La divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte (Com., 24 septembre 2013, n° 12-19.790).
Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective, la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit ou un service constitue un acte de dénigrement, pouvant donner lieu réparation, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, la divulgation relevant alors du droit de libre critique sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression (Com 09/01/2019 n°17-18.530). En la cause, en procédant à la publication de l’article litigieux, les sociétés auteures du communiqué de presse ne poursuivaient pas un but d’intérêt général destiné à éclairer le choix des consommateurs mais cherchaient clairement à jeter le discrédit sur la société Akwel, en répandant à son propos et au sujet de ses produits, des informations malveillantes pour bénéficier d’un avantage concurrentiel en détournant sa clientèle à leur profit. Aucune décision judiciaire n’a annulé le brevet déposé par la société Akwel présenté comme non valide par son concurrent. La publication litigieuse tend à faire croire au consommateur que le marché de la poche d’additivation est libre. Et l’exception de vérité n’étant pas applicable en matière de dénigrement, il est indifférant que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ait rejeté la demande reconventionnelle de la société Akwel en interdiction provisoire des réservoirs souples commercialisés par la société Green Source Engineering, en considérant, dans son ordonnance du 10 juillet 2024, que la vraisemblance de la validité du brevet de la société Akwel n’était pas établie. En l’occurrence, dans le publicommuniqué litigieux, les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering, bien que visant des études réalisées par leurs avocats, affirment, de manière péremptoire et catégorique, sans employer le mode conditionnel, que la poche distribuée par la société Akwel ne constitue pas une invention brevetable au sens du code de la propriété intellectuelle. Leurs propos volontairement simplifiés tendent à introduire une confusion dans l’esprit du lecteur non averti entre des brevets antérieurs décrivant une poche similaire tombés dans le domaine public et celui de la société Akwel, encore enregistré à l’INPI, à ce jour, qui protège une invention dont elle est l’auteur. Cette remise en cause du droit de propriété intellectuelle détenu par la société Akwel est accompagnée d’une critique virulente de la communication commerciale dans laquelle celle-ci se prévaut de la protection accordée à ses produits par le dit brevet lui conférant un monopole sur le marché français. L’article est particulièrement offensif en ce qu’il met clairement en cause la loyauté de la société Akwel et porte atteinte à sa crédibilité, en laissant entendre qu’elle utiliserait des procédés illégaux afin de tenter de dissuader ses clients d’acheter un produit concurrent non protégé par un brevet. Les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering vont jusqu’à proposer leur aide à des professionnels qui souhaiteraient acheter leurs produits, face aux attaques dont ils pourraient faire l’objet de la part de la société Akwel qui est donc décrite comme particulièrement agressive. |
L’Essentiel : L’affaire oppose la société Akwel, détentrice d’un brevet pour un système d’additivation, aux sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering. En 2022, ces dernières ont commercialisé des produits similaires et critiqué la validité du brevet d’Akwel, entraînant une action en justice pour dénigrement commercial. Le tribunal de commerce de Nîmes a jugé en faveur d’Akwel, ordonnant le retrait de l’article contesté et condamnant les sociétés appelantes à verser des dommages-intérêts. En appel, la cour a confirmé cette décision, soulignant l’impact négatif sur la réputation d’Akwel et l’abus de la liberté d’expression par les appelantes.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’AffaireL’affaire concerne un litige entre la société Akwel, détentrice d’un brevet pour un système d’additivation, et les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals, et Green Source Engineering. Akwel a obtenu un brevet en 2017 pour une poche d’additif destinée à réduire les émissions de particules fines des voitures diesel. En 2022, Amosan Petrochemicals et sa filiale Green Source Engineering ont commencé à commercialiser des produits similaires, remettant en question la validité du brevet d’Akwel. Publicité ContestéeEn avril 2022, Green Source Engineering a publié un article sur son site internet et dans un magazine professionnel, critiquant la validité du brevet d’Akwel. Cet article affirmait que le brevet n’était pas une invention brevetable et que les produits de Green Source Engineering ne violaient pas ce brevet. Akwel a alors saisi le tribunal de commerce de Nîmes pour faire cesser ces agissements, considérés comme du dénigrement commercial. Jugement du Tribunal de CommerceLe 24 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nîmes a jugé que les sociétés Amosan et Green Source avaient commis des actes de dénigrement