L’Essentiel : M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont acquis une parcelle de terrain en juin 2020, découvrant par la suite la présence d’une plante invasive, la renouée du Japon. En juillet 2022, un protocole d’accord a été signé avec la SARL Agence du littoral, stipulant que le vendeur financerait un robot de tonte. Face à la persistance de la plante, les acquéreurs ont demandé des travaux supplémentaires en mai 2023, mais la SARL a contesté cette demande. En septembre 2023, ils ont assigné la SARL en justice pour obtenir réparation, mais leurs demandes ont été rejetées par le tribunal.
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Achat de la parcelle et présence de la plante invasiveM. [U] [X] et Mme [B] [C] ont acquis, par acte notarié du 10 juin 2020, une parcelle de terrain à bâtir auprès de la SARL Agence du littoral pour un montant de 40.000 euros. Après l’achat, ils ont constaté la présence d’une plante invasive, la renouée du Japon, sur leur terrain, affectant tant la pelouse que le bitume. Protocole d’accord transactionnelLe 4 juillet 2022, un protocole d’accord a été signé entre les acquéreurs et la SARL Agence du littoral. Ce document stipule que le vendeur prendrait en charge l’achat d’un robot de tonte pour un montant de 2.654,98 euros, tandis que les acquéreurs s’occuperaient de l’entretien du fossé et du bitume. Ce protocole a été établi suite à la constatation de la plante invasive le 27 juin 2022. Demande de mise en œuvre de travaux supplémentairesFace à la persistance de la renouée du Japon, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont, par lettre recommandée du 30 mai 2023, demandé la mise en œuvre d’une barrière anti-rhizomes et d’autres travaux pour un coût total de 57.661,54 euros. La SARL Agence du littoral a contesté cette demande, arguant que le vice n’était pas caché et qu’il existait des solutions moins coûteuses. Assignation en justiceLe 21 septembre 2023, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont assigné la SARL Agence du littoral devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour obtenir réparation de leurs préjudices. La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2024, et l’affaire a été mise en délibéré le 27 novembre 2024. Prétentions des partiesM. [U] [X] et Mme [B] [C] demandent la condamnation de la SARL Agence du littoral à leur verser 57.661,54 euros pour la remise en état de la parcelle, ainsi que 5.000 euros pour préjudice moral. De son côté, la SARL Agence du littoral demande le déboutement des acquéreurs et réclame des dommages et intérêts pour procédure abusive. Décisions du tribunalLe tribunal a déclaré la SARL Agence du littoral irrecevable dans ses fins de non-recevoir concernant l’effet extinctif de la transaction et la prescription. Les demandes de M. [U] [X] et Mme [B] [C] pour obtenir des dommages et intérêts ont été rejetées, tout comme la demande reconventionnelle de la SARL Agence du littoral pour procédure abusive. Les acquéreurs ont été condamnés aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’achat de la parcelle par M. [U] [X] et Mme [B] [C] ?M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont acquis, par acte notarié du 10 juin 2020, une parcelle de terrain à bâtir auprès de la SARL Agence du littoral pour un montant de 40.000 euros. Après l’achat, ils ont constaté la présence d’une plante invasive, la renouée du Japon, sur leur terrain, affectant tant la pelouse que le bitume. Quel accord a été signé entre les acquéreurs et la SARL Agence du littoral ?Le 4 juillet 2022, un protocole d’accord a été signé entre les acquéreurs et la SARL Agence du littoral. Ce document stipule que le vendeur prendrait en charge l’achat d’un robot de tonte pour un montant de 2.654,98 euros, tandis que les acquéreurs s’occuperaient de l’entretien du fossé et du bitume. Ce protocole a été établi suite à la constatation de la plante invasive le 27 juin 2022. Quelles actions ont été entreprises par M. [U] [X] et Mme [B] [C] face à la plante invasive ?Face à la persistance de la renouée du Japon, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont, par lettre recommandée du 30 mai 2023, demandé la mise en œuvre d’une barrière anti-rhizomes et d’autres travaux pour un coût total de 57.661,54 euros. La SARL Agence du littoral a contesté cette demande, arguant que le vice n’était pas caché et qu’il existait des solutions moins coûteuses. Quelle