Le dépôt d’une demande de brevet faite en violation d’un accord de confidentialité engage la responsabilité du déposant dès qu’elle emporte divulgation publique d’informations qui devaient rester confidentielles.
L’article 1192 du code civil dispose que “On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.” et l’article 1119 que “Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En la cause, le dépôt d’une demande de brevet au nom de la société Air liquide le 15 décembre 2018, à l’insu de son cocontractant avec qui aucun accord clair n’avait été formalisé sur un nécessaire aménagement des droits respectifs notamment de propriété intellectuelle, portant sur des données qui appartenaient aux demandeurs caractérise un comportement fautif de la part de la société Air liquide. L’invention résultant de l’étude remise le 19 juin 2018 à la société ALAT ne porte pas sur le prototype que les parties souhaitaient mettre ultérieurement au point mais décrivait le savoir-faire de la société FMDP, objet de son activité économique et que celle-ci souhaitait conserver secret et non breveter. La divulgation de son savoir-faire, dont la société Air liquide soutenait, dans la description du brevet (point 22 supra), qu’il était une solution à plusieurs inconvénients de l’art antérieur, l’a nécessairement exposé à la fois à la connaissance du public et à des attaques de validité. Pour autant, il s’évince de sa démarche de dépôt des six brevets énumérés ci-dessus le 19 octobre 2020 qu’elle avait renoncé à conserver secret ce savoir-faire. L’accord de confidentialité conclu entre les sociétés ALAT et FMDP le 27 octobre 2017 est rédigé en anglais (sa traduction en français fournie par les parties est citée ci-après). Il a pris effet le 11 octobre 2017 pour une durée de 3 ans, il stipulait que l’une ou l’autre des parties pouvait y mettre fin de manière anticipée, à tout moment et sans raison, moyennant un préavis de 30 jours et que, en tout état de cause, les obligations de confidentialité perdureraient 5 ans à compter de son expiration. Il stipule notamment : Chaque partie peut divulguer certaines informations (« Partie divulgatrice ») à l’autre partie (« Partie réceptrice ») concernant les produits, services et/ou technologies de la Partie divulgatrice ou des Affiliés de la Partie divulgatrice dans le but d’évaluer une relation potentielle pour du gaz liquide à haute pression. La Partie Réceptrice s’engage à ne pas déposer de titre de propriété industrielle reposant sur une information confidentielle reçue de la Partie Divulgatrice. Aucune stipulation du présent Accord n’a pour objet d’accorder à la Partie Réceptrice une licence ou tout autre droit d’utiliser l’Information Confidentielle reçue de la Partie Divulgatrice à toute autre fin que le But Autorisé.” Aucune des parties n’a résilié cet accord de confidentialité dont la portée couvrait “les produits, services et/ou technologies” des parties “dans le but d’évaluer une relation potentielle pour du gaz liquide à haute pression” et dont la durée n’était pas bornée à la conclusion du premier contrat entre elles ou à une “phase pré-contractuelle” comme le soutiennent les défenderesses. Au verso de la commande du 27 février 2018 figuraient des CGA composées de 23 articles dont – un article 18 “propriété intellectuelle” portant transfert à la société ALAT de “l’intégralité des résultats et des droits de propriété intellectuelle y afférents au fur et à mesure de leur réalisation à titre exclusif, irrévocable et définitif, pour le monde entier, pour tout support, toute destination et pour toute la durée de la protection” sans autre contrepartie que le prix de la commande, et |
L’Essentiel : Le 12 et 26 octobre 2017, la société fournisseur de technologies avancées et la société de conception mécanique ont signé un accord de confidentialité pour protéger les informations échangées dans le cadre d’un projet lié au gaz liquide sous haute pression. Le 27 février 2018, le fournisseur a commandé à la société de conception une pré-étude pour une pompe H2 liquide. En décembre 2021, un dirigeant de la société mère a assigné le fournisseur pour revendiquer la propriété d’un brevet, estimant qu’il violait l’accord de confidentialité. Le tribunal a finalement ordonné le transfert de la propriété du brevet à la société mère.
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Résumé de l’affaire :
Accord de ConfidentialitéLes 12 et 26 octobre 2017, la société Air liquide advanced technologies (ALAT) et la société Futura mechanical design project (FMDP) ont signé un accord de confidentialité pour protéger les informations échangées dans le cadre d’un projet lié au gaz liquide sous haute pression. Commandes et BrevetsLe 27 février 2018, ALAT a commandé à FMDP une pré-étude pour la réalisation d’une pompe H2 liquide, suivie d’une étude d’essais le 20 novembre 2018. Parallèlement, la société Air liquide a déposé une demande de brevet français pour un dispositif de pompage d’hydrogène liquide, publiée en juin 2020. Demandes de Brevets par F2MLe 19 octobre 2020, la société F2M, mère de FMDP, a déposé plusieurs demandes de brevets français, revendiquant des priorités de demandes de brevets internationales. Ces brevets concernent des dispositifs et procédés liés à la pompe cryogénique. Litige et AssignationEstimant que le brevet d’ALAT violait l’accord de confidentialité, M. [K] et F2M ont assigné ALAT et Air liquide en décembre 2021 pour revendiquer la propriété du brevet et obtenir réparation. Une médiation ordonnée en avril 2022 n’a pas abouti. Résiliation de CommandeLe 19 septembre 2022, ALAT a résilié la commande du 20 novembre 2018 pour inexécution. En janvier 2023, Air liquide et ALAT ont assigné FMDP pour obtenir des réparations liées à cette inexécution. Demandes des PartiesDans leurs conclusions de septembre 2023, M. [K], FMDP et F2M ont demandé le transfert de la propriété du brevet FR 756, des dommages et intérêts, ainsi que le rejet des demandes reconventionnelles d’ALAT et Air liquide. Réponses d’Air LiquideAir liquide a demandé le rejet des demandes de FMDP et a revendiqué une quote-part de 50% de l’invention, tout en accusant F2M de violation des conditions générales d’achat. Motivations JuridiquesLe tribunal a examiné les droits de propriété intellectuelle, la violation de l’accord de confidentialité, et la contribution de chaque partie à l’invention. Il a conclu que la demande de brevet d’ALAT violait l’accord de confidentialité. Décisions du TribunalLe tribunal a ordonné le transfert de la propriété du brevet FR 756 à F2M, rejeté les demandes d’ALAT concernant le brevet FR 348, et condamné ALAT à verser des dommages et intérêts à FMDP pour manquement à l’obligation de loyauté. ConclusionLe jugement a été rendu le 31 janvier 2025, avec des condamnations aux dépens et des paiements de dommages et intérêts en faveur de FMDP et de M. [K]. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur l’action principale en revendication du brevet FR 756 et ses extensionsL’article L.611-6 du code de la propriété intellectuelle stipule que « Le droit au titre de propriété intellectuelle mentionné à l’article L.611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause. » Cet article établit clairement que la propriété intellectuelle est attribuée à l’inventeur, ce qui est fondamental dans le cadre de la revendication de propriété d’un brevet. De plus, l’article L.611-8 précise que « Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l’inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. » Cela signifie qu’une partie lésée peut revendiquer la propriété d’un brevet si elle prouve que celui-ci a été obtenu en violation d’un accord ou d’une obligation légale. Dans le cas présent, les demandeurs soutiennent que la société Air liquide a déposé le brevet FR 756 en utilisant des informations confidentielles fournies par un dirigeant d’entreprise dans le cadre d’une pré-étude. Les défenderesses, quant à elles, affirment que les demandeurs n’ont pas prouvé leur détention antérieure de l’invention, ce qui est essentiel pour établir leur droit à revendiquer la propriété du brevet. Sur la violation d’une obligation conventionnelle ou la soustraction à l’inventeurL’article 1192 du code civil dispose que « On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. » Cet article souligne l’importance de respecter les termes d’un contrat, ce qui est crucial dans le cadre d’un accord de confidentialité. L’accord de confidentialité conclu entre les sociétés ALAT et FMDP stipule que « la Partie Réceptrice s’engage à ne pas déposer de titre de propriété industrielle reposant sur une information confidentielle reçue de la Partie Divulgatrice. » Cette clause est essentielle car elle interdit explicitement à la société ALAT de revendiquer des droits de propriété intellectuelle sur des informations confidentielles fournies par la société FMDP. Les demandeurs soutiennent que la société Air liquide a violé cet accord en déposant le brevet FR 756, ce qui constitue une soustraction à l’inventeur. Les défenderesses rétorquent que l’accord de confidentialité a cessé de s’appliquer avec la première commande, mais aucune preuve n’étaye cette affirmation. Sur la demande subsidiaire d’une quote-part de l’inventionLes défenderesses n’ont pas démontré que l’invention objet du brevet FR 756 est le produit d’un réel travail de collaboration entre la société ALAT et la société FMDP. L’article 1119 du code civil précise que « Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. » Cela signifie que pour qu’une partie puisse revendiquer des droits sur une invention, elle doit prouver qu’elle a été informée et a accepté les conditions de propriété intellectuelle. Dans ce cas, les défenderesses n’ont pas réussi à prouver qu’elles avaient un droit de propriété sur l’invention, ce qui justifie le rejet de leur demande de quote-part. Sur les mesures de réparationL’article 1240 du code civil stipule que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Cet article établit la responsabilité civile en cas de préjudice causé par une faute. Les demandeurs soutiennent que le dépôt du brevet FR 756 par la société Air liquide a causé un préjudice, car il a rendu publiques des connaissances jusqu’alors tenues secrètes. Les défenderesses, en revanche, affirment qu’il n’existe aucune perte de chance d’exploiter l’invention, car la société FMDP n’a pas réussi à mettre au point un prototype. Cependant, le tribunal a reconnu que la divulgation du savoir-faire de la société FMDP a eu des conséquences préjudiciables, ce qui justifie une indemnisation. Sur la demande reconventionnelle de la société Air liquide en revendication du brevet FR 348 et ses extensionsLes défenderesses soutiennent que le brevet FR 348 a été déposé en fraude aux droits de la société ALAT. Cependant, comme pour le brevet FR 756, la société Air liquide n’a pas réussi à prouver qu’elle avait des droits sur le brevet FR 348. Le tribunal a donc rejeté les demandes de la société Air liquide concernant ce brevet, en se basant sur les mêmes principes juridiques que ceux appliqués pour le brevet FR 756. Sur la demande reconventionnelle de la société ALAT en réparation du dommage consécutif à l’inexécution du contrat du 20 novembre 2018L’article 1104 du code civil stipule que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » Cet article impose une obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats, ce qui est essentiel dans le cadre de la relation entre la société ALAT et la société FMDP. Les défenderesses affirment que la société FMDP a été défaillante dans l’exécution de la commande, mais le tribunal a constaté que la société ALAT avait également manqué à son obligation de bonne foi. En conséquence, la demande de la société ALAT a été rejetée, et le tribunal a condamné la société ALAT à indemniser la société FMDP pour manquement à l’obligation de loyauté. Sur les autres demandesLes défenderesses, qui ont succombé dans leurs demandes, sont condamnées aux dépens de l’instance et à payer aux demandeurs la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette disposition permet au tribunal d’accorder des frais de justice à la partie gagnante, ce qui est justifié dans ce cas en raison de la complexité de l’affaire et des enjeux en présence. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 21/16030
N° Portalis 352J-W-B7F-CVY4D
N° MINUTE :
Assignation du :
22 Décembre 2021
JUGEMENT
rendu le 31 Janvier 2025
DEMANDEURS
Monsieur [E] [K]
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A.S. F2M
[Adresse 7]
[Localité 6]
S.A.S FUTURA MECHANICAL DESIGN PROJECT – intervenante forcée
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentés par Maître Benoît DESCOURS de la SELARL P D G B, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P209
et par Maître Pierre-Lucas THIRION de NEXT Avocats AARPI, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant.
DÉFENDERESSES
S.A. AIR LIQUIDE SOCIETE ANONYME POUR L’ETUDE ET L’EXPLOITATION DES PROCEDES GEORGES CLAUDE
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.A. AIR LIQUIDE ADVANCED TECHNOLOGIES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentées par Maître David POR du LLP Allen Overy Shearman Sterling LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022
Copies exécutoires délivrées le :
– Maître DESCOURS #P209
– Maître POR #J022
Décision du 31 Janvier 2025
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/16030 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVY4D
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l’audience du 21 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2025.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Les 12 et 26 octobre 2017, la société Air liquide advanced technologies (ci-après la société ALAT) et la société Futura mechanical design project (ci-après la société FMDP) ont signé un accord de confidentialité portant sur les informations qu’elles échangeraient dans le cadre d’un projet de relation concernant du gaz liquide sous haute pression (high pressure liquid gas).
Le 27 février 2018, la société ALAT a commandé à la société FMDP une pré-étude portant sur une “spécification détaillée pour la réalisation d’une pompe H2 liquide et diphasique dans le cadre du développement d’une station LH2” qui a été remise en juin 2018.
Le 20 novembre 2018, la société ALAT a commandé à la société FMDP une étude d’essais intitulée “Support au développement technologique d’un système de pompage haute pression pour la mobilité”.
Le 19 décembre 2018, la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude (ci-après la société Air liquide) a déposé une demande de brevet français n°18 73280 intitulée Dispositif de pompage, installation et procédé de fourniture d’hydrogène liquide, publiée le 26 juin 2020 sous le numéro FR 3 090 756, ci-après FR 756), désignant en tant qu’inventeurs MM. [M], [A], [U] et [S], et dont la délivrance a été publiée le 9 avril 2021. Elle a également déposé une demande de brevet international sous priorité du brevet français le 3 décembre 2019 (N°PCT/FR 2019052899) publiée le 25 juin 2020 sous le numéro WO 2020128197, désignant divers pays et l’Europe (demande n° EP 19842379 délivrée sous le n°3 899 273).
