Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 mai 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 mai 2022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Télétravail : pas de préjudice, pas d’indemnisation

Résumé

Dans le cadre du télétravail, l’employeur doit fournir les équipements nécessaires et assurer un suivi régulier pour prévenir l’isolement du salarié. En cas de manquement, le salarié doit prouver que cela a causé un préjudice, notamment une détérioration de sa santé. La jurisprudence rappelle que la faute grave justifiant un licenciement doit être établie par l’employeur. Dans une affaire récente, un salarié a été licencié pour un courriel jugé injurieux, mais la cour a infirmé ce licenciement, considérant qu’il n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, et a condamné l’employeur à des indemnités.

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Attention à toujours prévoir dans vos accords d’entreprise relatifs au télétravail que l’employeur s’engage à fournir (ou indemniser) au salarié les équipements de travail nécessaires (bureau, fauteuil, ordinateur portable, connexion Internet).

Afin de prévenir l’isolement du télétravailleur, le responsable hiérarchique doit assurer un contrôle régulier avec ce dernier et contrôler son activité en lui attribuant une charge de travail et des critères de résultats équivalents à ceux des travailleurs opérant dans les locaux de l’entreprise (obligation de suivi régulier).

Toutefois, si l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il s’est acquitté du respect de ses obligations, le salarié doit établir son préjudice et notamment que la violation de ces obligations par l’employeur a contribué à la détérioration de l’état de santé du salarié.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT DU 27 MAI 2022

Rôle N° RG 18/19318 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOK4

X

C/

SASU TOKHEIM SERIVICES FRANCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULON en date du 06 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00432.

APPELANT

Monsieur Z X, demeurant c/o Mme D E […]

représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

S A S U T O K H E I M S E R I V I C E S F R A N C E , d e m e u r a n t C E N T R E D ‘ A F F A I R E S L A BOURSIDIERE – […]

représentée par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS qui a plaidé à l’audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 9 mars 1992, M. X a été embauché en qualité d’agent commercial supérieur par la société Schlumberger, aux droits de laquelle vient la SAS Tokheim Services France. Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions d’assistant Technique 2.

Par avenant du 1er novembre 2010, il a été convenu que M. X exercerait ses fonctions à domicile à raison de trois jours par semaine dans le cadre d’un télétravail et à raison de deux jours sur site au sein de l’établissement de Fuveau.

A l’issue d’une visite médicale de reprise du 19 décembre 2013, le médecin du travail l’a déclaré apte mais a proscrit les déplacements professionnels en véhicule. Le 29 août 2014, M. X a été sanctionné d’un avertissement fondé sur des propos inappropriés à l’égard d’un client.

Au terme d’une visite médicale de reprise du 27 mai 2015, le médecin du travail l’a déclaré apte à une reprise de travail mais sur poste aménagé, a proscrit les déplacements en véhicule personnel y compris les déplacements domicile-travail et indiqué que le télétravail était possible.

Le 19 juin 2015, M. X a été licencié pour faute grave en raison de l’envoi d’un courriel injurieux et grossier à l’ensemble des salariés de l’établissement de Fuveau.

Le 20 juin 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 6 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Toulon a débouté M. X de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

M. X a fait appel de ce jugement le 8 décembre 2018.

A l’issue de ses conclusions du 2 novembre 2021 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. X demande’de’:

 »infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions’;

 »dire et juger le son licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

En conséquence’;

 »condamner la SAS Tokheim Services France à lui payer les sommes suivantes’:

– 70’000’€ au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

– 22’761’€ au titre de l’indemnité de licenciement’;

– 7’188’€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis’;

– 718,80’€ au titre des congés payés sur préavis’;

 »ordonner à la SAS Tokheim Services France de lui remettre, sous peine d’astreinte, les documents rectifiés soit bulletin de salaire du mois de juin 2015, attestation Pôle Emploi et certificat de travail’;

 »condamner la SAS Tokheim Services France à lui payer la somme de 3.500’€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions du 27 mai 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Tokheim Services France demande de’:

