Cour d’appel de Paris, 31 mars 2021
Cour d’appel de Paris, 31 mars 2021

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Ouvrage sur la vie privée de Romy Schneider

Résumé

Le second mari de Romy Schneider a perdu son procès en diffamation contre l’éditeur de l’ouvrage « Romy Schneider, Mythos und Leben ». Ce livre évoque des anecdotes sur la vie de l’actrice, sans reprendre à son compte des rumeurs, comme celle d’une fausse couche. Les passages contestés ne portent pas atteinte à l’honneur de l’appelant, mais rappellent des tensions dans le couple, s’appuyant sur des sources variées. La cour a confirmé que ces propos relèvent de la liberté d’expression et ne sont pas diffamatoires, soulignant l’importance de l’information du public sur la vie de l’actrice.

Le second mari de l’actrice Romy Schneider a été débouté de son action en diffamation contre l’éditeur de l’ouvrage « Romy Schneider, Mythos und Leben ».

L’ouvrage retraçait le parcours de l’actrice ROMY SCHNEIDER au sein duquel sont rapportées différentes anecdotes concernant sa vie privée et professionnelle.

L’ouvrage ne faisait que rappeler l’existence d’une rumeur relayée par divers organes de presse, sans que l’auteur ne la reprenne à son compte (fausse couche de l’actrice). De même, l’un des passages n’imputait pas au mari d’avoir initié le fils de ROMY SCHNEIDER à la consommation de haschich, mais n’a fait que rappeler les tensions qui existaient dans le couple et les soupçons de l’actrice, en s’appuyant le contenu d’un ouvrage publié en 1989 sous le titre «Moi, Romy» et sur les déclarations de la mère de la comédienne.

Ces propos, qui ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression, reposent sur des articles de presse ou des déclarations de la mère de l’actrice. Ils s’inscrivent dans le cadre légitime d’information du public et n’ont donc pas de caractère diffamatoire dans le contexte dans lequel ils étaient énoncés. Il s’ensuit qu’aucune faute civile n’est caractérisée

La juridiction a considéré que les passages de l’ouvrage ne présentaient aucun caractère diffamatoire, dès lors qu’ils ne comportaient pas d’allégation portant atteinte à l’honneur ou à la considération du mari et n’étaient pas susceptibles, sans difficulté, de faire l’objet d’un débat probatoire, relevant d’une opinion ou d’un jugement de valeur.

La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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EPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 31 MARS 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01420 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKG5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 18/12183

APPELANT

Monsieur Z C

[…]

[…]

né le […]

Comparant, représenté par Maître Bruno D, avocat au barreau de PARIS, toque : A0798, avocat postulant

INTIMES

Monsieur Q-Z B

[…]

[…]

Représenté par Maître P E, avocat au barreau de PARIS, toque : A0859, avocat postulant

SAS ECRITURE COMMUNICATION

[…]

[…]

N° SIRET : 382 204 089

Représentée par Maître P E, avocat au barreau de PARIS, toque : A0859, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 février 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Q-Michel X, Président

Mme Anne RIVIERE, Assesseur

Mme Anne CHAPLY, Assesseur

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. X dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Q-Michel X, Président et par Margaux MORA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

LES FAITS’:

1. Daniel Biasini a été le second mari de l’actrice Romy Schneider, de 1975 à 1981, laquelle a eu un fils issu de sa première union, Y, né en 1966 et décédé le 5′[…].

2. Les ÉDITIONS de l’Archipel ont publié en 2018, sous le titre Romy Schneider intime, la traduction française d’un ouvrage d’F G, paru en langue allemande en 1998, sous le titre Romy Schneider, Mythos und Leben.

3. Q-Z B est le fondateur et président-directeur général de la maison d’édition ÉCRITURE COMMUNICATION, exploitée sous le nom commercial des Éditions de l’Archipel.

