Audiovisuel : Marque contraire aux bonnes mœurs

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Audiovisuel : Marque contraire aux bonnes mœurs

L’Essentiel : La CJUE a validé le dépôt de la marque « Fack Ju Göhte », soulignant que le public germanophone ne la perçoit pas comme moralement inacceptable. Cette décision met en lumière la tension entre la liberté d’expression, protégée par l’ARCEPicle 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et les restrictions sur les marques contraires aux bonnes mœurs. La notion de « bonnes mœurs » est évolutive et dépend du consensus social. Ainsi, l’appréciation d’une marque doit tenir compte du contexte culturel et des valeurs morales de la société au moment de l’évaluation.

En matière de production audiovisuelle et de création artistique, les marques contraires aux bonnes mœurs peuvent tout de même être déposées et reconnues valides. Il a ainsi été jugé que le public germanophone ne percevra pas nécessairement le signe verbal « Fack Ju Göhte » comme moralement inacceptable. Le dépôt de la marque européenne « Fack Ju Göhte » pour désigner une comédie cinématographique allemande a été validé par la CJUE.  

Exception de liberté artistique

Il existe, dans le domaine de l’art, de la culture et de la
littérature, un souci constant de préserver la liberté d’expression qui
n’existe pas dans le domaine des marques. La liberté d’expression, consacrée à
l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit,
ainsi que l’admet l’EUIPO, être prise en compte lors de l’application de
l’article 7 du règlement no 207/2009.

L’absence d’atteinte aux bonnes mœurs de la marque « Fack Ju
Göhte » a été confirmée par le grand
succès de la comédie éponyme auprès du public germanophone et la circonstance
que son titre ne semble pas avoir suscité de controverses, ainsi que le fait que
l’accès du jeune public à celle-ci avait été autorisé. L’Institut Goethe, qui
est l’institut culturel de la République fédérale d’Allemagne actif au niveau
mondial dont l’une des missions est de promouvoir la connaissance de la langue
allemande, s’en sert à des fins pédagogiques.

Notion évolutive de bonnes mœurs

L’article 7 du règlement no 207/2009, intitulé « Motifs
absolus de refus », prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 que sont refusés à
l’enregistrement f) les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs. La notion de « bonnes
mœurs » n’étant pas définie par le règlement no 207/2009, elle doit être
interprétée en tenant compte de son sens habituel ainsi que du contexte dans
lequel elle est généralement utilisée.

Cette notion se réfère, dans son sens habituel, aux valeurs
et aux normes morales fondamentales auxquelles une société adhère à un moment
donné. Ces valeurs et ces normes, qui sont susceptibles d’évoluer au fil du
temps et de varier dans l’espace, doivent être déterminées en fonction du
consensus social prévalant dans cette société au moment de l’évaluation. Aux
fins de cette détermination, il doit être tenu dûment compte du contexte
social, y compris, le cas échéant, des diversités culturelles, religieuses ou
philosophiques qui le caractérisent, afin d’évaluer, de manière objective, ce
que ladite société considère à ce moment comme moralement acceptable.

Par ailleurs, dans le cadre de l’application de l’article 7,
paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, l’examen du point de savoir si
un signe, dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est
demandé, est contraire aux bonnes mœurs nécessite une analyse de l’ensemble des
éléments propres à l’espèce afin de déterminer la manière dont le public
pertinent percevrait un tel signe en cas d’utilisation de celui-ci en tant que
marque pour les biens ou les services revendiqués.

À cet égard, pour relever du champ d’application de
l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, il n’est pas
suffisant que le signe concerné soit considéré comme étant de mauvais goût.
Celui-ci doit, au moment de l’examen, être perçu par le public pertinent comme
allant à l’encontre des valeurs et des normes morales fondamentales de la
société telles qu’elles existent à ce moment.

Afin d’établir si tel est le cas, il y a lieu de se fonder
sur la perception d’une personne raisonnable ayant des seuils de sensibilité et
de tolérance moyens, en tenant compte du contexte dans lequel la marque est
susceptible d’être rencontrée ainsi que, le cas échéant, des circonstances
particulières propres à la partie de l’Union concernée. À cet effet, sont
pertinents des éléments tels que les textes législatifs et les pratiques
administratives, l’opinion publique et, le cas échéant, la manière dont le
public pertinent a réagi dans le passé à ce signe ou à des signes similaires,
ainsi que tout autre élément susceptible de permettre d’évaluer la perception
de ce public.

