Absence de discrimination
On se souvient que le ministère de la culture avait décidé que l’accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux serait, à partir du 4 avril 2009, rendu gratuit pour les visiteurs âgés de 18 à 25 ans, ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne. L’association SOS Racisme a attaqué avec succès la décision du ministère en raison de son caractère discriminatoire vis-à-vis des non ressortissants de l’Union européenne qui réside régulièrement dans les Etats de l’Union.
Entre temps, une note du 6 février 2012 du directeur général des patrimoines portant sur les mêmes sujets a étendu la gratuité de l’accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux à tous les visiteurs âgés de 18 à 25 ans résidant régulièrement sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen.
Conformément à la jurisprudence administrative, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
Illégalité du critère de la nationalité
L’institution d’une différence tarifaire entre les visiteurs des musées et monuments nationaux selon des critères de nationalité ou de régularité du séjour, laquelle n’est pas la conséquence nécessaire d’une loi, implique l’existence soit de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, soit de nécessités d’intérêt général en rapport avec la mission des établissements concernés, comme avec l’objet de la mesure de gratuité mise en oeuvre, permettant de justifier de telles catégories, et à condition que ces différences ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des objectifs poursuivis.
Le bénéfice de la gratuité reconnu aux personnes qui ont vocation à résider durablement sur le territoire national doit, en application du droit de l’Union européenne, et notamment de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, être étendu aux ressortissants de l’Union qui disposent dans un autre pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen du même droit à un séjour durable. Toutefois, les règles d’entrée dans les musées doivent impérativement bénéficier aussi aux résidents de longue durée en situation régulière dans les Etats de l’Union et pas seulement aux ressortissants de ces Etats.
Légalité de la gratuité aux musées
En application de l’article L. 141-1 du code du patrimoine, le Centre des monuments nationaux a notamment pour mission d’entretenir, conserver et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d’en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d’en développer la fréquentation lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation et leur utilisation.
Les modalités des droits d’entrée des musées de France sont fixées par l’article L. 442-6 du code du patrimoine, qui pose le principe que l’accès aux musées au public doit se faire de la façon la plus large possible.
La mise en oeuvre de la gratuité d’accès aux musées et monuments nationaux a pour objectif d’accroître, en vue de la pérenniser, la fréquentation des monuments nationaux par une catégorie de publics, les jeunes de 18 à 25 ans, dont les ressources financières souvent limitées peuvent constituer un obstacle à la fréquentation régulière des établissements culturels de l’Etat.
Les juges ont rappelé que les tarifs d’un musée ou d’un monument national, y compris lorsqu’ils comprennent un droit d’accès gratuit pour une partie des usagers, même motivé par la poursuite d’un objectif social, ne constituent pas la traduction d’un droit qui pourrait être regardé comme une créance des usagers sur l’Etat dont la privation porterait atteinte au droit de propriété tel qu’il est garanti par l’article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Au regard de la nature du service public dont sont chargés le Centre des monuments nationaux et l’Etablissement public du musée du Louvre et de l’objectif poursuivi par la mesure de gratuité mise en oeuvre, consistant à favoriser l’accès à la culture au travers des musées et monuments concernés, des usagers qui, en raison de leur âge, ne disposent pas en général des ressources le leur permettant facilement, et afin d’ancrer des habitudes de fréquentation régulière des monuments et des musées, il est loisible aux établissements concernés de distinguer les personnes qui ont vocation à résider durablement sur le territoire national, des autres, la gratuité concédée devant avoir pour résultat de rendre durable la fréquentation habituelle des institutions concernées et n’ayant donc nécessairement pas de justification pour les personnes qui ne sont pas appelées à séjourner durablement sur le territoire.