et de concurrence déloyale. Le tribunal a ordonné le retrait de l’article litigieux, la publication d’un encart rectificatif dans un magazine, et a condamné les sociétés appelantes à verser des dommages-intérêts à Akwel. Appel et Décisions SubséquentesLes sociétés Amosan et Green Source ont interjeté appel de cette décision le 24 février 2023. Par la suite, plusieurs ordonnances ont été rendues, notamment une ordonnance de référé qui a déclaré irrecevable la demande d’arrêt partiel de l’exécution provisoire du jugement. En avril 2024, le conseiller de la mise en état a débouté les appelantes de leur demande de production de pièces et a condamné les sociétés appelantes à payer des frais à Akwel. Arguments des PartiesLes appelantes soutiennent que leurs propos relèvent de la liberté d’expression et qu’ils ne constituent pas un dénigrement, arguant que la validité du brevet d’Akwel est sujette à caution. Elles affirment que leur publication vise à informer le public sur un sujet d’intérêt général. En revanche, Akwel conteste ces arguments, affirmant que les propos des appelantes visent à discréditer ses produits et à détourner sa clientèle. Décision de la Cour d’AppelLa cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal de commerce, considérant que les sociétés appelantes avaient effectivement commis des actes de dénigrement. La cour a également souligné que la publication avait eu un large impact sur la réputation d’Akwel et que les appelantes avaient abusé de leur liberté d’expression. Les sociétés appelantes ont été condamnées aux dépens et à verser une indemnité à Akwel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du tribunal de commerce de Nîmes dans cette affaire ?Le tribunal de commerce de Nîmes a été déclaré compétent pour statuer sur les demandes de la société Akwel à l’encontre des sociétés Amosan Petrochemicals, Amosan Distribution et Green Source Engineering. Cette compétence est fondée sur les articles 1240 et suivants du Code civil, qui régissent la responsabilité délictuelle et les actes de concurrence déloyale. L’article 1240 du Code civil stipule : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans ce contexte, le tribunal a jugé que les actes de dénigrement et de concurrence déloyale commis par les sociétés appelantes engageaient leur responsabilité civile. Ainsi, le tribunal a confirmé sa compétence pour traiter les demandes de la société Akwel, car les actes reprochés relèvent de la concurrence déloyale, ce qui est de la compétence des tribunaux de commerce. Quelles sont les implications des actes de dénigrement et de concurrence déloyale ?Les actes de dénigrement et de concurrence déloyale sont des comportements qui portent atteinte à la réputation d’une entreprise ou de ses produits. Selon la jurisprudence, même en l’absence d’une situation de concurrence directe, la divulgation d’informations susceptibles de jeter le discrédit sur un produit ou un service constitue un acte de dénigrement. L’article 1240 du Code civil, déjà cité, est fondamental dans ce cadre, car il établit la responsabilité de l’auteur du dommage. La Cour a précisé que les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering ont publié des informations péremptoires sur la non-brevetabilité des produits d’Akwel, ce qui a induit en erreur le public. La publication a été jugée comme ayant pour but de détourner la clientèle d’Akwel, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale. La Cour a donc confirmé que ces actes engageaient la responsabilité des sociétés appelantes. Quels sont les recours possibles en cas de dénigrement commercial ?En cas de dénigrement commercial, la victime peut demander la cessation des actes de dénigrement, des dommages et intérêts, ainsi que la publication d’un rectificatif. L’article 1240 du Code civil permet à la victime de réclamer réparation pour le préjudice subi. De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet à la partie gagnante de demander une indemnité pour couvrir ses frais de justice. Dans cette affaire, la société Akwel a obtenu du tribunal que les sociétés Amosan soient condamnées à retirer l’article litigieux et à publier un rectificatif dans un délai imparti. La Cour a également ordonné le paiement de dommages et intérêts, ce qui démontre que les recours en cas de dénigrement commercial sont variés et peuvent inclure des mesures de réparation financière et de rectification publique. Comment la liberté d’expression est-elle conciliée avec la protection contre le dénigrement ?La liberté d’expression est un droit fondamental, mais elle n’est pas absolue. Elle doit être conciliée avec le droit à la protection de la réputation des individus et des entreprises. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et de recevoir ou de communiquer des informations et des idées sans ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. » Cependant, cette liberté peut être limitée pour protéger la réputation d’autrui. La jurisprudence a établi que les propos doivent être fondés sur des faits vérifiables et ne pas induire en erreur le public. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les propos tenus par les sociétés appelantes ne reposaient pas sur des bases factuelles suffisantes et visaient à discréditer la société Akwel. Ainsi, la Cour a conclu que la liberté d’expression des appelantes avait été abusée au détriment de la réputation d’Akwel. Quelles sont les conséquences financières pour les sociétés condamnées ?Les conséquences financières pour les sociétés condamnées incluent le paiement de dommages et intérêts ainsi que des frais de justice. L’article 700 du Code de procédure civile permet à la partie gagnante de demander une indemnité pour couvrir ses frais de justice. Dans cette affaire, la société Akwel a été condamnée à recevoir une indemnité de 7 500 euros au titre de l’article 700, ainsi qu’une somme supplémentaire pour les dépens. De plus, les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering ont été condamnées à payer des dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de leurs actes de dénigrement. Ces conséquences financières visent à réparer le préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et à dissuader de futurs comportements similaires. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°6
N° RG 23/00729 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IXK7
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
24 janvier 2023
RG:2022J00210
S.A.R.L. GREEN SOURCE ENGINEERING
S.A.S. AMOSAN DISTRIBUTION
S.A.S.U AMOSAN PETROCHEMICALS
C/
S.A. AKWEL
Copie exécutoire délivrée
le 17/01/2025
à :
Me Philippe PERICCHI
Me Marie MAZARS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 17 JANVIER 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 24 Janvier 2023, N°2022J00210
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ ;:
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTES :
S.A.R.L. GREEN SOURCE ENGINEERING au capital social de 5000 euros inscrite au RCS DE NIMES sous le N°B 892 795 808 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-baptiste THIENOT, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
S.A.S. AMOSAN DISTRIBUTION Société par actions simplifiée, au capital social de 10 000 euros inscrite au RCS de NIMES sous le N° B 899 324 909 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-baptiste THIENOT, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
S.A.S.U AMOSAN PETROCHEMICALS Société par actions simplifiée unipersonnelle, au capital social de 50 000 euros inscrite au RCS de NIMES sous le N°B 453617706 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-baptiste THIENOT, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉE :
S.A. AKWEL SA immatriculée au RCS de NIMES, prise en la personne de ses
prerésentants légaux en exercice domicilés en cette qualité
audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Benoît CHAROT du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Décembre 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 17 Janvier 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
Vu l’appel interjeté le ;24 février 2023 par les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering à l’encontre du jugement prononcé le ;24 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2022J210,
Vu l’ordonnance de référé rendue le 21 avril 2023 par le Premier Président de la cour d’appel de Nîmes qui a déclaré irrecevable la demande d’arrêt partiel de l’exécution provisoire de la décision rendue, relative au paiement des frais irrépétibles et aux mesures de publication du dispositif du jugement dont appel dans le prochain numéro de […],
Vu l’ordonnance rendue le 5 avril 2024 par le conseiller de la mise en état qui a notamment débouté les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering de leur demande de production de pièces,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 novembre 2024 par la SARL Green source engineering, la SAS Amosan distribution, et la SASU Amosan petrochemicals, appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 décembre 2024 par la SA Akwel, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 6 juin 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 5 décembre 2024.
La société Akwel commercialise un système d’additivation comprenant un réservoir séparé en deux parties, une poche et une pompe de dosage à haute précision, sous la marque SEIM.
Suite à un dépôt effectué le 11 juillet 2005, la société Akwel a obtenu de l’INPI la délivrance le 17 août 2017 d’un brevet FR 2 888 289 relatif à une poche d’additif pour filtre à particules fines qui constitue un équipement antipollution des voitures diesel permettant de réduire l’émission de particules fines.
La validité de ce brevet a été contestée par la société Amosan Petrochemicals dont la filiale, Green Source Engineering, fabrique et distribue également des poches plastiques souples préremplies contenant du liquide additif, depuis le mois de février 2022.
La société Green Source Engineering a fait publier en avril 2022, sur son site internet ainsi que dans le journal […] destiné aux professionnels de l’automobile, un article sous forme de publi-communiqué mettant notamment en cause la validité du brevet déposé par la société Akwel.
