L’Essentiel : Un chirurgien-dentiste, exerçant à [Localité 4], a bénéficié du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (DIPA) durant la crise sanitaire. Le 13 septembre 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’Ille-et-Vilaine a notifié un indu de 35.351 euros. Contestant cette décision, le professionnel de santé a saisi le tribunal judiciaire de Rennes. Il soutenait que la CPAM n’avait pas compétence pour notifier l’indu et contestait le calcul du montant. Le tribunal a finalement statué en faveur du chirurgien-dentiste, annulant la décision de la CPAM et condamnant cette dernière aux dépens et à verser 1.000 euros.
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Contexte de l’affaireMonsieur [K] [X], chirurgien-dentiste à [Localité 4], a bénéficié du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (DIPA) durant la crise sanitaire liée à la covid-19, couvrant la période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020. Notification d’indu par la CPAMLe 13 septembre 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’Ille-et-Vilaine a notifié à M. [X] un indu de 35.351 euros relatif au DIPA. En réponse, M. [X] a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable de la CPAM, qui a rejeté sa contestation lors de sa séance du 24 février 2022. Recours au tribunal judiciaireM. [X] a ensuite saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 3 mai 2022, introduisant deux recours contre les décisions de la commission. Le juge a ordonné la jonction des recours, et l’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/00430. Arguments de M. [X]M. [X] soutient que la CPAM d’Ille-et-Vilaine n’avait pas compétence pour notifier l’indu, arguant que la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est responsable de la gestion du DIPA. Il conteste également la méthode de calcul utilisée par la CPAM pour déterminer le montant de l’indu, affirmant que celle-ci a conduit à une évaluation erronée de ses honoraires. Position de la CPAMLa CPAM d’Ille-et-Vilaine a défendu sa compétence pour notifier l’indu, affirmant qu’elle a agi conformément aux dispositions légales et que le montant réclamé était justifié. Elle a également précisé que la CNAM définit la stratégie nationale, mais que les CPAM sont chargées de sa mise en œuvre locale. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la CPAM d’Ille-et-Vilaine n’avait pas compétence pour notifier l’indu, en raison de l’absence de convention ou de délégation de la CNAM pour le recouvrement des indus liés au DIPA. Par conséquent, la décision de la CPAM du 13 septembre 2021 a été annulée, et la CPAM a été déboutée de sa demande en paiement. Conséquences financièresLa CPAM a été condamnée aux dépens de l’instance et à verser à M. [X] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les demandes subsidiaires de M. [X] n’ont pas été examinées, étant donné que sa demande principale a été acceptée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence de la CPAM d’Ille-et-Vilaine pour notifier un indu au titre du DIPA ?La compétence de la CPAM d’Ille-et-Vilaine pour notifier un indu au titre du DIPA est remise en question dans cette affaire. Selon l’article L. 221-1 du Code de la sécurité sociale, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est un établissement public national à caractère administratif, responsable de la gestion des branches de l’assurance maladie. La CNAM a pour mission de veiller à l’équilibre financier de ces branches et d’établir les comptes combinés. En revanche, les CPAM, comme l’indique l’article L. 211-1, sont des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, assurant la prise en charge des frais de santé et le service des prestations d’assurance maladie. Il est donc essentiel de déterminer si la CPAM d’Ille-et-Vilaine a reçu une délégation ou une convention de la CNAM pour gérer le recouvrement des indus liés au DIPA. En l’absence de preuve d’une telle délégation, la CPAM n’avait pas compétence pour notifier l’indu au demandeur. Quelles sont les implications du principe de non-rétroactivité des lois dans cette affaire ?Le principe de non-rétroactivité des lois est un principe fondamental en droit français, stipulé dans l’article 2 du Code civil, qui dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Dans le cadre de cette affaire, le demandeur soutient que le décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020, qui fixe les modalités de calcul des aides, ne peut s’appliquer rétroactivement à des situations juridiques