L’Essentiel : M. [DI] [G], artiste plasticien, a intenté une action en justice contre M. [U] [D]-[E], connu sous le nom d’artiste [L] [K], pour contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme. Il soutenait que les œuvres de [L] [K], notamment un miroir portant le message « in gold we trust », étaient très similaires à sa série « Steel ». Le tribunal a examiné l’originalité des œuvres de M. [G] et a conclu qu’elles ne présentaient pas de caractère original, les déboutant ainsi de ses demandes. En conséquence, M. [G] a été condamné à payer des frais aux défendeurs.
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Selon l’article 1240 du code civil, » tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer « .
Le parasitisme consiste dans le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire (cf Ccas, 10 juillet 2018, pourvoi n°16-23.694). Dans le domaine de l’art contemporain, le message » hope » qu’un artiste aurait emprunté à un autre, est un terme universel qui relève du langage courant, comme en témoigne le fait qu’il figure dans des œuvres antérieures. L’expression » in gold we trust » est un détournement de la devise des Etats-Unis d’Amérique dont l’artiste n’est pas à l’origine et qui a été employée sur divers supports (titre de film de 1990 etc). Par ailleurs, l’effet miroir est une pratique courante de l’art contemporain (Untitled, 2002 et Cloud Gate The Bean, 2006 …). Résumé de l’affaire : M. [DI] [G], artiste plasticien, a créé une série de miroirs en acier inoxydable nommée « Steel ». Il a constaté que M. [U] [D]-[E], connu sous le nom d’artiste [L] [K], avait exposé un miroir avec le message « in gold we trust », jugé très similaire à ses œuvres. M. [G] a engagé des procédures judiciaires, incluant des saisies pour contrefaçon, et a assigné plusieurs parties devant le tribunal de Paris pour contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme. Il a demandé le retrait des œuvres contestées, des dommages-intérêts pour préjudice moral et des frais de justice.
M. [G] a soutenu que sa série « Steel » était originale et que les œuvres de [L] [K] en étaient des copies. Les défendeurs, dont les Galeries Bartoux, ont contesté la validité des demandes, arguant que M. [G] ne prouvait pas la paternité de ses œuvres et que ses créations manquaient d’originalité. Ils ont également demandé à être déchargés de toute responsabilité et ont réclamé des frais de justice. Le tribunal a finalement mis hors de cause une des défenderesses, rejeté les demandes de M. [G] et l’a condamné à payer des frais aux défendeurs. Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de protection par le droit d’auteur selon le Code de la propriété intellectuelle ?La protection par le droit d’auteur est régie par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par les articles L111-1 et L112-2. Selon l’article L111-1, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. » L’originalité est un critère fondamental pour la protection. Elle suppose que l’œuvre soit issue d’un travail libre et créatif, résultant de choix arbitraires révélant la personnalité de l’auteur. L’article L112-2 précise que sont considérées comme œuvres de l’esprit, entre autres, « les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie » ainsi que « les œuvres graphiques et typographiques ». Ainsi, pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit être originale et relever des catégories définies par la loi. Quelles sont les implications de la contrefaçon de droits d’auteur ?La contrefaçon de droits d’auteur est définie par l’article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que « toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle d’une œuvre sans le consentement de l’auteur est illicite ». Les conséquences de la contrefaçon peuvent inclure des demandes d’injonction pour retirer les œuvres contrefaisantes, des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi, ainsi que des astreintes en cas de non-respect des injonctions. En cas de contrefaçon, l’auteur peut demander réparation pour le préjudice moral et matériel, ce qui peut inclure des sommes forfaitaires pour les dommages-intérêts, comme dans le cas de M. [G] qui a sollicité 60 000 euros pour la contrefaçon de ses droits d’auteur. Qu’est-ce