Attention à sécuriser vos tournages. Une juridiction a jugé que l’accident du travail dont a été victime un stagiaire réalisateur audiovisuel était bien du à la faute inexcusable de son employeur. Réalisateur en convention de formation professionnelleM. [B] [Y] a été embauché suivant une convention de formation professionnelle rémunérée à durée déterminée le 16 novembre 2010 par l’association [3], en qualité de stagiaire dans le domaine de l’audiovisuel, du cinéma et du multimédia. Le 13 janvier 2011, M. [Y] a été victime d’un grave accident du travail, alors qu’il participait au tournage d’un documentaire sur un vol en ULM : le véhicule dans lequel il volait avec un pilote s’est écrasé au sol et M. [Y] a été grièvement blessé et brûlé. Le pilote est décédé.
Evaluation du préjudice de la victime
M. [Y] estime avoir perdu une chance d’accéder aux métiers de la réalisation cinématographique et/ou audiovisuelle, et donc de percevoir un salaire plus important. Il chiffre sa perte de chance en comparaison avec le salaire minimum d’un réalisateur, soit une perte de 12 000 € par an jusqu’à l’âge de la retraite. La cour estime en l’espèce que l’accident a effectivement privé M. [Y] d’une chance de promotion professionnelle vers un métier de réalisateur, qu’il aurait pu raisonnablement obtenir, métier plus rémunérateur que l’activité qu’il a dû occuper ensuite en qualité d’auto entrepreneur comme étalonneur. Néanmoins, s’agissant d’une perte de chance et non d’une perte de gains certains, le préjudice de M. [Y] ne peut être égal à la différence entre le revenu minimal d’un réalisateur et ses revenus actuels, d’autant que la différence entre ses revenus antérieurs et ses revenus actuels est déjà en grande partie compensée par la rente majorée (revenus 2010 : 15341 €, rente annuelle majorée : 14904,96 € à cette date). En conséquence, la cour chiffre cette perte de chance à la somme de 1500 € par an, soit entre la date de l’accident (13 janvier 2011) et la date de consolidation (2 janvier 2019) : 1500 x 8 = 12 000 €, et, depuis l’âge de 47 ans (en janvier 2019) à l’âge légal de départ en retraite au taux plein fixé à 67 ans, à la somme de 28 324,45 € conformément au barème de capitalisation publié à la Gazette du palais, soit un total de 40 324,45 €.
06/01/2023 ARRÊT N°2023/5 N° RG 21/02288 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFVL AB/AR Décision déférée du 31 Mars 2021 – Pole social du TJ de TOULOUSE (18/11360) GAUCI J-M [B] [Y] C/ Association [3] Caisse CPAM INFIRMATION PARTIELLE notifiée par LR AR Le 06/01/23 à M. [Y] ACT FORMATION CPAM Me Véronique SALLES Me Nicolas JAMES-FOUCHER REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS * COUR D’APPEL DE TOULOUSE 4eme Chambre Section 2 – Chambre sociale * ARRÊT DU SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS * APPELANT Monsieur [B] [Y] [Adresse 1] représenté par Me Véronique SALLES de la SCP D’AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE INTIMEES Association [3] prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 5] représentée par Me Nicolas JAMES-FOUCHER de la SCP JEAY & JAMES-FOUCHER, AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE CPAM DE LA HAUTE GARONNE SERVICE JURIDIQUE -[Adresse 2] représentée par Mme [G] (Membre de l’établissement) en vertu d’un pouvoir spécial COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2022, en audience publique, devant Mme A. Pierre-Blanchard, Conseillère chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : C. Brisset, présidente A. Pierre-Blanchard, conseillère F. Croisille-Cabrol, conseillère Greffier, lors des débats : A. Ravéane ARRÊT : – contradictoire – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile – signé par Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre. EXPOSÉ DU LITIGE : M. [B] [Y] a été embauché suivant une convention de formation professionnelle rémunérée à durée déterminée le 16 novembre 2010 par l’association [3], en qualité de stagiaire dans le domaine de l’audiovisuel, du cinéma et du multimédia. Le 13 janvier 2011, M. [Y] a été victime d’un grave accident du travail, alors qu’il participait au tournage d’un documentaire sur un vol en ULM : le véhicule dans lequel il volait avec un pilote s’est écrasé au sol et M. [Y] a été grièvement blessé et brûlé. Le pilote est décédé. L’accident de M. [Y] a été pris en charge au titre de la législation professionnelle. La caisse l’a déclaré consolidé le 28 février 2013, en lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente partielle de 80 %. M. [Y] a déclaré le 16 mai 2018 une rechute que la caisse a reconnue le 29 mai 2018 imputable à l’accident du travail du 13 janvier 2011, pour laquelle il a été reconnu consolidé le 2 janvier 2019. Après l’avoir placé par jugement en date du 24 mai 2011 sous tutelle, le juge des tutelles du tribunal d’instance de Toulouse a prononcé par jugement en date du 19 janvier 2016 la main levée de cette mesure de protection. Après échec de la procédure de conciliation, M. [Y] a saisi le 7 mars 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale, aux fins de reconnaissance du caractère inexcusable de la faute reprochée à son employeur. Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a : – jugé que l’accident du travail dont a été victime M. [Y] est dû à la faute inexcusable de l’association [3], – fixé au maximum la majoration de la rente accident du travail allouée à M.[Y], – ordonné une expertise médicale et alloué à M. [Y] une indemnité provisionnelle de 10 000 euros, jugé que la caisse primaire d’assurance maladie fera l’avance des sommes dues et pourra en récupérer le montant auprès de l’association [3], – condamné l’association [3] à payer à M. [Y] (représenté par sa tutrice) la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’Association [3] a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, énonçant à l’acte d’appel les chefs critiqués du jugement. Par un arrêt en date du 28 septembre 2018, la cour d’appel de Toulouse a : – confirmé le jugement entrepris, et y ajoutant, – dit que la majoration de rente, fixée en application des dispositions de l’article L452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, à son taux maximum, suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle, – dit qu’à la mission impartie à l’expert désigné par le jugement entrepris, l’expert devra en ce qui concerne le poste de préjudice suivant : ‘Assistance par tierce personne avant consolidation’, indiquer le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l’aide prodiguée et sa durée quotidienne, – débouté les parties du surplus de leurs demandes. Le Docteur [R] [S] a rendu son expertise le 14 juin 2019 comme suit : * déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d’hospitalisation : du 13 janvier au 11 juillet 2011 soit 180 jours du 18 au 20 juillet 2011 soit 3 jours du 27 juillet au 2 septembre 2011 soit 38 jours du 2 au 29 septembre 2011 en hospitalisation de jour soit 27 jours du 29 septembre au 14 novembre 2011 soit 46 jours du 24 septembre au 1er octobre 2013 soit 8 jours du 17 au 21 août 2015 soit 5 jours le 18 avril 2016 soit 1 jour un jour en septembre 2017 pour reprise d’une cicatrice le 29 août 2017 le 23 février 2018 Le déficit fonctionnel temporaire est partiel en classe IV entre ces périodes et jusqu’au 15 mai 2018, la rechute étant reconnue à partir du 16 mai 2018 * souffrances endurées : 7/7 * préjudice esthétique temporaire : 7/7 * préjudice esthétique définitif : 6,5/7 * existence d’un préjudice d’agrément * préjudice sexuel certain * assistance par tierce personne « nécessaire durant la période du port des vêtements compressifs à raison de ¿ heure matin et soir, soit 1 heure par jour pour aider à mettre et à enlever ces vêtements du 14 octobre 2011 au 29 mars 2013 et du 2 octobre 2013 au 31 décembre 2015. Cette aide a été effectuée par la mère et la compagne de M. [Y] qui l’a quitté depuis. Durant cette période, une assistance a été nécessaire pour les actes de la vie quotidienne à raison de deux heures par jour avec en supplément une aide au déplacement de trois heures par semaine, la victime ne pouvant pas conduire. A compter du 1er janvier 2016 et jusqu’au 15 mai 2018, une assistance par tierce personne pour les gros travaux de ménage a été nécessaire à raison de trois heures par semaine, et l’aide au déplacement à raison de