déjà constituées. Cela signifie que les calculs effectués par la CPAM, basés sur ce décret, ne peuvent pas affecter les droits acquis du demandeur au moment où les aides ont été versées. Ainsi, toute demande de remboursement fondée sur des calculs réalisés après l’entrée en vigueur de ce décret pourrait être considérée comme erronée, car elle ne respecte pas le principe de non-rétroactivité. Comment la CPAM justifie-t-elle sa décision de recouvrement de l’indu ?La CPAM d’Ille-et-Vilaine justifie sa décision de recouvrement de l’indu en affirmant qu’elle a agi conformément aux dispositions de l’article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale, qui traite du recouvrement des indus. Elle soutient que la CNAM, en tant que gestionnaire de l’assurance maladie, a autorité sur les CPAM et que ces dernières sont chargées de mettre en œuvre les décisions prises au niveau national. Cependant, il est important de noter que l’article L. 211-1 précise que les CPAM ne sont pas responsables de la gestion des fonds spéciaux, comme ceux liés au DIPA, sauf si une convention ou une délégation leur a été accordée. Dans cette affaire, la CPAM n’a pas fourni de preuve d’une telle délégation, ce qui remet en question la légitimité de sa décision de recouvrement. Quelles sont les conséquences de l’annulation de la décision de la CPAM ?L’annulation de la décision de la CPAM d’Ille-et-Vilaine a plusieurs conséquences juridiques. Tout d’abord, cela signifie que le demandeur n’est pas tenu de rembourser la somme de 35.351 euros, qui avait été notifiée comme indu. De plus, la CPAM est déboutée de sa demande en paiement, ce qui implique qu’elle ne peut pas exiger le remboursement de cette somme. En outre, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la CPAM est condamnée aux dépens de l’instance, ce qui signifie qu’elle devra couvrir les frais de justice engagés par le demandeur. Enfin, le tribunal a également condamné la CPAM à verser une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de compenser les frais non couverts par les dépens. Ces conséquences soulignent l’importance de la compétence et de la légitimité des décisions prises par les organismes de sécurité sociale. |
PÔLE SOCIAL
MINUTE N°
AUDIENCE DU 31 Janvier 2025
AFFAIRE N° RG 22/00430 – N° Portalis DBYC-W-B7G-JZHT
88D
JUGEMENT
AFFAIRE :
[K] [X]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
Pièces délivrées :
CCCFE le :
CCC le :
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur [K] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Bertrand MAILLARD, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Sheherazade GASMI, avocate au barreau de RENNES
PARTIE DEFENDERESSE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Madame [Y] [D], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION
DEBATS :
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [K] [X] exerce la profession de chirurgien-dentiste à [Localité 4].
Dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, M. [X] a bénéficié du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (DIPA) pour la période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020.
Par courrier du 13 septembre 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’Ille-et-Vilaine a notifié à M. [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du DIPA.
Par courrier daté du 17 novembre 2021, M. [X] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d’Ille-et-Vilaine d’une contestation.
En sa séance du 24 février 2022, la commission de recours amiable a finalement rejeté la contestation de M. [X].
Par courrier recommandé avec accusé de réception réceptionné le 3 mai 2022, M. [X] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes de deux recours, enregistrés sous les numéros RG 22/00430 et 22/00438, le premier à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission et le second à l’encontre de la décision explicite de rejet de la même commission.
Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux recours, l’affaire étant désormais appelée sous le seul numéro RG 22/00430.
Selon jugement avant dire droit en date du 26 juin 2024, le tribunal a notamment sursis à statuer sur l’ensemble des demandes, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à produire leurs observations quant à la compétence et la qualité à agir de la CPAM d’Ille-et-Vilaine dans le cadre de la notification et le recouvrement d’un indu au titre du DIPA mis en place par ordonnance n°2020-505 du 2 mai 2020.
L’affaire a été rappelée à l’audience du 3 décembre 2023.
