Les demandes de constatations ou de dire et juger

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Les demandes de constatations ou de dire et juger

La juridiction n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

L’Essentiel : La société Fhoenix Productions, devenue GF Événements, a été confrontée à des difficultés financières entraînant une procédure de redressement judiciaire en janvier 2020, suivie d’une liquidation en juin 2020. En mars 2022, le comptable public a assigné M. [S] [X], ancien gérant, pour le rendre solidairement responsable des impôts impayés. Ce dernier a contesté l’assignation, arguant de la tardiveté de l’action et de son absence de responsabilité en tant que dirigeant de fait. Cependant, le tribunal a jugé M. [S] [X] responsable, le condamnant à verser 258.822,61 euros au comptable public, sans intérêts.
Résumé de l’affaire :

Exposé du litige

La société Fhoenix Productions, immatriculée le 31 décembre 2014, a pour objet l’édition et la production d’œuvres de l’esprit, ainsi que diverses activités de communication et de management artistique. Après la démission de son premier gérant, M. [S] [X], en mai 2017, la société a été dirigée par d’autres gérantes. En avril 2018, le service des impôts a notifié à la société une proposition de rectification concernant des impayés de TVA et d’impôt sur les sociétés pour les années 2015 et 2016.

Procédures judiciaires

Le 15 juin 2018, un avis de mise en recouvrement a été notifié à la société GF Événements, nouvelle dénomination de Fhoenix Productions, pour un montant de 272.245 euros. Le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 27 janvier 2020, reportant la date de cessation des paiements au 28 juillet 2018. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 24 juin 2020.

Assignation de M. [S] [X]

En mars 2022, le comptable public a demandé l’autorisation d’assigner M. [S] [X] pour le déclarer solidairement responsable des impositions dues par la société. L’assignation a été effectuée, et M. [S] [X] a constitué avocat. L’affaire a été renvoyée en mise en état, avec des échanges de conclusions entre les parties.

Arguments du comptable public

Le comptable public a soutenu que M. [S] [X] avait commis des manquements graves aux obligations fiscales, notamment en omettant de déclarer les impôts dus. Il a également affirmé que la société n’exerçait pas l’activité d’édition, mais plutôt une activité de gardiennage. La créance fiscale a été jugée irrécouvrable en raison des manquements de M. [S] [X], qui a quitté la société sans régulariser la situation.

Réponse de M. [S] [X]

M. [S] [X] a contesté la demande du comptable public, arguant que l’action en recouvrement était irrecevable en raison de sa tardiveté. Il a également soutenu qu’il n’était pas le dirigeant de fait et que d’autres gérantes avaient omis de contester les rectifications fiscales. Il a fait valoir que la société n’avait pas d’activité réelle et que les montants réclamés étaient liés à une autre société.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré M. [S] [X] solidairement responsable des impositions dues par la société, en raison de ses manquements aux obligations fiscales. Il a été condamné à payer la somme de 258.822,61 euros au comptable public, sans intérêts. Le tribunal a également rejeté les demandes accessoires et a condamné M. [S] [X] aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la responsabilité solidaire du dirigeant selon l’article L.267 du livre des procédures fiscales ?

L’article L.267 du livre des procédures fiscales stipule que « Lorsqu’un dirigeant d’une société, d’une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s’il n’est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d’une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire.

À cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement.

Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal judiciaire ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor. »

Ainsi, pour qu’un dirigeant soit déclaré solidairement responsable, il faut prouver qu’il a commis des manœuvres frauduleuses ou qu’il a gravement et de manière répétée omis de respecter ses obligations fiscales, rendant ainsi impossible le recouvrement des impositions dues par la société.

Comment le tribunal évalue-t-il la recevabilité de l’action en recouvrement au regard du délai d’action ?

Le tribunal doit apprécier si l’Administration fiscale a engagé l’action prévue à l’article L.267 dans un délai raisonnable.