trois heures par semaine a perduré jusqu’au 1er juin 2017, date d’achat d’un véhicule. » L’expert ne retient pas une aide à la parentalité. *achat d’un véhicule adapté : « L’état de santé de M. [Y] lui permet d’utiliser un véhicule standard, cependant vu les difficultés de flexion du genou gauche, un véhicule à boîte de vitesse automatique paraît plus confortable, en particulier en ville, mais non obligatoire. Il en est de même pour le régulateur de vitesse ». *logement adapté : « Du fait des difficultés à monter les escaliers, un logement de plain-pied ou avec ascenseur est indiqué. M. [Y] vivant dans un logement de plain-pied depuis la séparation d’avec sa compagne, il n’y a pas lieu de prévoir un déménagement. Une douche à l’italienne n’est pas obligatoire bien que plus confortable pour la victime qu’une douche ordinaire. » * incidence professionnelle : « M. [Y] signale une gêne à la position assise prolongée avec crampes dans les genoux, gêne qui ne lui a pas permis de finaliser le stage de reconversion en étalonnage qu’il avait entrepris. L’ancienne profession ne peut non plus être reprise, et toute profession nécessitant un contact avec le public est rendue difficile par l’aspect de la victime. La reconversion professionnelle bien que possible semble difficile du fait du handicap au niveau des genoux et du handicap esthétique, handicaps en relation directe et certaine avec l’accident». Après renvois ordonnés à la demande des parties, l’affaire a été examinée à l’audience du 26 janvier 2021. Par jugement du 31 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse a : – rappelé que le jugement est commun et opposable à M. [B] [Y], l’association [3] et la CPAM de la Haute-Garonne, – fixé les indemnités dues à M. [Y] aux sommes suivantes : *66 858 euros au titre de l’assistance tierce personne, *7 840 euros au titre de l’assistance tierce personne nécessaire à la parentalité, *1 910,58 euros au titre des frais d’assistance à expertise et les frais de déplacement à expertise, *5 000 euros au titre des frais de véhicule adapté, *49 897,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, *75 000 euros au titre des souffrances endurées, *16 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, *50 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, *30 000 au titre du préjudice d’agrément, *30 000 au titre du préjudice sexuel, *30 000 au titre du préjudice d’établissement, – dit qu’il y a lieu de soustraire de ces montants la somme de 10 000 euros déjà versée à titre de provision, – accueilli l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de l’employeur, l’association [3], s’agissant des indemnisations prononcées par la juridiction de céans, en cela compris les frais d’expertise médicale pour 1 000 euros, – dit que ces sommes seront directement versées à M. [Y] par la CPAM de Haute-Garonne laquelle pourra en récupérer immédiatement le montant auprès de l’association [3], – condamné l’association [3] à verser à M. [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle avec distraction au profit de la SCP Cantier & Associés, Avocats, sur son affirmation de droit, sous réserve qu’elle renonce expressément au bénéfice de l’aide juridictionnelle, – condamné l’association [3] aux dépens de l’instance, – dit que dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, chacune des parties pourra interjeter appel du présent jugement. M. [Y] a relevé appel partiel de ce jugement le 20 mai 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués. Par conclusions visées au greffe le 14 novembre 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, M. [Y] demande à la cour de : – infirmer le jugement du 31 mars 2021 en ce qu’il a limité le droit à indemnisation de M. [Y] au titre de l’assistance tierce-personne avant consolidation nécessaire à la parentalité à la somme de 7 840 euros, – infirmer le jugement du 31 mars 2021 en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de promotion professionnelle, – homologuer les conclusions du rapport d’expertise du Dr [S] en ce qu’elles ne sont pas contraires aux présentes, – condamner l’association [3] à payer à M. [Y] en réparation des préjudices ci-dessous : * assistance tierce personne à la parentalité : 71 635,08 euros, * perte de chance de promotions professionnelles 294 468,00 euros, – condamner l’association [3] à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner l’association [3] aux entiers dépens de la procédure d’appel. Par conclusions visées au greffe le 8 avril 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, l’association [3] demande à la cour de : – confirmer le jugement rendu entre les parties par le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse le 31 mars 2021 dans l’ensemble de ses dispositions, – débouter M. [B] [Y] de son appel ainsi que de l’ensemble de ses demandes présentées à la Cour, – condamner M. [Y] à verser au profit de l’association [3] une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel, – condamner M. [Y] au paiement des entiers dépens de l’appel. Par conclusions visées au greffe le 8 novembre 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, la CPAM de la Haute-Garonne demande à la cour de : – prendre acte que l’appel formé par M. [B] [Y] est limité aux chefs des préjudices suivants : assistance tierce personne à la parentalité et perte de chance de promotion professionnelle, – constater que la somme de 344 666, 08 euros a d’ores et déjà été versée à M. [Y] par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie en application du jugement entrepris et concernant les chefs de préjudice non critiqués ; montant pour lequel la Caisse Primaire s’est, d’ores et déjà, vue reconnaître une action récursoire, – confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice résultant de la perte de chance de promotion professionnelle, – donner acte à la Caisse Primaire de la Haute-Garonne qu’elle s’en remet à justice en ce qui concerne la demande d’indemnisation complémentaire formée par M. [Y] au titre du préjudice d’assistance tierce personne à la parentalité mais sollicite que la somme allouée soit limitée à 13 817, 04 euros, – dire que l’arrêt à intervenir sera déclaré commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute-Garonne, qui sera chargée de procéder, dans l’hypothèse où la Cour allouerait à M. [Y] une indemnisation complémentaire, à l’avance des sommes auprès des victimes avant d’en récupérer le montant auprès de son employeur, l’association [3], – accueillir en conséquence l’action récursoire de la Caisse Primaire et dire qu’elle récupérera directement et immédiatement auprès de l’employeur, l’association [3], le montant des sommes complémentaires allouées en réparation des préjudices subis par M. [Y], – statuer ce que de droit sur les dépens. MOTIFS :La cour, sur appel partiel de M. [Y], n’est saisie que de l’indemnisation sollicitée par M. [Y] au titre de deux postes de préjudices : l’assistance tierce personne nécessaire avant consolidation à la parentalité d’une part, et la perte de chance de promotion professionnelle d’autre part. Sur la demande au titre de l’assistance tierce personne avant consolidation nécessaire à la parentalité : M. [Y] est père d’un enfant, né le 4 mai 2011 soit 4 mois après son accident, et donc en se trouvant en bas âge alors que M. [Y] n’était pas consolidé. La séparation d’avec sa compagne et mère de l’enfant est intervenue fin décembre 2013, M. [Y] accueillant son fils a minima un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Il est constant que l’expertise du Dr [S] n’a pas retenu de nécessité d’une aide à la parentalité aux motifs suivants : ‘ depuis la séparation d’avec sa compagne, M. [Y] a assumé seul la garde de l’enfant le week-end et à sa demande : enfant âgé de plus de deux ans et demi et donc ne nécessitant que peu de soins : nourriture, change éventuel et surveillance, le handicap de la victime n’étant pas un obstacle à la garde d’un enfant de cet âge. Il n’y a pas lieu à notre avis de retenir une aide à la parentalité’. Toutefois, ainsi que le relevaient les premiers juges, il est incontestable et incontesté que la victime était en perte d’autonomie depuis son accident et jusqu’en mai 2018 ; que ses mouvements étaient limités en raison des lésions cicatricielles consécutives aux brûlures, présentes sur tout le haut du corps, obligeant