Aux termes de l’article 1355 du Code civil, reprenant les dispositions de l’article 1351 ancien du même code :
“L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.” Par suite, la nouvelle demande au soutien de laquelle il est invoqué un fondement juridique non soulevé en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci (voir notamment Cass. , ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672). L’article 122 du Code de procédure civile prévoit, à cet égard que “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.” |
L’Essentiel : La société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS, spécialisée dans le textile technique, a cédé ses activités à une société à responsabilité limitée, JDF DEVELOPPEMENT, dirigée par un dirigeant d’entreprise. En 2019, la société JUSTON AINE FILS a rompu son contrat avec un mandataire chargé de la vente de ses produits. Ce dernier a déposé la marque TEMPO SPRAY, entraînant des litiges avec les sociétés, qui ont contesté ce dépôt devant le Tribunal de grande instance de Lyon. Le 14 novembre 2023, le tribunal a déclaré la société JUSTON AINE FILS recevable dans ses demandes, mais a débouté le mandataire.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS, active dans le secteur du textile technique depuis 1957, a pour activité principale la formulation et le conditionnement d’aérosols. Un mandataire, agissant pour le compte de cette société, a été chargé de vendre divers produits en France et dans d’autres pays européens, en percevant des commissions sur les ventes. Changement de direction et cessation de contratEn décembre 2013, la société JUSTON AINE FILS a été cédée à une société à responsabilité limitée, JDF DEVELOPPEMENT, dirigée par un dirigeant d’entreprise. En 2019, la société JUSTON AINE FILS a mis fin à sa relation contractuelle avec le mandataire. Dépôt de marque et litigesLe 28 juin 2019, le mandataire a déposé la marque TEMPO SPRAY auprès de l’INPI. Suite à des différends, les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT ont assigné le mandataire devant le Tribunal de grande instance de Lyon, cherchant à contester le dépôt de la marque et à revendiquer sa propriété. Décision du Tribunal judiciaire de LyonLe 14 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de Lyon a rendu un jugement déclarant la société JUSTON AINE FILS recevable dans ses demandes, mais a débouté le mandataire de ses demandes de transfert de marques et d’interdiction. Les sociétés ont été condamnées aux dépens, tandis que le mandataire a reçu une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile. Actions post-jugementLe 13 décembre 2023, le mandataire a signifié des sommations aux sociétés pour qu’elles cessent d’utiliser la dénomination TEMPO SPRAY. En l’absence de réponse, il a assigné les sociétés devant le Président du Tribunal judiciaire de Valence, qui a ensuite transmis la procédure au Tribunal de Lyon. Demandes du mandataireLe mandataire a formulé plusieurs demandes, incluant l’interdiction d’utilisation de la marque TEMPO SPRAY par les sociétés, ainsi que la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer les préjudices. Il a également demandé des indemnités pour l’exploitation non autorisée de la marque. Réponse des sociétésLes sociétés ont contesté les demandes du mandataire, arguant de l’autorité de la chose jugée suite au jugement de novembre 2023. Elles ont demandé à être déboutées de toutes les prétentions du mandataire et ont également formulé une demande reconventionnelle pour abus de droit. Décision finale du TribunalLe Tribunal a déclaré irrecevables les demandes du mandataire, considérant qu’elles étaient fondées sur des éléments déjà jugés. Les demandes reconventionnelles des sociétés ont également été rejetées, et le mandataire a été condamné aux dépens de l’instance. Les sociétés ont reçu des indemnités pour les frais irrépétibles, tandis que la demande du mandataire sur ce même fondement a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de l’autorité de la chose jugée sur les demandes de l’acheteur ?L’article 1355 du Code civil stipule que : “L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.” Dans cette affaire, l’acheteur a formé des demandes d’interdiction et d’indemnisation qui ont été rejetées par le Tribunal judiciaire de LYON dans un jugement devenu définitif. Ainsi, toute nouvelle demande de l’acheteur, même fondée sur un moyen juridique différent, se heurte à l’autorité de la chose jugée. Il est donc impératif que l’acheteur soulève tous les moyens qu’il estime pertinents lors