La société F2M, société mère de la société FMDP dont M. [E] [K] est le président, a déposé, le 19 octobre 2020, six demandes de brevets français : – FR 3 115 332 intitulé pompe comprenant des moyens de refroidissement,
– FR 3 115 333 intitulé piston pour pompe de fluide cryogénique,
– FR 3 115 334 intitulé pompe pour fluide cryogénique,
– FR 3 115 335 intitulé pompe comprenant un piston à course variable,
– FR 3 115 336 intitulé pompe pour fluide cryogénique,
– FR 3 115 348 intitulé procédé et système de transfert d’hydrogène cryogénique ci-après FR 348, revendiquées comme priorités de demandes de brevet internationales WO2022084071 (procédé et système de transfert d’hydrogène cryogénique) et WO2022084072 (pompe comprenant des moyens de refroidissement) déposées le 8 octobre 2021.
Estimant que le brevet FR 756 constituait l’exploitation d’informations divulguées en violation de l’accord de confidentialité du 26 octobre 2017, par actes du 22 décembre 2021, M. [K] et la société F2M ont fait assigner la société ALAT et la société Air liquide devant le tribunal judiciaire de Paris en transfert de la propriété de celui-ci et des demandes revendiquant sa priorité et réparation du préjudice.
Le 15 avril 2022, le juge de la mise en état a ordonné une médiation judiciaire qui n’a pas permis de déboucher sur un accord.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 septembre 2022, la société ALAT a résilié la commande du 20 novembre 2018 pour inexécution.
Par acte du 10 janvier 2023, les sociétés Air liquide et ALAT ont fait assigner la société FMDP en intervention forcée pour lui rendre le jugement commun et former à son encontre des demandes en réparation de l’inexécution de la commande du 20 novembre 2018.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2023, M. [K], la société FMDP et la société F2M demandent au tribunal de :- ordonner le transfert au profit de la société F2M de la propriété du brevet français FR 1873280 pour un dispositif de pompage, installation et procédé de fourniture d’hydrogène liquide ainsi que de tout autre titre déposé directement ou indirectement sur la base de ce brevet ou en complément de celui-ci, et notamment du brevet européen EP19842379 et du brevet international PCT/FR2019052899,
– ordonner la publication de la décision,
– condamner les défenderesses in solidum à payer à M. [K] et la société F2M la somme de 280.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– rejeter les demandes reconventionnelles ou, subsidiairement, ramener la clause pénale à 1 euro,
– condamner la société ALAT à payer à la société FMDP la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat,
– débouter les défenderesses de toutes leurs demandes,
– les condamner aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 3 octobre 2023, les sociétés Air liquide demandent au tribunal de :sur la demande principale :
– débouter M. [K] et société FMDP de leurs demandes ou, subsidiairement, juger que la société Air liquide est propriétaire d’une quote-part de 50% de l’invention objet du brevet FR 756, lui ordonner de transférer une quote-part de 50 % au profit de la société FMDP de la propriété du brevet FR 756 et des demandes de brevet en revendiquant la priorité et de condamner la société F2M à rembourser à la société ALAT la somme de 21.174,21 euros multipliée par le pourcentage de propriété attribué aux demandeurs ;
reconventionnellement :
– juger que la demande de brevet FR 348, et la demande de brevet international WO2022084071 ont été déposées par la société F2M en violation des conditions générales d’achat, ordonner le transfert au profit de la société Air liquide, ou subsidiairement de la société ALAT, de la propriété de la demande de brevet FR 348, ainsi que de tout autre titre en revendiquant la priorité, et notamment de la demande de brevet internationale WO2022084071, ordonner l’inscription des noms de M. [W] [M], Mme [I], M. [R] [U] et M. [V] [S] en qualité d’inventeurs de ces brevets et de la demande de brevet internationale WO2022084071 et ordonner à la société FMDP d’en transférer une quote-part de 50 % au profit de la société ALAT ;
– condamner la société F2M à payer à la société ALAT la somme de 42.000 euros au titre de la pénalité de retard stipulée dans le contrat du 21 novembre 2018 et celle de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts et à lui rembourser la somme de 175.000 euros HT ;
en tout état de cause :
– débouter M. [K], la société FMDP et la société F2M de toutes leurs demandes ;
– condamner M. [K], la société FMDP et la société F2M aux dépens et, solidairement, à leur payer la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2023.
I . Sur l’action principale en revendication du brevet FR 756 et ses extensions
L’article L.611-6 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment que “Le droit au titre de propriété intellectuelle mentionné à l’article L.611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause.” et l’article L.611-8 du même code que : “Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l’inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré.
L’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle.
Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l’acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l’expiration du titre.”
Il appartient au demandeur à l’action de démontrer, d’une part, qu’il détient une invention qui renferme déjà les éléments techniques ayant ultérieurement permis le dépôt du brevet par un tiers et, d’autre part, que ce brevet a été demandé en violation d’une obligation légale ou conventionnelle ou pour une invention qui lui aurait été soustraite.
a) Sur la détention de l’invention par M. [K]
Les demandeurs soutiennent que :- la demande de brevet FR 756 déposée par la société Air liquide porte sur des éléments développés antérieurement par M. [K] dans le cadre de son activité et communiqués confidentiellement à la société ALAT dans le cadre de la pré-étude commandée le 27 février 2018 et livrée 19 juin 2018;
– ces éléments ne comportent aucun apport technique de la société ALAT ;
– le brevet EP 756 décrit l’invention dans les termes précis de la synthèse réalisée par la société FMDP dans son rapport final et l’illustre par le même schéma de fonctionnement (figures 1 et 2) et il ne porte pas sur un procédé développé pour le compte de la société ALAT dans le cadre des études réalisées ;
– la société ALAT ne démontre aucun travail de sa part pour la mise au point du dispositif breveté.
Les défenderesses opposent que :- les demandeurs sont incapables de fournir de preuve de leur détention antérieure de l’invention, alors que cette preuve pèse sur eux, car la solution a été dégagée pour la société ALAT selon les critères et caractéristiques que cette dernière avait définis ;
– le concept de pompes bi-étagées était parfaitement connu de l’art antérieur ;
– l’invention repose sur la détermination des fourchettes de valeur de pression en sortie de chacun des organes de compression et de vitesse de déplacement du piston, paramètres-clefs qui différencient les revendications de l’art antérieur, ainsi que de la mise en ouvre d’un circuit de thermalisation et d’un écran thermique, mentionnés dans certaines revendications dépendantes 7 et suivantes, permettant au gaz contenu dans le dispositif d’être maintenu à une température optimale auxquels elle a “grandement contribué” ;
– sur la figure 1 du brevet, sont présents des éléments notés 17 et 18, qui sont les éléments constitutifs du système de thermalisation permettant de maintenir le dihydrogène dans le dispositif à une température optimale et qui ne figurent pas dans le schéma de la société F2M, or l’OEB a retenu dans le rapport préliminaire international sur la brevetabilité, produit dans le cadre de la procédure PCT, que c’est le seul élément permettant de rendre l’invention brevetable ;
– elle a apporté sa propre expérience d’intégrateur de pompe et sa vision pour les futures stations LH2 en délimitant le champ de la pré-étude, en définissant les paramètres, notamment en imposant l’objectif d’une pression de sortie de 900 bars, en proposant une trame de spécifications et en s’impliquant à toutes les étapes de développement.
