Cour d’appel de Lyon, 15 février 2018
Cour d’appel de Lyon, 15 février 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Interruption des services du FAI : quel dédommagement ?

Résumé

En cas d’interruption des services d’un fournisseur d’accès à Internet (FAI), les professionnels doivent être attentifs à la clause limitative de responsabilité de l’opérateur. Cette clause, opposable en cas de dysfonctionnements, limite la responsabilité de l’opérateur, sauf en cas de faute lourde. Par exemple, une société ayant subi une interruption de service a résilié son contrat avec Bouygues Telecom et a demandé des indemnités. Cependant, la juridiction a jugé que Bouygues Telecom n’était pas responsable, car elle n’avait pas démontré d’éléments imprévisibles justifiant son exonération. La clause limitative a donc été considérée comme valide.

Clause limitative de responsabilité de l’opérateur

Les professionnels doivent être vigilants : la clause limitative de responsabilité de l’opérateur leur est pleinement opposable en cas de dysfonctionnements voir de suspension du service internet (dans la limite de la faute lourde).

Exemple pratique

En l’espèce, une société a souscrit un contrat de service pour la fourniture d’une box internet avec deux lignes illimitées vers tous opérateurs mobiles et un forfait professionnel Neo Pro avec la société Bouygues Telecom. Ayant subi une interruption brutale des services, la société a été injoignable pendant près de quatre mois. Après avoir fait constater, par huissier de justice, le dysfonctionnement des services téléphoniques et internet, la société a résilié le contrat d’abonnement pour défaut de services et poursuivi Bouygues Telecom en indemnisation.

Obligation de résultat de l’opérateur

Le dysfonctionnement du service résultait, après investigations, d’un écrasement de la ligne en raison d’une erreur commise par la société SFR qui a sollicité à son profit l’attribution de la ligne téléphonique. La juridiction consulaire a considéré à tort que la société Bouygues Telecom était étrangère aux conditions de perte de l’accès téléphonique et internet.

En effet, le fournisseur d’accès à un réseau de communication est tenu à une obligation de résultat quant aux services qu’il offre à son client et ne peut s’exonérer de sa responsabilité envers lui qu’en démontrant la responsabilité de celui-ci ou la présence d’un élément imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible lors de son exécution.

Aucun élément du dossier ne permettait de démontrer comme l’a retenu à tort le premier juge que Bouygues Telecom ne pouvait  intervenir directement sur le réseau de l’opérateur historique. L’opérateur est tenu à l’égard de son client d’une obligation de résultat portant sur la fourniture des services prévus au contrat ; il est donc tenue d’une obligation de mise en oeuvre des prérequis techniques nécessaires pour y parvenir, dont il a pris la responsabilité. Professionnel de l’accès aux réseaux de communication, l’opérateur n’a pas démontré que les erreurs éventuelles des autres opérateurs ont constitué un événement imprévisible lors de la conclusion du contrat ou insurmontable au cours de son exécution. Ayant manqué à son obligation de résultat et ne justifiant d’aucune cause d’exonération, la responsabilité de la société Bouygues Telecom a été engagée.

Validité de la clause limitative de responsabilité

Aux termes de l’article 1150 du code civil, le débiteur n’est tenu qu’aux dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat ; les parties peuvent en application de ces dispositions, insérer au contrat une clause limitant la réparation à laquelle est tenue une partie. Aux termes des conditions générales de l’opérateur :

« La responsabilité de BOUYGUES TELECOM ne pourra être engagée que pour les seuls dommages matériels et directs résultant d’une faute prouvée à son encontre. Sont exclus les préjudices immatériels et/ou indirects. On entend par préjudice immatériels et/ou indirects notamment les préjudices financiers et commerciaux, les pertes de chiffres d’affaires, de bénéfice ou de clientèle, et les pertes ou les corruptions de données, de fichiers et/ou de programmes.

Pour tenir compte des obligations respectives des parties mais aussi de l’attractivité des tarifs de Bouygues Telecom la responsabilité de BOUYGUES TELECOM en raison des dommages matériels et/ou directs subis par le Client dans le cadre de l’exécution du Service, quelle qu’en soit la cause, est limitée tous préjudices confondus, au montant des règlements effectués au titre du Service au cours des trois derniers mois précédant la survenance de l’événement. Cette somme dont le Client reconnaît le caractère équilibré, inclut les éventuelles pénalités forfaitaires versées au Client dans le cadre de l’exécution du Service. »

Cette clause limitative de responsabilité conclue entre deux sociétés commerciales a été jugée opposable : i) le client l’a acceptée à des fins professionnelles et dans le cadre de son activité ; ii) aucun élément du dossier ne permettait de démontrer qu’elle avait pour effet de vider de sa substance une obligation essentielle de l’opérateur.  En application de l’article 1152 du code civil, seul un dol ou une faute lourde peut exclure son application. Seul un comportement d’une extrême gravité dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée peut caractériser la faute lourde qui ne peut résulter du seul manquement à une obligation essentielle du contrat. Le seul manquement de l’opérateur à son obligation de résultat n’a donc pu entraîner à lui seul, l’exclusion de cette clause.  La demande d’indemnisation du client basée sur une perte de son chiffre d’affaires a été jugée irrecevable car expressément écartée par la clause de limitation de responsabilité.

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