Le publi-communiqué était le suivant :
« Le Brevet ‘
Comment vous positionnez-vous par rapport au brevet du fournisseur Akwel
(anciennement SEIM) sur ces poches et la communication faite par cette société ‘
Au regard des études d’antériorité (l’art antérieur) réalisées par les avocats en propriété industrielle de GREEN SOURCE ENGINEERING, la dite poche n’est pas une invention brevetable au sens du Code de la propriété intellectuelle. En effet, il est relevé des brevets antérieurs au brevet Akwel, des brevets décrivant une poche similaire, et notamment celui d’une société pharmaceutique américaine bien connue décrivant des poches sanguines pour perfusion. Ce brevet, qui est désormais tombé dans le domaine public, utilise le même procédé de 2 films plastiques soudés entre eux afin de contenir un liquide.
Et quand bien même le brevet Akwel serait valable, les poches GREEN SOURCE ENGINEERING ne reproduisent pas ce brevet qui revendique une poche « de forme oblongue et arrondie ». Les formes des poches GREEN SOURCE ENGINEERING sont clairement différentes de celles mentionnées dans le brevet Akwel (tout en restant des formes compatibles aux différentes versions de carters et performantes). Les poches de GREEN SOURCE ENGINEERING sont donc hors du champ d’application du brevet Akwel et parfaitement commercialisables, sans avoir à les breveter car, comme expliqué, cela relève du domaine public.
Dans ce contexte, toute communication de la société Akwel prétendant que, parce qu’il possède un brevet, seuls ses produits peuvent être commercialisés sur le marché français serait totalement fausse. Acheter un produit concurrent non-breveté est parfaitement légal tant qu’il n’entre pas dans le champ d’application du brevet (comme expliqué ci dessus), c’est d’ailleurs très courant sur le marché de l’automobile. Toute communication de la société Akwel tentant de dissuader les clients d’acheter un produit concurrent pour cette raison est donc susceptible de constituer juridiquement un dénigrement commercial ou un acte de concurrence déloyale engageant la responsabilité de son auteur. Si des clients devaient recevoir ce type de courrier, les équipes de GREEN SOURCE ENGINEERING sont à disposition des clients, pour leur apporter des réponses et les soutenir dans leurs éventuelles démarches. »
La société Akwel a saisi le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir faire cesser les agissements des sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering.
Par jugement du 24 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles 1240 et suivant du code civil, ;:
« ;Se déclare compétent pour statuer sur les demandes de la société Akwel Akwel à l’encontre des sociétés Amosan petrochemicals, Amosan distribution et Green Source Engineering.
Juge qu’en publiant, dans un publi-communiqué ‘gurant en page 20 du numéro 93 de la revue […], ainsi que sur le site internet de la société Green Source Engineering à l’adresse https://green-source-engineeringcom, un article intitule « ;Comment vous positionnez-vous par rapport au brevet du fournisseur Akwel (anciennement Seim) sur ces poches et la communication faire par cette société ;’ ;», les sociétés Amosan petrochemicals, Amosan distribution et Green Source Engineering ont commis des actes de dénigrement et de concurrence déloyale qui engagent leur responsabilité civile.
Ordonne le retrait de l’article litigieux du site internet de Green Source Engineering dans un délai de 24 heures à compter de la signi’cation du jugement à intervenir, sous peine du paiement de dommages et intérêts de 1.500 euros par jour de retard.
Ordonne l’insertion par la société Green Source Engineering à ses frais exclusifs, d’une pleine page dans le prochain numéro de la revue […], tant dans sa version papier qu’électronique, reprenant le dispositif de ce jugement.
Interdit aux sociétés Amosan petrochemicals, Amosan distribution et Green Source Engineering de publier sur un quelconque site Internet ou un quelconque support à destination du public ou des professionnels l’article litigieux.
Déboute les sociétés Amosan petrochemicals, Amosan distribution et Green Source Engineering de l’ensemble de leurs demandes, ‘ns et prétentions.
Condamne les sociétés Green Source, Amosan petrochemicals et Amosan distribution à payer solidairement à la société Akwel la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Rejette toutes autres demandes, ‘ns et conclusions contraires ;
Condamne solidairement la SARL Amosan petrochemicals, la SAS Amosan distribution et la SARL Green Source Engineering aux dépens de l’instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 101,33 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires. ;».
