L’Essentiel : Dans l’affaire de contrefaçon de marque opposant la société Gaïatrend à M. [W] [H] [C], le tribunal a jugé que l’utilisation du signe « Alpha Hookah » par ce dernier portait atteinte à la marque « Alfaliquid ». La Cour a établi un risque de confusion entre les deux marques, en raison de leur similarité phonétique et visuelle, ainsi que de la nature des produits concernés. En conséquence, des mesures d’interdiction, de rappel et de destruction des produits contrefaisants ont été ordonnées, accompagnées d’une condamnation à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à Gaïatrend pour le préjudice subi.
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Aux termes des dispositions de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque […]. Aux termes des dispositions de l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle, la violation de l’article 9 du règlement précité sur la marque de l’Union européenne constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d’autant plus grand que celle-ci était plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20 ; plus récemment, s’agissant du caractère distinctif, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51). Dans cette affaire jugée, la société Gaïatrend a obtenu gain de cause concernant la contrefaçon de sa marque « Alfaliquid » par la société Royal Distribution TDN qui commercialisait des chichas sous le signe « Alpha Hookah ». La Cour a analysé les critères de risque de confusion entre les deux marques et a conclu à la contrefaçon. Des mesures d’interdiction et de rappel des produits ont été ordonnées, ainsi que des dommages et intérêts pour réparer le préjudice économique et moral subi par Gaïatrend. Le contrefacteur a été condamné aux dépens de l’instance et à verser une somme à titre de réparation. 1. Il est important de vérifier si le signe utilisé par un tiers est identique ou similaire à votre marque enregistrée, et s’il est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires. En cas de contrefaçon, vous pouvez engager la responsabilité de l’auteur de la contrefaçon en vertu des dispositions légales. 2. Lorsque vous demandez des dommages et intérêts pour contrefaçon, il est essentiel de distinguer les différents chefs de préjudice (conséquences économiques, préjudice moral, bénéfices du contrefacteur) et de les considérer distinctement pour une réparation adaptée au préjudice subi. 3. En cas de contrefaçon avérée, vous pouvez demander des mesures d’interdiction, telles que le rappel des produits contrefaits, ainsi que des dommages et intérêts pour compenser le préjudice économique et moral subi. Il est également possible de demander une publication judiciaire pour informer le public de la contrefaçon et de ses conséquences. Réglementation applicable– Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne Avocats et magistrats intervenants– Me Pierre GREFFE Mots-clefs– Contrefaçon Définitions juridiquesLa contrefaçon est une violation des droits de propriété intellectuelle, notamment des marques de l’Union européenne, protégées par l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001. Une marque verbale peut également être concernée, et le risque de confusion avec une marque antérieure est un élément clé dans ce type de litige, régi par l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle. La Cour de justice de l’Union européenne peut être saisie pour trancher un tel différend, et un procès-verbal peut être dressé pour constater les faits. Dans le cas des chichas électroniques, le caractère distinctif du signe litigieux et son impact sur le public pertinent sont examinés, notamment en termes de similitudes visuelles, auditives et conceptuelles. Des dommages et intérêts peuvent être réclamés pour le préjudice économique et moral subi, ainsi que les bénéfices réalisés par le contrefacteur. Des mesures de réparation, telles que la publication judiciaire et la prise en charge des dépens de l’instance, peuvent être ordonnées, avec possibilité d’exécution provisoire. Montants / Préjudice– Astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, courant pendant un an Parties impliquées– S.A.R.L. GAIATREND * * * REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS TRIBUNAL [1] Le : ■ 3ème chambre N° RG 22/09879 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT DEMANDERESSE S.A.R.L. GAIATREND représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 DÉFENDEUR Monsieur [W] [H] [C] Défaillant Décision du 14 mars 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l’audience du 20 novembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné à l’avocat que la décision serait rendue le 14 mars 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La société Gaïatrend est spécialisée dans la conception et la fabrication de cigarettes électroniques et de liquides pour cigarettes électroniques. La société Gaïatrend a formé opposition. Par décision définitive du 21 février 2022, l’EUIPO a estimé qu’il existe un risque de confusion entre les signes “Alfaliquid” et cette marque. Entre temps, au mois de mars 2021, la société Gaïatrend a constaté qu’une société Royal Distribution TDN offrait à la vente et commercialisait sur son site internet www.mistersmoke.com, plusieurs modèles de chichas et accessoires sous le signe “Alpha Hookah” et a fait dresser