Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Contestations d’Honoraires d’Avocat en Appel
→ Résumé**COUR D’APPEL DE PARIS**
**ORDONNANCE DU 09 NOVEMBRE 2023** En matière de contestation d’honoraires d’avocat, Madame [P] [O], en qualité d’ayant droit de feu [W] [O], a saisi le bâtonnier pour contester des honoraires jugés excessifs, s’élevant à 93.130 euros. La décision du bâtonnier a fixé les honoraires à 54.000 euros, ordonnant la restitution de 34.680 euros. La Selarl Cabinet [J] [G] a formé un recours, soutenant la légitimité des honoraires. Après examen des pièces et des arguments des parties, la cour a confirmé la décision du bâtonnier, considérant les honoraires comme excessifs et ordonnant le remboursement. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 09 NOVEMBRE 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00039 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBNH
Décision déférée à la Cour : Décision du 11 janvier 2022 – Bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris – RG n° 211/343836
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Isabelle-Fleur SODIE, Greffier au prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
SELARLU CABINET [J] [G]
Avocat
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Francis TEITGEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R011
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Madame [P] [O] en qualité d’ayant-droit de [W] [O]
A domicile élu au cabinet de Me Jean-pierre FRANC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-pierre FRANC, avocat au barreau d’AVIGNON, toque : A11
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 12 Octobre 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 09 Novembre 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et les articles 10 et suivants du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 ;
Résumé des faits et de la procédure :
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 17 mai 2021, Madame [P] [O], en sa qualité d’ayant droit de feu son père [W] [X] [O], décédé le [Date décès 4] 2020, a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] d’une demande de contestation des honoraires versés par celui-ci à la Selarl Cabinet [J] [G].
Arguant du caractère excessif des honoraires perçus par la Selarl Cabinet [J] [G], soit 93.130 euros, outre des débours correspondant à des frais d’huissiers de 766,07 euros, sommes toutes réglées par son père alors qu’il se trouvait dans une situation de faiblesse, Madame [P] [O] a sollicité la restitution de 70.000 euros.
Elle a expliqué qu’à la suite d’un démarchage téléphonique et alors que son père était âgé de 86 ans et était atteint de diabète ainsi que d’autres maladies polyformes, il avait été victime d’une importante escroquerie commise par la société Solutions Crypto, à qui il avait versé, au moyen de plusieurs virements bancaires, une somme avoisinant 1.300.000 euros, sans contre-partie.
Madame [P] [O] a ajouté que c’était dans ce contexte que Me [J] [G], qui se présentait comme un spécialiste de ce type d’arnaques, avait été chargé de la défense des intérêts de son père, jusqu’au décès de celui-ci.
Après avoir recueilli les observations des parties, par une décision en date du 14 janvier 2022, la bâtonnière de l’ordre des avocats de [Localité 5] a fixé à 54.000 euros le montant des honoraires dus à la Selarl Cabinet [J] [G] à l’occasion des procédures civiles et pénales engagées pour le compte de feu [W] [X] [O] et a condamné cet avocat à la restitution de 34.680 euros toutes taxes comprises à Madame [P] [O] venant aux droits de son père décédé, outre au paiement à celle-ci d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 13 janvier 2022, la Selarl Cabinet [J] [G] a formé un recours à l’encontre de ladite décision du bâtonnier qui lui avait été notifiée par lettre recommandée distribuée le même jour.
Les parties ont été convoquées par le greffe à l’audience du 24 mai 2023, par courriers recommandés datés du 9 février 2023, dont Madame [P] [O] a signé l’accusé de réception le 14 février suivant.
Alors que le pli postal n’avait pas pu être remis à la Selarl Cabinet [J] [G], inconnue à l’adresse, comme le greffe l’y a invitée le 16 février 2022, Madame [P] [O] l’a faite citer à comparaître par commissaire de justice suivant acte remis le 10 mars 2023.
Lors de l’audience du 24 mai 2023, les parties ont comparu, représentées par leurs conseils respectifs qui ont été entendus.
