L’Essentiel : La société MéO a intenté une action en justice contre Liméo Menuiseries pour contrefaçon de sa marque « MEO ». Le tribunal a établi que l’utilisation par Liméo de signes similaires créait un risque de confusion pour les consommateurs, en raison de la proximité visuelle et phonétique des marques. MéO a été reconnue comme ayant un caractère distinctif important, renforçant le risque de confusion. En conséquence, Liméo a été condamnée à cesser l’utilisation des signes litigieux et à verser 5 000 euros à MéO pour le préjudice subi, ainsi qu’à payer les frais de justice.
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La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque.
Lorsqu’il n’y a pas identité de signes et de produits et services désignés, l’appréciation de la contrefaçon implique ensuite de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d’association dans l’esprit du public concerné. Sur le terrain du droit des marques, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Il est en effet constant que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt Canon). Ainsi, le degré de distinctivité de la marque peut-il constituer un indice pertinent dans l’analyse (Cass. com., 30 mai 2007, n° 06-14.642) et la connaissance de la marque sur le marché, en termes de notoriété ou de renommée (à savoir de connaissance par une partie significative d u public concerné) constitue également un repère (voir Com., 9 mars 2010, n° 09-12.982). Aux fins de cette appréciation globale conduisant à confronter l’ensemble de ces éléments, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voirarrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). Le tribunal a conclu que la société Liméo Menuiseries a commis une contrefaçon de la marque française « MEO » en utilisant des signes similaires pour des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Le tribunal a jugé que le risque de confusion était établi, notamment en raison de la proximité visuelle, auditive et conceptuelle des signes, ainsi que de la renommée de la marque « MEO ». En conséquence, la société Liméo Menuiseries a été condamnée à cesser toute utilisation des signes litigieux. En ce qui concerne la réparation de la contrefaçon, le tribunal a accordé à la société MéO une somme provisionnelle de 5 000 euros en réparation du préjudice subi, notamment en raison de la dilution de sa marque et de la perte de clientèle induite par les actes de contrefaçon. Les demandes de la société MéO ont été rejetées en ce qui concerne les dommages économiques non prouvés. La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la part de la société Liméo a également été rejetée, le tribunal ne trouvant pas la procédure abusive. La société Liméo Menuiseries a été condamnée aux dépens de l’instance et à verser à la société MéO la somme de 7 000 euros au titre des frais de justice. En résumé, la solution juridique apportée à cette affaire est que la société Liméo Menuiseries a été reconnue coupable de contrefaçon de la marque « MEO » et a été condamnée à cesser toute utilisation des signes litigieux, à verser une somme provisionnelle de réparation à la société MéO et à payer les frais de justice. RésuméLa société MéO, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de menuiseries, a découvert en août 2021 l’existence de la société Liméo Menuiseries, également active dans le même secteur. MéO a mis en demeure Liméo de changer sa dénomination sociale et de cesser d’utiliser le signe « Liméo », mais n’a pas reçu de réponse. En avril 2022, MéO a assigné Liméo en justice pour contrefaçon de sa marque et demande des réparations pour les préjudices subis. MéO demande au tribunal d’interdire à Liméo d’utiliser ses signes, de modifier sa dénomination sociale, de détruire tout matériel contrefaisant, de publier le jugement sur son site, et d’autres mesures. Liméo demande quant à elle le rejet des demandes de MéO, une indemnisation pour procédure abusive, et le remboursement de ses frais. L’affaire est en attente de jugement après l’ordonnance de clôture rendue en avril 2023. Sur la caractérisation de la contrefaçon de la marque française “MEO”n°4290592La société MéO accuse la société Liméo Menuiseries d’utiliser des signes imitant sa marque verbale “MEO”, créant ainsi un risque de confusion pour les consommateurs. Elle affirme que les signes utilisés par la défenderesse excèdent une simple utilisation