de l’instance initiale, faute de quoi ses demandes ultérieures seront déclarées irrecevables. En conséquence, les demandes de l’acheteur visant à interdire l’utilisation de la marque TEMPO SPRAY et à obtenir une indemnisation pour son utilisation seront déclarées irrecevables. Quelles sont les implications de la procédure abusive selon le Code de procédure civile ?L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose que : “Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.” Dans cette affaire, les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT ont demandé une indemnisation pour procédure abusive. Cependant, il est essentiel de noter que l’introduction d’une action en justice, même si elle est multiple, ne constitue pas en soi un abus de droit. Pour qu’un abus soit caractérisé, il faut prouver une intention de nuire ou un comportement malveillant de la part de l’acheteur. En l’espèce, les sociétés demanderesses n’ont pas réussi à démontrer la réalité ou le montant du préjudice qu’elles prétendaient avoir subi en raison de l’action de l’acheteur. Par conséquent, leurs demandes d’indemnisation pour procédure abusive seront rejetées. Comment le juge statue-t-il sur les dépens et les frais irrépétibles ?L’article 696 alinéa 1 du Code de procédure civile énonce que : “La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.” De plus, l’article 700 du même code précise que : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;” Dans cette affaire, l’acheteur a été débouté de l’ensemble de ses demandes. En conséquence, il sera condamné à payer les dépens de l’instance, dont distraction au profit du cabinet d’avocats FIDAL. De plus, l’acheteur devra verser une somme de 2.000,00 euros à chacune des sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile. La demande de l’acheteur sur ce même fondement sera, quant à elle, rejetée. |
ORDONNANCE DU : 04 Février 2025
DOSSIER N° : N° RG 24/01906 – N° Portalis DB2H-W-B7I-Z44S
AFFAIRE : [O] [U] C/ S.A.S. JUSTON AINE FILS, S.A.R.L. JDF DEVELOPPEMENT
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
PRÉSIDENT : Madame Marlène DOUIBI, Juge
GREFFIER : Madame Catherine COMBY, lors du délibéré
Madame Valérie IKANDAKPEYE, lors des débats
PARTIES :
DEMANDEUR
Monsieur [O] [U]
né le 24 Octobre 1954 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1]
Maître Laurence GARNIER de la SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant et Maître Jeanne COURQUIN de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, avocat postulant
DEFENDERESSES
S.A.S. JUSTON AINE FILS,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Céline CASSEGRAIN, avocat au barreau de VALENCE, avocat plaidant et Maître Karine ETIENNE de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de LYON, avocat postulant
S.A.R.L. JDF DEVELOPPEMENT,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Céline CASSEGRAIN, avocat au barreau de VALENCE, avocat plaidant et Maître Karine ETIENNE de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de LYON, avocat postulant
Débats tenus à l’audience du 03 Décembre 2024
Notification le
à :
Maître Jeanne COURQUIN de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES Toque – 796, Expédition
Maître Karine ETIENNE de la SELAS FIDAL Toque – 708, Expédition et Grosse
La société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS, fondée en 1957 et spécialisée dans le textile technique, exploite notamment une activité industrielle consistant en la formulation, l’élaboration et le conditionnement d’aérosols.
Monsieur [O] [U] a été mandaté par la société JUSTON AINE FILS aux fins de vendre des produits adhésifs, nettoyants à colles et antiadhérents en FRANCE, au sein des pays de la COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE et en SUISSE, moyennant la perception de commissions sur les transactions réalisées.
Le 23 décembre 2013, la société JUSTON AINE FILS a été cédée à la société à responsabilité limitée JDF DEVELOPPEMENT, dirigée par monsieur [Z] [F].
Au cours de l’année 2019, la société JUSTON AINE FILS a cessé toute relation contractuelle avec monsieur [U].
Le 28 juin 2019, monsieur [U] a déposé la marque verbale TEMPO SPRAY auprès de l’INPI.
En raison de multiples différends les opposant à monsieur [U], les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT l’ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de LYON par acte d’huissier de justice signifié le 18 décembre 2019 aux fins, pour l’essentiel, de dénoncer le dépôt frauduleux de la marque verbale TEMPO SPRAY et d’en solliciter la propriété.