Sur ce, l’affaire a été mise en délibéré et, le 29 juin 2023, a été rendue une ordonnance, à laquelle il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure et qui a notamment :
‘ déclaré le recours formé par la Selarl Cabinet [J] [G] recevable;
‘ rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut du droit d’agir de Madame [P] [O] en qualité d’ayant-droit de [W] [O] soulevée par la Selarl Cabinet [J] [G];
‘ ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire à l’audience du jeudi 12 octobre 2023 à 9 heures 30 en salle Cambaceres [Adresse 1], à peine de radiation en cas d’absence des parties ou de défaut des diligences prescrites ;
‘ invité les parties à s’expliquer exclusivement sur le moyen de droit relevé d’office, à prendre position sur le fait que la convention d’honoraires a pris fin en raison de l’extinction du mandat confié à l’avocat à la suite du décès du mandant, sur l’absence de poursuite des relations entre Madame [P] [O] et l’avocat dans les termes de la convention l’ayant lié au défunt et sur les conséquences de l’absence de convention applicable pour la détermination des honoraires;
‘ dit qu’il appartiendra aux parties d’avoir échangé au plus tard leurs conclusions écrites avant le 28 septembre 2023.
»’
Lors de l’audience du 12 octobre 2023, les parties ont de nouveau été représentées par leurs conseils respectifs, qui ont été entendus.
Après avoir discuté du respect des règles processuelles et de la régularité des conclusions échangées, les parties ont finalement décliné la proposition qui leur était faite de renvoyer l’examen de l’affaire à une audience ultérieure.
La Selarl Cabinet [J] [G] a sollicité que lui soit accordé le bénéfice de ses conclusions écrites notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023et remises au greffe à l’audience, aux termes desquelles elle a demandé à cette juridiction de:
A titre principal
‘ infirmer la décision du bâtonnier ;
‘ rejeter toutes les demandes de Madame [P] [O];
‘ déclarer mal-fondée la contestation d’honoraires de Madame [P] [O] à l’encontre des sommes versées par [W] [O], après services rendus, à la Selarl Cabinet [J] [G] au titre des:
dossier de responsabilité civile à l’encontre des banques :
‘ facture n°19/065 du 13 mai 2019 d’un montant de 3.708,33€ HT (4.450 € TTC).
‘ facture n°19/078 du 29 juin 2019 d’un montant de 28.250€ HT (33.900 € TTC).
‘ facture n°20/033 du 10 avril 2020 d’un montant de 15.300 HT (18.360 € TTC) et portant les diligences effectuées pour la période du 08/08/2019 au 10/04/2020.
dossier pénal :
‘ la somme de 3.708,33 HT soit 4.450 € TTC selon facture de provision n°19/064 du 13 mai 2019
‘ la somme de 10.708,33 € HT soit 12.850 € TTC selon facture n°19/071 du 29 mai 2019
‘ la somme de 12.225 € HT soit 14.670 € TTC selon facture n°19/152 du 28 novembre 2019.
A titre subsidiaire :
‘ fixer les honoraires dus à la Selarl Cabinet [J] [G] aux sommes de
‘ 47.258,33 € HT en ce qui concerne le dossier de responsabilité civile à l’encontre des banques,
‘ 26.641,66 € HT (31.970 €TTC) en ce qui concerne le dossier pénal
‘ constater le règlement des sommes par [W] [O];
‘ rejeter, en conséquence, les demandes formulées par Madame [P] [O] ;
En tout état de cause
‘ condamner Madame [P] [O] à payer à la Selarl Cabinet [J] [G], la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.
En réponse aux prétentions adverses, la Selarl Cabinet [J] [G] a fait observer que la procédure était orale en sorte qu’il n’y avait pas lieu d’écarter ses écritures. Elle a précisé partager le constat opéré par cette juridiction quant à la caducité de la convention d’honoraires consécutive au décès de son client [W] [O]. Elle a soutenu qu’il convenait à titre principal de rejeter les demandes adverses, irrecevables, alors que les sommes facturées avaient été payées après service rendu. Subsidiairement, elle a conclu à la fixation des honoraires en application de l’article 10 de la loi de 1971, en retenant que les factures étaient justifiées.