 »confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon dans toutes ses dispositions’;

 »condamner M. X à lui payer une somme de 3.500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

 »condamner M. X aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 février 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE’:

sur le licenciement pour faute grave de M. X’:

moyens des parties’:

M. X conteste le bien fondé de son licenciement pour faute grave aux motifs qu’il est de principe que, pour retenir l’existence d’une faute grave, il convient de tenir compte des circonstances de l’affaire et de l’ancienneté du salarié, qu’il était âgé de 64 ans lors de son licenciement et présentait une ancienneté de 23 ans, que son état de santé avait altéré son discernement en raison notamment de troubles dépressifs et d’une pathologie cardiaque, que le 1er juin 2015, alors qu’il avait subi un examen médical qui s’était mal passé, il a réagi de façon disproportionnée à un événement qui l’a choqué, qu’il a en effet reçu un courriel l’informant de la suppression de la ligne téléphonique qui lui était attribuée, qu’il a interprété cette décision comme une volonté de le rayer administrativement de l’entreprise et qu’il a voulu , dans les termes qui lui sont reprochés, répondre à l’expéditeur de ce courriel mais qu’il a involontairement adressé sa réponse à l’ensemble du personnel de l’agence de Fuveau.

Il fait valoir que la SAS Tokheim Services France ne démontre pas que son courriel a eu un impact sur la santé mentale d’un quelconque salarié.

Il reproche à la SAS Tokheim Services France d’avoir amplifié les faits pour procéder à son licenciement puisque sa présence dans l’entrepris n’était plus souhaitée, en raison de son âge de son état de santé défaillant et des restrictions médicales émises par la médecine du travail.

Il expose que les faits reprochés à l’appui de l’avertissement du mois d’août 2014, compte tenu de leur contexte, ne présentaient aucun caractère fautif.

Il reproche à la SAS Tokheim Services France d’avoir manqué à son obligation légale de sécurité aux motifs qu’elle n’a pas respecté les normes prévues par l’accord d’entreprise relatif au télétravail du 23 octobre 2008 destinées à garantir le respect de la vie privée et à contrôler l’activité du travailleur, en particulier pour prévenir l’isolement et permettre que le travail se déroule dans des conditions matérielles correctes, qu’elle ne lui a pas fourni l’équipement prévu par l’article 5 de l’accord (mobilier, matériel informatique, connexion,’), que ses horaires de travail n’ont pas été définis de manière suffisamment précise, qu’il a continué à recevoir des courriels en dehors de ses horaires de travail et a dû y répondre, que la SAS Tokheim Services France, qui lui a demandé dans un courriel du 19 mai 2015, de se déplacer deux jours par semaine ne respectait donc pas l’avis et les restrictions de la médecine du travail et que le manquement de la SAS Tokheim Services France à son obligation de sécurité a entraîné l’altération de son jugement et sa réaction inadaptée.

La SAS Tokheim Services France estime qu’elle était fondée à procéder au licenciement pour faute grave de M. X aux motifs que le 1er juin 2015, il a adressé un courriel injurieux et grossier à l’ensemble des salariés de l’établissement de Fuveau témoignant de son agressivité notoire, justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail, que M. X ne peut prétendre qu’il n’avait pas conscience que son courriel avait été adressé à l’ensemble du personnel de l’établissement de Fuveau et qu’il avait répondu à un courriel sans se rendre compte que d’autres destinataires étaient en copie du courriel initial, qu’en effet, le courriel litigieux indique comme destinataire «’Personnel Fuveau Tokheim Services France’» ce qui correspond à une liste de destinataires regroupant l’ensemble du personnel de l’établissement de Fuveau, que M. X ne pouvait ignorer que son courriel présentait un caractère blessant,

que son ancienneté n’est pas exclusive d’un licenciement pour faute grave et que le conseil de prud’hommes a retenu à juste titre que M. X ne démontrait pas que des courriels du même genre que celui fondant son licenciement étaient pratiqués dans l’entreprise.