à titre de nom de domaine ou de dénomination sociale. La société Liméo conteste tout risque de confusion entre les signes et affirme que la marque “MEO” n’a pas de renommée. Appréciation du tribunalLe tribunal rappelle les dispositions de la propriété intellectuelle interdisant l’usage de signes identiques ou similaires à une marque enregistrée. Il considère que le risque de confusion est établi entre les signes en présence, caractérisant ainsi la contrefaçon. Il ordonne des mesures d’interdiction pour mettre fin à la contrefaçon. Sur la réparation de la contrefaçon de marqueLa société MéO demande réparation pour le préjudice commercial et moral subi du fait de la contrefaçon. La société Liméo conteste tout préjudice démontré. Le tribunal considère que le risque de confusion a entraîné un préjudice moral pour la société MéO et condamne la société Liméo à payer une somme provisionnelle en réparation du préjudice. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusiveLa société Liméo demande des dommages-intérêts pour procédure abusive, mais le tribunal rejette cette demande, considérant que la procédure engagée par la société MéO n’était pas abusive. Sur les demandes annexesLa société Liméo Menuiseries est condamnée aux dépens de l’instance et à payer des frais à la société MéO. L’exécution provisoire de la décision est maintenue. – Astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant 6 mois Réglementation applicableConformément aux dispositions de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; L’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement; 2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe; 3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ; 4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale; 5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ; 6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ; 7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée. Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : » formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier : – Me Olympe VANNER Mots clefs associés– Contrefaçon – Contrefaçon : reproduction ou imitation non autorisée d’une œuvre protégée par des droits de propriété intellectuelle * * * REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS TRIBUNAL [1] ■ 3ème chambre N° RG 22/04549 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT DEMANDERESSE S.A.S.U. MéO représentée par Me Olympe VANNER de l’AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 DÉFENDERESSE S.A.S. LIMEO MENUISERIES représentée par Me Coralie DEVERNAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0070 & Me Charlotte BALDASSARI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant Décision du 04 avril 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l’audience du 30 janvier 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 mars 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE La société MéO, dénommée MC France avant le 1er janvier 2022, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de menuiseries et notamment de fenêtres, portes-fenêtres et portes d’entrée. En août 2021, la société MéO a découvert l’existence de la société Liméo Menuiseries, créée en 2018, également spécialisée dans la fabrication et la vente de menuiseries sur mesure, de fenêtres, mobiliers et placards. Elle est titulaire d’un site internet accessible à partir du nom domaine , qu’elle a enregistré le 16 avril 2018 et exerce son activité sous les signes suivants : Considérant que l’exploitation de ces signes engendre un risque de confusion pour la clientèle, la société MéO a mis en demeure la société Liméo Menuiseries le 27 août 2021 de procéder au changement de sa dénomination sociale, de supprimer son nom de domaine et de s’engager à cesser tout usage du signe “Liméo”. Cette mise en demeure est restée sans réponse. MOTIFS Sur la caractérisation de la contrefaçon de la marque française “MEO”n°4290592 Moyens des parties La société MéO expose qu’en faisant usage à titre de marque dans la vie des affaires des signes Limeo et Liméo Menuiseries, qui imitent sa marque verbale “MEO”, pour des produit et services qui sont identiques ou à tout le moins hautement similaires à ceux des classes dans lesquelles sa marque est enregistrée, la société Liméo Menuiseries crée un risque de confusion pour le consommateur, permettant de caractériser la contrefaçon. Elle affirme