a été la suite judiciaire de cette affaire ?Le 21 septembre 2023, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont assigné la SARL Agence du littoral devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour obtenir réparation de leurs préjudices. La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2024, et l’affaire a été mise en délibéré le 27 novembre 2024. Quelles sont les prétentions des parties dans ce litige ?M. [U] [X] et Mme [B] [C] demandent la condamnation de la SARL Agence du littoral à leur verser 57.661,54 euros pour la remise en état de la parcelle, ainsi que 5.000 euros pour préjudice moral. De son côté, la SARL Agence du littoral demande le déboutement des acquéreurs et réclame des dommages et intérêts pour procédure abusive. Quelles décisions a prises le tribunal concernant les demandes des parties ?Le tribunal a déclaré la SARL Agence du littoral irrecevable dans ses fins de non-recevoir concernant l’effet extinctif de la transaction et la prescription. Les demandes de M. [U] [X] et Mme [B] [C] pour obtenir des dommages et intérêts ont été rejetées, tout comme la demande reconventionnelle de la SARL Agence du littoral pour procédure abusive. Les acquéreurs ont été condamnés aux dépens. Quelles sont les références législatives citées dans la motivation du tribunal ?Le tribunal a cité plusieurs articles du code de procédure civile et du code civil. Parmi eux, l’article 789 du code de procédure civile, qui traite des fins de non-recevoir, et l’article 122 du même code, qui définit ce qui constitue une fin de non-recevoir. De plus, l’article 2049 du code civil sur les transactions et l’article 2052 sur l’effet extinctif des transactions ont été mentionnés. Comment le tribunal a-t-il justifié le rejet des demandes de M. [U] [X] et Mme [B] [C] ?Le tribunal a noté que M. [U] [X] et Mme [B] [C] ne fournissaient pas de preuves suffisantes pour justifier leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral. Ils n’ont pas présenté de photographies du terrain avant la transaction pour prouver l’aggravation de la situation. Les devis présentés ne démontraient pas non plus cette aggravation. Quelles sont les conséquences financières pour les parties suite à la décision du tribunal ?M. [U] [X] et Mme [B] [C], parties perdantes, ont été condamnés in solidum aux dépens. Ils ont également été déboutés de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais irrépétibles. La SARL Agence du littoral a également été déboutée de sa demande de condamnation solidaire des acquéreurs pour frais irrépétibles. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
[X], [C]
C/
S.A.R.L. AGENCE DU LITTORAL
Répertoire Général
N° RG 23/03011 – N° Portalis DB26-W-B7H-HWMF
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Expédition exécutoire le :
27.11.24
à : Me Crépin
à : Me Léraille
à :
à :
Expédition le :
à :
à :
à :
à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
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Dans l’affaire opposant :
Monsieur [U] [I] [L] [X]
né le 18 Octobre 1992 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Maître Jérôme CREPIN de la SCP CREPIN-FONTAINE, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Elisabeth NOUBLANCHE VEYER, avocat au barreau D’AMIENS
Madame [B] [H] [Y] [C]
née le 29 Juillet 1994 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Jérôme CREPIN de la SCP CREPIN-FONTAINE, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Elisabeth NOUBLANCHE VEYER, avocat au barreau D’AMIENS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
S.A.R.L. AGENCE DU LITTORAL (RCS 311 392 757)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Laurence LERAILLE, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Emilie CHRISTIAN, avocat au barreau D’AMIENS
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 25 Septembre 2024 devant :
– Monsieur [T] [D], juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
Par acte notarié du 10 juin 2020, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont acquis de la SARL Agence du littoral une parcelle de terrain à bâtir située [Adresse 2] à [Localité 4] (Somme), cadastrée section B n° [Cadastre 3] lieudit « [Adresse 2] » d’une surface de 12 ares et 10 centiares, au prix de 40.000 euros.
M. [U] [X] et Mme [B] [C] expliquent que la parcelle, sur laquelle ils ont fait édifier un immeuble à usage d’habitation, est envahi par une plante dénommée renouée du Japon.