que le parasitisme et comment est-il défini par le Code civil ?Le parasitisme est défini par l’article 1240 du Code civil, qui énonce que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Il s’agit d’un comportement où un agent économique se place dans le sillage d’une entreprise, profitant indûment de ses investissements, de sa notoriété ou de son savoir-faire. Pour établir un cas de parasitisme, il faut démontrer que l’agent a tiré profit des efforts d’un autre sans contrepartie, ce qui peut inclure des éléments comme l’utilisation de techniques, de styles ou de messages similaires. Dans le litige, M. [G] a allégué que M. [D]-[E] s’était placé dans son sillage, mais le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de parasitisme avéré. Quels sont les critères d’irrecevabilité des demandes en justice selon le Code de procédure civile ?L’irrecevabilité des demandes en justice est régie par l’article 122 du Code de procédure civile, qui stipule que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond ». L’article 31 précise que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Ainsi, une demande peut être déclarée irrecevable si le demandeur ne démontre pas un intérêt légitime, si la demande est prescrite, ou si elle a déjà été jugée. Dans le cas présent, certaines fins de non-recevoir ont été écartées, permettant à M. [G] d’agir contre Mme [D] malgré les objections des défendeurs. Comment le tribunal a-t-il évalué l’originalité des œuvres de M. [G] ?Le tribunal a évalué l’originalité des œuvres de M. [G] en se référant à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui exige que l’œuvre soit le résultat d’un effort créatif et d’un choix arbitraire révélant la personnalité de l’auteur. Il a été constaté que les éléments descriptifs et techniques fournis par M. [G] ne suffisaient pas à établir l’effort créatif et le parti pris esthétique. Le tribunal a noté que l’originalité ne se limite pas à la nouveauté par rapport à d’éventuelles antériorités, mais doit également démontrer une physionomie propre à l’œuvre. En conclusion, les miroirs de la série « Steel » n’ont pas été jugés originaux et, par conséquent, non protégeables par le droit d’auteur. REPUBLIQUE FRANÇAISE 6 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 22/05001 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS ■ 3ème chambre N° RG 22/05001 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT Monsieur [DI] [G] représenté par Maître Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0667 et par Maître Marion HAINEZ, avocat au barreau de NICE? Avocat plaidant. DÉFENDEURS S.A.R.L. GALERIES BARTOUX représentée par Maîtree Catherine DE GOURCUFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0067 Monsieur [U] [D]-[E] dit « [L] [K] » Madame [D] [NX] Madame [P] [I] représentés par Maître Charles CUNY de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0026 Décision du 06 Septembre 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l’audience du 17 Mai 2024 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Véra ZEDERMAN, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le le 06 Septembre 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSE DU LITIGE
1. M. [DI] [G] (dit [Y]), artiste plasticien, est l’auteur d’une série de miroirs en acier inoxydable intitulée » Steel « . 2. Il a appris que M. [U] [D]-[E] dont le nom d’artiste est [L] [K], a exposé un miroir porteur du message » in gold we trust « , ainsi qu’un ensemble d’autres réalisations dans l’établissement » Bartoux Art et Design » ouvert à [Localité 7] en septembre 2021. M. [G] les a estimées très ressemblantes à celles de sa série » Steel « . 3. Sur autorisation judiciaire, des procès-verbaux de saisie-contrefaçon ont été dressés par huissier de justice les 9 décembre 2021 et les 18 et 23 mars 2022, à la demande de M. [G]. 4. Par exploits d’huissier régulièrement signifiés les 15 et 19 avril 2022, M. [G] a fait assigner M. [D]-[E], Mme [NX] [D], les Galeries Bartoux et Mme [P] [I] devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de ses droits d’auteur et parasitisme. 