L’Essentiel : Madame [X] [W]-[F], caissière principale depuis 2012, a signalé un accident de travail le 29 avril 2021, avec des douleurs au bras droit. Un certificat médical du 30 avril a révélé une douleur intense à l’épaule, entraînant un arrêt de travail. La CPAM a pris en charge l’accident, décision contestée par l’employeur. Ce dernier a saisi le tribunal, arguant d’un manque d’information sur les circonstances de l’accident et d’un non-respect des consignes de sécurité par la salariée. Cependant, le tribunal a validé la déclaration de l’accident, rejetant les arguments de l’employeur.
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Contexte de l’accidentMadame [X] [W]-[F], employée de la société SAS [5] ([6]) depuis 2012 en tant que caissière principale, a signalé un accident de travail survenu le 29 avril 2021. La déclaration de l’accident, complétée par l’employeur, mentionne des douleurs au bras droit sans préciser la nature de l’accident. L’employeur a émis des réserves, indiquant que la salariée avait déjà eu des problèmes avec ce bras suite à des accidents survenus en dehors du travail. Certificat médical et prise en chargeUn certificat médical établi le 30 avril 2021 a décrit une douleur intense à l’épaule droite, entraînant une incapacité de mouvement. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu’au 7 mai 2021. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a ensuite décidé de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, décision contestée par l’employeur. Procédures judiciairesLa société SAS [5] ([6]) a saisi la Commission de recours amiable de la CPAM, qui a rejeté sa contestation. Par la suite, l’employeur a déposé un recours auprès du tribunal judiciaire de Rennes contre la décision implicite de rejet de la commission. L’affaire a été examinée lors d’une audience en décembre 2024. Arguments de l’employeurL’employeur a soutenu qu’il n’avait pas été informé des circonstances de l’accident et qu’aucun témoin n’avait constaté l’incident. Il a également souligné que la salariée avait informé son responsable tardivement et qu’elle n’avait pas respecté les consignes de sécurité, ce qui aurait pu contribuer à l’accident. En conséquence, l’employeur a demandé l’annulation de la prise en charge de l’accident. Réponse de la CPAMLa CPAM a défendu sa décision en affirmant que l’accident s’était produit pendant le temps de travail et que les lésions étaient en accord avec les constatations médicales. Elle a également mentionné que des témoins avaient observé la salariée souffrir du bras, renforçant ainsi la légitimité de la prise en charge. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la déclaration de l’accident était valide et que la présomption d’imputabilité au travail s’appliquait. Il a rejeté les arguments de l’employeur, qui n’a pas réussi à prouver que l’accident était dû à une cause étrangère. La société SAS [5] ([6]) a été déboutée de son recours et condamnée à verser des frais à la CPAM. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de reconnaissance d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale stipule que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Pour qu’un accident soit reconnu comme un accident du travail, il doit répondre à plusieurs critères : 1. Survenance au temps et au lieu de travail : L’accident doit se produire pendant les heures de travail et sur le lieu de travail habituel de l’employé. 2. Lésion constatée : Il doit y avoir une lésion physique ou psychologique, qui doit être médicalement constatée. 3. Imputabilité au travail : La lésion doit être présumée imputable au travail, ce qui signifie qu’elle est survenue dans le cadre des activités professionnelles de l’employé. Il est important de noter que la présomption d’imputabilité au travail s’applique à toute lésion survenue au temps et au lieu de travail, sauf preuve du contraire par l’employeur. Quels sont les délais de déclaration d’un accident du travail par le salarié et l’employeur ?Selon l’article L. 441-1 du Code de la sécurité sociale : « La victime d’un accident du travail doit en informer son employeur dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures sauf cas de force majeure, motif légitime ou impossibilité absolue. » Il est précisé que : – Le dépassement de ce délai n’entraîne pas de sanction pour le salarié, qui ne peut être