Par acte sous signature privée en date du 4 juillet 2022, M. [U] [X] et Mme [B] [C] d’une part, la SARL Agence du littoral d’autre part, ont régularisé un protocole d’accord transactionnel duquel il ressort les informations suivantes. Le 5 juin 2022, les acquéreurs ont pris l’attache du vendeur pour signaler la présence d’une plante invasive sur la parcelle, tant dans la pelouse que le bitume, dont ils ont découvert l’existence postérieurement à la vente. La semaine suivante, la SARL Agence du littoral a proposé l’intervention de l’entreprise Trancart, titulaire du lot « espaces verts » lors de la réalisation du lotissement, afin d’identifier la plante litigieuse. Le 27 juin 2022, les acquéreurs, le vendeur et le titulaire du lot « espaces verts » ont constaté la présence de la plante dans la pelouse et au droit d’un fossé latéral. L’achat d’un robot de tonte a été préconisé. Les acquéreurs ont convenu de faire leur affaire personnelle de l’entretien du fossé (pose d’une bâche ou tonte) et du bitume sous lequel est situé un géotextile mis en œuvre lors des travaux de construction, tandis que le vendeur a accepté de prendre en charge l’achat du robot de tonte, sa mise en œuvre, sa programmation et la réalisation d’un abri, pour un coût de 2.654, 98 euros TTC.
Déplorant la persistance de la plante invasive, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont, par l’intermédiaire de leur conseil et par lettre recommandée avec avis de réception du 30 mai 2023 réceptionnée le 2 juin suivant, fait valoir la nécessaire mise en œuvre d’une barrière anti-rhizomes, après décapage du terrain et apport de terre argileuse et végétale, ainsi que la réalisation d’un nouvel enrobé pour un coût global de 57.661, 54 euros.
Par courrier du 19 juillet 2023, la SARL Agence du littoral a, par l’intermédiaire de son conseil, contesté le caractère caché du vice dénoncé par les acquéreurs, rappelé l’autorité de chose jugée attachée la transaction et souligné l’existence de solutions moins coûteuses pour éradiquer la renouée du Japon, notamment le fauchage et l’arrachage ou l’utilisation d’un désherbeur thermique.
Par lettre officielle en date du 20 juillet 2023, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, contesté la position adoptée par la SARL Agence du littoral, considérant qu’une transaction ne peut avoir force de loi entre les parties lorsqu’une partie abandonne ses droits pour une contrepartie quasi inexistante.
Par acte de commissaire de justice en date du 21 septembre 2023, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont fait assigner la SARL Agence du littoral devant le tribunal judiciaire d’Amiens en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2024.
Par ordonnance du 23 septembre 2024, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture présentée par M. [U] [X] et Mme [B] [C].
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 27 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2024, M. [U] [X] et Mme [B] [C] demandent au tribunal de :
Condamner la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 57.661,54 euros à titre de dommages et intérêts pour la remise en état de la parcelle ; Condamner la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
Débouter la SARL Agence du littoral de ses demandes reconventionnelles ; Condamner la SARL Agence du littoral aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise éventuellement ordonnée ; Condamner la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais irrépétibles ; Ordonner l’exécution provisoire du jugement.
Au visa des articles 1231-1 et 1641 du code civil, M. [U] [X] et Mme [B] [C] soutiennent que la présence de la plante invasive, antérieure à la vente, était connue du gérant de la SARL Agence du littoral. Au contraire, ils contestent avoir eu connaissance de la présence de cette plante, faisant valoir qu’ils n’auraient pas acquis le terrain si elle ne leur avait pas été cachée. Ils estiment également que la transaction régularisée ne permet pas de remédier à l’état de la parcelle à raison de la persistance de cette plante, qui nécessite, selon eux, un décapage du terrain, l’évacuation de la terre, la mise en œuvre d’une barrière anti-rhizomes et un apport de terre nouvelle. Ils observent enfin que le protocole d’accord perd toute valeur transactionnelle dès lors que la contrepartie consentie par l’Agence du littoral est dérisoire au regard de l’ampleur des travaux à entreprendre pour éradiquer la renouée du Japon.