5. Au terme de ses dernières conclusions en date du 3 juillet 2023, M. [G] a sollicité : 6. M. [G] fait valoir que sa série » Steel » est exposée dans des galeries d’art, notamment dans les galeries du groupe Bel Air-Fine Art depuis 2014 ; que les Galeries Bartoux avec lesquelles les négociations n’avaient pas abouti, ont, peu de temps après, proposé à la vente des œuvres de [L] [K] présentant de fortes similitudes avec les siennes, à des prix équivalents ; que le choix des matériaux, des messages, de la typographie, des effets de matières et de la composition des éléments caractérisent l’originalité de ses propres œuvres ; que les antériorités alléguées par les défendeurs, pour contester l’originalité de ses œuvres sont inopérantes et notamment les œuvres de l’artiste [Z] ; que l’originalité d’une œuvre ne s’apprécie ni en fonction d’éventuelles antériorités ni de sa destination ; que ses œuvres ne relèvent pas du design ou de la décoration ; que la proximité des œuvres de [L] [K] avec les siennes ne s’analyse pas en une rencontre fortuite ; que l’atteinte est caractérisée dès lors que les caractéristiques reprises correspondent à des choix arbitraires de sa part ; que les défendeurs ont commis un aveu judiciaire en assumant que [L] [K] se serait inspiré de son travail ; qu’en outre, il a été tiré parti de manière injustifiée de la valeur économique de son œuvre, qui résulte de ses efforts créatifs et de sa recherche artistique ; que [L] [K] s’est inscrit dans son sillage de manière fautive, c’est-à-dire sans contrepartie, dans un but lucratif et de manière injustifiée. 7. Par conclusions signifiée le 6 juillet 2024, les Galeries Bartoux ont sollicité à titre principal, que les demandes adverses formées sur les fondements du droit d’auteur ou du parasitisme soient jugées irrecevables. 8. Elles font valoir en premier lieu que les demandes adverses sont irrecevables sur le fondement du droit d’auteur en l’absence de preuve de la paternité de l’œuvre » hope » et sur le fondement de la concurrence déloyale, en l’absence de mise en cause dans le cadre du présent litige, des deux principales galeries de M. [G], seules à même de revendiquer l’existence d’un actif économique. 9. M. [D]-[E], Mme [D], Mme [I] ont sollicité par conclusions régulièrement signifiées le 19 octobre 2022 : 10. Ils font valoir que Mmes [D] et [I] sont respectivement représentante de l’agence Artjam et salariée de la galerie d’art allemande Art Box [Localité 6], qu’elles sont des préposées et ne sont jamais intervenues à titre personnel dans le litige. 11. Ils soutiennent que [L] [K] est un artiste plasticien reconnu, qui travaille principalement depuis plus de vingt ans sur des supports en acier, inox et aluminium, produit des sérigraphies, s’inspire de la pop culture et illustre fréquemment ses œuvres de messages visant à interpeller le spectateur. Ils font valoir que les œuvres de [Y] ne présentent aucune originalité et sont inspirées des œuvres de ses pairs ; que les matériaux, les messages, l’effet décrépit, et le lettrage se retrouvent dans les œuvres antérieures de nombreux artistes, certains de grande renommée tels [B] [M], [A] [F] ou [R] [W] ; qu’en particulier, [Z] a réalisé des tableaux avec effet miroir et message écrit en lettres bâton ; que les titres même de ses œuvres sont ceux de chansons célèbres ou des mots universels ; qu’il n’y a pas lieu de » patrimonialiser » l’utilisation d’une technique, voire un style ; que les ressemblances entre les œuvres de [Y] et de [L] [K] relèvent le cas échéant de la rencontre fortuite ; que [Y] n’établit ni les investissements dont [L] [K] aurait bénéficiés, ni son inscription dans son sillage. 12. Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2023. MOTIVATION
Sur les fins de non-recevoir 13. Selon l’article 122 du code de procédure civile, » constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée « . 14. Selon son article 31, » l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé « . 15. Mme [I] contre laquelle il n’a été formé aucune demande par le demandeur, sera mise hors de cause. 16. Mme [D] est présentée sur le procès-verbal d’huissier du 18 mars 2022, comme étant la directrice de publication du compte Facebook de [L] [K] sur lequel figurent certaines des œuvres litigieuses (pièce 24 du demandeur, page 21). M. [G] lui fait grief d’avoir contribué à ce titre, à la contrefaçon de ses œuvres en réclame réparation M. [G] est en conséquence recevable à agir à l’encontre Mme [D]. 