4. Par acte d’huissier du 18’octobre 2018, Z C a fait assigner la société ECRITURE-COMMUNICATION (ÉDITIONS DE L’ARCHIPEL), en sa qualité d’éditrice de l’ouvrage Romy Schneider intime et Q-Z B, en sa qualité de président-directeur général de cette société, afin de les voir condamner au paiement d’une somme de 40’000’euros à titre de dommages-intérêts pour diffamation publique en raison des propos suivants reproduits en gras’:

— Passage 1 (p.’14)’:

«’De fait, ROMY SCHNEIDER qui, depuis sa quinzième année, gagnait plus que bien sa vie, a toujours payé pour tous’: à commencer par I J, qui a dilapidé une grande partie de la fortune dont il avait la charge, jusqu’à Z C qui aimait les Ferrari et les yachts’»,

— Passage 4′: page’155

«’Le soir de la Saint Sylvestre, ROMY SCHNEIDER fait une fausse couche. Rien n’arrête la rumeur’: la raison en serait un accident dû à un excès de vitesse, C étant au volant’»,

— Passage 5′: page’170

«’Pour l’instant encore, ROMY SCHNEIDER aime non seulement tous les hommes, mais aussi Z C. Entre-temps, le Tout-Paris bruisse de rumeurs sur le style de vie de celui-ci’: liaisons, achats incessants de nouvelles Ferrari, yachts, voyages aux frais de A. Et elle-même » Elle est devenue modeste. Elle répond en 1980 à un journaliste qui se montre insistant’:

Tant que Z L chaque soir chez moi et qu’il passe la nuit avec moi, je me fiche de ce qu’il fait pendant la journée. Je l’aime tel qu’il est (…) »,

— Passage 6′: page’171

«’Il parle du nouveau yacht qu’il compte acheter. À’N qui, à l’évidence, lui a fait remarquer qu’il en a déjà un et que le nouveau doit être fort cher, il répond’: «’C’est vrai, mais ce n’est pas un problème’». Puis littéralement’: «’A fait tout ce que je veux’».

A ne montre pas qu’elle a surpris la conversation. Le lendemain, elle se rend chez son avocat parisien, lui fait noter ce qu’elle a entendu et entame une procédure de divorce. Elle n’oublie pas, cette fois, de vider aussitôt ses comptes, pour lesquels C dispose d’une procuration’»,

— Passage 7′: page’171′:

«’Mais, tout d’abord, C a connaissance de la demande en divorce de A, trois jours après cette conversation. Il est surpris. Et il riposte. Il frappe A à son point sensible’: Y.’» Et plus loin (page’175) «’Le fils de A devient un objet de chantage’»,

— Passage 8′: page’174

«’A n’a plus trente-quatre ans mais quarante-deux. Et elle a dû constater, amère, que l’homme qui vivait à ses côtés semblait parfois plus intéressé par son argent que par son âme ou son corps’»,

— Passage 9′: page’175

«’Quand A exige de C qu’il quitte l’appartement qu’elle loue, il s’envole pour Los Angeles, où il souhaiterait s’installer comme auteur de scénarios et producteur. Il emprunte l’argent du voyage à celle qui est encore sa femme. A, quelques mois plus tard, suppliera par lettre la mère de C de lui rendre au moins «’la bague de son père’» »,

— Passage 10′: page’175

«’Quand Y L du voyage en Amérique avec Z, A ne parvient pas à se libérer du soupçon que celui-ci a non seulement appris au premier à conduire mais aussi à fumer du haschich. Les tensions montent entre les deux adultes et Y se retrouve pris entre deux feux’»,

5. Par le même acte, il demandait la condamnation de M. B au paiement de la somme de 10’000’euros à tire de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral consécutif aux propos injurieux suivants’:

— Passage 2′: pages’152 et’153

«’Dans l’interview déjà évoquée du milieu des années 1970, elle déclare’: «’l’homme et la femme doivent être sincères l’un envers l’autre et devenir, dans un effort commun, de véritables partenaires’».

C est-il un bon candidat pour ce genre d’expérience » A paraît le croire.