l’intéressé à porter des vêtements compressifs durant quatre ans. Le rapport d’expertise relève en particulier une limitation du mouvement des épaules, un déficit d’extension et de flexion des genoux. Alors que l’expert retient la nécessité d’une aide par tierce personne pour M. [Y] entre le mois d’octobre 2011 et le mois de mai 2018, il ne retient pas, de façon contradictoire, la nécessité d’une telle aide alors que l’enfant dont s’occupe M. [Y] n’est âgé que de deux ans et demi. C’est donc à bon droit que le jugement entrepris a retenu la nécessité d’une aide à la parentalité pour M. [Y] entre le 1er janvier 2014 et le 16 mai 2018. Le tribunal a fixé l’indemnisation de M. [Y] en retenant une aide à hauteur d’une heure par jour au tarif de 16 € /h entre le 01/01/2014 et le 16/05/2018, durant un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, pour un montant total de 7840 €. M. [Y] estime que cette aide est largement minorée au regard des besoins réels d’un enfant en bas âge et produit aux débats un article rédigé par le Dr [I], médecin expert à [Localité 4], paru dans la Revue française du dommage corporel en 2013 intitulé «Les besoins en aide humaine chez l’enfant » ; cet expert présente les travaux qu’il a menés sur deux périodes différentes auprès de 467 familles, et évalue les besoins en aide humaine habituellement nécessaires chez un enfant en dehors d’une situation de handicap, en prenant en compte les besoins des enfants de manière décroissante avec l’âge au fur et à mesure de leurs acquisitions d’autonomie. Il définit une aide de substitution dans les premières années de la vie pour la toilette, l’habillage, les sphincters, les repas et les actes éducatifs, mais également une aide pour les actes élémentaires de la vie (prise des repas, couchage, surveillance) et une prise en charge pour les actes de substitution, de : – 4h30/jour dans la tranche de 0 à 2 ans, – 2h30/jour dans la tranche de 3 à 5 ans, – 2h10/jour dans la tranche de 6 à 8 ans, – 1h30/jour dans la tranche de 9 à 11 ans, – 1h30/jour dans la tranche de 12 à 14 ans, – 1 h/jour pour les enfants de 15 ans et plus. Il établit également que les besoins de surveillance sont considérablement différents en fonction de l’âge puisque : -Un enfant de 0 à 2 ans ne peut rester seul ni dans la journée ni la nuit. Le temps de surveillance est de 24 heures. -De 3 à 5 ans, on peut le laisser seul environ 30 minutes par 24 heures soit un temps de surveillance de 23h30. -Dans la tranche de 6 à 8 ans, les temps maximum de solitude étaient de 45 minutes le jour et 20 minutes la nuit ce qui laisse un temps de présence des adultes de 22 h 50. -Dans la tranche de 9 à 11 ans, l’enfant peut rester seul 3 heures le jour et 1h30 la nuit soit un temps de présence des adultes de 19h30 -Dans la tranche de 12 à 14 ans, l’enfant peut rester seul 8 h le jour et 3h30 la nuit soit 12h30 de présence obligatoire des parents. -A partir de 15 ans, un enfant peut être autonome sur la totalité d’un nycthémère. Certes ces éléments n’ont qu’une valeur indicative, mais tant l’association [3] que la CPAM n’apportent aux débats aucune contradiction par des éléments objectifs aux valeurs retenues par ce médecin expert aux termes d’une analyse complète, et la cour estime que la durée d’aide à la parentalité retenue pour une heure par jour alors que l’enfant était encore en bas âge, est manifestement inadéquate à la réalité de la situation et insuffisante à réparer le préjudice subi par M. [Y] ; en outre la question du temps de présence n’est pas opérante en l’espèce puisque le père pouvait assumer cette fonction sans aide mais l’aide à une parentalité active était bien nécessaire. Ainsi, la cour retiendra la nécessité d’une aide à la parentalité de : – 2h30/jour entre le 1er janvier 2014 et le 4 mai 2017 (enfant âgé de 2,5 ans à 5 ans), – 2h10/jour du 5 mai 2017 au 16 mai 2018 (enfant âgé de 6 à 8 ans). Ce besoin sera fixé sur le droit de visite et d’hébergement accordé à M. [Y] soit un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires ; en effet les attestations produites, émanant de proches de M. [Y], ne permettent pas de fixer avec certitude les week-ends supplémentaires