Par jugement rendu le 14 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de LYON a :
déclaré la société JUSTON AINE FILS recevable en ses demandes ; déclaré la société JDF DEVELOPPEMENT irrecevable en ses demandes ; débouté la société JUSTON AINE FILS de sa demande de condamnation de Monsieur [O] [U] au paiement de la somme de 88.424,00 euros fondée sur le dépôt frauduleux de la marque TEMPO SPRAY n° 4 563 468 ; débouté Monsieur [O] [U] de sa demande relative au transfert des marques BRODSPRAY n° 4 564 922, SPRAYNET n° 4 564 893, SILISPRAY n° 4 564 879 et LUBSPRAY n°4 564 870 à son profit ; débouté Monsieur [O] [U] de sa demande d’interdiction ; débouté Monsieur [O] [U] de sa demande en paiement de la somme de 150.000,00 euros ; condamné les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Jeanne COURQUIN de la AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ; condamné in solidum les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT à payer Monsieur [O] [U] la somme totale de 5.000,00 euros en application de l’ article 700 du Code de procédure civile.
Aucune partie n’ayant interjeté appel, la décision susvisée, signifiée à monsieur [U] le 13 décembre 2023, est désormais définitive.
Par actes de commissaire de justice du 13 décembre 2023, monsieur [U] a fait signifier deux sommations aux sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT en vue, pour l’essentiel, de mettre fin à l’usage de la dénomination TEMPO SPRAY et de tout signe ou nom identique ou similaire par celle-ci.
A défaut de suites données aux sommations , monsieur [U] a fait assigner les deux sociétés susvisées devant le Président du Tribunal judiciaire de VALENCE par actes de commissaire de justice signifiés le 3 juillet 2024.
Par ordonnance rendue le 5 octobre 2024, le juge des référés du Tribunal judiciaire de VALENCE s’est déclaré incompétent et a ordonné la transmission de la procédure au juge des référés du Tribunal judiciaire de LYON.
* * *
Monsieur [U] a déposé des conclusions aux termes desquelles il demande à la présente juridiction, en vertu des articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3-1, L. 713-3-3, L. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle, 145, 834 et 835 alinéas 1 et 2 du Code de procédure civile de :
le recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l’y dire bien-fondé,ordonner aux sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT de cesser de, directement ou indirectement, sans l’accord express, préalable et écrit de M. [O] [U], commercialiser et vendre des produits quelconques sous la marque Tempo Spray, et de procéder à son retrait de tout lieu de vente où elle se trouve et de tout support et canal de diffusion, y compris des aérosols et de tous sites internet, sous astreinte de 3.500 euros par jour de retard dans ce retrait à compter du prononcé de l’Ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée après ce retrait,interdire aux sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT de, directement ou indirectement, sans l’accord express, préalable et écrit de M. [O] [U], utiliser la marque Tempo Spray et tout nom identique ou similaire tel que TEMPOSPRAY et TEMPO SPRAY, à quelque titre que ce soit et quel qu’en soit le support ou le canal de présentation ou de diffusion, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée,désigner tel expert judiciaire qu’il lui plaira de nommer avec la mission de : * Convoquer les parties, entendre tout sachant, s’adjoindre au besoin tout sapiteur informatique
* Rechercher, se faire remettre et obtenir auprès de toute personne requise à cet effet, notamment expert-comptable et commissaire aux comptes, tous documents juridiques, financiers et comptables des sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT, dont :
Pour la société JUSTON AINE FILS :
• Ses liasses fiscales au titre des exercices sociaux 2019 à 2023
• Les conventions régularisées entre les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT
• Ses livres d’assemblées générales dont celles approuvant les comptes annuels 2019 à 2023
• Les factures, bons de commandes, bons de livraison des produits adhésifs, anti adhésifs et nettoyants à colle, dont TEMPO SPRAY, SILISPRAY, SPRAYNET enregistrés à compter du 5 octobre 2019
• Ces mêmes pièces comptables portant sur ces marques et produits sur la période allant du 1 er janvier au 30 juin 2024 (à parfaire) certifiées par un expert-comptable ou commissaire aux comptes
Pour la société JDF DEVELOPPEMENT :
• Ses liasses fiscales au titre des exercices sociaux 2019 à 2023
• Les conventions régularisées entre les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT
• Ses livres d’assemblées générales dont celles approuvant les comptes annuels 2019 à 2023
• Ces pièces mêmes pièces comptables portant sur ces marques et produits sur la période allant du 1 er janvier au 30 juin 2024 (à parfaire) certifiées par expert-comptable ou commissaire aux comptes