Mais elle est la seule à le voir sous ce jour. Aucun des hommes de A ne semble avoir été d’emblée, une erreur de casting comparable à ce beau jeune homme de bonne famille, né de mère française et de père italien. L’inquiétude est grande et ne se limite pas à l’entourage proche de A, bien informé’»,

— Passage 3′: page’155

«’Quelques mois après le mariage, M N, son meilleur ami, révélera à la presse que tout cela n’était qu’un coup monté par Z’: une stratégie de la carotte et du bâton consistant à se rendre indispensable tout en s’absentant assez souvent pour se faire désirer’»,

6. Par jugement du 18’décembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M.’C de ses demandes et l’a condamné à payer à la société ECRITURE-COMMUNICATION et à M. B une somme de 1’500’euros pour chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

7. M. C a interjeté appel de ce jugement.

8. Dans ses dernières conclusions, signifiées par RPVA à la cour, il conclut à l’infirmation du jugement, dans les limites de l’acte d’appel, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes présentées sur le fondement d’une diffamation publique.

Il demande donc à la cour de dire que les propos reproduits en caractères gras dans les passages 1, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 sont diffamatoires à son égard et, en conséquence, de,

• Condamner M. B à lui payer une somme de 40’000’euros en réparation de son préjudice moral,

• Dire et juger la société Écriture Communication civilement responsable, en sa qualité de société éditrice de l’ouvrage et la condamner à garantir M.’B de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre,

• Condamner in solidum les intimés aux dépens, avec distraction au profit de M. D, avocat à la cour.

9. Par conclusions transmises par RPVA à la cour, les intimés ont conclu à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de l’appelant. À titre reconventionnel, ils ont sollicité la condamnation de l’appelant à leur payer, à chacun, une somme de 3’000’euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens avec distraction au profit de M. E, avocat à la cour.

10. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16’décembre 2020 et la date des plaidoiries a été fixée au 27’janvier 2021, puis au 24’février 2021.

Devant la cour,

11. L’appelant a déposé ses pièces à l’audience, indiquant que son conseil ne le représentait plus et qu’il ne souhaitait pas en désigner un nouveau.

12. Le conseil de l’intimé a également déposé ses pièces.

13. Il a été indiqué que le délibéré serait rendu, par mise à disposition au greffe, le 31’mars 2021.

SUR CE,

14. Il convient de constater que l’appel ne porte que sur les demandes de l’appelant au titre de la diffamation publique. Le jugement est donc définitif, s’agissant des propos présentés comme étant injurieux.

15. Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement retenu que les passages 1, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 ne présentent aucun caractère diffamatoire, dès lors qu’ils ne comportent pas d’allégation portant atteinte à l’honneur ou à la considération de l’appelant et ne sont pas susceptibles, sans difficulté, de faire l’objet d’un débat probatoire, relevant d’une opinion ou d’un jugement de valeur.

16. S’agissant des quatrième et dixième passages, la cour rappelle que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

17. En l’espèce, les propos litigieux sont extraits d’un ouvrage retraçant le parcours de l’actrice ROMY SCHNEIDER au sein duquel sont rapportées différentes anecdotes concernant sa vie privée et professionnelle.

18. Le quatrième passage poursuivi n’impute nullement à l’appelant d’être responsable de la fausse couche de l’actrice, mais ne fait que rappeler l’existence d’une rumeur relayée par divers organes de presse, sans que l’auteur ne la reprenne à son compte.

19. De même, le dixième passage n’impute nullement à l’appelant d’avoir initié le fils de ROMY SCHNEIDER à la consommation de haschich, mais ne fait que rappeler les tensions qui existaient dans le couple et les soupçons de l’actrice, en s’appuyant le contenu d’un ouvrage publié en 1989 sous le titre «’Moi, A’» et sur les déclarations de la mère de la comédienne.

20. Ces propos, qui ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression, reposent sur des articles de presse ou des déclarations de la mère de l’actrice. Ils s’inscrivent dans le cadre légitime d’information du public et n’ont donc pas de caractère diffamatoire dans le contexte dans lequel ils étaient énoncés.

21. Il s’ensuit qu’aucune faute civile n’est caractérisée et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. C de l’ensemble de ses demandes.

22. Il est équitable de condamner l’appelant à verser à chacun des intimés une somme de 1’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris’;

Y ajoutant,

Condamne M. C à payer à chacun des intimés une somme de mille euros (1’000’€) en application de l’article’700 du code de procédure civile’;

Condamne M. C aux entiers dépens, avec distraction au profit de M. P E, avocat à la cour.

LE PRESIDENT LE GREFFIER

 


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