en outre que l’usage que la défenderesse fait des signes litigieux excède une seule utilisation à titre de nom de domaine ou de dénomination sociale, le signe étant apposé sur des produits, sur le site internet ou en magasin pour désigner des services de vente. Par ailleurs, il n’est nullement établi, selon elle, que l’activité de la défenderesse serait constituée, de manière dominante, par la fabrication de meubles. S’agissant de l’analyse des signes en présence, elle relève que le terme “menuiseries” et la mention “vos menuiseries sur mesure’ ne sont pas distinctifs car ils sont descriptifs. Il en est de même, selon elle, de l’élément figuratif du signe utilisé, qui représenterait une fenêtre et s’assimilerait ainsi au produit désigné. Elle conclut que l’élément dominant du signe est le terme “Liméo”, qu’il s’agit d’un seul mot dans lequel sa marque se retrouve entière, à l’identique. Elle estime que la similarité visuelle est élevée. Elle ajoute que les mêmes syllabes [mé] et [o] se prononcent de la même manière, peu important qu’il y ait ou non un accent, que les termes n’ont pas de signification propre, ce qui permet d’écarter une différence intellectuelle. Si le signe utilisé par la défenderesse est un prénom italien, comme elle l’affirme, la société MéO estime qu’il ne sera pas perçu comme tel par le public français. Elle ajoute que dans sa représentation graphique, le préfixe [li] est même isolé, individualisé. Elle conclut à une forte similarité entre les signes. La société MéO ajoute que le risque de confusion est aggravé par le caractère fortement distinctif de sa marque et la renommée dont elle bénéficie depuis plusieurs années en France. Elle se prévaut, à ce titre, d’importants investissements, tant pour son innovation que pour la publicité, d’actions de mécénat, de partenariats conclus et de l’obtention de certifications et labels qui lui ont permis d’acquérir une position dominante sur le marché. Elle invoque également des enquêtes de satisfaction clients. Elle soutient que la renommée de la marque a été acquise dès son dépôt, grâce aux investissements dont elle justifie et à son positionnement sur le marché. La société Liméo expose que la marque “MEO” ne bénéficie d’aucune renommée et conteste tout risque de confusion entre les signes. Elle insiste sur le fait que la marque est récente puisque déposée en juillet 2016 et que la demanderesse confond la notoriété prétendument acquise depuis 40 ans sous sa dénomination sociale MC France et le dépôt de la marque “MEO”. Or, la durée d’usage d’une marque fait partie des critères pour apprécier la renommée et la société demanderesse ne justifie pas, selon elle, du degré de connaissance de la marque par le public pertinent. Elle juge les pièces versées pour établir la renommée insuffisantes. Elle estime par ailleurs qu’il existe une faible similitude entre les activités et produits couverts par l’enregistrement de la marque “MEO” et ceux qu’elle commercialise, qui sont des articles sur-mesure, d’artisanat. Elle rappelle avoir pour activité la menuiserie haut de gamme, sur mesure, avec une activité principale de fabrication de meubles et la réalisation purement accessoire de portes et fenêtres, la marque de la demanderesse n’étant pas enregistrée pour les meubles. Elle souligne que la représentation graphique du signe qu’elle utilise, avec une mention “vos menuiseries sur mesure” diffère de la marque verbale “MEO”, la représentation stylisée du signe renforçant selon elle les différences. Elle conclut également, s’agissant de signes courts, à une faible ressemblance sur les plans visuels, auditifs et conceptuels, rappelant que la sonorité d’attaque, prépondérante, est différente. Elle ajoute que le signe qu’elle utilise renvoie à un prénom italien. Elle fait valoir sa liberté d’entreprendre dans le choix de ce signe et conclut à l’absence de toute contrefaçon. Appréciation du tribunal Conformément aux dispositions de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; L’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement; 2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe; Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. Lorsqu’il n’y a pas identité de signes et de produits et services désignés, l’appréciation de la contrefaçon implique ensuite de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d’association dans l’esprit du public concerné. Interprétant les dispositions