au cours desquels M. [Y] a éventuellement gardé son fils seul. Par ailleurs, c’est à bon droit que les premiers juges ont exclu cette aide à la parentalité sur la période durant laquelle M. [Y] vivait toujours avec la mère de l’enfant ; ce besoin qui ne correspond pas à une assistance tierce personne pour la victime directe mais à la nécessité pour lui d’assumer son rôle de père après la séparation ne s’est précisément manifesté qu’après cette séparation et au regard des besoins de l’enfant tels que définis ci-dessus. Quant au coût horaire de cette aide prodiguée par une tierce personne, les premiers juges ont retenu un taux de 16€ pour l’aide à la parentalité et de 22 € pour l’aide à M. [Y], or rien ne justifie de distinguer ces deux aides, non médicalisées, dont le coût est similaire. Il conviendra donc de faire droit à la demande de M. [Y] tendant à voir fixer le taux horaire de 22 € (taux conforme au référentiel Mornet, actualisé à 2022, fixant une fourchette de 16 à 25€). Ainsi la créance de M. [Y] s’élève à : -du 01/01/2014 au 04/05/2017 = 2,5h x 22 € x (174 jours de week-ends + 201 jours de vacances scolaires, soit 375 jours) = 20 625 € -du 05/05/2017 au 16/05/2018 = 2,16h x 22€ x (54 jours de week-ends + 61 jours de vacances scolaires, soit 115 jours) = 5464,80 € soit au total : 26 089,80 €. Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens. Sur la perte de chance de promotion professionnelle : Il est constant que l’expert judiciaire a retenu que : « Monsieur [Y] signale une gêne à la position assise prolongée avec crampes dans les genoux, gêne qui ne lui a pas permis de finaliser le stage de reconversion en étalonnage qu’il avait entrepris. L’ancienne profession ne peut non plus être reprise, et toute profession nécessitant un contact avec le public est rendue difficile par l’aspect de la victime. La reconversion professionnelle bien que possible semble difficile du fait du handicap au niveau des genoux et du handicap esthétique, handicaps en relation directe et certaine avec l’accident ». Dans la mesure où il n’est pas contesté que M. [Y] n’est pas totalement inapte à toute activité professionnelle et qu’il conserve une capacité résiduelle de travail, l’incidence professionnelle est un préjudice indemnisable de manière distincte, non couvert par la rente versée à M. [Y], laquelle couvre les pertes certaines de gains professionnels à raison de l’incapacité, ainsi que le déficit fonctionnel permanent. Au moment de l’accident, M. [Y] était âgé de 39 ans et se trouvait en phase de reconversion professionnelle, dans le domaine de la réalisation de documentaires et fictions ; il avait signé une convention avec l’association [3] pour un stage du 29 novembre 2010 au 4 février 2011 étant rappelé que l’accident est survenu le 13 janvier 2011. En effet, après avoir initialement suivi un apprentissage en cuisine, il a suivi une formation de technicien professionnel en vidéo en 2007, a créé son entreprise de photographie en 2009 puis travaillé en intérim jusqu’à sa reconversion. Il soutient que l’accident, compte tenu des séquelles aux mains, l’a privé d’une chance de promotion professionnelle ; après l’accident, il a suivi en 2015 un stage de formation comme étalonneur (monteur de film spécialisé travaillant sur un logiciel permettant de corriger les images et le son), mais n’a pas trouvé d’emploi salarié en raison de ses handicaps. Il travaille en qualité d’auto entrepreneur à un rythme qu’il dit non compatible avec les exigences des employeurs, et justifie de ses revenus. M. [Y] estime avoir perdu une chance d’accéder aux métiers de la réalisation cinématographique et/ou audiovisuelle, et donc de percevoir un salaire plus important. Il chiffre sa perte de chance en comparaison avec le salaire minimum d’un réalisateur, soit une perte de 12 000 € par an jusqu’à l’âge de la retraite. La cour estime en l’espèce que l’accident a effectivement privé M. [Y] d’une chance de promotion professionnelle vers un métier de réalisateur, qu’il aurait pu raisonnablement obtenir, métier plus rémunérateur que l’activité qu’il a dû occuper ensuite en qualité d’auto entrepreneur comme étalonneur. Néanmoins, s’agissant d’une