Pour démontrer la participation de la société ALAT aux résultats de la pré-étude de juin 2018, elles invoquent : – la définition du cahier des charges du 8 février 2018 ayant “défini et délimité le champ d’action de l’étude et (…) imposé à la fois les critères spécifiques pertinents pour le développement de la solution et les objectifs à atteindre, en particulier la pression de sortie de 900 bars”,
– les comptes-rendus de réunion des 26 février, 3 avril, 26 avril et 4-5 juin 2018 témoignant d’études des calculs et de définitions de paramètres (sa pièce n°6),
– sa longue expérience en matière de cryogénie et celle de l’équipe des quatre ingénieurs mentionnés comme inventeurs, auteurs de plusieurs publications scientifiques et inventeurs de nombreux brevets dans le domaine de la cryogénie et des pompes, spécialement dédiées à l’hydrogène liquide,
– des travaux de M. [T] ayant fait l’objet, en 2005, d’une présentation intitulée development and test of a 700 bar discharge pressure liquid hydrogen pump,
– une opinion écrite non datée concluant à l’absence d’activité inventive des revendications 1 à 6 de la demande de brevet et à la nouveauté de l’écran thermique thermalisé (sa pièce n°58).
Sur ce,
La société Air liquide a déposé un brevet dont la revendication 1 est ainsi libellée :Dispositif de pompage d’hydrogène liquide comprenant, disposés en série entre une entrée (12) pour fluide à comprimer et une sortie (13) de fluide comprimé, un premier organe (2) de compression, de préférence à piston, formant un premier étage de compression et un second organe (3) de compression & piston formant un second étage de compression
caractérisé
– en ce que le premier organe (2) de compression est apte et configuré pour comprimer l’hydrogène liquide dans un état super critique
– et en ce que le second organe (3) de compression est apte et configuré pour comprimer l’hydrogène supercritique fourni par le premier organe de compression à une pression augmentée et notamment à une pression comprise entre 200 et 1000 bar
– et en ce que le premier organe (2) de compression comprend au moins un ensemble comportant un piston (4) mobile en translation dans un chemise (5), le second organe (3) de compression comprenant au moins un ensemble comportant un piston (6) distinct disposé dans une chemise (7) distincte, les pistons (4,6) des premier et second organes de compression étant déplacés dans leur chemise (5,7) respective selon des mouvements alternatifs à des vitesses de déplacement respectives déterminées, la vitesse de déplacement du au moins un piston (5) du premier organe (2) de compression étant inférieure à la vitesse de déplacement du au moins un piston (7) du second organe (3) de compression.
Les fourchettes de valeur de pression en sortie de chacun des organes de compression figurent en revendications 1 et 2 et la vitesse de déplacement du piston en revendication 3.
Le circuit de thermalisation est exposé au [0053] et revendiqué dans la revendication 9.
La description fait état de solutions connues de compression de l’hydrogène liquide à des hautes pressions [0006], de “pompe bi-étagée dans laquelle les fuites de la haute pression sont réinjectées dans le stockage liquide” [0007] ou dans lesquelles “l’hydrogène liquide est pompé en deux fois (deux étages de compression en série) [0008] qui présentent des inconvénients en termes de fuites, pertes de vaporisation considérable ou difficultés de maintenance et le dispositif selon l’invention vise à pallier ces inconvénients” [0011].
Les figures 1 et 2 reproduite ci-après représentent des vues schématiques et partielles illustrant des exemples de structure et de fonctionnement et d’une installation selon un exemple possible de réalisation de l’invention.
Par courriel du 21 novembre 2016, M. [K] a contacté la société Air liquide en se présentant comme fabricant de pompe haute pression pour gaz liquide, notamment hydrogène, pour lui demander si elle serait intéressée par ce type de matériel. Après divers contacts, un an plus tard par courriel du 23 novembre 2017, M. [B] de la société ALAT a décrit à la société FMDP un besoin de “design et production de cold end pour pompe LH2 (capacité de production de Futura mécanique de 400 unités par an, soit compatible avec notre besoin)”.
Il est constant que les relations entre les sociétés ALAT et FMDP ont ainsi été nouées afin de permettre à la première de développer une pompe Haute Pression Hydrogène Liquide (LH2), ce qui est explicité dans les spécifications D4071-SP-002 fournies le 8 février 2018 par la société ALAT selon lesquelles “L’objectif de ce projet est de définir et concevoir une station de recharge efficace et adaptée LH2 (…) Pour atteindre cet objectif, ALAT propose de travailler conjointement avec Futura Mécanique. Futura Mécanique a une expérience réelle et significative dans le pompage LH2” et fournissant “les principaux paramètres à considérer dans l’étude de conception” à savoir, débit, état des réservoirs, pression de sortie maximale, température de sortie, cycle du service, volume du réservoir.
Il en ressort que la société ALAT souhaitait accéder aux connaissances et savoir-faire de la société FMDP en matière de pompes à hydrogène tandis que les défenderesses ne démontrent pas avoir détenu de brevet antérieur sur des dispositifs de pompage, ni en avoir elles-mêmes fabriqué, les curriculum vitae de leurs ingénieurs ne mentionnant pas davantage de réalisation de ce type.
La commande du 27 février 2018 d’étude d’une telle pompe a été passée sur la base de :- un devis de la société FMDP du 21 décembre 2017,
– des spécifications techniques (D4071-SP-002) de la société ALAT du 8 février 2018,
– des conditions générales d’achat au verso du document.
Par courriel du 18 avril 2018, la société FMDP a transmis à la société ALAT notamment le schéma suivant :
L’étude remise en juin 2018 précise qu’elle “vise à proposer un ou plusieurs systèmes de pompage capable de comprimer de l’hydrogène, dans une plage initiale de pression et température cryogénique, jusqu’à 100 MPa, 60 kg/h”.
Après avoir comparé 5 configurations de pompes à piston susceptibles d’atteindre le résultat souhaité, elle préconise l’utilisation d’une solution bi-étagée à deux pompes dont elle décrit le fonctionnement ainsi :- Alimentation directe de la pompe 1er étage avec du LH2 à saturation. La thermalisation et le cold stand-by du ler étage sont assurés par un balayage en thermosiphon du liquide qui s’évapore et retourne sous forme gazeuse au tank.