17. L’action en contrefaçon de droit d’auteur n’est pas réservée à des personnes déterminées ; la titularité des droits d’auteur fondant une demande en contrefaçon ne détermine donc pas le droit d’agir, qui est libre par principe, mais le cas échéant le bienfondé de la demande. 18. En outre, aucune disposition ne contraint le demandeur à mettre dans la cause, les galeries qui l’exposent pour justifier des investissements allégués, dont [L] [K] aurait tiré profit à ses dépens et que le demandeur est en mesure d’établir par tous moyens. 19. Les fins de non-recevoir soulevées en défense seront donc écartées. Sur les droits d’auteur 20. Selon l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, » Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code (…) : 21. L’article L.111-1 dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’originalité de l’œuvre, qu’il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu’elle soit issue d’un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur, lesquels peuvent résider dans les couleurs, dessins, formes, matières ou ornements, mais également dans la combinaison originale d’éléments connus. 22. L’originalité s’apprécie » de manière globale, de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur » (cf Cass. com., 1er juillet 2008, pourvoi n° 07-13.952). 23. En l’espèce, les miroirs, pour lesquels des droits d’auteur sont revendiqués appartiennent à la série » Steel » : * * tableau enchâssé dans la plaque d’inox, dos du miroir Hope 25. Ces miroirs sont réalisés par [Y] en séries (pièce 38 du demandeur). Ainsi, le miroir » in gold we trust « , est présenté sous différents formats et le message du miroir » hope « , en différents coloris (pièces 13 et 14 du demandeur et 6B des Galeries BARTOUX). Pour autant, il n’est pas établi que ces œuvres sont réalisées sur commande des acheteurs, qui en choisiraient les formats, matières ou coloris. 26. L’originalité d’une œuvre ne se limite ni à la nouveauté par rapport à d’éventuelles antériorités, les défendeurs se rapportant aux œuvres de plusieurs artistes contemporains, dont M. [G] se serait largement inspiré, ni à la seule originalité de chacun des éléments qui la composent, d’autres artistes utilisant au demeurant l’inox, la feuille d’or, ou insérant des messages dans leurs œuvres. 27. Toutefois, en l’espèce, M. [G] décrit une technique appliquée à ces deux miroirs, et se réfère à l’agencement des éléments qui le composent, aux matériaux utilisés, aux effets recherchés et à l’écriture des messages selon un lettrage particulier. Ces éléments constitutifs sont certes expliqués sur le plan technique, mais le cheminement artistique ayant permis d’aboutir à leur création ne l’est pas. 28. A cet égard, M. [G] évoque sommairement le sens des messages illustrant ces miroirs et les strates de l’existence qui seraient représentées par le tableau enchâssé dans la plaque en inox, sans expliquer plus avant sa démarche créative. 29. L’ensemble de ces éléments, essentiellement descriptifs et techniques, ne suffit pas à établir l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur de ces œuvres. 30. Il convient d’en déduire que les réalisations du demandeur s’agissant des miroirs de la série » Steel « , » in gold we trust » et » hope « , ne présentent pas de caractère original, et ne sont pas protégeables par le droit d’auteur. 31. Dès lors, il n’y a pas lieu de regarder les œuvres visées de M. [D]-[E] (dit [L] [K]) comme contrefaisant celles de M. [G] (dit [Y]) et celui-ci sera débouté de ses demandes subséquentes. 32. Le moyen tiré de l’aveu judiciaire allégué est ici inopérant, puisque la protection par le droit d’auteur n’est pas reconnue aux deux réalisations du demandeur. Sur le parasitisme 33. Selon l’article 1240 du code civil, » tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer « . 34. Le parasitisme consiste dans le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire (cf Ccas, 10 juillet 2018, pourvoi n°16-23.694). 