A cette audience, M. [X], maintenant les termes de ses conclusions en date du 27 novembre 2024, demande au tribunal de :
A titre principal,
Dire et juger que la CPAM d’Ille-et-Vilaine n’avait pas compétence pour rendre la décision en date du 13 septembre 2021 ;En conséquence, annuler la décision de la CPAM en date du 13 septembre 2021 ;Annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM en date du 4 mars 2022 ;Condamner la CPAM d’Ille-et-Vilaine à payer à M. [X] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;A titre subsidiaire,
Annuler la décision de la CPAM en date du 13 septembre 2021 ;Annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM en date du 4 mars 2022 ;Enjoindre à la CPAM d’Ille-et-Vilaine de procéder au calcul des sommes éventuellement dues par M. [X] sur la base de la méthode ci-dessus exposée ;En conséquence, réduire à de plus juste proportions la somme que devra éventuellement rembourser M. [X] à la CPAM d’Ille-et-Vilaine ;Condamner la CPAM d’Ille-et-Vilaine à payer à M. [X] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.A l’appui de ses demandes, il fait essentiellement valoir que les CPAM sont des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public et que, si la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a, par la voix de son directeur, autorité sur les CPAM, les missions de la CNAM et des CPAM diffèrent. Il expose à ce titre que les articles 1er et 3 de l’ordonnance n°2020-1533 désignent nommément la CNAM pour gérer le dispositif, arrêter le montant définitif de l’aide et procéder, le cas échéant, au versement du solde dû ou à la récupération du trop-perçu. Il soutient que la CPAM d’Ille-et-Vilaine ne justifie d’aucune convention, délégation ou habilitation de la CNAM lui confiant la gestion du recouvrement des indus relevant du DIPA.
M. [X] estime en outre que le principe de non rétroactivité des lois et des actes administratifs s’oppose à l’application rétroactive du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 à l’égard de situations juridiques régulièrement constituées ou de droits acquis à la date de son entrée en vigueur, de sorte que la demande en répétition de l’indu de la caisse, qui se fonde sur des calculs réalisés au vu des méthodes de calcul fixées par le décret du 30 décembre 2020, soit bien après le versement des aides, est erroné.
M. [X] affirme que les honoraires à prendre en compte pour le calcul de l’aide sont ceux issus de l’entente directe réalisés mensuellement, dans la limite de 8.650 €, et qu’il n’y avait pas lieu, comme l’a fait la caisse, d’effectuer une prise en compte globale des honoraires sur toute la période à hauteur de 30.275 €. Il expose que la globalisation réalisée par la CPAM, qui a conduit à « gonfler » artificiellement le montant des honoraires réalisés et baisser le montant de l’aide à laquelle il pouvait prétendre, ne figure pas dans le décret du 30 décembre 2020.
M. [X] soutient en outre que si les calculs réalisés par la CPAM lors de la régularisation des aides sont exacts, cela signifie que ceux réalisés lors des demandes d’aides initiales étaient erronés. Il indique que la CPAM a engagé sa responsabilité en faisant une application erronée des modalités de calcul qu’elle s’est elle-même fixées et en recourant à des outils de calculs dont les praticiens n’avaient aucun moyen de vérifier l’exactitude en l’absence de toute définition légale des modalités de calcul, estimant en définitive qu’en versant une aide selon ses propres calculs et sans aucune base légale, la caisse a pris une décision créatrice de droit à son endroit.
La CPAM d’Ille-et-Vilaine, régulièrement représentée, soutenant oralement ses conclusions du 4 novembre 2024, prie le tribunal de :
A titre liminaire,
Déclarer qu’il relevait du champ de compétence dévolu à la CPAM d’Ille-et-Vilaine de notifier à M. [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du versement à tort de prestations en lien avec le DIPA ;Déclarer que la CPAM d’Ille-et-Vilaine a qualité à agir pour recouvrer auprès de M. [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du versement à tort de prestations en lien avec le DIPA ;Déclarer que c’est à bon droit que la CPAM d’Ille-et-Vilaine a notifié à M. [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du versement à tort de prestations en lien avec le DIPA ;A titre principal,
Déclarer que la mise en œuvre par la caisse de la procédure de notification d’indu qui a été faite à M. [X] est parfaitement régulière ;Déclarer que compte tenu des éléments de rémunération à prendre en compte, M. [X] était éligible aux bénéfices du dispositif exceptionnel d’accompagnement économique des professionnels de santé pour un montant de 4.139,67 euros ;Déclarer que la caisse est, par conséquent, fondée à réclamer à M. [X] la somme totale de 35.351 euros au titre du versement à tort de prestations en lien avec le DIPA ;Condamner M. [X] à verser à la CPAM d’Ille-et-Vilaine la somme de 34.498,63 euros ;Débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes ;Condamner M. [X] aux dépens de l’instance.A l’appui de ses prétentions, elle expose principalement que la CNAM est un gestionnaire de l’assurance maladie et qu’elle définit la stratégie au niveau national que les CPAM sont chargées de mettre en œuvre au plan local. Elle estime que l’article 3 de l’ordonnance du 2 mai 2020 la désigne en qualité d’exécutante de la prestation, ajoutant qu’en tout état de cause, tout professionnel de santé conventionné est rattaché à une CPAM et que l’article 30 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016 prévoit expressément que le praticien « effectue les démarches nécessaires auprès de sa caisse de rattachement ».