privé de ses droits pour ce seul motif. De plus, l’article R. 441-2 du même code impose à l’employeur de déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la CPAM dans les 48 heures, non compris les dimanches et jours fériés. Ainsi, même si le salarié ne respecte pas le délai de déclaration, cela ne remet pas en cause la reconnaissance de l’accident du travail. Comment la présomption d’imputabilité au travail peut-elle être renversée par l’employeur ?L’article R. 471-3 du Code de la sécurité sociale précise que : « L’employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière de déclaration de l’accident, du registre des accidents bénins, de la délivrance de la feuille d’accident et de l’attestation de salaire, encourt une contravention de 4e classe. » Pour renverser la présomption d’imputabilité, l’employeur doit prouver que l’accident est dû à une cause totalement étrangère au travail. Cela peut inclure : – L’existence d’un état pathologique préexistant qui évolue indépendamment de l’accident. La simple affirmation de l’employeur ne suffit pas ; il doit apporter des preuves tangibles pour contester la présomption d’imputabilité. Quelles sont les conséquences d’une décision de prise en charge d’un accident du travail par la CPAM ?La prise en charge d’un accident du travail par la CPAM entraîne plusieurs conséquences, notamment : 1. Droit à indemnisation : La victime a droit à des prestations en nature (remboursement des frais médicaux) et en espèces (indemnités journalières). 2. Protection contre le licenciement : La reconnaissance de l’accident du travail protège le salarié contre un licenciement pour cause de maladie liée à cet accident. 3. Durée de la présomption d’imputabilité : Selon la jurisprudence, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, jusqu’à la guérison complète ou la consolidation de l’état de santé de la victime. En cas de contestation par l’employeur, il lui incombe de prouver que l’accident n’est pas imputable au travail, ce qui peut être difficile à établir. |
PÔLE SOCIAL
MINUTE N°
AUDIENCE DU 31 Janvier 2025
AFFAIRE N° RG 22/00096 – N° Portalis DBYC-W-B7G-JUIY
89E
JUGEMENT
AFFAIRE :
S.A.S. [5] ([6])
C/
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
Pièces délivrées :
CCCFE le :
CCC le :
PARTIE DEMANDERESSE :
S.A.S. [5] ([6])
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Maître Jean-Christophe GOURET, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Nolwenn QUIGUER, avocate au barreau de RENNES
PARTIE DEFENDERESSE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Madame [L] [U], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION
DEBATS :
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
Madame [X] [W]-[F], salariée de la société SAS [5] ([6]) depuis le 21 août 2012 en qualité de caissière principale, a déclaré avoir été victime d’un accident de travail survenu le 29 avril 2021, dans des circonstances ainsi décrites aux termes de la déclaration complétée par l’employeur le 3 mai 2021 :
« Activité de la victime lors de l’accident : adjointe responsable caisse : caisse accueil
Nature de l’accident : je ne sais
Objet dont le contact a blessé la victime : je ne sais pas
Siège des lésions : bras droit
Nature des lésions : bras droit ».
Sur cette déclaration, l’employeur a fait état des réserves suivantes : « a déjà eu des problèmes avec ce bras suite à un accident de scooter (hors travail) et de trottinette (hors travail) »
Le certificat médical initial, établi le 30 avril 2021, fait état d’une « douleur brutale épaule droite lors d’un mouvement avec impotence. Mobilisation active et passive impossible ». Un arrêt de travail jusqu’au 7 mai 2021 a été prescrit.
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’Ille-et-Vilaine a procédé par voie de questionnaires, les deux parties ayant été informées du lancement des investigations par courrier du 25 mai 2021.
Par courrier du 3 août 2021, la CPAM d’Ille-et-Vilaine a notifié à la société SAS [5] ([6]) sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident dont a été victime Madame [W]-[F] le 29 avril 2021.
Par courrier daté du 1er octobre 2021, la société SAS [5] ([6]) a saisi la Commission de recours amiable de la CPAM d’une contestation.
Par requête déposée au greffe le 3 février 2022, la société SAS [5] ([6]) a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.