Elle indique par ailleurs que M. X avait déjà été sanctionné en août 2014 pour des faits similaires et que cette réitération aggravée d’une expression méprisante et insultante, constitutive d’une atteinte au respect des relations professionnelles au sein de l’entreprise, justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

Elle expose que M. X tente de contester, plus de cinq ans après son prononcé, l’avertissement d’août 2014 sans en avoir jamais sollicité l’annulation judiciaire et que les termes du courriel adressé par M. X à un client justifiaient le prononcé d’une telle sanction.

Elle précise qu’elle n’avait pas la volonté de supprimer administrativement M. X de l’entreprise ou d’organiser son départ et que le courriel de ce dernier constituait une réaction à la suppression de sa ligne de téléphone fixe, qu’une telle décision ne constitue pas une information provocante justifiant la réaction de M. X, que ce dernier avait vocation à exercer la totalité de sa prestation de travail à domicile, qu’il était donc logique de redéployer sa ligne de téléphone fixe, que d’autres lignes ont été réattribuées, que M. X avait été informé de cette mesure par un courriel explicatif neutre et poli et qu’elle n’avait pas la volonté de faire obstacle à sa reprise du travail.

Elle conteste tout manquement de sa part à son obligation légale de sécurité qui aurait entraîné l’altération de l’état de santé mental de M. X aux motifs qu’elle a respecté les dispositions de l’accord d’entreprise relatif au télétravail du 23 octobre 2008 et adopté les mesures nécessaires pour prévenir M. X de l’isolement en s’assurant que ses conditions de travail étaient de nature à garantir sa santé et sa sécurité, que M. X ne peut soutenir que son employeur lui a imposé des rythmes de travail ne respectant ni les préconisations médicales, ni ses horaires de travail, que le courriel qui lui a été envoyé le 19 mai 2015, soit pendant ses congés payés, ne constitue que la réponse à un courriel de M. X du 18 mai 2015, que ce courriel n’appelait aucune réponse et que M. X ne peut donc se prévaloir de son envoi tardif, que M. X ne peut soutenir que les instructions qui lui ont été adressées par ce courriel étaient contraires aux préconisations médicales émises par le médecin du travail s’agissant de la mesure de télétravail, qu’en effet, elle n’a pris connaissance de celles-ci que le 27 mai 2015, que le courriel en question exprime la volonté de l’employeur de n’imposer aucun retour sur le lieu de travail avant la visite médicale auprès du médecin du travail, que M. X, qui a fait l’objet de trois avis d’aptitude, ne démontre pas que son état de santé a été altéré par ses conditions de travail, que le médecin du travail l’aurait déclaré inapte s’il avait constaté une quelconque altération de son état de santé mentale, que la circonstance qu’il souffre d’une oppression thoracique et d’un prétendu état anxiodépressif ne rapporte la preuve que son jugement aurait pu être altéré et que cette altération aurait pu être causée par son environnement professionnel et que les pièces médicales postérieures à l’envoi du courriel injurieux du 1er juin 2015, ne permettent pas non plus de le démontrer.

Réponse de la cour’:

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.

Par ailleurs, l’article L.’4121-1 du code du travail prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’article L.’4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l’employeur met en ‘uvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l’espèce, au terme d’une d’une visite médicale de reprise du 19 décembre 2013, le médecin du travail a déclaré M. X apte mais a proscrit les déplacements professionnels en véhicule. A l’issue d’une seconde visite médicale de reprise du 27 mai 2015, le médecin du travail l’a déclaré apte à une reprise de travail mais sur poste aménagé, a proscrit les déplacements en véhicule personnel y compris les déplacements domicile/travail et indiqué que le télétravail était possible.

Le 1er juin 2015 à 19h14, M. Y, assistant technique de la SAS Tokheim Services France et employé au sein de l’établissement de Fuveau, a adressé à l’ensemble des salariés de ce site, dont M. X, par le biais d’une liste de diffusion commune intitulée «’personnel Fuveau TSF’», un courriel relatif à la réattribution de numéros de téléphone fixe, dont celui de M. X.