Le 24 février 2023, les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering ont interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
Par ordonnance de référé du 21 avril 2023, le premier président de la cour d’appel de Nîmes a ;:
-Déclaré irrecevable la demande d’arrêt partiel d’exécution provisoire de la décision rendue le 24 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes, relative au paiement des frais irrépétibles et aux mesures de publication du dispositif du jugement dont appel dans le prochain numéro de […],
-Rejeté la demande subsidiaire présentée par la Société Green Source Engineering,
-Condamné la Société Green Source Engineering à payer à la Société Akwel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamné la société Green Source Engineering aux dépens de la présente procédure.
Par ordonnance du 5 avril 2024, le conseiller de la mise en état a :
-Débouté les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering de leur demande de production de pièces
-Condamné in solidum les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering aux entiers dépens de l’incident
-Condamné in solidum les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering à payer à la société Akwel une indemnité de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Amosan Petrochemicals a engagé, par exploit du 3 mars 2023, devant le tribunal judiciaire de Paris, une action en nullité du brevet déposé par la société Akwel. Les demandes reconventionnelles formées par la société Akwel en interdiction provisoire des réservoirs souples commercialisés par la société Green Source Engineering ont été rejetées par le juge de la mise en état, dans son ordonnance du 10 juillet 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions, les sociétés Green Source Engineering, Amosan distribution et Amosan petrochemicals, appelantes, demandent à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la liberté d’expression, et des articles 563 et 700 du code de procédure civile, de ;:
« ;- Infirmer le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes
en son intégralité ;
Et statuant à nouveau,
In limine litis
– Déclarer incompétent le tribunal de commerce de Nîmes au profit du tribunal judiciaire exclusivement compétent en matière de diffamation ;
A titre principal
– Juger licite l’encart publié au sein du magazine […] en avril 2022, le dénigrement n’étant pas caractérisé ;
En tout état de cause ;:
– Ordonner la publication du dispositif de la décision à venir infirmant le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans le prochain numéro de la revue […], tant dans sa version papier qu’électronique, ainsi que sur le site Internet des sociétés Akwel et Green Source Engineering, aux frais exclusifs de la société Akwel et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
-Condamner la société Akwel à verser aux sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering la somme de 20.000 euros au titre de leur préjudice moral (somme à parfaire) (préjudice économique) ;
-Condamner la société Akwel à verser aux sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering la somme de 35.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Akwel aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel. ;».
Au soutien de leur exception d’incompétence, les appelantes font valoir que les prétentions de société Akwel relèvent de la diffamation et non du dénigrement commercial. En effet, les caractéristiques des produits commercialisés par la société Akwel ne font pas partie du sujet traité par la publication, laquelle ne peut donc jeter le discrédit sur lesdits produits d’Akwel. La publication se contente d’affirmer que le type de produits couvert par le brevet Akwel, i.e. les poches d’additif, n’est en toute logique pas brevetable. Le fait qu’un produit soit ou non protégé par un brevet ne préjuge aucunement de ses qualités. Le troisième paragraphe de la publication fait uniquement référence à la potentielle réaction d’Akwel face à la concurrence que représente Green Source. C’est donc l’attitude d’Akwel qui est remise en cause dans ce paragraphe et non pas la qualité de ses produits. La société Akwel reproche implicitement à la publication d’avoir porté atteinte à son honneur, à son intégrité, ce qui relève du champ de la diffamation.
Sur le fond, les appelantes exposent que la publication concerne le brevet détenu par Akwel, autrement dit un titre de propriété intellectuelle, et les doutes légitimes quant à sa régularité. De tels propos sont licites et ne constituent pas en eux-mêmes un acte de concurrence déloyale. La société Green Source n’a donc jamais déprécié la qualité des produits d’Akwel, bien au contraire. D’ailleurs, aucun produit d’Akwel n’est précisément identifié dans la publication (aucune référence commerciale). Les doutes sur la validité du brevet sont d’autant plus légitimes qu’Akwel elle-même a tenu publiquement des propos ambigus à ce sujet dans le cadre d’un litige avec son fournisseur […]. Ces doutes ont été également confirmés par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, par une ordonnance du 10 juillet 2024, lequel a considéré que la vraisemblance de la validité du brevet Akwel n’était pas établie.