L’examen qui est ainsi à effectuer ne saurait se limiter à
une appréciation abstraite de la marque demandée, voire de certaines
composantes de celle-ci, mais il doit être établi, en particulier lorsque le
demandeur a invoqué des éléments qui sont susceptibles de mettre en doute le
fait que cette marque est perçue par le public pertinent comme contraire aux
bonnes mœurs, que l’utilisation de ladite marque dans le contexte social
concret et actuel serait effectivement perçue par ce public comme allant à
l’encontre des valeurs et des normes morales fondamentales de la société.

Les expressions « Fuck » et « Fuck you » ont perdu de leur vulgarité à la suite des évolutions du langage dans la société. Si, dans son sens premier, l’expression anglaise « Fuck you » possédait une connotation sexuelle et était empreinte de vulgarité, elle serait également utilisée dans un contexte différent pour exprimer de la colère, de la défiance ou du mépris à l’égard d’une personne. Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de la décision de la CJUE concernant la marque « Fack Ju Göhte » ?

La décision de la CJUE concernant la marque « Fack Ju Göhte » a des implications significatives pour la production audiovisuelle et la création artistique. Elle établit que des marques qui pourraient être perçues comme contraires aux bonnes mœurs peuvent néanmoins être déposées et reconnues valides, en particulier si elles sont liées à des œuvres artistiques.

Cette décision repose sur l’idée que la liberté d’expression, protégée par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être prise en compte lors de l’évaluation des marques. Ainsi, le succès de la comédie « Fack Ju Göhte » auprès du public germanophone a été un facteur déterminant dans l’absence d’atteinte aux bonnes mœurs.

De plus, l’absence de controverses autour du titre et l’autorisation d’accès pour le jeune public ont renforcé la validité de la marque. Cela montre que le contexte culturel et social joue un rôle déterminant dans l’évaluation de ce qui est considéré comme moralement acceptable.

Comment la notion de bonnes mœurs est-elle définie dans le règlement no 207/2009 ?

La notion de « bonnes mœurs » dans le règlement no 207/2009 n’est pas explicitement définie, ce qui laisse place à une interprétation contextuelle. Selon l’article 7, les marques contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs peuvent être refusées à l’enregistrement.

Cette notion se réfère aux valeurs et normes morales fondamentales d’une société à un moment donné. Ces valeurs sont susceptibles d’évoluer avec le temps et de varier selon les contextes culturels, religieux ou philosophiques.

Pour évaluer si une marque est contraire aux bonnes mœurs, il est essentiel de considérer le consensus social prévalant au moment de l’évaluation. Cela implique une analyse approfondie des éléments contextuels, y compris les réactions du public et les pratiques administratives.

Quels critères sont utilisés pour déterminer si une marque est contraire aux bonnes mœurs ?

Pour déterminer si une marque est contraire aux bonnes mœurs, plusieurs critères doivent être pris en compte. L’examen ne se limite pas à une appréciation abstraite de la marque, mais nécessite une analyse de la perception du public pertinent.

Il est déterminant d’évaluer comment une personne raisonnable, avec des seuils de sensibilité et de tolérance moyens, percevrait la marque dans son contexte d’utilisation. Cela inclut l’examen des textes législatifs, de l’opinion publique et des réactions passées à des signes similaires.

De plus, il est important de considérer si le signe est perçu comme allant à l’encontre des valeurs et normes morales fondamentales de la société à ce moment-là. Si une marque est jugée de mauvais goût, cela ne suffit pas pour la déclarer contraire aux bonnes mœurs ; elle doit être perçue comme moralement inacceptable par le public.

Comment la perception des termes vulgaires a-t-elle évolué dans la société ?

La perception des termes vulgaires, tels que « Fuck » et « Fuck you », a évolué au fil du temps dans la société. Initialement, ces expressions avaient une connotation sexuelle forte et étaient considérées comme très vulgaires. Cependant, leur utilisation a changé, et elles sont désormais souvent employées dans des contextes variés pour exprimer des émotions telles que la colère ou le mépris.

Cette évolution linguistique a des implications pour l’évaluation des marques. Par exemple, le titre « Fack Ju Göhte » peut être perçu différemment par le public en raison de cette évolution.

Ainsi, la perception actuelle de ces termes peut influencer la manière dont une marque est reçue, et il est essentiel de prendre en compte ces changements dans le langage et la culture lors de l’examen de la conformité d’une marque aux bonnes mœurs.


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