Par courriel en réponse du même jour à 20h38, M. X a adressé à cette liste commune diffusion le message suivant «’bonsoir Denis, et je te merde’! Je ne suis pas encore mort’! Mes coordonnées téléphoniques sont toujours valables. Z’». ce message comprenait également une photographie représentant un singe et une jeune fille adressant tous les deux un doigt d’honneur à l’objectif.

Enfin, le 1er juin 2015, à 20h57, M. A, chef de région maintenance et services, a informé M. X qu’en raison d’un changement d’opérateur et de l’arrivée d’une nouvelle activité, les postes qui n’étaient plus utilisés ou attribués avaient été redistribués, que M. X étant en télétravail son numéro avait été attribué à un autre salarié et que de nombreux collaborateurs n’ayant pas de poste fixe n’apparaissaient pas non plus sur la liste qui lui avait été adressée.

La lettre de licenciement adressée le 19 juin 2015 par la SAS Tokheim Services France à M. X est rédigée dans les termes suivants’:

«’Le 1er juin 2015, vous avez envoyé à l’ensemble du personnel rattaché à l’agence de Fuveau, ayant une adresse mail, un courriel à caractère injurieux et obscène. Nous citons vos écrits : « Et je te merde ! » ; ce à quoi vous avez ajouté une photo plus que vulgaire montrant au premier plan un singe dans les bras d’une femme en short court, faisant tous deux des doigts d’honneur.

De plus vous avez envoyé ce mail depuis votre boite mail professionnelle : l’argument qui tenterait donc de faire croire qu’il s’agissait d’une blague ou dune simple familiarité entre amis n’est pas recevable.

Comme vous le savez, vous avez interdiction d’utiliser vos outils de travail, mis à disposition par Tokheim Services France, à des fins personnelles.

En cas de problème, ou de question en rapport avec les processus de téléphonie en cours au sein de l’agence de FUVEAU, vous auriez dû contacter votre responsable hiérarchique ou toute autre personne capable de vous répondre, plutôt que de manquer de respect à l’ensemble des collaborateurs de l’agence, voire même d’en offusquer certains.

Ce type de comportement au sein de l’entreprise est totalement inadmissible.

Nous regrettons vivement ces manquements aux règles de savoir vivre les plus élémentaires, puisqu’en sus de votre ancienneté dans l’entreprise, nous vous avons déjà notifié un avertissement en date du 29 Août 2014 sur ce même sujet. En effet, vous vous étiez adressé par mail le 27 juin 2014 à Mr F G, Chef d’Agence Maintenance de l’agence de Trappes (78), de façon plus que familière. Cet avertissement précisait notamment : Il est inconcevable de continuer sur cette voie » et « Nous vous précisons que si de tels agissements se renouvelaient, la société Tokheim Services France pourrait être amenée à envisager à votre égard une sanction plus grave. »

Nous considérons que cette attitude et ce manquement aux règles constituent une faute professionnelle rendant impossible votre maintien dans l’entreprise, et ce même pendant la durée de votre préavis’»

L’accord d’entreprise relatif au télétravail du 23 octobre 2008, applicable dans l’entreprise, prévoit notamment que l’employeur s’engage à fournir au salarié les équipements de travail nécessaires (bureau, fauteuil, ordinateur portable, connexion Internet,’), qu’afin de prévenir l’isolement du télétravailleur, son responsable hiérarchique assurerait un contrôle régulier avec ce dernier et contrôlerait son activité en lui attribuant une charge de travail et des critères de résultats équivalents à ceux des travailleurs opérant dans les locaux de l’entreprise et qu’un suivi régulier serait assuré par ce dernier.

La SAS Tokheim Services France ne rapporte pas la preuve qu’elle s’est acquittée du respect de ces obligations. Cependant, les éléments de preuve versés aux débats par M. X ne permettent pas de se convaincre que la violation de ces obligations par l’employeur a contribué à la détérioration de l’état santé du salarié.