de l’article 5 § 1 de la première directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice de l’Union européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Il est en effet constant que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt Canon). Ainsi, le degré de distinctivité de la marque peut-il constituer un indice pertinent dans l’analyse (Cass. com., 30 mai 2007, n° 06-14.642) et la connaissance de la marque sur le marché, en termes de notoriété ou de renommée (à savoir de connaissance par une partie significative d u public concerné) constitue également un repère (voir Com., 9 mars 2010, n° 09-12.982). Aux fins de cette appréciation globale conduisant à confronter l’ensemble de ces éléments, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voirarrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). En l’espèce, la société MéO justifie de ses droits sur la marque verbale française “MEO” déposée à l’INPI le 29 juillet 2016 et enregistrée en classes n°6, 19, 35 et 37. Il est établi que la marque est antérieure à l’usage reproché à la défenderesse, peu important que la demanderesse ait modifié son enseigne puis sa dénomination sociale ultérieurement, le changement de dénomination sociale ayant été mentionné au Kbis le 2 février 2022. Or, dans son procès-verbal de constat dressé le 10 novembre 2021, Me [S] [F], commissaire de justice, constate que sont publiées sur les pages des réseaux sociaux instagram et facebook de la défenderesse, Limeo.menuiseries, des photographies de produits de menuiserie portant le signe Limeo, gravés sur le bois, ou le signe (représentéci-dessous) mentionné sur l’emballage ou le conditionnement des produits: En outre, il ressort d’un second procès-verbal de constat internet dressé par Me [F] le même jour, que le signe de la défenderesse, comprenant un élément figuratif, est également utilisé à titre d’enseigne. Dès lors, le fait que le signe litigieux soit apposé directement sur les locaux de sa salle d’exposition (“showroom”) ou sur son site internet, au droit des caractéristiques des produits et services proposés, ainsi que cela ressort du second procès-verbal de constat, correspond à un usage dans la vie des affaire pour distinguer des produits et services et non à un simple usage à titre de dénomination sociale ou de nom de domaine. Il est ainsi démontré que la société Liméo Menuiseries fait un usage des signes litigieux dans la vie des affaires. Les signes critiqués ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque antérieure “MEO” qui leur est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les signes en présence un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Ce public pertinent, tout d’abord, est composé tant de particuliers que de professionnels, qui achètent des menuiseries, ouvrages en bois. Cet agent de référence normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a un degré d’attention moyenne. S’agissant des produits et services concernés, il importe de rappeler que la marque “MEO” est enregistrée en classes 6 et 19 notamment pour la « menuiserie non métallique intérieure et extérieure ; menuiserie en matières plastiques ; menuiserie mixte métal-bois ; portes, fenêtres, portes-fenêtres et les éléments constitutifs desdits produits, tous ceux-ci étant non métalliques » et en classe 35 pour les «services de vente au détail, ou en gros des produits suivants : menuiserie métallique et non métallique intérieur et extérieure, portes, fenêtres ». Or, la société Liméo Menuiseries se définit, sur son site internet, comme une société de vente en ligne de menuiseries sur mesure à destination des professionnels et des particuliers. Elle propose la création de “fenêtre, porte-fenêtre, porte”, sa spécialité étant, selon la capture d’écran de la page d’accueil de son site internet figurant dans le procès-verbal de constat du 10 novembre 2021, “les fenêtres en bois à l’ancienne”, même si elle crée également des meubles (salle de bain, cuisine) et des dressings, se contenant d’alléguer, sans le démontrer, qu’il s’agit de son activité dominante. S’agissant de l’analyse des signes en présence, la mention du terme “Menuiseries” ou encore “vos menuiseries sur mesures”, dans les signes utilisés par la défenderesse, en ce qu’ils sont descriptifs des produits et services proposés, ne sont pas distinctifs et ne peuvent retenir l’attention du public pertinent. Il en est de même de