En sa séance du 29 novembre 2022, la commission a finalement rejeté la contestation de l’employeur.
Après mise en état, l’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024.
La société SAS [5] ([6]), dûment représentée, se référant expressément aux termes de sa requête, demande au tribunal de :
Déclarer inopposables les décisions rendues par la CPAM et la CRA d’Ille-et-Vilaine,annuler la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable de la CPAM d’Ille-et-Vilaine,annuler la décision du 3 août 2021 de prise en charge du sinistre déclaré par Madame [W]-[F] au titre de la législation sur les risques professionnels,condamner la CPAM d’Ille-et-Vilaine à verser à la société [5] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance qu’elle n’a été informée ni de l’heure ni des circonstances dans lesquelles serait intervenu l’accident de travail déclaré par Madame [W]-[F]. Elle ajoute qu’aucun témoin n’a visuellement constaté la scène qui serait à l’origine de la lésion. De plus, elle considère que Madame [W]-[F] a informé son responsable et sa collègue tardivement, soit plus de trois heures après les faits, alors qu’elle aurait pu leur faire constater immédiatement. Enfin, elle reproche à Madame [W]-[F] de ne pas respecter les consignes de sécurité imposées au sein de l’entreprise comme le démontrent les images de vidéosurveillance du 29 avril 2021 où l’on voit qu’elle n’utilise pas le code-barres détachable sur les packs d’eau, ce qui la conduit à se lever pour utiliser la douchette. La société [5] considère qu’en l’absence de tout fait accidentel qui se serait produit au temps et au lieu du travail, la décision de prise en charge d’un accident au titre de la législation sur les risques professionnels doit être annulée.
En réplique, la CPAM d’Ille-et-Vilaine, dûment représentée, se référant expressément à ses conclusions visées par le greffe à l’audience, prie le tribunal de :
Confirmer la décision de prise en charge de l’accident de Madame [X] [W]-[F] survenu le 29 avril 2021 au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine ;Déclarer opposable à la société [5] ([6]) la décision de prise en charge de l’accident du travail du 29 avril 2021 de Madame [X] [W]-[F] par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine ;Débouter la société [5] ([6]) de toutes ses demandes ;Rejeter la demande de condamnation de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile formulée par la société ;Condamner la société [5] ([6]) au paiement de la somme de 1500 € à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner la société [5] ([6]) aux dépens de l’instanceA l’appui de ses demandes, la CPAM expose principalement que l’accident déclaré s’est produit alors que l’assurée se trouvait au temps et au lieu de travail habituel et que les lésions décrites par le certificat médical initial concordent avec la matérialité du fait accidentel décrit par celle-ci. Par ailleurs, la déclaration du fait accidentel à l’employeur ainsi que la constatation médicale des lésions ont eu lieu dans un temps proche de la survenance de l’accident. Enfin, lors de l’enquête administrative diligentée par la CPAM deux personnes ont vu que Madame [W]-[F] souffrait du bras.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que le pôle social n’est pas juridiction d’appel des décisions de la commission de recours amiable, dont la saisine ne constitue qu’une condition de recevabilité du présent recours, de sorte que la juridiction de sécurité sociale, laquelle doit se prononcer sur le fond du litige, ne saurait ni infirmer ni confirmer les décisions implicites ou explicites rendues par ladite commission.
Aux termes de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
En application des articles L. 441-1 et R. 441-2 du même code, la victime d’un accident du travail doit en informer son employeur dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures sauf cas de force majeure, motif légitime ou impossibilité absolue.
Le dépassement de ce délai n’est cependant pas sanctionné et le salarié ne saurait être privé de ses droits pour ce seul motif.
Selon les dispositions des articles L. 441-2 et R. 441-3 du même code, l’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la CPAM dont relève la victime dans les 48 heures à compter du jour où il a été informé de l’accident, non compris les dimanches et jours fériés.