perte de chance et non d’une perte de gains certains, le préjudice de M. [Y] ne peut être égal à la différence entre le revenu minimal d’un réalisateur et ses revenus actuels, d’autant que la différence entre ses revenus antérieurs et ses revenus actuels est déjà en grande partie compensée par la rente majorée (revenus 2010 : 15341 €, rente annuelle majorée : 14904,96 € à cette date). En conséquence, la cour chiffre cette perte de chance à la somme de 1500 € par an, soit entre la date de l’accident (13 janvier 2011) et la date de consolidation (2 janvier 2019) : 1500 x 8 = 12 000 €, et, depuis l’âge de 47 ans (en janvier 2019) à l’âge légal de départ en retraite au taux plein fixé à 67 ans, à la somme de 28 324,45 € conformément au barème de capitalisation publié à la Gazette du palais, soit un total de 40 324,45 €. Le jugement sera infirmé en ce sens. Sur l’action récursoire de la CPAM : La réparation des préjudices extra-patrimoniaux énumérés à l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale est versée à la victime par la caisse, laquelle en récupère le montant auprès de l’employeur. En conséquence, il y a lieu d’accueillir l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de l’employeur, également au titre de l’indemnisation du préjudice d’assistance tierce personne à la parentalité et de la perte de chance de promotion professionnelle. La cour n’a pas à constater les sommes déjà versées par la CPAM au titre des autres postes de préjudices, comme le demande la caisse, dans la mesure où il ne s’agit nullement d’une prétention. Sur le surplus des demandes : L’association [3] sera condamnée aux dépens par confirmation du jugement déféré ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer à M. [Y] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme s’ajoutant à celle allouée sur ce même fondement en première instance. PAR CES MOTIFS: Statuant dans les limites de l’appel partiel, Rappelle que le présent arrêt est commun et opposable à l’association [3], M. [Y] et à la CPAM de la Haute-Garonne, Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a limité à la somme de 7840 € l’indemnisation de M. [Y] au titre de son préjudice relatif à l’assistance tierce personne avant consolidation nécessaire à la parentalité, et en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande d’indemnisation de son préjudice résultant d’une perte de chance de promotion professionnelle, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Fixe les indemnités dues à M. [Y] aux sommes suivantes : – 26 089,80 € au titre de l’assistance tierce personne avant consolidation nécessaire à la parentalité, – 40 324,45 € au titre de la perte de chance de promotions professionnelles, Accueille l’action récursoire de la CPAM de la Haute-Garonne à l’encontre de l’employeur l’association [3], s’agissant des indemnisations allouées par le présent arrêt, Dit que ces sommes seront directement versées à M. [Y] par la CPAM de la Haute-Garonne, laquelle pourra en récupérer immédiatement le montant auprès de l’association [3], Confirme le jugement sur le surplus, y ajoutant, Condamne l’association [3] à payer à M. [Y] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frias irrépétibles exposés en appel, Condamne l’association [3] aux dépens d’appel. Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière. La greffière La présidente A. Raveane C. Brisset. |
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Quel est l’objet de l’article L. 1152-1 du code du travail ?L’article L. 1152-1 du code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral. Ces agissements peuvent avoir pour effet une dégradation des conditions de travail, portant atteinte aux droits et à la dignité du salarié, altérant sa santé physique ou mentale, ou compromettant son avenir professionnel. Cette disposition vise à protéger les salariés contre des comportements qui pourraient nuire à leur bien-être au travail. Le harcèlement moral est défini comme un ensemble de comportements hostiles, répétés, qui peuvent créer un environnement de travail toxique. Il est essentiel que les employeurs prennent des mesures pour prévenir de tels comportements et garantir