l’aspect figuratif du signe utilisé par la défenderesse, purement décoratif. En effet, le carré sur la gauche de l’élément verbal évoque effectivement une fenêtre, à tout le moins une ouverture vers l’extérieur, ce qui lui confère un aspect évocateur et le rend négligeable aux yeux du public. De fait, ce sont donc les termes “MEO”, “Limeo” et “Liméo”(avec un accent aigu) qui doivent être comparés, l’élément figuratif décoratif n’étant pas de nature à retenir l’attention du public pertinent. Sur le plan visuel, tout d’abord, les deux termes ne se distinguent que par la présence du préfix [li]. S’il est vrai que le public pertinent est davantage attentif à l’amorce du signe, il importe de souligner que la marque de la demanderesse, terme court de trois lettres, se retrouve entièrement et dans le même ordre dans le signe utilisé par la défenderesse, de cinq lettres. Il a par ailleurs été souligné que, dans la version semi-figurative du signe utilisé par la défenderesse, le préfixe [li] est légèrement surélevé, ce qui donne l’impression qu’il est mis en retrait, et ne fait qu’accentuer, visuellement la présence du terme “méo”. Enfin, l’accent aigu sur le “e”, sur certains signes utilisés, apparait indifférent visuellement, étant au demeurant souligné que le “e” de “MEO” se prononce [é]. Les signes sont donc assez proches sur le plan visuel. Les ressemblances entre les signes apparaissent donc prépondérantes par rapport aux dissemblances, le préfixe [li] n’est pas suffisant pour différencier les signes. Le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure constituent également des facteurs pertinents pour l’appréciation du risque de confusion. Pour déterminer l’étendue de la protection d’une marque en fonction de son pouvoir distinctif, il faut prendre en considération la perception du public concerné au moment où le signe, dont il est prétendu qu’il porterait atteinte à la marque, a commencé à faire l’objet d’une utilisation (Cass. com., 30 mai 2007, n° 06-14.642, voir également CJCE, 27 avr. 2006, aff. C-145/05, Levi Strauss & Co c/ Casucci SpA). En d’autres termes, la force de la distinctivité qu’il faut prendre en considération pour contribuer à caractériser le risque de confusion, est celle qui existe au moment précis où le signe contrefaisant a commencé à être utilisé. Or, la société MéO ne démontre pas l’existence d’une renommée perçue par le public pertinent au moment où la société Liméo a commencé à faire usage du signe Liméo, en 2018. Si les produits de la demanderesse, dont la dénomination sociale était encore MC France en 2018, bénéficiaient d’une image de qualité depuis 40 ans et rencontraient un succès commercial avéré depuis de nombreuses années, couronné par des trophés, certification, et une importante part de marché, si des investissements importants sont démontrés, la demanderesse ne justifie pas que le public les associait, en 2018, à la marque “MEO” déposée 18 mois plus tôt. L’étude de satisfaction client datée de 2016, citée dans un document de 2019 versé aux débats, ne permet pas d’apprécier le degré de connaissance de la marque “MEO” par le public au jour où Liméo a commencé à être utilisé. La seule démonstration d’une couverture médiatique ne suffit pas. En revanche, la marque “MEO”, en ce qu’elle est arbitraire par rapport aux produits et services désignés, bénéficie d’une distinctivité intrinsèque. Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal considère que le risque de confusion est suffisamment établi dans la mesure où le public pertinent, confronté aux signes dont il a été dit qu’ils présentent une certaine proximité, pour des produits et services d’une très grande similarité, pourrait leur attribuer une origine commune. Le risque de confusion est ainsi établi et la contrefaçon par imitation est caractérisée. Sur la réparation de la contrefaçon de marque Moyens des parties La société MéO invoque un préjudice commercial, caractérisé tant des bénéfices réalisés par la défenderesse en lien avec les agissements contrefaisants que les conséquences économiques négatives qu’elle subit. Elle expose avoir perdu des parts de marché et dénonce la perte des investissements réalisés et des dépenses en recherche et développement exposées . Elle considère que la société Liméo, qui n’a pas eu à engager ces dépenses, a fait des économies. Elle fait encore référence à un certain avilissement de sa marque et demande réparation