Si l’obligation déclarative du salarié n’est pas sanctionnée, il résulte à l’inverse des dispositions de l’article R. 471-3 du Code de la sécurité sociale que l’employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière de déclaration de l’accident, du registre des accidents bénins, de la délivrance de la feuille d’accident et de l’attestation de salaire, encourt une contravention de 4e classe.
L’accident du travail est donc un événement, survenu au temps et lieu du travail, certain, identifié dans le temps, ou résultant d’une série d’événements survenus à des dates certaines, générateur d’une lésion physique ou psychologique qui s’est manifestée immédiatement ou dans un temps voisin de l’accident et médicalement constatée.
Est présumée imputable au travail toute lésion survenue au temps et au lieu du travail.
La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, le motif tiré de l’absence de continuité des symptômes et soins étant impropre à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts de travail litigieux (Civ. 2e, 09/072020, n° 19-17.626 ; Civ. 2e, 24/09/2020, n° 19-17.625 ; Civ. 2e,18/02/2021, n° 19-21.940 ; Civ. 2e, 12/05/2022, n° 20-20.655).
La présomption s’applique aux lésions initiales, ainsi qu’à leurs complications et à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais aussi aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident dès lors qu’il existe une continuité de soins et de symptômes.
Pour renverser la présomption, l’employeur doit démontrer l’existence d’une cause totalement étrangère à laquelle se rattacherait exclusivement la survenance de l’accident. La cause étrangère peut notamment résulter d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident.
La constatation médicale tardive des lésions ne saurait à elle seule faire obstacle au jeu de la présomption d’imputabilité et à la prise en charge de l’accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels (Civ. 2e, 25/06/2009, n° 08-11.997 ; CA Amiens, 04/04/2023, n° RG 22/01240 ; dans le même ordre d’idée pour une constatation médicale 11 jours après l’accident : Civ. 2e, 24/06/2021, n° 19-24.945).
Au cas d’espèce, la déclaration d’accident du travail rédigée par l’employeur le 3 mai 2021 expose que, le 29 avril 2021, Madame [W]-[F] a dit avoir été victime d’un accident du travail dont il affirme ignorer la nature et l’heure.
Il résulte termes de cette déclaration que les horaires de travail de la salariée le jour des faits étaient les suivants : 13h-19h15.
La déclaration indique enfin que la société a été informée de l’accident de Madame [W]-[F] le 29 avril 2021 à 20h34.
Le certificat médical initial, établi le 30 avril 2021, fait état d’une « douleur brutale épaule droite lors d’un mouvement avec impotence. Mobilisation active et passive impossible ». Il mentionne comme date de l’accident le 29 avril 2021 et prescrit à la salariée un arrêt de travail jusqu’au 7 mai 2021.
S’agissant de la déclaration à l’employeur, que celui-ci juge tardive, elle est pourtant intervenue le jour même des faits à 20 heures 34, trois heures après les faits comme le souligne l’employeur lui-même. En tout état de cause, il a été vu supra que le retard du salarié dans la déclaration d’un accident à son employeur est à lui seul insusceptible de le priver du bénéfice de la législation professionnelle.