Par ailleurs, le courriel de la SAS Tokheim Services France du 19 mai 2015 fixant les modalités de la reprise de travail de M. X n’est pas contraire aux préconisations du médecin du travail du 19 décembre 2013. En outre, ce courriel est antérieur à l’avis du médecin du travail du 27 mai 2015. Il ne peut donc être reproché à la SAS Tokheim Services France La violation des préconisations de la médecine du travail.

De surcroît, M. X ne peut reprocher à la SAS Tokheim Services France de lui avoir adressé un courriel pendant ses congés payés dès lors qu’il ressort clairement des pièces produites aux débats que ce courriel litigieux lui a été envoyé par son employeur en réponse à un courriel qu’il avait lui-même adressé à la SAS Tokheim Services France pendant ses congés payés.

Enfin, si les nombreuses pièces médicales produites aux débats par M. X permettent de se convaincre de l’état de santé défaillant de ce dernier, il ne ressort pas la démonstration que les pathologies dont il souffre sont imputables à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ni qu’elles aient pu influer sur son comportement et expliquer ainsi sa réaction inappropriée au courriel du 1er juin 2015.

Il ressort de l’analyse des courriels du 1er juin 2015 que le courrier informant M. X de la suppression de sa ligne fixe a été diffusé sur une liste commune à l’ensemble des salariés de l’établissement de Fuveau et que M. X a répondu sur cette même liste. Dès lors, il existe un doute sur le point de savoir si M. X a volontairement répondu à l’ensemble des salariés du site ou si, par erreur, il a omis de limiter sa réponse au seul expéditeur du premier courriel. Par ailleurs, à supposer que M. X ait volontairement adressé ce message à l’ensemble des collaborateurs de la SAS Tokheim Services France du site de Fuveau, Les termes du message et la photographie annexée, dont la familiarité et la vulgarité ne peuvent être contestées, n’apparaissent pas constitutifs d’une agressivité suffisante démontrant, même en tenant compte de l’avertissement du 29 août 2014, que le maintien de M. X d’entreprise était impossible ni même justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré, qui a débouté M. X de sa contestation de ce chef, sera infirmé.

Compte tenu de l’ancienneté de M. X et de sa rémunération, soit 3’125,88’€, outre une prime d’ancienneté de 468,88’€, le préjudice subi par M. X en raison de la rupture de son contrat de travail sera indemnisé en lui allouant la somme de 62’900’€ à titre de dommages et intérêts.

Il sera par ailleurs fait droit aux demandes de M. X au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents dont le quantum n’est pas contesté par la SAS Tokheim Services France.

Sur le surplus des demandes’:

Le licenciement ne résultant pas d’une cause réelle et sérieuse. Il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l’article L.’1235-4 du code du travail et d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Enfin, la SAS Tokheim Services France, partie perdante qui sera condamnée aux dépens est déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M. X la somme de 2000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DECLARE M. X recevable en son appel’;

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 6 novembre 2018′;

STATUANT à nouveau’;

DIT que le licenciement pour faute grave de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

CONDAMNE la SAS Tokheim Services France à payer à M. X les sommes suivantes’:

– 62’900’€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 22’761’€ au titre de l’indemnité de licenciement’;

– 7’188’€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;

– 718,80’€ au titre des congés payés sur préavis’;

– 2000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

ORDONNE à la SAS Tokheim Services France de remettre à M. X, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 100’€ par jour de retard à l’expiration de ce délai, les documents rectifiés soit bulletin de salaire du mois de juin 2015, attestation Pôle Emploi et certificat de travail’;

SE RESERVE la liquidation de l’astreinte’;

ORDONNE le remboursement par la SAS Tokheim Services France des indemnités de chômage versées à M. X, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de six mois d’indemnités de chômage’;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS Tokheim Services France aux dépens de première instance d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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