Aménagement de points de vente : Contrefaçon établie

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Aménagement de points de vente : Contrefaçon établie

L’Essentiel : L’affaire Kiko illustre les enjeux de la contrefaçon dans l’aménagement de points de vente. La société Kiko, spécialisée dans le maquillage, a obtenu gain de cause contre un concurrent ayant copié son agencement. Selon le code de la propriété intellectuelle, une œuvre doit être originale et tangible pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. Kiko a démontré que son aménagement, caractérisé par des éléments distinctifs tels que des présentoirs triangulaires et un choix de couleurs spécifique, était unique. La contrefaçon a été établie, entraînant des dommages et intérêts ainsi qu’une ordonnance de démontage de l’agencement contrefait.

Affaire Kiko

Les points de vente, lorsqu’ils sont aménagés de façon professionnelle et originale, donnent lieu à des investissements importants. Copier un aménagement de magasin expose le fautif à une double condamnation pour contrefaçon et concurrence parasitaire. La société Kiko, qui fabrique et commercialise des produits de maquillage au sein de ses 120 magasins sous enseigne Kiko Make up Milano a ainsi obtenu la condamnation de l’un de ses concurrents.

Conditions de la protection du droit d’auteur

En vertu des dispositions de l’article 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Sont ainsi protégées toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Pour être protégée par le droit d’auteur, une création intellectuelle doit toutefois  impérativement répondre d’une part, à deux conditions de forme : i) se manifester par une expression apparente, ii) qui doit être tangible, ou fixée sur un support ; et d’autre part, à deux conditions de fond : i)  être une création, ou une oeuvre de l’esprit, ii) être originale, donc singulière.

Ainsi, la création se définit par une production de l’esprit qui se manifeste par un effort, aussi minime soit-il, mais certain et qui démontre un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, et non de simples déclinaisons ou des transpositions, conférant ainsi à l’objet un caractère d’originalité et de nouveauté.

Lorsqu’une oeuvre est très distinctive et très caractéristique, il suffit d’emprunts minimes pour que la contrefaçon soit réalisée, alors que la contrefaçon d’une oeuvre combinant des éléments connus et moins novateurs ne sera réalisée que par l’emprunt de nombreux éléments. Dans ce dernier cas, ce sera souvent l’enchaînement de ces éléments banals qui constituera l’originalité de l’oeuvre, et seule la reprise de cet enchaînement sera susceptible d’en constituer la contrefaçon.

La protection accordée par le droit d’auteur s’étend à l’aménagement intérieur, par exemple le rythme de couleur et l’agencement d’une chaîne de magasin.

En l’absence de revendication judiciaire du ou des auteurs contre elle, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, l’exploitation d’une œuvre (aménagement du magasin) par une personne morale sous son nom fait présumer que cette personne est bien titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l’auteur.

Application aux intérieurs de magasins

Si des couleurs telles que le noir et le blanc ont pu faire l’objet d’utilisation dans d’autres magasins notamment de cosmétiques ou si la présentation de produits, sous forme d’un dégradé de couleur formant un arc-en-ciel de couleurs sur des meubles inclinés blancs, a pu d’ores et déjà être utilisée, cela n’a pas privé pour autant l’agencement commandité par l’enseigne Kiko de toute originalité.

En matière d’arts appliqués, l’originalité découle souvent de la combinaison nouvelle d’éléments connus, de la création de formes originales, matières nouvelles, effet décoratifs se distinguant de ceux antérieurement connus par une singularité ou une distinctivité de nature à exprimer la personnalité de son auteur en conférant à son oeuvre une forme personnelle.

Tel était le  cas en l’espèce :

– la forme du présentoir à l’aspect triangulaire, en blanc laqué, dans lequel les tiroirs renfermant les produits s’insèrent totalement, est spécifique, puisque qu’il présente deux versants inversés, créant un aspect lisse et aux angles arrondis, renforçant le caractère aérien et futuriste,

– la disposition de ces meubles de chaque côté du magasin et l’alignement des produits renforce l’aspect visuel infini et le côté épuré,

-la juxtaposition et le choix des couleurs (mauve, blanc, noire) et leur rythme régulier (sol sombre et meubles blancs surmontés d’un bandeau blanc avec des écrans noirs LCD, et un fond au-dessus mauve) renforcent l’aspect linéaire,

Cette juxtaposition des couleurs et notamment l’utilisation du noir et du blanc contribuent à rappeler les attributs du luxe et à renforcer l’impression de modernité ; cette recherche de modernité et de futurisme est accentuée par la disposition d’écrans LCD réguliers surmontant les meubles, la présence en vitrine de ‘sucettes publicitaires’ diffusant des projections, et l’utilisation d’un éclairage encastré dans le plafond sous forme de ronds de tailles différentes.

La société Kiko a ainsi décliné et transposé l’ensemble de ces éléments de manière réfléchie et singulière en vue de produire un effet distinctif certain et une identification visuelle claire, pour répondre au concept même de la société visant à commercialiser des produits de maquillage dans une ambiance et un décor rappelant le luxe et la modernité, conférant une physionomie propre et nouvelle aux agencements.