Dans le questionnaire qu’elle a rempli le 2 juin 2021 à la demande de la CPAM, Madame [W] -[F] déclare :
« Le jeudi 28 avril à 14h01 en passant des articles en caisse j’ai été prise d’une douleur intense au bras droit, j’ai donc travaillé du bras gauche jusqu’à 19 h 45 mon patron m’avait mis une palette de MG (palette de divers produits très lourds) j’ai continué mon activité tout en me servant de mon bras gauche, je ne pouvais plus utiliser mon bras droit j’ai donc prévenu une de mes collègues ainsi que Mr [E] [K] [D] (gendre du patron) à 17h30 mon patron revient sur le magasin il me dit la palette n’a pas beaucoup avancé je lui réponds je suis désolée mais j’ai le bras droit HS il me répond pauvre petit bichon c’est pas mon problème il faut finir la palette. J’ai quand même fini ma journée avec ma grosse douleur au bras. J’ai donc appelé [V] le soir pour lui dire que j’allais chez le médecin elle ne m’a jamais répondu. Je suis toujours à la même caisse depuis neuf ans car mon patron m’exige comme je suis responsable de caisse que je dois surveiller si des clients se présentent à l’accueil, j’utilise mon bras droit constamment je suis également en livraison drive et en livraison de bouteilles de gaz qui sont très lourdes. »
Madame [W]-[F] confirme que l’activité mentionnée dans la déclaration d’accident du travail correspond à son activité habituelle : « je suis responsable de caisse tout le temps en caisse en livraison drive ainsi que livraison de bouteilles de gaz et je fais aussi de la mise en rayon avec des cartons très lourds à porter : je tire des palettes de 500 à 600 kg avec un tire pal manuel. »
Madame [W]-[F] répond positivement à la question : le travail a-t-il un lien avec ces douleurs ?
Aux termes de son questionnaire employeur, la société [5] ([6]) expose :
« nous ne pouvons pas préciser les circonstances de l’accident ne l’ayant pas constaté. Nous avons effectué les modalités de la demande d’établissement de la DAT suite à la réception de l’accident du travail et à la demande de la salariée3
Il ressort de l’enquête administrative que Madame [S] [T], collègue de travail de Madame [W]-[F] a vu celle-ci le 29 avril 2021 se tenir le bras et lui a conseillé de rentrer chez elle ; elle précise qu’elle ne semblait pas souffrir de son bras lorsque l’avait vue un peu plus tôt dans la journée.
Monsieur [D] [E]-[K] déclare ne pas se souvenir de sa conversation avec Madame [X] [W]-[F] le 29 avril 2021 ; cependant, il se souvient l’avoir vue peu avant la fermeture du magasin faire un geste circulaire avec son bras, ce qui lui a fait penser à une douleur à l’épaule.
Au vu de ces éléments, il apparaît donc que le fait accidentel décrit par l’assurée est cohérent avec les constatations médicales réalisées dans un temps proche de l’accident, et est de surcroit conforté par les déclarations de Madame [T] et Monsieur [E]-[K] qui ont, l’un et l’autre constaté que Madame [W] [F] souffrait du bras, au point d’ailleurs que Madame [T] ait conseillé à sa collègue de rentrer chez elle.
Dans ces conditions, la survenance d’un fait soudain ayant entrainé l’apparition immédiate de lésions, en l’occurrence l’apparition d’une vive douleur au bras droit en passant des articles en caisse, au lieu et pendant le temps de travail de la salariée, est établie par des éléments objectifs, de sorte que la présomption d’imputabilité trouve à s’appliquer.
En tout état de cause, le certificat médical initial étant assorti d’un arrêt de travail, la présomption d’imputabilité doit jouer jusqu’à la consolidation de l’état de santé de l’assuré ou sa guérison.
Il appartient ainsi à l’employeur, pour renverser cette présomption, de démontrer que l’accident est dû à une cause totalement étrangère au travail, pouvant notamment consister en l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
Au cas présent, la société [5] ([6]), qui se contente d’affirmer que « ce n’est pas le travail au poste de caisse » qui aurait été à l’origine de la lésion mais « une gestuelle douloureuse au niveau du bras droit », et qui reproche à sa salariée de ne pas utiliser le code barre détachable sur les packs d’eau (consigne pourtant donnée pour préserver sa santé), n’établit pas que l’accident litigieux est dû à une cause totalement étrangère au travail.
Dans ces conditions, la société [5] ([6]) sera déboutée de son recours.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société [5] ([6]) sera condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, et sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser la CPAM supporter la charge de ses frais irrépétibles ; la société [5] ([6]) sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DEBOUTE la société [5] ([6]) de son recours,
DEBOUTE la société [5] ([6]) de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la société [5] ([6]) à verser à la Caisse Primaire d’assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la société [5] ([6]) aux dépens.
La Greffière La Présidente
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