de son préjudice moral, estimant que les actes de contrefaçon portent atteinte à sa capacité distinctive en la diluant et en la galvaudant. Elle sollicite des mesures complémentaires pour la réparation intégrale de son préjudice. Elle demande des sommes provisionnelles à défaut de disposer d’éléments comptables concernant l’activité de la défenderesse. Décision du 04 avril 2024 Appréciation du tribunal L’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que “pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; A titre liminaire, il importe de rappeler que les différents chefs de préjudice listés par l’article précité doivent être considérés distinctement et non cumulativement pour permettre un dédommagement fondé sur une base objective et l’octroi d’une répartion adaptée au préjudice subi du fait de l’atteinte. La société Méo justifie bien, enfin, d’un préjudice moral lié à la banalisation de sa marque et l’atteinte à sa capacité distinctive, qui se trouve diluée en raison des agissements du défendeur. Moyens des parties La société Liméo demande la condamnation de la société MéO à lui payer des dommages-intérêts dans la mesure où l’unique objectif de la procédure était, selon elle, de restreindre sa liberté d’entreprendre. La procédure engagée par la société MéO, qui voit ses demandes prospérer, n’est pas abusive. La demande de dommages-intérêts de la société Liméo sera rejetée. Succombant, la société Liméo Menuiseries sera condamnée aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Olympe Vanner en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS FAIT INTERDICTION à la société Liméo Menuiseries de faire usage des signes « LIMEO », “LIMEO MENUISERIES” et ou de tout autre signe reproduisant ou imitant la marque verbale française « MEO » n°4290592 appartenant à la société MéO, à quelque titre et sous quelque forme support que ce soit, y compris à titre de nom de domaine, de dénomination sociale et d’enseigne, pour des produits identiques ou similaires de menuiseries et des services de vente, pose, installation, réparation, entretien de menuiseries, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois; CONDAMNE la société Liméo Menuiseries à payer à la société MéO la somme provisionnelle de 5.000 euros (cinq mille euros) en réparation de l’ensemble des chefs de préjudice résultant des actes de contrefaçon; REJETTE les demandes de publication de la présente décision; DÉBOUTE la société Liméo Menuiseries de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; REJETTE les autres demandes portant sur la modification de la dénomination sociale, la dépose de l’enseigne du commerce, la destruction de tous documents commerciaux, publicitaires ou promotionnels et la radiation du nom de domaine, la mesure d’interdiction prononcée étant suffisante à mettre fin au préjudice; REJETTE le surplus; CONDAMNE la société Liméo Menuiseries aux dépens dont distraction au profit de Me Olympe Vanner en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE la société Liméo Menuiseries à payer à la société MéO la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit et dit n’y avoir lieu à l’écarter. Fait et jugé à Paris le 04 avril 2024 LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions nécessaires pour caractériser la contrefaçon d’une marque ?La caractérisation de la contrefaçon d’une marque repose sur plusieurs conditions essentielles. Tout d’abord, il est nécessaire de démontrer l’usage du signe litigieux dans le cadre de la vie des affaires, c’est-à-dire dans un contexte commercial visant à obtenir un avantage économique. Cela signifie que l’utilisation du signe ne doit pas se limiter à un usage privé, mais doit avoir un impact sur le marché. Ensuite, lorsque les signes et les produits ou services désignés ne sont pas identiques, il faut évaluer les degrés de similitude entre les signes et les produits ou services concernés. Cette évaluation doit inclure la recherche d’un risque de confusion dans l’esprit du public, ce qui implique une association potentielle entre les deux marques. L’appréciation de ce risque de confusion doit être globale et prendre en compte tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, comme l’a souligné la jurisprudence de la CJUE. Cela inclut la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des marques, ainsi que leur caractère distinctif et leur renommée sur le marché. Comment le tribunal a-t-il