un environnement de travail sain et respectueux. Quelles sont les obligations de la partie défenderesse en cas de litige sur le harcèlement moral ?En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsqu’un litige survient concernant l’application des articles relatifs au harcèlement moral, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Une fois ces éléments présentés, la charge de la preuve revient à la partie défenderesse, c’est-à-dire l’employeur, qui doit prouver que les agissements en question ne constituent pas du harcèlement. Cela signifie que l’employeur doit démontrer que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Cette répartition de la charge de la preuve est déterminante pour protéger les droits des salariés et garantir qu’ils ne soient pas victimes de comportements abusifs au travail. Quels sont les faits marquants de l’affaire entre Mme [D] et la société JCDecaux ?Mme [D] a été engagée par la société Avenir Havas Media, devenue JCDecaux France, en tant qu’attachée technico-commerciale. Elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle en décembre 2019, après avoir contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes. Elle a fait état d’une dégradation de ses conditions de travail et de harcèlement moral, notamment à partir de 2015, avec des reproches injustifiés malgré des performances satisfaisantes. Elle a également mentionné des tentatives de départ forcé, la suppression de son assistanat, et des modifications de son contrat de travail qui auraient entraîné une baisse de sa rémunération. Ces éléments ont été présentés comme des preuves de harcèlement moral, tandis que la société JCDecaux a soutenu que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs. Quelles conclusions la cour d’appel a-t-elle tirées concernant le harcèlement moral ?La cour d’appel a confirmé que Mme [D] n’avait pas été victime de harcèlement moral. Elle a jugé que les éléments présentés par Mme [D] ne constituaient pas des preuves suffisantes de harcèlement. Les reproches formulés par l’employeur étaient basés sur des éléments objectifs, tels que des performances commerciales jugées insuffisantes. La cour a également noté que les décisions de l’employeur, comme le retrait de certains clients ou la modification des conditions de travail, étaient justifiées par des préoccupations concernant la qualité du travail de Mme [D]. Ainsi, la cour a conclu que le harcèlement moral n’était pas caractérisé, et que les actions de l’employeur relevaient de son pouvoir de direction. Quelles ont été les décisions de la cour concernant l’exécution déloyale du contrat de travail ?La cour a reconnu que Mme [D] avait été victime d’exécution déloyale de son contrat de travail. Elle a constaté que la société JCDecaux France avait retiré l’assistance dont Mme [D] bénéficiait sans justification adéquate, ce qui a contribué à une dégradation de ses conditions de travail. En conséquence, la cour a condamné la société à verser à Mme [D] une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour cette exécution déloyale. Cette décision souligne l’importance pour les employeurs de respecter les termes du contrat de travail et de traiter leurs employés de manière équitable et transparente, en évitant des actions qui pourraient être perçues comme abusives ou déloyales. Quelles ont été les conclusions finales de la cour d’appel concernant le licenciement de Mme [D] ?La cour d’appel a confirmé que le licenciement de Mme [D] reposait sur une cause réelle et sérieuse. Elle a noté que les entretiens d’évaluation avaient mis en évidence des insuffisances dans la performance de Mme [D], notamment en ce qui concerne le développement de son portefeuille clients et la prise de rendez-vous. Bien que Mme [D] ait produit des attestations soulignant ses qualités professionnelles, la cour a estimé que cela ne suffisait pas à contredire les éléments objectifs présentés par l’employeur. Ainsi, la cour a débouté Mme [D] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, confirmant que les objectifs fixés étaient réalistes et que son insuffisance professionnelle était établie. |
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