Le caractère satisfaisant ou non de ce délai relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, tenus de motiver leur décision. Le dirigeant ne peut être tenu du paiement de la dette fiscale que si son recouvrement sur la société elle-même est rendu impossible.

Dans le cas présent, l’impécuniosité de la société a été caractérisée à la date de notification à l’administration fiscale de l’admission de sa créance et de son irrécouvrabilité, établies selon les pièces produites aux débats le 22 février 2022.

Bien que la société ait été placée en redressement judiciaire le 27 janvier 2020, le tribunal a jugé que le délai de 4 mois et demi entre l’admission de la créance et l’assignation était satisfaisant au regard des circonstances du litige.

Quelles sont les implications de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales par le dirigeant ?

L’inobservation grave et répétée des obligations fiscales est établie lorsque la créance trouve son origine dans des déclarations déposées sans paiement, dans l’absence de déclaration ou en cas de minoration des bases imposables.

Le fait de ne pas régler spontanément l’impôt au moment où il doit être légalement acquitté constitue une inobservation. Les inobservations fiscales sont considérées comme graves lorsqu’elles concernent des taxes sur le chiffre d’affaires, comme la TVA, qui est perçue auprès des clients pour être reversée au Trésor Public.

Le tribunal a constaté que l’administration fiscale avait relevé des manquements consistant en une absence de déclaration de TVA et en une absence de dépôt des déclarations d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos 2015 et 2016, malgré une mise en demeure.

Ces manquements sont constitutifs d’inobservations graves et répétées des obligations fiscales par M. [S] [X], ce qui a rendu impossible le recouvrement des dettes fiscales de la société.

Quelles sont les conséquences de la responsabilité solidaire du dirigeant sur le paiement des impositions ?

La responsabilité solidaire du dirigeant implique qu’il est tenu de payer les impositions et pénalités dues par la société.

Dans le cas présent, M. [S] [X] a été déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités de la société Fhoenix Productions, désormais GF Events, pour un montant de 258.822,61 euros.

Cependant, il est important de noter que l’article L.267 ne prévoit pas que le dirigeant soit condamné au paiement des intérêts au taux légal, car il ne vise que les impositions et pénalités dues par la société, à l’exception des intérêts.

Ainsi, le tribunal a débouté le comptable public de sa demande relative aux intérêts, confirmant que la responsabilité du dirigeant est limitée aux impositions et pénalités, sans inclure les intérêts.

Comment le tribunal a-t-il évalué la qualité de dirigeant de M. [S] [X] dans cette affaire ?

Le tribunal a évalué la qualité de dirigeant de M. [S] [X] en se basant sur les documents produits aux débats, qui indiquent qu’il était gérant de la société lors de sa création et a exercé cette fonction jusqu’à sa démission le 15 juin 2016.

L’article L.267 précise que la responsabilité est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société.

Le tribunal a constaté que M. [S] [X] exerçait effectivement la direction de la société pendant la période concernée par les rectifications fiscales.

Il a également noté que M. [S] [X] ne pouvait pas se contenter d’invoquer que d’autres personnes étaient des dirigeants de fait sans en apporter la preuve.

En l’absence de preuve d’une délégation de pouvoir à un tiers, M. [S] [X] a été reconnu comme le dirigeant responsable des manquements fiscaux de la société.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01

N° RG 22/04940 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WMH7

JUGEMENT DU 17 JANVIER 2025

DEMANDERESSE :

Le COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES EN CHARGE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DU NORD – dit PRS Nord,
agissant sur autorisation du Directeur Régional des Finances Publiques
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

M. [S] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE
représenté par Me Morgane DELANNOY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Marie TERRIER, Vice- Présidente agissant sur délégation du Président du tribunal judiciaire, en application de l’article L267 du livre des procédures fiscales.