* Reconstituer à compter du 5 octobre 2019 les chiffres d’affaires, marges, résultats, capitaux propres et réserves de la société JUSTON AINE résultant de la commercialisation de la TEMPO SPRAY et des produits adhésifs, anti adhésifs et nettoyants à colle, dont ceux vendus sousles marques TEMPO SPRAY, SILISPRAY et SPRAYNET,
*Evaluer à compter de cette même date les sommes, rémunérations et dividendes perçus par la société JDF DEVELOPPEMENT, quelle qu’en soit la nature, la qualification ou la forme, résultant de la vente des produits commercialisés sous la marque TEMPO SPRAY, et de la vente des produits adhésifs, anti adhésifs et nettoyants à colle, dont ceux commercialisés sous les noms et marques TEMPO SPRAY, SILISPRAY et SPRAYNET,
* Préciser, à destination du Tribunal qui sera saisi, tous éléments d’information lui permettantd’apprécier et de déterminer l’indemnisation revenant à M. [U] en réparation des actes argués de contrefaçon de la marque Tempo Spray, et le montant des sommes revenant à M. [U] en rémunération de l’exploitation et de la vente desdits produits,
* S’adjoindre le cas échéant tout sapiteur, notamment informatique afin de reconstituer les écritures comptables
* Répondre aux dires des parties et établir des notes à leur destination, ainsi qu’une note de synthèse préalablement au dépôt de son rapport,
fixer la provision à valoir sur les honoraires de l’expert à consigner par M. [O] [U], désigner, dans les conditions de l’article 796 du Code de procédure civile, le Juge chargé du contrôle de l’expertise,condamner solidairement et à défaut in solidum les sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT à lui payer la somme provisionnelle de 100.000,00 euros à valoir sur ses créances, rémunérations et indemnisations, la somme de 6.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, les dépens de l’instance, incluant ceux exposés dans le cadre du référé devant le Tribunal judiciaire VALENCE, dont distraction au profit de Maître Jeanne COURQUIN du cabinet CB ASSOCIES, avocat constitué du barreau de la LYON, dans les termes de l’article 699 du Code de procédure civile,débouter les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT de l’ensemble de leurs moyens, demandes, fins et conclusions,ordonner l’exécution de l’Ordonnance sur simple présentation de la minute.
Les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT ont déposé des conclusions aux termes desquelles elles demandent à la présente juridiction, en vertu des articles D. 211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire et son annexe, 31, 32-1, 145, 835, 699 et 700 du Code de procédure civile, 122, 123 et 1355 du Code civil, L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle et de la jurisprudence afférente, de :
débouter M. [U] de ses demandes fondées sur le droit commun des articles du Code de procédure civile,constater l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal judiciaire de LYON du 14 novembre 2023, juger irrecevables les mesures d’interdiction provisoire formées par M. [U] au titre de la marque TEMPO SPRAY n°4 563 468 compte tenu de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal judiciaire de LYON du 14 novembre 2023,débouter M. [O] [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions mal fondées en droit comme en fait,juger que la vraisemblance de l’atteinte portée à la marque TEMPO SPRAY n° 4 563 468 n’est pas démontrée,débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes d’interdiction d’usage de la marque TEMPO SPRAY, de cessation et de retrait de la marque ou d’un signe similaire de tout support, comme mal fondées, juger mal fondée la demande de M. [O] [U] d’interdiction d’utiliser les marques TEMPOSPRAY et TEMPO SPRAY et de cessation de commercialisation des produits sous la marque TEMPO SPRAY,juger mal fondée la demande de M. [O] [U] aux fins de désignation d’un expert judiciaire,juger mal fondée la demande de M. [O] [U] aux fins de paiement d’une somme provisionnelle,condamner M. [O] [U] à payer à payer à chacune la somme de 10.000,00 euros à titre de procédure abusive,condamner monsieur [O] [U] à payer à chacune la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner M. [O] [U] aux entiers dépens distraits auprès du cabinet FIDAL sur son affirmation de droit.
L’affaire a été retenue à l’audience du 05 mars 2024, au cours de laquelle les parties ont maintenu leurs demandes.
La décision a été mise en délibéré au 4 février 2025.
I. Sur les demandes de monsieur [U]
Aux termes de l’article 1355 du Code civil, reprenant les dispositions de l’article 1351 ancien du même code :
“L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.”
Par suite, la nouvelle demande au soutien de laquelle il est invoqué un fondement juridique non soulevé en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci (voir notamment Cass. , ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672).
