; qu’en reprochant à la décision rendue le 27 octobre 2009 par le juge chargé du contrôle des expertises de n’avoir pas respecté la procédure de l’article 168 du code de procédure civile, quand le juge chargé du contrôle des expertises avait écarté toute difficulté dans l’exécution de la mesure d’instruction au sens de l’article 167 du code de procédure civile et avait autorisé l’essai selon les modalités envisagées par l’expert, ce dont il résultait qu’il n’avait pas à respecter la procédure de l’article 168, la cour d’appel a violé les articles 166 et 168 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les décisions relatives à l’exécution d’une mesure d’instruction peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation en même temps que le jugement sur le fond ; qu’en reprochant à la décision du juge chargé du contrôle des expertises de n’avoir pas respecté la procédure visée par l’article 168 du code de procédure civile, quand cette décision n’avait été frappée d’aucun recours pour faire valoir cette irrégularité et était de ce fait devenue définitive, la cour d’appel a violé les articles 168 et 170 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en énonçant qu’il n’était pas sérieusement contesté que pendant la durée de l’essai, seule la société Mil Pouss avait pu avoir accès à la serre et avait assuré sinon l’arrosage, du moins le contrôle de l’humidité et le contrôle de la température du sol, ce qui résultait de façon incontestable des éléments techniques généraux non contestés repris à la fois par l’expert au début de ses opérations et par les parties, quand aucune des parties ne soutenait que la société Mil Pouss avait été chargée du contrôle de l’humidité et de la température du sol, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; que cela n’implique pas sa présence permanente sur les lieux expertisés, dès lors qu’il prend les précautions nécessaires pour assurer le contrôle des opérations ; qu’en reprochant à l’expert de n’avoir été présent que quatre jours sur les trois mois qu’avait duré l’essai, dont le premier jour consistant en la mise en place de l’essai, deux accédits et le dernier jour, sans préciser en quoi les importantes précautions prises par l’expert (fermeture du site par voie de scellés et de repères peints, vérification de l’absence de trace d’intrusion) étaient insuffisantes pour garantir la protection du site et lui permettre de contrôler les opérations d’expertise, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 233 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; qu’en annulant le rapport d’expertise pour violation de l’article 233 du code de procédure civile, pour cela que rien ne permettait de repousser, y compris en présumant la bonne foi de toutes les parties, une infestation involontaire ayant échappé à l’expert, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l’article 233 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE le juge ne peut annuler le rapport d’expertise qui a pris en considération les pièces produites par une partie postérieurement au délai fixé par l’expert que s’il en résulte une atteinte au principe du contradictoire ; qu’en annulant la partie du rapport d’expertise relative à l’évaluation du préjudice, pour cela que la société Mil Pouss avait produit les justificatifs de son préjudice les 27 et 31 octobre et 14 novembre 2011, soit après le délai fixé par l’expert au 20 octobre 2011, ce qui paraissait tardif pour permettre un examen utile par les parties, tout en relevant que la société Certis Europe, qui soulevait cette nullité, avait présenté un dire récapitulatif n°2 très développé le 13 janvier 2012, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’atteinte portée au principe du contradictoire et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article 276 du code de procédure civile ;
Laisser un commentaire