– Le 2éme étage est alimenté par le 1er étage avec du fluide sous forme supercritique.
– L’équilibre thermique du 2éme étage en fonctionnement nominal est assuré par le passage du
fluide supercritique transféré par le 1er étage
– Le cold stand-by est assuré par un fonctionnement intermittent du 1er étage et une vanne de
recirculation au niveau du 2éme étage.
Avec l’illustration suivante :
Elle précise que cette pré-étude s’appuie sur ses développements antérieurs et les paramètres relatifs à la pression de fonctionnement et l’objectif zéro évent en fonctionnement normal.
Il n’est pas sérieusement discuté que le dispositif décrit en pages 10, 11, 15 et 16 de cette étude comporte toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP756. Il apparaît en outre que les figures 1 et 2 du brevet, reproduites au point 20 supra, sont similaires à celles de cette étude reproduites aux point 25 et 27 supra.
La pièce n°6 des défenderesses (comptes-rendus des 5 réunions communes durant la réalisation de l’étude) démontre que la société ALAT a fixé ses besoins (les paramètres des performances attendues de la pompe), a suivi cette étude de près en vérifiant notamment les calculs fournis par la société FMDP et a contribué au choix de la solution technique parmi les cinq décrites.
Elle ne démontre pas en quoi la fourniture des paramètres constituerait une partie de la solution technique et les pièces versées aux débats ne témoignent d’aucune contribution technique de sa part à la définition ou la constitution de cette solution technique pour satisfaire aux paramètres et performances demandés.
En particulier, elle ne montre pas quelles “connaissances en cryogénie et optimisation thermique, en connaissance des matériaux et leur comportement en cryogénie, et en connaissance des groupes moteurs” elle aurait apportées ainsi qu’elle le prétend (p 47 de ses conclusions), ni avoir fourni à la société FMDP durant l’étude un ou plusieurs des nombreux brevets dont elle se prévaut ou le résultat de ses recherches ou travaux internes sur les pompes à hydrogène.
Au contraire, les spécifications D4071-SP-002 et le compte-rendu de la journée du 4 juin 2018 (dernières pages de sa pièce n°6) montrent que la société ALAT avait identifié les difficultés à utiliser les pompes connues et recherchait un dispositif innovant dont un prototype devait être réalisé. La répartition des interventions entre les parties lors de cette réunion finale montre que c’est la société FMDP qui était chargée de “Présenter les différentes solutions : avtges/inconvénients. En quoi une solution par rapport à l’existant et à des solutions alternatives est plus adaptée ?” et exposer la solution bi-étagée “Présentation du principe, de la description modulaire (principaux composants) et fonctionnelle (comment la pompe va fonctionner dans les différentes phases de fonctionnement), des briques Technologiques maîtrisées ou disponibles, des verrous technologiques”.
Dès lors, cette pré-étude ne va pas au-delà de la présentation d’une technologie déjà détenue par la société FMDP susceptible d’être adaptée aux besoins définis par la société ALAT.
Les demandeurs démontrent donc bien par l’étude de juin 2018 qu’ils détenaient le dispositif tel que breveté par la société Air liquide et les défenderesses ne sauraient exiger d’autre preuve, notamment celle de la brevetabilité de ce dispositif.
Les défenderesses font valoir sans être contredites que les éléments notés 17 et 18 dans le brevet FR 756 ne figurent pas dans l’étude. Le tribunal observe cependant que l’écran thermique est présent sur le schéma du courriel du 18 avril 2018 (reproduit au point 25 supra) et que les éléments 17 et 18 ne sont mentionnés que dans la revendication 8 tandis que le [0055] de la description présente la portion 17 comme une option du circuit thermique, la fonction de l’élément 18 n’étant quant à elle même pas décrite.
Au surplus, le rapport sur la brevetabilité de l’OMPI (pièce 58) ne fait pas plus référence à cette option ou à ces éléments et n’expose aucunement que le brevet tire son activité inventive du circuit de thermalisation.
De plus, dans le brevet FR 348 qui, selon les défenderesses “porte sur un objet exactement similaire à celui du brevet FR 756” cet élément ne figure pas et n’est pas décrit.
La présence de cet élément optionnel du circuit de thermalisation, dont l’importance n’est pas établie, ne permet donc pas, à elle seule, de démontrer une participation de la société ALAT à l’invention objet du brevet EP 756.
b) Sur la violation d’une obligation conventionnelle ou la soustraction à l’inventeur
Les demandeurs soutiennent que la demande de brevet FR 756 a à la fois été déposée par la société Air liquide en violation des obligations et soustraite à son inventeur en ce que :- la société Air liquide a déposé cette demande de brevet en violation de l’accord de confidentialité du 26 octobre 2017 qui couvrait l’ensemble des relations des parties pendant toute sa durée et comportait une stipulation particulière interdisant à la partie réceptrice de déposer de titre de propriété industrielle reposant sur une information confidentielle reçue de la partie divulgatrice ;
– les conditions générales d’achat n’ont jamais été portées à leur connaissance ni acceptées et ne leur sont pas opposables ;
– à les supposer applicables, leur article 18 ne permet pas à la société ALAT de s’approprier leurs droits antérieurs ;
– la société ALAT ne connaissait pas le système de pompage bi-étagé de la société FMDP et l’a breveté malgré le refus de M. [K] et de la société FMDP opposé aux demandes répétées des sociétés Air liquide d’acheter, en tout ou partie, aux leurs droits antérieurs sur celui-ci ;
– les offres en ce sens démontrent la parfaite connaissance par les défenderesses de leur absence de tels droits sur l’invention.
Les sociétés Air liquide opposent que :- l’accord de confidentialité se limitait à la phase précontractuelle et a donc cessé de s’appliquer avec la première commande du 27 février 2018, étant remplacé par les termes de ce contrat et de ses conditions générales d’achat (ci-après CGA) qui figuraient au verso du bon de commande (et sont donc parfaitement opposables) et qui opèrent une cession des résultats de la commande au profit de la société ALAT ;
– aucune stipulation expresse de l’accord de confidentialité n’a été violée puisqu’il ne comportait aucune clause portant sur la titularité des droits de propriété intellectuelle ;
– à supposer les CGA inopposables, le bon de commande du 27 février 2018 ne comporte pas de stipulations spécifiques relatives à la propriété intellectuelle de sorte que le tribunal devrait rechercher la part contributive de chacun des copropriétaires dans le travail qui a abouti à l’invention, qui doit être fixée au cas présent à 50% pour la société ALAT.
Sur ce,
L’article 1192 du code civil dispose que “On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.” et l’article 1119 que “Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
L’accord de confidentialité conclu entre les sociétés ALAT et FMDP le 27 octobre 2017 est rédigé en anglais (sa traduction en français fournie par les parties est citée ci-après). Il a pris effet le 11 octobre 2017 pour une durée de 3 ans, il stipulait que l’une ou l’autre des parties pouvait y mettre fin de manière anticipée, à tout moment et sans raison, moyennant un préavis de 30 jours et que, en tout état de cause, les obligations de confidentialité perdureraient 5 ans à compter de son expiration.