L’article 122 du Code de procédure civile prévoit, à cet égard que “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”
En l’occurence, assigné au fond par les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT devant le Tribunal de grande instance de LYON par acte d’huissier de justice du 18 décembre 2019, monsieur [O] [U] a notamment formé reconventionnellement les demandes suivantes :
interdire aux sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT de commercialiser les marques TEMPO SPRAY, SILISPRAY, SPRAYNET, BRODSPRAY et LUBSPRAY, ainsi que les formules et produits qu’elles désignent sur tous supports et à quelque titre que ce soit, à les retirer de tous lieux de vente et de tout support, y compris site internet, sous astriente de 2.000,00 euros par jour de retard dans ce retrait et de 1.000,00 euros par infraction constatée,condamner les sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT à lui verser une somme de 150.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral qui lui est causé.
Par jugement contradictoire rendu le 14 novembre 2023 et devenu définitif à défaut d’appel interjeté, le Tribunal judiciaire de LYON a débouté monsieur [U] de ses demandes d’interdiction et d’indemnisation.
Or, la saisine en référé a pour finalité d’obtenir l’interdiction d’utilisation du signe TEMPO SPRAY et de tout nom identique ou similaire par les sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT, d’évaluer les préjudices générés par l’utilisation litigieuse de ce signe et d’être indemnnisé provisoirement à ce titre.
Il y a donc bien une identité des parties, soit monsieur [U] et les sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT, une identité de cause, soit l’utilisation litigieuse du signe TEMPO SPRAY, et une identité d’objet, soit la cessation de tout usage sans autorisation du signe susvisé et l’indemnisation des préjudices ainsi engendrés.
A cet égard, il ne peut être déduit de la formulation “Monsieur [U] forme une demande d’interdiction qui porte nécessairement sur des actes d’exploitation[1]” que le Tribunal judiciaire s’est considéré non saisi “en tant que juge de l’exploitation[2]”. Il ressort d’ailleurs du dispositif du jugement susmentionné que le Tribunal judiciaire de LYON a rejeté les demandes d’interdiction et de paiment d’indemnité formulées en raison de l’utilisation par les sociétés défenderesses des signes TEMPO SPRAY, SILISPRAY, SPRAYNET, BRODSPRAY et LUBSPRAY et non pas “dit qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer” sur de telles prétentions.
[1]
Page n°7 du jugement rendu le 14 novembre 2023 par le Tribunal judiciaire de LYON
[2]
Page n°9 des conclusions déposées par monsieur [U], reprises oralement à l’audience du 3 décembre 2024
Les prétentions présentement formées portent bien sur une cause identique, quand bien même le fondement invoqué, soit la contrefaçon de marque, diffère.
Il appartenait dès lors à monsieur [U] de soulever ce moyen en temps utile, c’est-à-dire dans le cadre de l’instance introduite au fond devant le Tribunal de grande instance de LYON le 18 décembre 2019 sous le numéro de répertoire général 19/12203.
Les demandes visant à interdire et à être indemnisé provisoirement pour l’usage des signes TEMPO SPRAY et TEMPOSPRAY seront donc déclarées irrecevables.
La demande visant à faire cesser l’utilisation du signe litigieux est le corollaire de la demande d’interdiction, si bien qu’elle sera pareillement déclarée irrecevable.
La demande de désignation d’un expert judiciaire devient sans objet, dès lors qu’elle avait pour finalité d’évaluer les sommes dues à monsieur [U] en indemnisation de l’usage non autorisé du signe TEMPO SPRAY.
II. Sur la demande reconventionnelle d’indemnisation formée par les sociétés JUSTON AINE FILS et JDF DEVELOPPEMENT
L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose que :
“Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.”
Or, si l’article susvisé permet au juge, au titre de ses pouvoirs de police, de prononcer une amende civile en cas de procédure dilatoire ou abusive, il apparait en l’espèce que la demande formée par les parties demanderesses au titre de la procédure abusive porte en réalité sur l’octroi de dommages et intérêts, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article susmentionné.
En revanche, l’article 1240 du Code civil, pris dans la rédaction postérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”
Ester en justice est un droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité à agir qui ne saurait être constitutif d’un préjudice indemnisable pour le défendeur attrait en justice, sauf à rapporter la preuve d’un abus de droit caractérisé par un exercice dilatoire ou abusif du droit d’agir imputable au demandeur et se manifestant notamment par une intention nocive, la malveillance, la faute grossière équipollente au dol ou encore l’action téméraire.