»’
En réponse, Madame [P] [O] a demandé que lui soit accordé le bénéfice de ses conclusions écrites remises au greffe à l’audience, aux termes desquelles elle a sollicité de cette juridiction qu’elle :
‘ la déclare recevable en la forme et sur le fond en ses demandes;
‘ juge que la Selarl Cabinet [J] [G] ne lui a pas fait valoir son argumentaire à la suite de la décision du 29 juin 2023,
‘ juge l’appel non soutenu,
‘ juge que la Selarl Cabinet [J] [G] n’a jamais adressé de facture récapitulative de frais et honoraires,
‘ confirme sur le principe les termes de l’ordonnance du bâtonnier de [Localité 5],
‘ fasse droit à la demande de Madame [P] [O] en qualité d’ayant droit unique de diminution du montant des honoraires,
‘ juge que la Selarl Cabinet [J] [G] a manqué à son obligation de conseil et de prudence en fraude des droits du mandant,
‘ juge nulle et de nul effet la convention d’honoraires,
‘ juge le caractère excessif de l’ensemble des honoraires perçus par la Selarl Cabinet [J] [G],
‘ juge que le montant des honoraires relatifs à la procédure pénale sera fixé à la somme de 11.270 euros TTC,
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] à payer à Madame [P] [O] la somme de 20.000 euros en deniers ou quittance,
‘ juge que le montant des honoraires relatifs à la procédure civile sera fixé à la somme de 16710 euros,
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] à payer à Madame [P] [O] la somme de 40.000 euros en deniers ou quittance;
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] à payer à Madame [P] [O] la somme totale de 60.000 euros ;
A titre subsidiaire :
‘ confirme purement et simplement les termes de l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats sur le quantum des sommes allouées à Madame [P] [O] ;
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] à payer à Madame [P] [O] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Madame [P] [O] a dénoncé l’attitude de la partie adverse et a fait plaider subsidiairement l’existence d’un vice de consentement de feu [W] [O].
»’
Puis, l’affaire a été mise en délibéré pour que la décision soit rendue le 29 juin 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.
Etant rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci, il n’y a pas lieu de statuer de ces chefs.
En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d’offre de preuve.
Selon l’article L.311-7, 2°du code de l’organisation judiciaire, le premier président a compétence pour connaître des recours contre une décision du bâtonnier prise sur contestation des honoraires d’avocat.
En cette matière, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version en vigueur à compter du 8 août 2015, issue de la loi n° 2015-990 :
‘Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. […].’
Mais, lorsqu’à la date du dessaisissement de l’avocat, il n’a pas été mis fin à son mandat par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, la convention préalable d’honoraires cesse d’être applicable. Il en est ainsi à raison du décès du mandant qui a aussi pour conséquence la fin du mandat et la caducité de la convention d’honoraires. Dans ce cas, les honoraires correspondant à la mission partielle effectuée par l’avocat jusqu’à cette date doivent être appréciés en fonction des seuls critères définis par l’article 10,alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété ou de ses diligences, sauf en cas de stipulation prévoyant le versement d’honoraires de résultat en cas de dessaisissement de l’avocat.
Toutefois, que ce soit en présence ou non d’une convention, il n’appartient pas au juge de l’honoraire de réduire ce qui a été payé par le client, dès lors que celui-ci en a accepté le principe et le montant, après service rendu. Cette solution procède de l’idée que le pouvoir modérateur du juge ne se justifie plus lorsque le client est en mesure d’apprécier le travail effectué. Encore, le paiement doit-il être intervenu librement et en toute connaissance de cause, et exempt de vice du consentement.
Enfin, dès lors que cette procédure vise exclusivement à trancher la contestation portant sur le montant des honoraires, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, fût-ce à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. Ils ne peuvent donc pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.
»’
Au cas d’espèce, il sera encore rappelé que saisi par Madame [P] [O] d’une demande de remboursement des honoraires versés par son père à la Selarl Cabinet [J] [G], le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant en particulier : ‘Il est indéniable que Mme [O] a introduit son action après le décès de son père et en sa qualité d’ayant-droit.
Les héritiers continuent la personne du défunt; Mme [O], puisqu’elle est seule héritière, est donc en droit d’exercer l’action que son père aurait pu engager lui-même.
Cette action en fixation d’honoraires relève bien de la compétence du bâtonnier puisqu’il oppose un avocat à la personne venant au droit du client.
Monsieur [O] avait signé une convention d’honoraires le 13 mai 2019 prévoyant une rémunération au temps passé : 450 €HT pour un associé et 350 €HT pour un collaborateur.