Il stipule notamment :1. Chaque partie peut divulguer certaines informations (« Partie divulgatrice ») à l’autre partie (« Partie réceptrice ») concernant les produits, services et/ou technologies de la Partie divulgatrice ou des Affiliés de la Partie divulgatrice dans le but d’évaluer une relation potentielle pour du gaz liquide à haute pression.
5. La Partie Réceptrice s’engage à ne pas déposer de titre de propriété industrielle reposant sur une information confidentielle reçue de la Partie Divulgatrice. Aucune stipulation du présent Accord n’a pour objet d’accorder à la Partie Réceptrice une licence ou tout autre droit d’utiliser l’Information Confidentielle reçue de la Partie Divulgatrice à toute autre fin que le But Autorisé.”
Aucune des parties n’a résilié cet accord de confidentialité dont la portée couvrait “les produits, services et/ou technologies” des parties “dans le but d’évaluer une relation potentielle pour du gaz liquide à haute pression” et dont la durée n’était pas bornée à la conclusion du premier contrat entre elles ou à une “phase pré-contractuelle” comme le soutiennent les défenderesses.
La commande du 27 février 2018 n’y fait pas référence et son article 19 ne porte que sur les informations divulguées par la société ALAT à son cocontractant, de sorte qu’elle n’a pu ni le nover ni y mettre fin et aucune pièce ou circonstance n’établit que telle aurait été l’intention des parties.
Au verso de la commande du 27 février 2018 figuraient des CGA composées de 23 articles dont – un article 18 “propriété intellectuelle” portant transfert à la société ALAT de “l’intégralité des résultats et des droits de propriété intellectuelle y afférents au fur et à mesure de leur réalisation à titre exclusif, irrévocable et définitif, pour le monde entier, pour tout support, toute destination et pour toute la durée de la protection” sans autre contrepartie que le prix de la commande, et
– un article 19 “confidentialité” portant confidentialité sans limite de temps de toutes les informations divulguées par la société ALAT à son cocontractant.
Il n’est pas produit de courriel d’envoi de cette commande, de version acceptée, ni de retour de l’accusé de réception qu’elle comporte, et son acceptation ne s’évince que de l’exécution de son contenu tandis que la reproduction démontre que ces CGA sont en caractères si petits qu’elles sont illisibles sans système de grossissement.
En dépit des CGA susvisées, la réunion du 5 juin 2018 entre les sociétés FMDP et ALAT prévoyait un créneau particulier pour discuter des questions de partenariat et propriété intellectuelle entre les parties et son compte-rendu, établi par la société ALAT, se conclut par :“ Future actions (…)
IP Management for pre-study deliverables (FUTURA + ALAT) to be discussed
– To present to H2E different schemes for partnership for detailed study
– Own dev. by FUTURA and contractual agreement on results
– ALAT Property from detailed study beginning
– Co-property with market exclusivity from detailed study beginning
– else…
+ including IP management
To define and propose schemes for partnership (ALAT => FUTURA)
– Prototype and detailed study Offer by FUTURA with ALAT/FUTURA Agreement”,
(c’est-à-dire en français :
Actions futures : (…)
gestion de la PI pour les livrables de la pré-étude (FUTURA + ALAT) à discuter,
– pour présenter à H2E différents plans de partenariat pour l’étude détaillée,
– propres dev. de FUTURA et accord contractuel sur les résultats,
-propriété de ALAT à partir du début de l’étude détaillée
– co-propriété avec exclusivité sur le marché à partir du début de l’étude détaillée
– autre…
+ incluant la gestion de la PI
Définir et proposer des plans de partenariat (ALAT => FUTURA)
– Prototype et offre d’étude détaillée par FUTURA avec un accord ALAT/FUTURA”).
Après la remise de cette étude, le représentant de la société ALAT a demandé, en vain, à M. [K] par courriels des 24 mai, 4 et 18 juillet 2018 la cession de la propriété intellectuelle des résultats et la faculté de les breveter, proposant, dans le premier, d’entamer des discussions sur le partage de la PI, expliquant dans le second que Air liquide souhaitait être associée “au développement et à la gestion de la propriété intellectuelle” “pour protéger AL et Futura” et, dans le troisième, que l’“acquisition par AL de la PI intégrale” se heurtait à des difficultés d’“évaluation de la valeur ajoutée”.
De la même façon, s’agissant du paiement de la facture d’acompte émise le 12 mars 2018, les échanges de courriels entre les parties des 24 et 25 avril 2018 démontrent qu’elles n’étaient ni l’une ni l’autre d’accord sur l’application de l’article 5 des CGA. En effet, lorsque M. [K] s’est étonné de l’absence de paiement, le responsable de la société ALAT a répondu “Concernant la facturation, je suis désolé, j’avais donné ma validation dès que le service m’a informé de l’arrivée de votre facture, soit le 4 avril. Malheureusement, les conditions de paiement std qui sont dans nos CGA ne sont pas très favorables et, sans demande dérogatoire (qu’il faut expressément demandé et argumenté, ce que j’avoue j’ignorais), nos services les appliquent.Je vais essayer de demander une dérogation pour cette facture (ce n’est pas gagné compte tenu de nos délais internes).
Dans tous les cas, je le ferai pour le deuxième terme.”
Ces éléments montrent clairement que l’accord des parties sur les conditions de paiement et la propriété intellectuelle était différent de la teneur des articles 5 et 18 des CGA, quoique visées à la commande. Ils n’ont donc pas d’effet à l’égard de la société FMDP et ne sauraient avoir autorisé la société ALAT à divulguer les éléments communiqués par son cocontractant durant la pré-étude de juin 2019.
Quand bien même ces CGA auraient été portées à la connaissance de la société FMDP, la clause 18 de ne portait transfert à la société ALAT que de la propriété intellectuelle des résultats entendus comme “tout type de connaissance, invention, savoir-faire, logiciel, liasses, plans, documents techniques nouveaux issus de l’exécution du contrat”, chacune des parties conservant “ les droits de propriété intellectuelle générés ou acquis antérieurement”, de sorte qu’elle n’aurait pu sur cette base en revendiquer les droits de propriété intellectuelle puisqu’il n’était produit que des éléments antérieurement détenus par la société FMDP.
La divulgation par le dépôt du brevet EP 756 du contenu de cette étude donc a été faite en violation de l’engagement de confidentialité souscrit par la société ALAT que le point 3 étend expressément toutes les sociétés de son groupe.
c) Sur la demande subsidiaire d’une quote-part de l’invention
Comme motivé au a) supra, les défenderesses ne démontrent pas que l’invention objet du brevet EP est le produit “d’un réel travail de collaboration de la société ALAT” avec la société FMDP justifiant que lui soit attribuée une quelconque part de propriété de ce titre.