Les appelantes soutiennent également que la publication relève de la liberté d’expression. Les propos développés se rapportent à un sujet d’intérêt général dans la mesure où ils visent à rétablir une concurrence loyale entre les parties et à en informer les lecteurs. En effet, jouant de sa position dominante, Akwel n’hésite pas à friser avec les pratiques anticoncurrentielles en revendiquant un monopole sur le principe même de l’utilisation d’une poche en tant que réservoir d’additif, et en dénigrant les produits concurrents.La publication informe les lecteurs qu’ils peuvent acheter les produits de Green Source sans engager leur responsabilité. L’aide proposée par Green Source aux potentiels clients qui devraient recevoir un courrier d’Akwel tentant de les dissuader d’acheter un produit concurrent relève de la garantie traditionnellement due aux clients d’un produit. Les propos contenus dans la publication litigieuse sont fondés et ne sont pas de nature à induire en erreur les lecteurs. La nature de la publication est connue des lecteurs. Elle repose sur une étude d’antériorité approfondie conduite par un cabinet spécialisé. Au vu des termes soigneusement choisis par Green Source dans la publication, il ne résulte aucun risque de confusion sur l’absence de décision judiciaire pour les lecteurs. Depuis, une action en nullité du brevet a été initiée devant le tribunal judiciaire de Paris. Les propos contenus dans la publication litigieuse ont été rédigés en des termes mesurés et ont fait l’objet d’une publicité limitée. Le magazine […] rédigé en langue française touche un lectorat restreint. La visibilité de la publication de l’article sur le site internet d’une seule des sociétés appelantes a été extrêmement limitée. La société Akwel ne rapporte pas non plus la preuve qu’elle subit ou aurait subi le moindre préjudice du fait de la publication. Or, sans altération du comportement économique du consommateur, la publication ne peut pas être qualifiée de déloyale et partant de dénigrante.
Les appelantes expliquent que la publication du dispositif du jugement critiqué dans la revue […] tel qu’ordonnée par le tribunal a incontestablement engendré pour elles un préjudice d’image/de réputation et renforcé la situation de quasi-monopole d’Akwel sur le marché des réservoirs souples d’additif. Seule une mesure de publication de la décision à intervenir si elle est infirmative permettrait de rétablir une situation de concurrence loyale entre les parties et d’alléger l’atteinte à l’intégrité des appelantes. Il ne saurait être tenu compte de la publication par Green Source d’un encart accolé au dispositif du jugement alors que cette publication fait l’objet d’une procédure pendante devant le tribunal de commerce de Nîmes.
Dans ses dernières conclusions, la société Akwel, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivant du code civil, de ;:
« ;- Rejeter l’intégralité des demandes des sociétés Amosan et Green Source, en ce compris la demande de publication de l’arrêt à intervenir en cas de réformation du jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 24 janvier 2024 ;
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 24 janvier 2023 dans toutes ses dispositions ;
– Condamner les sociétés Green Source, Amosan petrochemicals et Amosan distribution à payer solidairement à la société Akwel la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel. ;».
S’agissant de l’exception d’incompétence, l’intimée rappelle que lorsque les propos critiqués visent à discréditer les produits ou services d’un concurrent, notamment dans le but de détourner sa clientèle, ils relèvent du dénigrement. Tout dans la publication litigieuse fait référence au produit d’Akwel et vise à encourager sa clientèle à s’en détourner à leur profit. Le litige entre les parties porte uniquement sur la question de la validité du brevet Akwel et sa remise en question publique par les appelantes. La publication du jugement du 24 janvier 2023 dans la revue […] fait face à une publicité vantant les mérites des poches commercialisées par les sociétés Green Source et Amosan. Cela confirme que la question du produit est bien au centre des débats.
Sur le fond, l’intimée réplique que, relève du dénigrement le fait de contester publiquement, sans que cela soit avéré, la validité de brevets et de laisser croire que le marché est libre, c’est-à-dire dans le but de détourner la clientèle d’un concurrent. Constitue un acte de concurrence déloyale par dénigrement le fait de publier sur un site Internet une accusation portée contre une société, alors qu’aucune décision de justice n’a reconnu ces faits. La liberté d’expression d’un concurrent cesse lorsqu’il en est abusé dans le but de détourner la clientèle.