Il a réglé la totalité des honoraires qui lui étaient demandés, 31 270 € TTC pour la procédure pénale et 56 710 € TTC pour la procédure civile soit au total 88 680 € TTC majorés de 766,07 € de frais.
Estimant que Monsieur [O], déjà très malade, n’aurait jamais dû payer la totalité de ces honoraires, sa fille en demande aujourd’hui le remboursement à hauteur de 60 000€HT.
Sur la Jurisprudence de » l’honoraire payé après service rendu »
II ne suffit pas que l’honoraire ait été payé après que la prestation a elle-même été effectuée pour que toute contestation devienne impossible. Dans les arrêts que le Cabinet [G] cite lui-même, la Cour de cassation précise que les juges du fond ne peuvent modifier le montant de l’honoraire prévu avec le client et payé par lui après service rendu qu’autant qu’il n’y a pas eu contestation et qu’aucun vice du consentement ne soit établi
En l’espèce, le règlement des honoraires effectué par Monsieur [O] ne vaut pas renonciation à les contester.
Il ressort des attestations des docteurs [M] et [F] que Monsieur [O] était dans un état de santé très dégradé et victime de pathologies lourdes. Il a finalement dû être hospitalisé le 11 avril 2020; il est décédé [Date décès 4] suivant
Certes, le grand âge n’implique pas nécessairement l’incapacité de contracter ou d’effectuer valablement des opérations telles que le règlement d’honoraires. Mais assorti à de graves problèmes de santé, ce grand âge peut permettre de dire qu’il y a eu vice du consentement.
Or, Monsieur [O] avait manifestement perdu le sens du raisonnable; Me [G] avait pu le constater lui-même en examinant le dossier qui lui était confié.
Il ressort très clairement des écritures et des pièces de ce dossier que Me [G] communique dans la présente procédure, que Monsieur [O] s’était lancé dans des opérations financières totalement aventureuses qu’il ne maîtrisait absolument pas. Il s’était laissé entraîner, en cela, par des intermédiaires peu scrupuleux sur lesquels il ne s’était pas renseigné. Les banquiers l’avaient mis en garde, ce qui leur a permis d’exonérer leur responsabilité, mais Monsieur [O] s’est néanmoins obstiné à poursuivre. Le montant des investissements effectués, 1,3 millions d’euros environ, était totalement excessif comparé à sa fortune personnelle ; c’est ainsi qu’il a dû, pour réaliser les opérations financières qui l’ont ruiné, vider ses comptes d’épargne et liquider son assurance vie au risque de perdre tous les avantages fiscaux attachés à ce type d’investissement.
La culpabilité qu’a pu ressentir Monsieur [O] lorsqu’il a réalisé avoir été grugé l’a sans doute rendu très dépendant de son avocat en qui il plaçait son dernier espoir de récupérer sa fortune.
L’évolution de la maladie dont il souffrait et dont il est décédé explique que ses capacités de discernement aient été diminuées et qu’il ait pu accepter de payer les honoraires considérables qui lui étaient demandés.
Enfin l’insistance et l’empressement de Monsieur [G] pour recouvrer ses honoraires au point de se déplacer en personne dans une gare pour récupérer un chèque de son client à quelques jours de sa dernière hospitalisation (suivie par son décès quelques mois plus tard) suffit à expliquer sa résignation à payer les honoraires demandés quel qu’en soit le montant.
Dans ces circonstances, il sera jugé que le consentement donné par M [O] sur le règlement des honoraires était vicié de sorte que sa fille, comme ayant droit, est aujourd’hui recevable à agir pour en demander le remboursement partiel, nonobstant la règle dite de » l’honoraire payé après service rendu « .
Les honoraires demandés apparaissent excessifs
Les honoraires demandés s’élèvent globalement à 88 680 € TTC.
Certes, Madame [O] ne peut pas faire valoir utilement que les procédures initiées au nom de son père n’ont apporté aucun résultat. Le bâtonnier n’a pas compétence pour apprécier la qualité des prestations effectuées ou la pertinence des initiatives prises par l’avocat. II ne peut que rechercher si les honoraires demandés sont justifiés par le travail effectué. Madame [O] devra mieux se pourvoir si elle entend mettre en cause une responsabilité du cabinet [G].