Il a notamment été jugé que l’abus ne peut être caractérisé simplement par :
la seule affirmation du caractère abusif de l’action (Civ. 2ème, 19 mai 2016 n°15-17.408 ; Civ. 3ème, 12 octobre 2017, pourvoi n°16-20.773), le seul constat d’un éventuel préjudice subi par la partie adverse (Civ. 3ème, 17 décembre 2002, n°01-14.349),le caractère mal fondé d’une prétention (Civ. 3ème, 27 avril 2000 ,n °98-17.237).
En l’occurence, l’introduction par monsieur [U] de plusieurs procédures judiciaires ne suffit pas pour caractériser une intention de nuire, ce d’autant plus qu’elles ne se sont pas systématiquement soldées par un rejet des prétentions qu’il a pu émettre et qu’il n’est pas démontré que monsieur [U] a saisi volontairement une juridiction incompétente aux fins de contourner l’autorité du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de LYON le 14 novembre 2023.
En revanche, dès lors que le Tribunal judiciaire de LYON avait expressément rejeté la demande d’interdiction d’utiliser le signe TEMPO SPRAY, monsieur [U] ne pouvait raisonnablement ignorer l’issue d’une procédure ayant la même finalité, quand bien même il l’a fondée sur un moyen juridique distinct.
Toutefois, les sociétés JDF DEVELOPPEMENT et JUSTON AINE FILS ne démontrent ni la réalité, ni le quantum du préjudice dont elles sollicitent l’indemnisation sur le fondement d’un abus du droit d’agir.
Par suite, leurs demandes d’indemnisation seront rejetées.
III. Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
L’article 696 alinéa 1 du Code de procédure civile énonce que :
“La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”
L’article 699 dudit code dispose, par ailleurs, que :
“Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.”
L’article 491 alinéa 2 du même code prévoit, par ailleurs, que le juge des référés statue sur les dépens.
En l’espèce, monsieur [U] étant débouté de l’intégralité des prétentions émises, il lui reviendra d’assumer les dépens de l’instance, dont distraction au profit du cabinet d’avocats FIDAL.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile :
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.”
Succombant à l’instance, monsieur [U] sera condamné à payer à chacune des sociétés JUSTON AINE et JDF DEVELOPPEMENT une somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
La demande formée par monsieur [U] sur ce même fondement sera rejetée.
L’article 489 du Code de procédure civile énonce que “En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute.”
En l’espèce, aucune nécessité ne requiert d’ordonner l’exécution de la présente ordonnance au seul vu de la minute.
Nous, Juge des référés, statuant publiquement après débats publics par décision contradictoire rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe,
Déclarons irrecevable la demande de monsieur [O] [U] tendant, sous astreinte, à faire cesser la commercialisation et la vente de produits sous la marque TEMPO SPRAY et à obtenir le retrait de tout lieu de vente et de tout support et canal de diffusion ;
Déclarons irrecevable la demande de monsieur [O] [U] tendant à faire interdire sous astreinte à la société à responsabilité limitée JDF DEVELOPPEMENT et à la société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS l’utilisation de la marque TEMPO SPRAY et tout nom identique ou similaire ;
Déclarons irrecevable la demande de monsieur [O] [U] tendant à obtenir la condamnation solidaire ou in solidum de la société à responsabilité limitée JDF DEVELOPPEMENT et à la société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS à lui payer une somme provisionnelle de 100.000,00 euros ;
Rejetons en conséquence la demande d’expertise judiciaire formée par monsieur [O] [U] ;
Rejetons la demande reconventionnelle de la société à responsabilité limitée JDF DEVELOPPEMENT et de la société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS tendant à obtenir la condamnation de monsieur [O] [U] à leur payer à chacune une somme de 10.000,00 euros en indemnisation d’un abus de droit ;
Condamnons monsieur [O] [U] aux entiers dépens de l’instance de référé, dont distraction au profit du cabinet d’avocats FIDAL ;
Condamnons monsieur [O] [U] à payer une somme de 2.000,00 euros à la société à responsabilité limitée JDF DEVELOPPEMENT et une somme de 2.000,00 euros à la société par actions simplifiée JUSTON AINE FILS sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejetons la demande formée par monsieur [O] [U] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute ;
Ainsi prononcé par Madame Marlène DOUIBI, Juge, assistée de Madame Catherine COMBY, Greffière.
En foi de quoi, la Présidente et la Greffière ont signé la présente décision.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE
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