apprécié le risque de confusion dans l’affaire MéO contre Liméo Menuiseries ?Dans l’affaire MéO contre Liméo Menuiseries, le tribunal a procédé à une analyse approfondie du risque de confusion entre les signes en présence. Il a d’abord constaté que la société MéO détenait une marque verbale enregistrée, « MEO », et que la société Liméo Menuiseries utilisait des signes similaires, tels que « Limeo » et « Liméo Menuiseries », pour des produits et services identiques ou très similaires. Le tribunal a noté que la similarité visuelle entre les signes était élevée, car le terme « MEO » se retrouvait intégralement dans « Limeo ». De plus, sur le plan auditif, les deux signes partageaient des syllabes communes, ce qui augmentait le risque de confusion. En ce qui concerne la distinctivité de la marque « MEO », le tribunal a reconnu qu’elle avait un caractère distinctif important, renforcé par sa renommée sur le marché. Cela a contribué à établir que le public pourrait confondre les deux marques, pensant qu’elles provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Quelles réparations ont été accordées à la société MéO suite à la contrefaçon ?Suite à la reconnaissance de la contrefaçon de sa marque, la société MéO a obtenu plusieurs réparations de la part du tribunal. Tout d’abord, la société Liméo Menuiseries a été condamnée à cesser toute utilisation des signes litigieux, ce qui inclut l’interdiction d’utiliser « Limeo », « Limeo Menuiseries » et tout autre signe similaire. En termes de réparation financière, le tribunal a accordé à la société MéO une somme provisionnelle de 5 000 euros pour compenser le préjudice subi en raison de la contrefaçon. Ce montant a été déterminé en tenant compte du préjudice moral causé par la dilution de la marque et la perte de clientèle. De plus, la société Liméo a été condamnée à payer 7 000 euros au titre des frais de justice, ce qui souligne la responsabilité de la défenderesse dans cette affaire. Les demandes de la société MéO concernant des dommages économiques non prouvés ont été rejetées, mais la décision a permis de reconnaître le préjudice moral subi. Quelles étaient les demandes de la société Liméo Menuiseries dans cette affaire ?La société Liméo Menuiseries a formulé plusieurs demandes dans le cadre de cette affaire. Tout d’abord, elle a demandé le rejet des demandes de la société MéO, arguant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes en question. Liméo a également contesté la renommée de la marque « MEO », affirmant que celle-ci n’avait pas de notoriété suffisante pour justifier les accusations de contrefaçon. En outre, Liméo a demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive, soutenant que la procédure engagée par MéO visait à restreindre sa liberté d’entreprendre. Cependant, cette demande a été rejetée par le tribunal, qui a considéré que la procédure n’était pas abusive. Enfin, Liméo a sollicité le remboursement de ses frais de justice, mais cette demande a également été rejetée. En somme, les demandes de Liméo visaient principalement à contester la contrefaçon et à obtenir réparation pour ce qu’elle considérait comme une atteinte à sa liberté d’entreprendre. Quels sont les éléments clés de la réglementation applicable en matière de contrefaçon de marque ?La réglementation applicable en matière de contrefaçon de marque est principalement régie par le Code de la propriété intellectuelle. Selon l’article L. 713-2, il est interdit, sans autorisation du titulaire de la marque, d’utiliser un signe identique ou similaire à une marque enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires, si cela crée un risque de confusion dans l’esprit du public. L’article L. 713-3-1 précise également les actes interdits, tels que l’apposition du signe sur des produits, l’offre de produits sous ce signe, et l’utilisation du signe comme nom commercial ou dénomination sociale. Ces interdictions s’appliquent même si le signe est accompagné de termes tels que « formule », « système » ou « imitation ». En cas de contrefaçon, l’article L. 716-4 stipule que l’atteinte au droit du titulaire de la marque engage la responsabilité civile de l’auteur de la contrefaçon. Cela signifie que le titulaire de la marque peut demander des réparations pour les préjudices subis, tant économiques que moraux, en raison de l’utilisation non autorisée de sa marque. |
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