La caisse estime qu’ayant fait une juste application des dispositions relatives au DIPA, elle n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité. Elle détaille le calcul de l’aide qu’elle a réalisé à partir des déclarations du praticien.
Conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.
A titre liminaire, il sera observé que le pôle social du tribunal judiciaire n’est pas une juridiction de recours des décisions rendues par la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance-maladie. Si la saisine de cette commission est un préalable obligatoire et nécessaire à la saisine du tribunal judiciaire, ce dernier ne se prononce que sur la décision initiale de l’organisme. Il en résulte qu’il ne peut prononcer l’annulation ou la confirmation de la décision de la commission.
Sur la compétence de la CPAM d’Ille-et-Vilaine pour notifier l’indu :
Sur les missions de la CNAM :Aux termes des articles L.221-1 et L. 221-2 du Code de sécurité sociale, la CNAM est un établissement public national à caractère administratif, jouissant de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dont l’objet est de gérer les branches Maladie, maternité, invalidité et décès, Accidents du travail et maladies professionnelles et dont les missions sont fixées à l’article L. 221-1.
La CNAM a ainsi pour rôle :
« 1° De veiller à l’équilibre financier de ces deux branches. A ce titre, elle établit les comptes combinés de celles-ci, assure en lien avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale le financement des organismes locaux, effectue le règlement et la comptabilisation de toute opération relevant de ces branches dont la responsabilité n’est pas attribuée aux organismes locaux et est chargée de la gestion du risque ;
1° bis D’établir les états financiers combinant les opérations mentionnées à l’article L. 241-2 ;
2° De définir et de mettre en oeuvre les mesures de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que de concourir à la détermination des recettes nécessaires au maintien de l’équilibre de cette branche selon les règles fixées par les chapitres Ier et II du titre IV du présent livre et dans le respect de la loi de financement de la sécurité sociale ;
3° De promouvoir une action de prévention, d’éducation et d’information de nature à améliorer l’état de santé de ses ressortissants et de coordonner les actions menées à cet effet par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et les caisses primaires d’assurance maladie, dans le cadre des programmes de santé publique mentionnés à l’article L. 1413-1, déclinés par la convention prévue à l’article L. 227-1 du présent code, ainsi que de promouvoir la prévention de la désinsertion professionnelle afin de favoriser le maintien dans l’emploi de ses ressortissants dont l’état de santé est dégradé du fait d’un accident ou d’une maladie, d’origine professionnelle ou non, et de coordonner l’action des organismes locaux et régionaux et celle du service social mentionné au 4° de l’article L. 215-1 ;
4° D’exercer une action sanitaire et sociale et de coordonner l’action sanitaire et sociale des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses primaires d’assurance maladie ;
4° bis De définir les orientations mises en œuvre par les organismes de son réseau en matière de lutte contre le non-recours aux prestations et de simplification des démarches des demandeurs et de ses ressortissants ;
5° D’organiser et de diriger le contrôle médical ;
6° D’exercer un contrôle sur les opérations immobilières des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses primaires d’assurance maladie, et sur la gestion de leur patrimoine immobilier ;
7° De mettre en œuvre les actions conventionnelles ;
8° De gérer les fonds mentionnés aux articles L. 221-1-2 et L. 221-1-3. Elle établit les comptes de ces fonds, lesquels sont combinés au sein du périmètre couvert par les états financiers mentionnés au 1° bis du présent article ;
9° De participer au financement des dispositifs qui organisent le travail en équipe entre professionnels de santé ;
10° De procéder, pour l’ensemble des institutions françaises de sécurité sociale intéressées, avec les institutions étrangères et les autres institutions concernées, au suivi, au recouvrement des créances et au règlement des dettes, à l’exception de celles relatives aux prestations de chômage, découlant de l’application des règlements de l’Union européenne, des accords internationaux de sécurité sociale et des accords de coordination avec les régimes des collectivités territoriales et des territoires français ayant leur autonomie en matière de sécurité sociale ;
11° (Abrogé) ;
12° De se prononcer sur l’opportunité, pour les organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 215-1 et L. 752-4 du présent code, de porter les litiges devant la Cour de cassation.