Suivant dernières conclusions notifiées le 19 mars 2024, la SARL Agence du littoral demande au tribunal de :
A titre principal et subsidiaire, débouter M. [U] [X] et Mme [B] [C] de leurs demandes ; A titre reconventionnel, condamner solidairement M. [U] [X] et Mme [B] [C] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Condamner solidairement M. [U] [X] et Mme [B] [C] aux dépens ; Condamner solidairement M. [U] [X] et Mme [B] [C] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa de l’article 2052 du code civil, la SARL Agence du littoral soutient que l’action de M. [U] [X] et Mme [B] [C] est irrecevable motifs pris de ce que la transaction fait obstacle à l’introduction entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. Elle soutient en outre qu’il n’existe aucun déséquilibre entre les contreparties réciproques que se sont consenties les parties. Elle reproche en effet aux acquéreurs de n’avoir pas fait un usage quotidien du robot de tonte, suggérant qu’ils ont laissé la renouée du Japon se développer volontairement. Au visa de l’article 1648 du code civil, la SARL Agence du littoral soutient encore que leur action est irrecevable à raison de la prescription. Elle observe que la présence de la plante sur la parcelle litigieuse était visible dès le mois de juin 2020, de sorte que l’assignation délivrée le 21 septembre 2023 est postérieure à l’expiration du délai de prescription biennale. Par ailleurs, au visa de l’article 1642 du code civil, la SARL Agence du littoral fait valoir subsidiairement que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et qu’il n’est pas justifié que la destination de l’immeuble soit compromise par la plante invasive, soulignant que les acquéreurs sont mal fondés à se prévaloir d’un vice caché. En outre, la SARL Agence du littoral fait valoir que les travaux demandés par les acquéreurs sont inutiles pour éradiquer la plante invasive, de sorte qu’elle juge disproportionnée leur demande indemnitaire. Reconventionnellement, la SARL Agence du littoral soutient que la procédure initiée par M. [U] [X] et Mme [B] [C] est abusive et doit être sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur les fins de non-recevoir
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…) 5° Statuer sur les fins de non-recevoir ».
L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’effet extinctif de transaction
L’article 2049 du code civil dispose que « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».
L’article 2052 du code civil prévoit que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».
Il est rappelé que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable au présent litige, a modifié cet article 2052 qui prévoyait que « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ». Ainsi, si la transaction conserve un effet extinctif, il n’est plus fait référence à la notion d’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions de justice.
Cette exception de transaction à raison de son effet extinctif, qui tend à faire déclarer irrecevable l’adversaire en sa demande pour défaut de droit d’agir, constitue une fin de non-recevoir qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état dès lors que ce moyen intervient postérieurement à sa désignation mais avant son dessaisissement.
En l’espèce, la SARL Agence du littoral aurait dû saisir le juge de la mise en état de ce tribunal (et non le tribunal) de cette fin de non-recevoir.
Il s’ensuit que la SARL Agence du littoral est irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de l’effet extinctif de la transaction.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Il résulte des articles 122 et 789 du code de procédure civile que le moyen tiré de la prescription est une fin de non-recevoir qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état dès lors qu’il intervient postérieurement à sa désignation mais avant son dessaisissement.
En l’espèce, la SARL Agence du littoral aurait dû saisir le juge de la mise en état de ce tribunal (et non ce tribunal) de cette fin de non-recevoir.
Il s’ensuit que la SARL Agence du littoral est irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription.
II. Sur la demande indemnitaire
Aux termes de l’article 1353 alinéa 1er du code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
Si en application de l’article 1168 du code civil « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat à moins que la loi n’en dispose autrement », l’article 1169 de ce code précise qu’ « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». Les juges du fond exercent un contrôle sur le caractère dérisoire de concessions qui s’apparente à leur inexistence et donne ainsi lieu à nullité de la transaction ou à sa requalification.