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture rendue en date du 23 Février 2024, avec effet différé au 29 Mars 2024 ;

A l’audience publique du 04 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 17 Janvier 2025.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Janvier 2025, et signé par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

La société Fhoenix Productions dont le siège social était initialement fixé à [Adresse 4] et qui avait pour objet « ;l’édition et production des œuvres de l’esprit, conception et réalisation de tous supports publicitaires et de communication, production artistique et audiovisuelle, communication événementielle et institutionnelle, relations publiques, management et promotion artistique et culturelle ;», avait été immatriculée le 31 décembre 2014 et pour premier gérant, M. [S] [X] jusqu’à sa démission publiée au registre du commerce et des sociétés le 26 mai 2017 et à laquelle Mesdames [W] [G] [B] [N] et [D] [H] [K] ont succédé.

Après plusieurs vérifications de comptabilité, le service des impôts a notifié à la société une proposition de rectification en date du 9 avril 2018, portant notamment sur des impayés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’impôt sur les sociétés (IS) pour les années 2015 et 2016.

Par la suite, le comptable public a notifié le 15 juin 2018 à la société GF évents, nouvelle dénomination de la société Fhoenix Productions un avis de mise en recouvrement de la somme de 272.245,00 euros et une mise en demeure valant commandement de payer le 10 juillet 2018.

Par jugement en date du 27 janvier 2020, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par une assignation du comptable public a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société et a reporté la date de cessation des paiements au 28 juillet 2018.

Le 19 mars 2020, le comptable public a déclaré ses créances pour un montant de 258.822,61 euros entre les mains du liquidateur principalement pour la TVA des années 2015 et 2016. Par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 juin 2020, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Au visa du caractère irrécouvrable de sa créance, le comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord a, sur autorisation du Directeur régional des Finances publiques de Lille du 30 mars 2022, sollicité du président du Tribunal judiciaire de Lille, l’autorisation d’assigner à jour fixe M. [S] [X] aux fins de le voir déclarer solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société en raison des manquements aux obligations fiscales, sur le fondement de l’article L.267 du livre des procédures fiscales.

Autorisation a été donnée suivant ordonnance du 30 juin 2022 pour l’audience du 5 septembre 2022 à laquelle M. [S] [X] a été assigné suivant acte du 19 juillet 2022.

Sur cette assignation, M. [S] [X] a constitué avocat, l’affaire a été renvoyée en mise en état et les parties ont échangé leurs conclusions.

Par ordonnance du 20 octobre 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par M. [S] [X], dans l’attente de la mise en cause de M. [P] [R] [V] et des Mesdames [W] [G] [B] [N] et [D] [H] et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 1er décembre 2023.

Sur ordonnance du juge de la mise en état du 23 février 2024, la clôture de l’instruction de l’affaire a été ordonnée au 29 mars 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience prise à juge rapporteur du 4 novembre 2024.

Aux termes des dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 7 février 2024, le comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord sollicite du tribunal de :

Déclarer Monsieur [S] [X] solidairement responsable des impositions et pénalités dues par la Sarl GF Events anciennement dénommée Fhoenix Productions ;;
Le condamner à payer au comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du nord la somme de 258.822,61 € avec les intérêts à compter de l’assignation ;;
Le condamner à payer au comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du nord la somme de 5.000 € et les dépens.

Au soutien de ses prétentions, le comptable public souligne que les conditions de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales sont réunies puisque M. [S] [X] a été le dirigeant effectif de la société de 2014 à 2016 et a commis sur plusieurs exercices, des manquements graves et répétés aux obligations fiscales en omettant notamment d’effectuer toute déclaration fiscale de son activité et éludant ainsi tous les impôts (TVA, impôt sur les sociétés, taxe d’apprentissage et autres droits). Il soutient que l’activité de la société n’était pas une activité d’édition, telle que reprise à son objet social mais une activité de gardiennage.

Il allègue que la dette fiscale est irrécouvrable en raison des manquements de son dirigeant qui a ensuite quitté la société sans régulariser la situation, la laissant par ailleurs insolvable.