L’intimée souligne que par leurs propos visant clairement un produit de la société Akwel, les appelantes laissent croire à la clientèle de celle-ci que le produit qui est vendu et qui est protégé n’est qu’un produit parmi d’autres. Les propos litigieux, qui ne sont corroborés par aucune décision judiciaire, n’ont aucune portée informative ou scientifique mais visent bien à discréditer les produits d’Akwel. Le tribunal judiciaire de Paris n’ a été saisi d’une demande en nullité du brevet que le 3 mars 2023, soit postérieurement au jugement critiqué, uniquement pour les besoins de la cause et aucune décision n’a été rendue à ce jour. La contestation de la validité du brevet émanant d’un concurrent se caractérise par une publicité particulièrement large, à travers le média professionnel […]. La version papier de […] connaît une très large diffusion auprès des professionnels français de l’automobile, et notamment les distributeurs de pièces de rechange, qui sont donc les clients d’Akwel et des appelantes. Le journal […] est également diffusé électroniquement, ce qui entraîne une démultiplication de la portée du message. Le site Internet de Green Source relaie l’article sur son site Internet de façon particulièrement importante, puisque l’article et/ou l’encart litigieux est reproduit dans trois onglets (Accueil, presse et FAQ). De surcroît, l’article publié est un publi-communiqué, c’est-à-dire une publicité déguisée sous la forme d’un article de fond. La publicité qui est faite n’est par conséquent absolument pas celle d’un informateur de bonne foi, mais bien d’un concurrent direct qui cherche à jeter un discrédit particulièrement large sur les produits commercialisés par Akwel. L’aide judiciaire proposée aux clients d’Akwel pour s’opposer à toute initiative commerciale de cette dernière est caractéristique d’un détournement de clientèle. Les appelantes entendent interdire à la société Akwel de se défendre commercialement sous peine de poursuite. Elles ont clairement abusé de leur liberté d’expression. La publication des débats litigieux ne participe à aucun débat d’intérêt général mais ne sert que les seuls intérêts privés des appelantes. La publication des appelantes ne revêt aucun caractère confidentiel à l’attention d’une autorité administrative. Elle touche, au contraire, directement les clients d’Akwel et, partant, le marché des produits en cause. Le ton adopté dans la publication litigieuse n’est pas mesuré mais péremptoire. Les appelantes font l’amalgame entre les antériorités éventuellement opposables à la validité du brevet, qui comprendraient d’autres brevets antérieurs tombés dans le domaine public, et l’invention couverte par le brevet d’Akwel qui relèverait ainsi du domaine public, conduisant à induire les lecteurs en erreur. Elles insinuent qu’Akwel mentirait dans le cadre de sa propre campagne de communication et elles mettent Akwel dans la position d’une personne dont il faudrait se protéger. Les appelantes ont bien une approche commerciale agressive et déloyale et non pas d’information générale du marché. Aucune décision judiciaire de quelque nature qu’elle soit n’a remis en cause la validité du brevet déposé par la société Akwel. En tout état de cause, il n’existe aucune « exception de vérité » en matière de dénigrement. La question de la validité du Brevet d’Akwel est inopérante.
L’intimée rétorque qu’il s’infère nécessairement un préjudice d’un acte de dénigrement. L’objectif de la publication était bien de pousser les clients d’Akwel à se détourner de cette dernière pour acheter les produits Green Source.
L’intimée explique que les appelantes sont parfaitement illégitimes à solliciter, en cas de réformation du jugement critiqué, la demande de publication de la décision à intervenir. En effet, la mesure de publication qui a été originellement ordonnée par le tribunal de commerce de Nîmes a été annihilée par la publicité et l’encart parfaitement illicite qui fait face à ladite publication. La publication de la décision à intervenir ne rééquilibrerait en rien une situation qui est toujours en défaveur d’Akwel.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
1) Sur l’exception d’incompétence
La société Akwel n’invoque que des actes de concurrence déloyale, prenant la forme d’un dénigrement, auxquels elle serait exposée, sans prétendre être victime d’une diffamation.
Les sociétés appelantes qui distribuent des poches d’additifs pour filtre à particules fines ont bien une activité similaire et donc concurrente à celle de la société intimée.
Les propos contenus dans la publication litigieuse concernent non pas la personne morale qu’est la société Akwel mais bien les produits commercialisés par cette dernière dès lors que, dans la première partie, est mise en cause leur protection par un brevet valable.
La troisième partie de la publication litigieuse vise à dénoncer la communication de la société Akwel et sa tentative de dissuader les clients d’acheter un produit concurrent. Le propos n’est dirigé contre la société Akwel que de façon indirecte. Ce sont avant tout les poches qu’elle commercialise et le monopole dont elle dispose qui sont au centre du débat.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu sa compétence pour statuer sur les demandes de la société Akwel à l’encontre des sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering.