S’il est relevé que M. [U] [X] et Mme [B] [C] ne sollicitent ni la nullité ni la requalification de la transaction, ils font état d’une aggravation ultérieure au dommage survenu ce qui autorise le tribunal à examiner le fond du litige dès lors que la transaction n’exclut pas l’aggravation ultérieure et imprévisible de ce dommage.
En l’espèce, M. [U] [X] et Mme [B] [C], acquéreurs, d’une part, la SARL Agence du littoral, vendeur, d’autre part, ont régularisé une transaction le 4 juillet 2022 aux termes de laquelle ils ont souhaité mettre un terme au litige né postérieurement à la vente d’un terrain intervenue le 10 juin 2020 et relatif à la présence d’une plante invasive. Au titre des concessions réciproques, cette transaction stipule que « pour combattre cette plante, les parties conviennent : l’acheteur fera son affaire personnelle concernant l’entretien du fossé ; l’acheteur fera son affaire personnelle concernant tous les ouvrages et notamment le macadam ; le vendeur prendra en charge l’achat d’un robot tondeuse suite au devis demandé par M. [X] à l’entreprise Flahaut à [Localité 7] à savoir : robot de tonte Husqvarna AM 310 MII, pose et programmation, abri robot, pour un montant de 2.654, 98 euros. Par cette transaction, les parties considèrent le litige définitivement éteint et s’interdisent toute poursuite ou action judiciaire ou extrajudiciaire ».
Postérieurement à cette transaction, M. [U] [X] et Mme [B] [C] ont allégué l’aggravation et la persistance de la plante invasive. A cet égard, ils versent aux débats des photographies non datées, imprimées le 26 juin 2023, témoignant de la présence dans leur jardin de la renouée du Japon. Or, à supposer que les photographies produites par les demandeurs témoignent d’une situation postérieure à la transaction, ceux-ci ne fournissent au tribunal aucune photographie du terrain avant le 4 juillet 2022, qui témoignerait de l’aggravation dénoncée.
Les devis que M. [U] [X] et Mme [B] [C] versent aux débats, qui prévoient principalement des prestations de nature à supprimer en profondeur toute racine de la plante invasive et à empêcher ses rhizomes de progresser, ne sont pas de nature à démontrer cette aggravation.
Au vu de ce qui précède, M. [U] [X] et Mme [B] [C] sont déboutés de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 57.661, 54 euros au titre de la remise en état de la parcelle située [Adresse 2] à [Localité 4] (Somme), cadastrée section B n° [Cadastre 3].
M. [U] [X] et Mme [B] [C], qui succombent, sont également déboutés de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
III. Sur la demande indemnitaire reconventionnelle
L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La SARL Agence du littoral ne démontre pas que le droit d’agir de M. [U] [X] et Mme [B] [C], qui succombent à raison d’un défaut de preuve, a dégénéré en faute.
Il s’ensuit que la défenderesse est déboutée de sa demande de condamnation solidaire des demandeurs à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
M. [U] [X] et Mme [B] [C], parties perdantes, sont condamnés in solidum aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
En l’espèce, l’équité commande de dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [U] [X] et Mme [B] [C] sont donc déboutés de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais irrépétibles.
De même, la SARL Agence du littoral est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [U] [X] et Mme [B] [C] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal :
DECLARE la SARL Agence du littoral irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de l’effet extinctif de la transaction ;
DECLARE la SARL Agence du littoral irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
DEBOUTE M. [U] [X] et Mme [B] [C] de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 57.661,54 euros au titre de la remise en état de la parcelle située [Adresse 2] à [Localité 4] (Somme), cadastrée section B n° [Cadastre 3] ;
DEBOUTE M. [U] [X] et Mme [B] [C] de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
DEBOUTE la SARL Agence du littoral de sa demande de condamnation solidaire de M. [U] [X] et Mme [B] [C] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE in solidum M. [U] [X] et Mme [B] [C] ;
DEBOUTE M. [U] [X] et Mme [B] [C] de leur demande de condamnation de la SARL Agence du littoral à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SARL Agence du littoral de sa demande de condamnation solidaire de M. [U] [X] et Mme [B] [C] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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