S’agissant du délai d’action, le comptable public soutient que le délai raisonnable visé par les instructions du BOFIP ne doit pas s’entendre d’un délai de moins de deux ans et ajoute qu’il ne pouvait agir avant que sa créance ne devienne incontestable par son admission au passif de la liquidation le 22 février 2022.

Quant à la vérification fiscale, il explique qu’elle a été effectuée avec les dirigeants de droit qui pouvaient se faire accompagner notamment par un expert-comptable et que M. [X] pouvait intervenir s’il le souhaitait.

Il invoque que lors du redressement, aucun relevé de compte ne lui a été volontairement transmis par les parties mais qu’il a chiffré les impositions fraudées à partir des relevés obtenus dans l’exercice de son droit de communication.

Il déplore une absence de collaboration de M. [X] avec le liquidateur pour lui transmettre sa comptabilité.

Sur la responsabilité fiscale de M. [X], le comptable public expose que l’arrêt de la cour d’appel de Versailles dont se prévaut le défendeur concerne une autre société que celle des présents débats, à savoir la société Fhoenix dont il était également le gérant et qui a fait l’objet d’un redressement fiscal, d’une liquidation judiciaire ainsi que d’une condamnation de M. [X] en comblement de passif et à une interdiction de gérer pendant cinq ans.

Il soutient que l’argument de M. [X] selon lequel la société Fhoenix Productions n’a eu aucune activité mais a seulement servi à encaisser les factures de la société Man sécurité, doit être expliqué non pas dans la présente instance en responsabilité mais lors d’une réclamation face aux redressements.

Enfin, il fait valoir que si M. [X] estime devoir partager la charge finale de sa condamnation, il lui appartient d’assigner les autres parties et d’intenter une action récursoire à leur encontre mais qu’à son égard, en tant que dirigeant de droit pour la période considérée, il était tenu de tenir une comptabilité et de déclarer ses impôts et est donc le seul responsable.

Par conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 29 novembre 2023, M. [S] [X] sollicite du tribunal ;:

Vu l’article L. 267 du livre des procédures fiscale ;

Vu les pièces du dossier ;

Déclarer le comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord, dit PRS NORD irrecevable et mal fondé en ses demandes ;
En conséquence :

A titre principal,

Rejeter les moyens, fins et conclusions du comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord, dit PRS NORD à l’égard de Monsieur [S] [X] ;
Déclarer irrecevable l’action en recouvrement fiscal engagée par le comptable des finances publiques en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord, dit PRS NORD à l’égard de Monsieur [S] [X] ;
A titre subsidiaire,

Mettre hors de cause Monsieur [S] [X] en sa qualité gérant de Fhoenix Productions ;;
En tout état de cause,

Mettre à la charge du trésor public la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner le trésor public aux entiers dépens.

M. [S] [X] soutient que l’action en recouvrement engagée par le comptable public à son encontre est irrecevable comme tardive car survenue plus de 24 mois après le jugement de liquidation de la société.

A titre subsidiaire, il invoque que s’il a été le dirigeant de droit, il n’était pas le dirigeant de fait et qu’ainsi M. [P] [R] [V], comptable de formation était le véritable gérant et devrait être dans la cause. Il ajoute que le comptable public ne justifie pas des raisons pour lesquelles il s’abstient de poursuivre également les deux gérantes qui lui ont succédé alors qu’elles ont omis de contester les rectifications et engagent leur responsabilité fiscale.

Il fonde ses motifs sur un arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 9 avril 2019 rendu sur appel de sa part au regard des sanctions prononcées par le tribunal de commerce de Nanterre et souligne que la cour d’appel n’a retenu que partiellement sa responsabilité.

Il explique que les montants réclamés relèvent en réalité de la société Man Sécurité et qu’ils n’ont été encaissés sur les comptes de la société Phoenix Productions qu’en raison des difficultés qu’elle rencontrait avec ses comptes bancaires. Il soutient que la société Fhoenix Productions n’exerçait aucune activité et n’avait aucune recette et qu’il a donc satisfait à ses obligations comptables.