Cette demande est donc rejetée, de même que les demandes subséquentes de contribution aux redevances.
Les conditions de la demande de la société F2M en revendication de la propriété des demandes et des titres délivrés sont réunies et il y a lieu d’y faire droit.
2 . Sur les mesures de réparation
Les demandeurs soutiennent que :- l’appropriation indue de l’invention de M. [K] par les défenderesses est un comportement fautif leur ayant nécessairement causé un préjudice qu’ils évaluent à 50.000 euros sans précision sur la nature ni le quantum de celui-ci ;
– par le brevet FR 756, la société Air liquide a rendu publiques des connaissances jusqu’alors tenues secrètes, sous une forme imprécise qui en rend la protection fragile et en omettant de le déposer au Japon, territoire essentiel au regard de l’invention ;
– le préjudice en résultant est la privation de l’exploitation et de ses fruits, qu’ils estiment à 200.000 euros, ainsi qu’un préjudice moral, qu’ils estiment à 30.000 euros, résultant de la poursuite des relations tout leur dissimulant le dépôt du brevet.
Les défenderesses opposent que :- il n’existe aucune perte de chance d’avoir pu exploiter le dispositif de l’invention dès lors que celui-ci n’a pas pu donner lieu au moindre produit commercial, en raison de l’échec de la société FMDP à mettre au point un prototype, ce qui était l’objet la seconde prestation qui lui a été commandée par la société ALAT ;
– les demandes indemnitaires doivent être rejetées en l’absence de préjudice démontré.
Sur ce,
En vertu de l’article 1240 du code civil, “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.
Le dépôt d’une demande de brevet au nom de la société Air liquide le 15 décembre 2018, à l’insu de son cocontractant avec qui aucun accord clair n’avait été formalisé sur un nécessaire aménagement des droits respectifs notamment de propriété intellectuelle, portant sur des données qui, ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, appartenaient aux demandeurs caractérise un comportement fautif de la part de la société Air liquide.
L’invention résultant de l’étude remise le 19 juin 2018 à la société ALAT ne porte pas sur le prototype que les parties souhaitaient mettre ultérieurement au point mais décrivait le savoir-faire de la société FMDP, objet de son activité économique et que celle-ci souhaitait conserver secret et non breveter.
Il n’est pas établi que la société FMDP a été entravée dans son activité par le dépôt du brevet FR 756 et ses extensions ; en revanche, la divulgation de son savoir-faire, dont la société Air liquide soutenait, dans la description du brevet (point 22 supra), qu’il était une solution à plusieurs inconvénients de l’art antérieur, l’a nécessairement exposé à la fois à la connaissance du public et à des attaques de validité. Pour autant, il s’évince de sa démarche de dépôt des six brevets énumérés ci-dessus le 19 octobre 2020 qu’elle avait renoncé à conserver secret ce savoir-faire.
Au regard de ces circonstances, les faits de divulgation litigieux, selon les termes choisis par la société Air liquide et jugés approximatifs par les demandeurs, sont à l’origine pour la société FMDP d’une modification forcée de sa stratégie de défense de son savoir-faire et d’une perturbation dans la présentation de ses services, conséquences préjudiciables imputables aux deux défenderesses, et qui, en l’absence d’éléments concrets d’estimation, ne saurait être inférieur à la somme de 30.000 euros.En revanche, M. [K] ne justifie d’aucun préjudice propre et il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation à son bénéfice.
Les demandeurs n’exposent pas la nécessité ni les modalités de leur demande de publication “dans 3 journaux spécialisés”. La demande sera donc rejetée comme insuffisamment précise et justifiée.
II . Sur la demande reconventionnelle de la société Air liquide en revendication du brevet FR 348 et ses extensions
Les défenderesses font valoir que le dépôt du brevet FR 348, qui “porte sur un objet exactement similaire à celui du brevet FR 756”, a donc été déposé en fraude aux droits de la société ALAT et doit lui être transféré, en mentionnant les véritables inventeurs, ou à titre subsidiaire, une quote-part de copropriété de 50% doit être accordé à la société Air liquide.
Les demandeurs ne concluent pas sur ce point mais demandent le rejet dans le dispositif de leurs conclusions.
Sur ce,
Le droit applicable à l’action en revendication a été rappelé ci-dessus (points 13 et 14).
Il n’est pas discuté que le brevet FR 348 porte sur la même invention que le brevet FR 756. Au bénéfice de la même motivation que celle énoncée pour le brevet 756, la société Air liquide est mal fondée à revendiquer la propriété de tout ou partie de celui-ci ou la mention de ses salariés en tant qu’inventeurs.
Ses demandes à ce titre sont rejetées.
III . Sur la demande reconventionnelle de la société ALAT en réparation du dommage consécutif à l’inexécution du contrat du 20 novembre 2018
Les défenderesses font valoir que :- la société FMDP a été défaillante dans l’exécution de la commande du 21 novembre 2018 en accumulant les retards (3 ans et 11 mois) et en ne fournissant aucun rapport sur les essais menés ;
– la société FMDP a accumulé 185 semaines de retard et lui doit donc une pénalité 42.000 euros ;
– de plus, cette inexécution justifie le remboursement des prestations payées (175.000 euros) et leur a causé un préjudice du fait du temps consacré en pure perte à ce projet et à la perte de chance de trouver un autre partenaire pour travailler sur le sujet des pompes cryogéniques haute pression pour stations d’hydrogène, qu’elles estiment à 200.000 euros.
Les défendeurs opposent que :- diverses difficultés ont empêché la société FMDP de tenir les délais mais les deux premiers livrables ont été fournis et payés ;
– le 3ème volet du contrat n’a pas été exécuté car les critères définis n’ont pas été atteints lors des essais, et il n’a pas été payé ;
– un salarié de la société ALAT a constaté ce qui a été fait dans leurs locaux le 25 mai 2021 ;
– ils ne sont aucunement tenus de communiquer les résultats d’essais n’atteignant pas les critères définis ;
– la découverte de la déloyauté de la société ALAT dans l’exécution du contrat (le dépôt du brevet au nom de la société Air liquide) rendait impossible la poursuite de l’exécution du contrat et justifie de lui opposer l’exception d’inexécution ;
– la société ALAT ne démontre ni faute de la société FMDP, ni préjudice qui en résulterait, calculé sur la base de conditions générales manifestement inapplicables pour ne jamais lui avoir été remises.
Sur ce,
L’article 1104 du code civil dispose que “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.” et l’article 1119 que “Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées”.
L’article 1231-5 du même code prévoit que : “Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.”