35. Selon M. [G], les actes de parasitisme résulteraient en l’espèce du fait que M. [D]-[E] se serait placé dans son sillage, aurait repris en arrière-plan le même effet décrépit et le polychrome texturé, ainsi que la couleur bleu France du miroir » hope « . Il cite également l’effet miroir avec utilisation de l’inox poli. 36. En premier lieu, les œuvres de [Z], que [Y] aurait lui-même copiées selon les défendeurs, sont contemporaines ou légèrement postérieures à celles de [Y] (cf procès-verbal de constat du 28 juin 2023, permettant de dater certaines des œuvres de [Y] de 2014, celles de [Z] étant datées de 2017, pièce 38). 37. Toutefois, en second lieu, le message » hope » que [L] [K] aurait emprunté à [Y], est un terme universel qui relève du langage courant, comme en témoigne le fait qu’il figure dans des œuvres antérieures à message, notamment une œuvre de [V] [ND], de 1972 (pièce B4 des Galeries Bartoux). 38. L’expression » in gold we trust » est un détournement de la devise des Etats-Unis d’Amérique dont [Y] n’est pas à l’origine et qui a été employée sur divers supports (titre de film de 1990 de [O] [S], ouvrage de [H] [T], en 2007, carte de vœux de [J] [N], cf conclusions de M. [D]-[E] et autres, pages 40 et s.). 39. Par ailleurs, l’effet miroir est une pratique courante de l’art contemporain. Les défendeurs font ainsi référence à juste titre, dans leurs conclusions aux œuvres antérieures en acier poli d'[X] [C] ( Untitled, 2002 et Cloud Gate The Bean, 2006). 40. S’agissant des autres œuvres pour lesquelles M. [G] fait grief aux défendeurs d’actes de parasitisme, il s’agit d’œuvres à message dont les titres sont largement inspirés de chansons ou de devises ( » all you need is love « , « , » money never sleeps « ) et qui ne constituent pas la reprise de titres de [Y], alors que lui-même n’est pas à l’origine d’un courant artistique, les œuvres à message constituant l’une des caractéristiques des œuvres du mouvement surréaliste ou de la culture pop. 41. Il ressort des propres dires de [Y] (page 6 de ses écritures) que les œuvres de [L] [K] sont vendues à un prix équivalent à celui pratiqué pour les siennes. 42. Enfin, la couleur bleu France que [L] [K] aurait reprise sur l’œuvre » hope « , ne constitue pas la seule couleur, ni même le seul bleu, employés par les deux artistes pour réaliser un miroir » hope » et ne fait l’objet d’aucune protection. En outre, [Y] en justifie l’emploi par la référence à la Méditerranée, référence qui peut être qualifiée de banale (la couleur bleue de la mer, symbolisant le sud de la France) et ne permet pas d’établir que [L] [K] se serait inscrit de ce fait dans son sillage. 43. En tout état de cause, M. [G] ne fait pas état ni, a fortiori, ne démontre les investissements dont auraient bénéficié M. [D]-[E], Mme [D] et les Galeries Bartoux. Il se borne à cet égard à évoquer dans ses écritures la vitalité et le renouvellement de sa série » Steel « , l’expérience des galeries avec lesquelles il travaille et sa connaissance des attentes de la clientèle de ce marché, sans traduire ces éléments par des données chiffrées et des inspirations concrètes empruntées par [L] [K]. 44. Il convient d’en déduire que les défendeurs n’ont pas commis d’actes de parasitisme et M. [G] sera débouté de l’intégralité des demandes formées à ce titre. Sur les demandes annexes 45. M. [G], partie perdante en l’espèce, sera condamné au paiement des frais non compris dans les dépens, à hauteur de 6000 euros pour les Galeries Bartoux, 1500 euros pour chacun des autres défendeurs, et aux dépens. Il y aura lieu à distraction des dépens au profit de Me de Gourcuff. PAR CES MOTIFS
Le Tribunal MET HORS DE CAUSE Mme [P] [I] ; REJETTE les autres fins de non-recevoir ; DEBOUTE M. [DI] [G] de l’intégralité de ses demandes ; CONDAMNE M. [DI] [G] aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Catherine de Gourcuff ; CONDAMNE M. [DI] [G] à payer à M. [U] [D]-[E] dit » [L]-[K] « , Mme [NX] [D] et Mme [P] [I] la somme de 1.500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE M. [DI] [G] à payer à la société Galeries Bartoux la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 06 Septembre 2024 Le Greffier La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de protection par le droit d’auteur selon le Code de la propriété intellectuelle ?La protection par le droit d’auteur est régie par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par les articles L111-1 et L112-2. Selon l’article