2) Sur la concurrence déloyale
Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective, la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit ou un service constitue un acte de dénigrement, pouvant donner lieu réparation, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, la divulgation relevant alors du droit de libre critique sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression (Com 09/01/2019 n°17-18.530).
En l’occurrence, dans le publicommuniqué litigieux, les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering, bien que visant des études réalisées par leurs avocats, affirment, de manière péremptoire et catégorique, sans employer le mode conditionnel, que la poche distribuée par la société Akwel ne constitue pas une invention brevetable au sens du code de la propriété intellectuelle. Leurs propos volontairement simplifiés tendent à introduire une confusion dans l’esprit du lecteur non averti entre des brevets antérieurs décrivant une poche similaire tombés dans le domaine public et celui de la société Akwel, encore enregistré à l’INPI, à ce jour, qui protège une invention dont elle est l’auteur. Cette remise en cause du droit de propriété intellectuelle détenu par la société Akwel est accompagnée d’une critique virulente de la communication commerciale dans laquelle celle-ci se prévaut de la protection accordée à ses produits par le dit brevet lui conférant un monopole sur le marché français. L’article est particulièrement offensif en ce qu’il met clairement en cause la loyauté de la société Akwel et porte atteinte à sa crédibilité, en laissant entendre qu’elle utiliserait des procédés illégaux afin de tenter de dissuader ses clients d’acheter un produit concurrent non protégé par un brevet. Les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering vont jusqu’à proposer leur aide à des professionnels qui souhaiteraient acheter leurs produits, face aux attaques dont ils pourraient faire l’objet de la part de la société Akwel qui est donc décrite comme particulièrement agressive.
Dans cet article, la société Akwel est citée nommément et il est fait état de ses poches ainsi que de la marque SEIM sous laquelle elles sont commercialisées. La victime du dénigrement ainsi que ses produits sont bien identifiables par sa clientèle.
Les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering ne sont pas étrangères au milieu professionnel concerné mais au contraire, sont les concurrents directs de la société Akwel sur le marché des poches d’additivation puisqu’elles fournissent également des poches en plastique préremplies qui tendent à compléter le filtre à particules fines équipant certains véhicules diesel. En procédant à la publication de l’article litigieux, les sociétés appelantes ne poursuivaient donc pas un but d’intérêt général destiné à éclairer le choix des consommateurs mais cherchaient clairement à jeter le discrédit sur la société Akwel, en répandant à son propos et au sujet de ses produits, des informations malveillantes pour bénéficier d’un avantage concurrentiel en détournant sa clientèle à leur profit.
La divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte (Com., 24 septembre 2013, n° 12-19.790).
A ce jour, aucune décision judiciaire n’a annulé le brevet déposé par la société Akwel. Or, la publication litigieuse tend à faire croire au consommateur que le marché de la poche d’additivation est libre. Et l’exception de vérité n’étant pas applicable en matière de dénigrement, il est indifférant que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ait rejeté la demande reconventionnelle de la société Akwel en interdiction provisoire des réservoirs souples commercialisés par la société Green Source Engineering, en considérant, dans son ordonnance du 10 juillet 2024, que la vraisemblance de la validité du brevet de la société Akwel n’était pas établie.
L’article litigieux a fait l’objet d’une diffusion publique par le biais du journal […] diffusé en version papier à 45 465 exemplaires et en version électronique auprès des professionnels français de l’automobile qui sont les principaux clients tant de la société intimée que des sociétés appelantes. L’article litigieux a été également mis en ligne sur le site internet de Green Source Engineering dans trois onglets (accueil, presse et foire aux questions). Il n’est donc nullement passé inaperçu, ayant fait l’objet d’une diffusion large et active auprès des potentiels acheteurs.
Le préjudice subi par la société Akwel du fait du dénigrement est avéré dès lors qu’il est jeté le discrédit sur ses produits et porté atteinte à leur réputation.
Le jugement critiqué sera, par conséquent, confirmé en toutes ses dispositions.
3) Sur les frais du procès
Les sociétés appelantes qui succombent seront condamnées aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimée et de lui allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.
LA COUR,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering aux entiers dépens d’appel,
Condamne in solidum les sociétés Amosan Distribution, Amosan Petrochemicals et Green Source Engineering à payer à la société Akwel une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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