La caisse nationale exerce, au titre des attributions énoncées ci-dessus, un pouvoir de contrôle sur les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et primaires d’assurance maladie. Elle exerce également les missions qui lui sont confiées au troisième alinéa de l’article L. 1111-14 du code de la santé publique et à l’article L. 4071-5 du même code.
La Caisse nationale de l’assurance maladie publie chaque année un rapport d’activité et de gestion, qui comporte des données présentées par sexe, en particulier sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et des données relatives aux services rendus aux travailleurs indépendants ».
La CNAM n’a donc pas pour mission générale d’assurer la gestion de fonds spéciaux, cette attribution lui étant néanmoins confiée, de manière ponctuelle, par le législateur ou le pouvoir réglementaire.
Suivant l’article L. 221-3-1 du même code, le directeur de la CNAM dirige l’établissement et a autorité sur le réseau des caisses locales. Il est responsable de leur bon fonctionnement. A ce titre, il prend toutes décisions nécessaires et exerce toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité. En outre, il représente la Caisse nationale en justice et dans tous les actes de la vie civile.
Sur les missions des CPAM :Aux termes de l’article L. 211-1 du Code de sécurité sociale, les CPAM, organismes de droit privé chargés d’une mission de service public (v. par ex. Cons. Const., 14 décembre 1982, n° 82-148 DC), assurent la prise en charge des frais de santé et le service des prestations d’assurance maladie, maternité, paternité, invalidité, décès et d’accidents du travail et maladies professionnelles et l’attribution de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l’article L. 861-1 dont bénéficient dans leur circonscription les assurés salariés et non-salariés, ainsi que les autres personnes mentionnées aux 1° et 4° de l’article L. 200-1.
Il ressort de la combinaison des articles L. 160-1 et suivants, L. 313-1, L. 321-1 et L. 322-5 du Code de la sécurité sociale que les prestations en espèces et en nature auxquelles il est fait référence à l’article L. 211-1 ainsi que les frais de santé pris en charge par les CPAM ne visent que des dépenses de santé exposées par ou pour les assurés affiliés au régime de la sécurité sociale et qu’aucune de ces dépenses n’inclue, dans les textes, les indemnisations exceptionnelles versées directement aux professionnels de santé pour compenser une perte d’activité.
Sur la répartition et les transferts de compétences entre la CNAM et les CPAM.
Si la CNAM a, par la voix de son directeur, autorité sur le réseau des caisses locales au nombres desquelles figurent les CPAM, il n’en demeure pas moins que la caisse nationale est distincte de ces caisses locales, et que leurs missions sont différentes.
Néanmoins, les champs de compétences respectifs de la CNAM et des CPAM ne sont pas hermétiques, et plusieurs mécanismes sont envisageables :
La convention : l’article L. 122-6, I. du Code de la sécurité sociale prévoit, de manière générale, la possibilité pour le directeur d’un organisme national de confier par convention « un ou à plusieurs organismes de la branche ou du régime la réalisation de missions ou d’activités relatives à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie » ;La délégation : l’article L. 221-3-1 3° du même code habilite également, de manière spécifique pour le régime de l’assurance maladie, le directeur général de la CNAM à déléguer spécialement aux CPAM certaines missions normalement dévolues à l’organisme qu’il dirige. Il peut ainsi « prendre les mesures nécessaires à l’organisation et au pilotage du réseau des caisses du régime général ; (…) et confier à certains organismes, à l’échelon national, interrégional, régional ou départemental, la charge d’assumer certaines missions ».
3. Sur les dispositions spécifiques au DIPA :
L’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19, la CNAM, par un fonds d’aide aux professionnels de santé conventionnés, a financé un dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (DIPA).
L’aide vise, afin de garantir le bon fonctionnement du système de soins, à préserver la viabilité de ces professionnels en leur permettant de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.
L’article 3 de cette ordonnance, dans sa version initiale, dispose que l’aide est versée sous forme d’acomptes. La CNAM arrête le montant définitif de l’aide au vu de la baisse des revenus d’activité effectivement subie par le demandeur et procède, s’il y a lieu, au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu selon la procédure prévue à l’article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale au plus tard le 1er juillet 2021.
Le décret d’application n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 prévoit les modalités de mise en œuvre de l’aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19.