un procès-verbal de constat par un commissaire de justice le 24 mars 2021. Elle souligne également la similarité entre les produits e-liquides pour chichas et cigarettes électroniques qu’elle commercialise et les accessoires pour chichas vendus par la société défenderesse et fournis par M. [C]. Elle ajoute que ces produits s’adressent tous à un même public de fumeurs. A titre subsidiaire, la société demanderesse invoque des faits de parasitisme et de concurrence déloyale, les agissements dénoncés au titre de la contrefaçon témoignant, selon elle, d’une volonté de créer un risque de confusion entre les produits litigieux et d’une volonté, de la part de la société Royal Distribution TDN, de se placer dans le sillage de sa propre société et de bénéficier de ses investissements. S’agissant enfin du préjudice qu’elle estime avoir subi, la société Gaïatrend énonce que les opérations de saisie-contrefaçon n’ont pas permis de déterminer l’importance de la masse contrefaisante. Elle note que les actes de contrefaçon commis ont contribué à banaliser sa marque et ont nui à son image, du fait notamment de l’association de ses articles avec des produits du tabac. Bien que régulièrement assigné en Russie en application de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, le 12 août 2022, M. [W] [H] [C] n’a pas constitué avocat. Décision du 14 mars 2024 MOTIFS Sur la contrefaçon de la marque verbale de l’Union européenne n°014504261 “Alfaliquid” Aux termes des dispositions de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque […]. Aux termes des dispositions de l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle, la violation de l’article 9 du règlement précité sur la marque de l’Union européenne constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d’autant plus grand que celle-ci était plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20 ; plus récemment, s’agissant du caractère distinctif, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51). En l’espèce, par un procès-verbal dressé le 24 mars 2021, Me [X], huissier de justice à [Localité 4], a constaté, à la demande de la société Gaïatrend, la présence, sur le site internet www.mistersmoke.com de la société Royal Distribution TDN, l’offre à la vente de modèles de chichas sous le signe . Il ressort par ailleurs du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Me [D] le 20 juillet 2022, dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon autorisées au siège social de la société Royal Distribution, que M. [B], gérant de la société, a indiqué que les produits “Alpha Hookah” viennent d’un fournisseur russe, le nom de M. [C] apparaissant sur des factures. S’agissant du public pertinent, il s’agit d’un public d’attention moyenne, raisonnablement attentif, utilisateur de cigarettes et de chichas électroniques, le concept de vapotage étant largement connu et le consommateur disposant d’une offre de produits variée sur le marché. Le signe antérieur dont se prévaut la société Gaïatrend est constitué d’un groupe nominal composé des termes “Alfa” et “Liquid” qui sont acollés. Le signe litigieux, semi-figuratif, est, quant à lui, composé du terme “Alpha” suivi d’un second mot “Hookah”, ainsi qu’une expression écrite en police plus petite “Enjoy your Hookah” et d’un élément figuratif de type ésotérique, représentant un oeil stylisé dans un triangle, entouré de rayons et qui pourrrait signifier l’oeil de la providence. Il sera d’emblée observé que si l’élément figuratif ainsi représenté apparaît arbitraire comme n’ayant aucun lien particulier avec les produits qu’il désigne, il est constant que le public pertinent aura tendance à davantage retenir l’élément verbal “Alpha Hookah”, facilement prononçable, qu’un élément figuratif qui, comme en l’espèce, a une vertu principalement décorative. Il ne sera pas davantage attiré spécialement par la mention “enjoy your hookah”, qui s’apparente à un slogan publicitaire non distinctif. Selon l’article L.717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d’une marque de l’Union européenne. A titre liminaire, il importe de rappeler que les différents chefs de préjudice listés par l’article précité doivent être considérés distinctement et non cumulativement pour permettre un dédommagement fondé sur une base objective et l’octroi d’une réparation adaptée au préjudice subi du fait de l’atteinte. De ce fait, la demanderesse ne peut, comme elle le fait, solliciter des dommages-intérêts en cumulant les divers postes de préjudice. M. [W] [H] [C], qui succombe, est condamné aux dépens de l’instance qui incluent les frais de saisie-contrefaçon. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire rendue en premier ressort, LE TRIBUNAL Fait interdiction à M. [W] [H] [C] de faire usage sur le territoire de l’Union européenne du signe “ALPHA HOOKAH” ou de tout autre signe reproduisant ou imitant la marque verbale française “ALFALIQUID” n°014504261 appartenant à la société Gaïatrend, à quelque titre et sous quelque forme, support, que ce soit pour des produits identiques ou similaires aux chichas électroniques et à leurs accessoires sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai d’un an; Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte, Ordonne le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux et leur destruction aux frais de M. [W] [H] [C]; Condamne M. [W] [H] [C] à payer à la société Gaïatrend la somme provisionnelle de 50 000 euros (cinquante mille) à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre; Ordonne la publication du jugement à intervenir dans trois journaux, revues ou tout autre support au choix de la société Gaïatrend, aux frais de M. [W] [H] [C] sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 3.000 euros HT. Condamne M. [W] [H] [C] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile; Condamne M. [W] [H] [C] à payer à la société Gaïatrend la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ce compris les frais d’huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat; rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision. Fait et jugé à Paris le 14 mars 2024 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les dispositions légales concernant la contrefaçon de marque dans l’Union européenne ?Les dispositions légales relatives à la contrefaçon de marque dans l’Union européenne sont principalement régies par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, adopté le 14 juin 2017. Ce règlement stipule, dans son article 9, que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a le droit d’interdire à tout tiers, sans son consentement, d’utiliser un signe dans le cadre de ses activités commerciales. Cela s’applique lorsque le signe est identique à la marque enregistrée et utilisé pour des produits ou services identiques, ou lorsque le signe est similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services similaires, en cas de risque de confusion pour le public. En complément, l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle français précise que la violation de ces dispositions constitue une contrefaçon, engageant la responsabilité de l’auteur de l’infraction. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a également précisé que le risque de confusion dépend de plusieurs critères, tels que le degré de similitude entre les signes et les produits, la notoriété de la marque et son caractère distinctif. Quels critères sont pris en compte pour évaluer le risque de confusion entre deux marques ?L’évaluation du risque de confusion entre deux marques repose sur plusieurs critères interdépendants. Tout d’abord, le degré de similitude entre les produits ou services concernés est crucial. Si les produits sont identiques ou similaires, le risque de confusion est plus élevé. Ensuite, la connaissance de la marque sur le marché joue un rôle important. Une marque bien établie et reconnue augmente la probabilité que le public associe un signe similaire à cette marque. Le caractère distinctif de la marque est également un facteur déterminant. Plus une marque est distinctive, plus le risque de confusion est élevé. Par exemple, une marque qui a acquis une forte notoriété sera protégée de manière plus rigoureuse contre les signes similaires. La CJUE a également souligné que le risque de confusion peut inclure le risque d’association entre le signe et la marque, ce qui signifie que même si les signes ne sont pas identiques, leur similarité peut induire le public en erreur. Quels types de préjudices peuvent être réclamés en cas de contrefaçon de marque ?En cas de contrefaçon de marque, plusieurs types de préjudices peuvent être réclamés par le titulaire de la marque. Tout d’abord, il y a le préjudice économique, qui inclut le manque à gagner et les pertes subies par la partie lésée en raison de la contrefaçon. Cela peut comprendre des pertes de ventes, des clients perdus et une diminution de la part de marché. Ensuite, le préjudice moral est également pris en compte. Ce type de préjudice peut résulter de la dégradation de l’image de marque, de la dilution de la notoriété de la marque ou de l’association de la marque à des produits de moindre qualité. Enfin, les bénéfices réalisés par le contrefacteur peuvent être réclamés. Cela inclut les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que le contrefacteur a pu réaliser grâce à la contrefaçon. Il est important de noter que ces différents chefs de préjudice doivent être considérés distinctement pour permettre une réparation adaptée au préjudice subi. Quelles mesures peuvent être ordonnées en cas de contrefaçon avérée ?En cas de contrefaçon avérée, plusieurs mesures peuvent être ordonnées par le tribunal pour protéger les droits du titulaire de la marque. Tout d’abord, des mesures d’interdiction peuvent être mises en place. Cela inclut l’interdiction pour le contrefacteur d’utiliser le signe litigieux sur le territoire de l’Union européenne, ainsi que l’interdiction d’importer, d’exporter ou de commercialiser des produits portant ce signe. Le tribunal peut également ordonner le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux et leur destruction aux frais du contrefacteur. En outre, des dommages et intérêts peuvent être accordés pour compenser le préjudice économique et moral subi par le titulaire de la marque. Enfin, une publication judiciaire peut être ordonnée pour informer le public de la contrefaçon et de ses conséquences, ce qui peut également contribuer à restaurer l’image de la marque lésée. Ces mesures visent à garantir une protection efficace des droits de propriété intellectuelle et à dissuader les actes de contrefaçon. |
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