A ce titre, aucune des formes choisies n’était dictée par un quelconque impératif fonctionnel ou technique, rien n’imposant que les tiroirs en partie basse soient par exemple inclinés.

Contrefaçon établie

Les faits de contrefaçon s’apprécient en tenant compte des ressemblances et non des différences. Or, en l’espèce le concurrent avait clairement repris de nombreux éléments identiques : un rythme décoratif identique pour le mur intérieur, le meuble de présentation du maquillage de forme doublement oblique, combiné au sol sombre et à un plafond incrusté de spots ronds de tailles différentes, disposé à proximité de la vitrine dans laquelle sont installés des panneaux sucettes blancs, même impression d’ensemble que le décor mis en place dans le cadre de l’agencement …

Faits distincts de parasitisme

L’imitation fautive a aussi engendré un risque de confusion et d’atteinte à l’originalité du concept, ce dont attestaient les commentaires effectués sur les blogs. La multiplicité des commentaires et la spontanéité des échanges ainsi que leur date, bien antérieure à la procédure a emporté la conviction des juges. Les clients avaient régulièrement sur les blogs, noté le rapprochement des agencements des deux sociétés. Par l’imitation de l’agencement, le concurrent a bénéficié de la notoriété de l’enseigne Kiko et de son attractivité. Il s’est inscrit dans le sillage de la société et a tenté de capter sa clientèle, en profitant tant des efforts intellectuels que financiers réalisés par cette dernière en vue de mettre en place son concept distinctif, le privant en outre de sa singularité et banalisant la spécificité de son concept.

Démontage ordonné

Outre l’octroi de la somme de  45 000 euros à titre de dommages et intérêts, une mesure rarissime a été ordonnée : pour faire cesser l’atteinte au droit privatif et le trouble causé à la loyauté du commerce, les juges ont, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, obligé la société concurrente à démonter son agencement actuel (dans plus de 100 magasins).

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que l’affaire Kiko ?

L’affaire Kiko concerne la société Kiko Make up Milano, qui a obtenu gain de cause contre un concurrent pour contrefaçon et concurrence parasitaire. Kiko, qui possède 120 magasins, a investi dans un aménagement de magasin professionnel et original.

Ce type d’aménagement est protégé par le droit d’auteur, ce qui signifie que toute reproduction non autorisée peut entraîner des sanctions. La société a donc réussi à prouver que son concurrent avait copié des éléments distinctifs de son agencement, ce qui a conduit à une condamnation.

Quelles sont les conditions de la protection du droit d’auteur ?

La protection du droit d’auteur est régie par l’article 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit répondre à deux conditions de forme et deux conditions de fond.

Les conditions de forme exigent que l’œuvre soit manifestée par une expression apparente et qu’elle soit tangible, c’est-à-dire fixée sur un support. Les conditions de fond stipulent que l’œuvre doit être une création originale, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Ainsi, même des créations simples peuvent être protégées si elles démontrent un effort créatif et une originalité.

Comment s’applique le droit d’auteur aux intérieurs de magasins ?

Le droit d’auteur s’applique également à l’aménagement intérieur des magasins. Cela inclut des éléments tels que le rythme des couleurs et l’agencement des meubles.

Dans le cas de Kiko, l’originalité de son aménagement a été reconnue malgré l’utilisation de couleurs communes comme le noir et le blanc. Les juges ont noté que la combinaison unique d’éléments connus, tels que la forme des présentoirs et la disposition des meubles, conférait à l’agencement une identité visuelle distincte.

Cette originalité est essentielle pour protéger l’œuvre contre la contrefaçon.

Quelles ressemblances ont été établies dans le cas de contrefaçon ?

Dans l’affaire Kiko, la contrefaçon a été établie en se basant sur les ressemblances entre les agencements des deux sociétés. Le concurrent a reproduit des éléments identiques, tels qu’un rythme décoratif similaire, un meuble de présentation de forme oblique, et un agencement de spots ronds au plafond.

Ces ressemblances ont été jugées suffisamment significatives pour constituer une contrefaçon. Les juges ont souligné que l’appréciation de la contrefaçon se fait en tenant compte des ressemblances plutôt que des différences.

Quels faits distincts de parasitisme ont été observés ?

Le parasitisme a été établi par le risque de confusion engendré par l’imitation de l’agencement. Les commentaires sur les blogs ont révélé que les clients associaient les deux enseignes, ce qui a renforcé l’idée que le concurrent profitait de la notoriété de Kiko.

En imitant l’agencement, le concurrent a tenté de capter la clientèle de Kiko, tirant parti des efforts intellectuels et financiers investis par cette dernière pour créer un concept distinctif. Cela a conduit à une banalisation de l’originalité de Kiko.

Quelles mesures ont été ordonnées par le tribunal ?

Le tribunal a ordonné des mesures significatives pour faire cesser l’atteinte au droit d’auteur. En plus d’accorder 45 000 euros de dommages et intérêts à Kiko, il a imposé au concurrent de démonter son agencement dans plus de 100 magasins.

Cette mesure, rare dans le domaine du droit commercial, visait à restaurer la loyauté du commerce et à protéger les droits de Kiko. Le concurrent a été soumis à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard pour garantir l’exécution de cette décision.


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