En revanche, Madame [O], dès lors qu’elle est jugée recevable à agir comme ayant droit de son père, peut remettre en cause les honoraires payés.
A cet égard, le cabinet DRAÌ ne justifie pas sérieusement les montants demandés.
Le dossier particulièrement volumineux communiqué à l’Ordre ne doit pas faire illusion : il comporte plusieurs documents, eux-mêmes volumineux, communiqués inutilement en plusieurs exemplaires au prétexte qu’ils étaient annexés à différents courriers invoqués dans la procédure.
Les justifications apportées sont peu fiables et insuffisantes.
Quelle que soit la difficulté du dossier, on imagine mal que tant d’heures aient pu être consacrées à l’étude des textes et de la jurisprudence en matière internationale par un cabinet qui revendique une grande compétence en ce domaine.
On ne s’explique pas que certains travaux aient été facturés à deux reprises, une première fois dans le procès pénal et seconde fois dans le dossier civile ou réciproquement.
Les temps annoncés comme ayant été consacrés à l’étude des pièces du dossier ou à la rédaction de courriers ne sont guère crédibles.
De manière générale, l’énoncé des factures émises et les relevés de temps produits ne sont pas convaincants de sorte que le bâtonnier est amené à estimer, au vu des démarches accomplies, des éléments de procédure dont il a connaissance, et en particulier, de la plainte pénale déposée, de l’assignation civile délivrée et des conclusions rédigées en réponse à celles de l’adversaire, le montant de ce qui pouvait être raisonnablement facturé.
Il ne remet pas pour autant en cause les taux horaires pratiqués en application de la convention d’honoraires; ces derniers paraissent conformes à ce qui se pratique dans ce type d’affaire.
Au vu de tous ces éléments, il est raisonnable d’évaluer à :
‘ 30 000 € HT soit 36 000 TTC les honoraires concernant l’affaire civile,
‘ 15 000 € HT soit 18 000 €TTC les honoraires concernant l’affaire pénale
Ce qui correspond à un total TTC de 54 000 €.
Monsieur [O] ayant réglé 88 680 €, le cabinet [G] sera condamné à restituer à Madame [O], comme ayant droit de son père décédé, la somme de 34 680 € ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 CPC.’.
»’
A hauteur d’appel, l’ordonnance susvisée rendue le 29 juin 2013 a précédemment constaté la recevabilité du recours formé par l’avocat. Elle a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir soulevée par celui-ci contre Madame [P] [O]. Elle a retenu que la réponse à la question relative à l’effet du décès du mandant quant à la convention était de nature à déterminer le fondement même de la demande de fixation des honoraires, après avoir rappelé les dispositions de l’article 2003 du code civil et que la convention d’honoraires prend fin en raison de l’extinction du mandat confié à l’avocat à la suite du décès du mandant alors que les ayants-droit de celui-ci sont libres de poursuivre ou pas les relations avec l’avocat dans les termes de la convention l’ayant lié au défunt (cf. 2e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 20-15.450).
C’est en se prévalant des articles 15 du code de procédure civile, 9-2 du ‘RIN’ et de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme que Madame [P] [O] demande à cette juridiction d’écarter les demandes adverses comme étant formulées tardivement.
Mais, comme cela lui été rappelé lors de l’audience, en cette matière, la procédure est orale et la seule sanction de la tardiveté du dépôt par une partie de conclusions écrites est le renvoi de l’affaire pour mettre en mesure l’autre partie d’y répondre. En effet, il découle de l’oralité de la procédure que s’il n’est pas possible de répondre à des prétentions développées dans des conclusions écrites non soutenues à l’audience, en revanche, les demandes soutenues oralement à l’audience doivent être nécessairement examinées.
Avertie de la jurisprudence à cet égard, Madame [P] [O] s’est opposée à un renvoi de l’affaire. En tout état de cause, force est d’observer que Madame [P] [O] a répondu, tant par des conclusions écrites qu’oralement aux conclusions adverses dont elle critique la tardiveté.
Enfin, il ne peut sérieusement être retenu que l’appel n’est pas soutenu, alors qu’au contraire, il l’ a bien été lors de l’audience.
Invoquant une fraude qu’elle impute à la Selarl Cabinet [J] [G], Madame [P] [O] a maintenu sa demande de prononcé de la nullité de la convention d’honoraires conclue entre [W] [O] et la Selarl Cabinet [J] [G].