L111-1, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. » L’originalité est un critère fondamental pour la protection. Elle suppose que l’œuvre soit issue d’un travail libre et créatif, résultant de choix arbitraires révélant la personnalité de l’auteur. L’article L112-2 précise que sont considérées comme œuvres de l’esprit, entre autres, « les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie » ainsi que « les œuvres graphiques et typographiques ». Ainsi, pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit être originale et relever des catégories définies par la loi. Quelles sont les implications de la contrefaçon de droits d’auteur ?La contrefaçon de droits d’auteur est définie par l’article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que « toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle d’une œuvre sans le consentement de l’auteur est illicite ». Les conséquences de la contrefaçon peuvent inclure des demandes d’injonction pour retirer les œuvres contrefaisantes, des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi, ainsi que des astreintes en cas de non-respect des injonctions. En cas de contrefaçon, l’auteur peut demander réparation pour le préjudice moral et matériel, ce qui peut inclure des sommes forfaitaires pour les dommages-intérêts, comme dans le cas de M. [G] qui a sollicité 60 000 euros pour la contrefaçon de ses droits d’auteur. Qu’est-ce que le parasitisme et comment est-il défini par le Code civil ?Le parasitisme est défini par l’article 1240 du Code civil, qui énonce que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Il s’agit d’un comportement où un agent économique se place dans le sillage d’une entreprise, profitant indûment de ses investissements, de sa notoriété ou de son savoir-faire. Pour établir un cas de parasitisme, il faut démontrer que l’agent a tiré profit des efforts d’un autre sans contrepartie, ce qui peut inclure des éléments comme l’utilisation de techniques, de styles ou de messages similaires. Dans le litige, M. [G] a allégué que M. [D]-[E] s’était placé dans son sillage, mais le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de parasitisme avéré. Quels sont les critères d’irrecevabilité des demandes en justice selon le Code de procédure civile ?L’irrecevabilité des demandes en justice est régie par l’article 122 du Code de procédure civile, qui stipule que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond ». L’article 31 précise que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Ainsi, une demande peut être déclarée irrecevable si le demandeur ne démontre pas un intérêt légitime, si la demande est prescrite, ou si elle a déjà été jugée. Dans le cas présent, certaines fins de non-recevoir ont été écartées, permettant à M. [G] d’agir contre Mme [D] malgré les objections des défendeurs. Comment le tribunal a-t-il évalué l’originalité des œuvres de M. [G] ?Le tribunal a évalué l’originalité des œuvres de M. [G] en se référant à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui exige que l’œuvre soit le résultat d’un effort créatif et d’un choix arbitraire révélant la personnalité de l’auteur. Il a été constaté que les éléments descriptifs et techniques fournis par M. [G] ne suffisaient pas à établir l’effort créatif et le parti pris esthétique. Le tribunal a noté que l’originalité ne se limite pas à la nouveauté par rapport à d’éventuelles antériorités, mais doit également démontrer une physionomie propre à l’œuvre. En conclusion, les miroirs de la série « Steel » n’ont pas été jugés originaux et, par conséquent, non protégeables par le droit d’auteur. Quelles sont les conséquences du jugement rendu par le tribunal ?Le tribunal a mis hors de cause une des défenderesses, rejeté les demandes de M. [G] et l’a condamné à payer des frais aux défendeurs. M. [G] a été débouté de l’intégralité de ses demandes, ce qui signifie qu’il n’a pas réussi à prouver la contrefaçon de ses droits d’auteur ni le parasitisme allégué. En conséquence, il a été condamné à verser des sommes aux défendeurs au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens. Le jugement souligne l’importance de prouver l’originalité et la paternité des œuvres pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur. |
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