Il dispose notamment, en son article 3, que la demande d’aide « est effectuée par voie dématérialisée au moyen d’un téléservice mis à disposition par la CNAM depuis une plateforme dédiée ».
Par conséquent, si aucune des missions de la CNAM ne fait référence au recouvrement des indus ou même à la gestion de fonds spéciaux à l’exception de ceux mentionnés au 8° de l’article L. 221-1 du Code de la sécurité sociale, l’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020, texte spécial dont la mise en œuvre est limitée dans le temps, a habilité la CNAM à gérer le DIPA, la désignant expressément pour en instruire les demandes, déterminer le montant de l’aide, verser le solde des aides et récupérer les trop-perçus.
Aucun des textes adoptés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne prévoit que les acomptes versés doivent l’être par la CPAM dont dépend le professionnel de santé.
La référence à un texte général, à savoir l’article 30 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016, qui prévoit que le praticien « effectue les démarches nécessaires auprès de sa caisse de rattachement » est, s’agissant d’une aide exceptionnelle et ponctuelle dépendant d’un fonds spécial, inopérante.
En outre, l’article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale, relatif au recouvrement d’un indu, ne donne pas compétence à un organisme tiers pour récupérer l’indu.
Enfin, il n’entre pas dans les missions des CPAM, telles que déterminées par l’article L. 211-1 susvisé, d’assurer la gestion du DIPA, d’où il suit que la référence aux dispositions de l’article R. 211-1-2 du Code de la sécurité sociale est inopérante dès lors que le constat des créances et des dettes ne peut se rapporter qu’à celles procédant de l’exercice de compétences relatives aux services des frais et prestations énoncées par l’article L. 211-1.
Par ailleurs et dans ce cadre, les articles L. 221-1-2 à L. 221-1-5 du Code de la sécurité sociale précisent que des fonds sont créés au sein de la caisse nationale (fonds des actions conventionnelles, fonds national pour la démocratie sanitaire, fonds de lutte contre les addictions, fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle). Ces fonds sont gérés selon les dispositions des articles D. 221-28 et suivants, qui prévoient expressément pour certains fonds que la caisse nationale peut déléguer le versement des allocations notamment aux caisses primaires (notamment pour le fonds des actions conventionnelles).
Si l’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 prévoit la création du fonds d’aide aux professionnels de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19, le décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en œuvre de cette aide ne prévoit pas ce mécanisme de délégation aux CPAM.
Bien au contraire, l’article 3 du décret précise que pour bénéficier de l’aide, le professionnel de santé effectue sa demande « par voie dématérialisée au moyen d’un téléservice mis à disposition par la Caisse nationale d’assurance maladie depuis une plateforme dédiée ».
En définitive, sauf à démontrer qu’elle a bénéficié, avant ou concomitamment à l’adoption de l’ordonnance du 2 mai 2020, d’une convention conclue sur le fondement de l’article L. 122-6, I. du Code de la sécurité sociale ou d’une délégation spécialement consentie par le directeur général de la CNAM en application de l’article L. 221-3-1 3° du même code afin de procéder au recouvrement des aides indûment versées aux professionnels de santé au titre du DIPA, la CPAM d’Ille-et-Vilaine n’avait pas compétence pour émettre la notification d’indu du 13 septembre 2021.
En l’occurrence, la caisse ne produit ni convention ni délégation conclue ou accordée dans le cadre du DIPA pour recouvrer les indus d’aides auprès des professionnels de santé.
Dans ces conditions, la décision de la CPAM d’Ille-et-Vilaine du 13 septembre 2021, notifiant à M. [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du DIPA, sera annulée.
La caisse sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement formée à ce titre.
Le tribunal ayant fait droit à la demande principale du demandeur, il n’y a pas lieu de statuer sur ses demandes subsidiaires et d’étudier les moyens présentés à leur appui.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la CPAM d’Ille-et-Vilaine sera condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
L’équité commande de condamner la CPAM d’Ille-et-Vilaine à payer à M. [X] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
ANNULE la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine du 13 septembre 2021, notifiant à Monsieur [K] [X] un indu d’un montant de 35.351 euros au titre du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité ;
DEBOUTE la Caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine de sa demande en paiement de l’indu ;
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine aux dépens ;
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.
La Greffière La Présidente
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