Toutefois, cette demande apparaît dépourvue d’objet dès lors que il n’y a pas lieu d’appliquer de ladite convention d’honoraires pour déterminer la rémunération de la Selarl Cabinet [J] [G].
En effet, au cas d’espèce, il est constant que le décès de [W] [O] a mis fin au mandat de l’avocat et a entraîné la caducité de la convention d’honoraires.
C’est ce qu’a admis la Selarl Cabinet [J] [G] dans ses dernières conclusions en indiquant que : Comme l’a justement énoncé la cour d’appel de Paris dans son ordonnance du 29 juin 2023: – l’article 2003 du code civil précise que le mandat finit, notamment, par la mort naturelle ou civile soit du mandant soit du mandataire,
– la jurisprudence est venue préciser que la convention d’honoraires prend fin en raison de l’extinction du mandat confié à l’avocat à la suite du décès du mandant.
Les ayants-doit du défunt mandant étant libres de poursuivre ou non les relations avec l’avocat dans les termes de la convention l’ayant lié au défunt (Cass. Civ. 2 ème , 25 mai 2022, n°20-15.450).
En conséquence, le mandat de Maître [J] [G] avait pris fin au jour du décès de [O], le [Date décès 4] 2020.
Par la suite, Madame [P] [O] n’a jamais donnée mandat au cabinet [G] afin de
là représenter.
Aucune relation ne s’est poursuivie entre Mme [O] et le Cabinet [G] entre le [Date décès 4] 2020 et le 9 avril 2021.
En conséquence, il y a une absence de poursuite des relations entre Madame [P] [O] et le Cabinet [G] dans les termes de la convention d’honoraires signé entre le Cabinet [G] et Monsieur [O], représenté alors par Madame [P] [O] pour sa signature, postérieurement au décès de Monsieur [O].
Par ailleurs, comme rappelé ci-avant et comme l’a aussi admis la Selarl Cabinet [J] [G], en l’absence de convention applicable pour la détermination des honoraires, les dispositions de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 trouvent en principe à s’appliquer.
Toutefois, la Selarl Cabinet [J] [G] prétend qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de cet article, alors que toutes les factures qu’elle a émises et qui ont été acquittées sans réserve étaient détaillées.
Cependant, il n’est pas apporté d’éléments de nature à remettre en cause les constatations opérées par le bâtonnier de l’ordre des avocats et rappelées ci-avant quant à l’altération de la capacité de discernement de [W] [O], très affaibli par le grand âge et la maladie.
Aussi, c’est à bon droit que le bâtonnier de l’ordre des avocats a examiné la contestation d’honoraires formée par Madame [P] [O] en sa qualité d’ayant droit de [W] [O], comme étant recevable, alors que les paiements intervenus par ce dernier ne pouvaient pas être regardés comme ayant été effectués en toute connaissance de cause.
De même, au vu des justificatifs produits des diligences revendiquées par la Selarl Cabinet [J] [G] pour accomplir la mission confiée par ce client, c’est à juste titre que ledit bâtonnier a pu considérer que le montant des honoraires réclamés par cet avocat était excessif.
Dès lors que de l’examen des pièces produites, il ne résulte pas l’existence d’éléments de nature à remettre en cause le bien fondé de l’appréciation faite par le délégataire du bâtonnier de [Localité 5] quant au montant des honoraires fixé, qui apparaît raisonnable et parfaitement adéquat aux circonstances de l’espèce ainsi qu’aux diligences justifiées, les demandes contraires de la Selarl Cabinet [J] [G] et de Madame [P] [O] ne peuvent qu’être rejetées et le dispositif de la décision entreprise sera entièrement confirmé.
Les dépens seront mis à la charge de la Selarl Cabinet [J] [G], qui a échoué dans son recours.
Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner en outre la Selarl Cabinet [J] [G] au paiement d’une indemnité de deux mille cinq cents (2.500) euros à Madame [P] [O].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
‘ confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] aux dépens d’appel ;
‘ condamne la Selarl Cabinet [J] [G] au paiement d’une indemnité de deux mille cinq cents (2.500) euros à Madame [P] [O] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
‘ dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
‘ rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
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