Le 20 novembre 2018, la société ALAT a commandé à la société FMDP une étude d’essais du principe d’étanchéité de la pompe “Support au développement technologique d’un système de pompage haute pression pour la mobilité” sur la base de :- une offre de la seconde du 15 novembre 2018,
– des conditions particulières mentionnant des conditions générales d’achat accessibles via un lien hypertexte,
dont la réalisation devait être réalisée en quatre mois et se concrétiser par trois livrables :
– un descriptif des essais,
– un descriptif de la maquette et
– un “rapport final des essais, contenant essais réalisés, les conditions de réalisation des essais, les valeurs numériques des résultats des essais ayant atteint les critères définis dans le chapitre 3”.
L’article 7 “Délais/pénalités” des CGA produites en pièce n°8 stipule : “L’acceptation de la COMMANDE implique, pour le VENDEUR, un engagement irrévocable sur le respect des délais contractuels qui constitue une obligation essentielle du CONTRAT. Le VENDEUR tiendra AL-aT informée de l’avancement du CONTRAT et en particulier de tout fait de nature à compromettre le respect des délais contractuels et des mesures adoptées afin de minimiser les conséquences de son retard éventuel.
En tout état de cause, le non-respect des délais contractuels, hors cas de force majeure, entraînera l’application de pénalités de retard sans mise en demeure. Sauf dispositions particulières précisées dans le CONTRAT, les pénalités de retard s’élèveront à 1 % du montant H.T du CONTRAT, par semaine de retard, pour les deux premières semaines de retard et à 2,5% pour toute semaine de retard supplémentaire, toute semaine commencée étant due et sans que leur cumul ne puisse excéder 12% du montant total H.T du CONTRAT. AL-aT se réserve la possibilité de déduire lesdites pénalités des montants dus au VENDEUR, les dispositions du code
civil étant exclusivement applicables. Le paiement des pénalités ne libère pas le VENDEUR de son obligation d’exécution de l’obligation défaillante et les pénalités s’appliquent sans préjudice de toute réclamation d’AL-aT au titre de la réparation du préjudice subi du fait du retard et/ou de son droit d’invoquer les dispositions de l’article 22.”
L’accusé de réception de cette commande a été signé le 21 novembre 2018 par la société FMDP mais aucun courriel d’envoi n’est communiqué alors que les CGA dont il est demandé l’application n’étaient pas annexées, contrairement aux conclusions en défense, mais seulement accessibles sur une page web. Or la pièce n°8 reproduisant ces CGA n’apparaît aucunement comme accessible par ce lien.
Il n’est donc aucunement démontré qu’elles aient été communiquées à la société FMDP.
Le premier livrable a été fourni le 8 janvier 2019 au lieu du 10 décembre 2019 et le second fin mars 2019 au lieu du 19 janvier 2019. Diverses difficultés ont conduit à un report du début d’essais fin novembre 2019 d’un commun accord.Ces essais ont commencé le 10 février 2020 et ont été interrompus avec la fermeture imposée par la pandémie de Covid 19.
Il n’est pas contesté que les paiements intervenus ont rémunéré des prestations réalisées, ainsi qu’en témoignent notamment le compte-rendu de réunion du 16 octobre 2019 et les courriels des 11 décembre 2019, 10 février, 4 mars, 12 et 28 mai 2020 et 24 mars 2021 et la visite d’un préposé de la société ALAT dans les locaux de la société FMDP le 25 mai 2021.
Aucune restitution ne saurait donc être exigée.
Si la société FMDP n’était pas tenue de communiquer à la société ALAT les valeurs numériques des résultats des essais n’ayant pas atteint les critères définis, elle était néanmoins tenue de lui fournir le rapport final des essais contenant les essais réalisés et les conditions de réalisation des essais, ce qu’elle n’a pas fait.
Les parties n’ont eu aucun échange ultérieur dans le cadre de la commande précitée.
C’est seulement 9 mois après la délivrance de l’assignation du 22 décembre 2021 et après une mesure de médiation judiciaire, 12 et 18 mois après le dernier contact pour l’exécution du contrat que la société ALAT a mis en demeure la société FMDP d’exécuter la prestation inachevée sous 30 jours sous peine de résiliation et assignation en dommages et intérêts, ce qu’elle a d’ailleurs fait malgré les explications de la société ALAT, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 septembre 2022 et assignation du 10 janvier 2023.
Il se déduit de la cessation de l’exécution du contrat par la société ALAT et de l’absence de la moindre demande ou mise en demeure de la part de la société ALAT pendant 18 mois que les parties en ont cessé l’exécution d’un commun accord au regard du litige né de la découverte par la société FMDP que la société Air liquide avait divulgué sans son accord et breveté à son nom des éléments qu’elle avait transmis confidentiellement à la société ALAT, et qu’elle n’envisageait aucunement de revenir sur cette appropriation au nom des CGA de la première commande.
Cette action de la société ALAT, exclusive de la bonne foi dans l’exécution du contrat, en rendait en effet impossible la poursuite.
La société ALAT est donc mal fondée à reprocher une inexécution fautive à la société FMDP et sa demande est rejetée, sans qu’il y ait lieu d’examiner la réalité du préjudice allégué d’un montant très élevé mais qui n’est étayé par aucune pièce.
En revanche, en exigeant tardivement des montants considérables au prétexte d’une inexécution dont elle ne pouvait ignorer la cause véritable et légitime, la société ALAT a instrumentalisé de mauvaise foi le contrat du 20 novembre 2018. Le préjudice moral en résultant est fixé par le tribunal à la somme de 5.000 euros.
Il y a donc lieu de condamner la société ALAT à payer à la société FMDP la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté.
IV . Sur les autres demandes
Les défenderesses, qui succombent dans leurs demandes, sont condamnées aux dépens de l’instance et à payer aux demandeurs, qui ont fait défense commune, la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonne le transfert au profit de la société F2M de la propriété du brevet publié le 26 juin 2020 sous le numéro FR 3 090 756, ainsi que des titres déposés sur la base de ce brevet et des demandes de brevet international n°PCT/FR2019052899 et européen n°EP 19842379 WO ;
Ordonne à la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude d’effectuer tous actes et donner tous pouvoirs aux fins de ce transfert à ses frais, dans les 30 jours de la signification du jugement ;
Déboute la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude de ses demandes en revendication de la propriété totale ou partielle du brevet FR 3 115 348 et de ses extensions et déboute la société Air liquide advanced technologies des mêmes demandes formées à titre subsidiaire ;
Condamne in solidum la société Air liquide advanced technologies et la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude à payer à la société Futura mechanical design project la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Rejette la demande de publication ;
Rejette la demande reconventionnelle de la société Air liquide en revendication de la demande de brevet FR 3 115 348 et ses extensions ;
Condamne la société Air liquide advanced technologies à payer à la société Futura mechanical design project la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté ;
Condamne in solidum la société Air liquide advanced technologies et la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude aux dépens de l’instance ;
Condamne in solidum la société Air liquide advanced technologies et la société L’air liquide société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude à payer à M. [E] [K], la société F2M et la société Futura mechanical design project, ensemble, la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fait et jugé à Paris le 31 Janvier 2025
Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC
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