Enfin, il allègue que les déclarations du comptable public sont contradictoires puisqu’il invoque qu’aucun relevé de compte ne lui a été transmis puis que lesdits relevés ont permis de procéder à une reconstitution de TVA.

La décision a été mise en délibéré au 17 janvier 2025.

Sur ce,

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu’il n’est pas tenu de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la responsabilité solidaire du dirigeant

L’article L. 267 du livre des procédures fiscales énonce que « ;Lorsqu’un dirigeant d’une société, d’une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s’il n’est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d’une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement.

Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal judiciaire ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor. ;»

L’article L. 267 du livre des procédures fiscales permet de déclarer le dirigeant personnellement et solidairement tenu au paiement des impositions et pénalités dues par la société lorsque celui-ci, par des manœuvres frauduleuses et/ou une inobservation grave et répétée des diverses obligations fiscales, a fait obstacle au recouvrement des sommes dont la société était normalement redevable.

Aux termes des dispositions de l’article R267-1 du même code, en cas d’assignation prévue par le premier alinéa de l’article L. 267, le président du tribunal statue selon la procédure à jour fixe.

Le comptable public compétent mentionné par le même alinéa est un comptable de la direction générale des finances publiques.

Sur la recevabilité de la demande principale au regard du délai d’action du requérant

L’Administration fiscale est tenue d’engager l’action prévue à l’article L267 du livre des procédures fiscales dans des délais satisfaisants.

Le caractère satisfaisant ou non de ce délai relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, tenus de motiver leur décision.

Le dirigeant de la société ne peut être tenu du paiement de la dette fiscale que dans la mesure où son recouvrement sur la société elle-même est rendu impossible.

En l’espèce, l’impécuniosité de la société n’a été caractérisée qu’à la date de notification à l’administration fiscale de l’admission de sa créance et de son irrécouvrabilité établies selon les pièces produites aux débats le 22 février 2022 (pièce n°9) par le liquidateur car si en effet, la société a été placée en redressement judiciaire le 27 janvier 2020, convertie en liquidation judiciaire le 24 juin 2020, aucune reconstitution de l’actif n’avait pu être opérée. Le seul fait que les saisies bancaires réalisées par l’administration fiscale se soient révélées infructueuses ne peut suffire à caractériser que le redressement de l’entreprise était manifestement impossible.

Aussi, le délai écoulé de 4 mois et demi entre l’admission de la créance et l’assignation apparaît satisfaisant au regard des circonstances du litige.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de déclarer le requérant, recevable à agir.

Sur la demande principale

Sur la qualité de dirigeant

Le dirigeant poursuivi en application des dispositions de l’article L.267 du livre des procédures fiscales est reconnu responsable s’il est l’auteur des manquements ou manoeuvres constatés, étant précisé que ce texte spécifie que « ;cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. ;»

La responsabilité personnelle du dirigeant est caractérisée lorsque les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé la gestion. Lorsque la direction effective du dirigeant n’est pas contestée ou en l’absence de précision ou justification à l’appui de ses affirmations, la seule constatation des inobservations fiscales permet d’établir sa responsabilité.

Un dirigeant de société peut donc s’exonérer de sa responsabilité personnelle en apportant la preuve qu’il n’a pas exercé effectivement ses pouvoirs, étant précisé que la direction effective par un tiers n’est exonératoire pour le dirigeant de droit que si celle-ci est exclusive. Par ailleurs, le dirigeant effectif étant responsable du bon fonctionnement de la société, il ne peut utilement invoquer le mauvais fonctionnement du service comptable de la société qu’il dirige pour s’exonérer de sa responsabilité.

Enfin, l’application du texte précité, qui n’exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant, n’est pas non plus subordonnée à la preuve du caractère intentionnel des manquements imputables à ce dernier, sauf manoeuvres frauduleuses.

En l’espèe, il résulte des documents produits aux débats que la société avait pour associés ;: M. [S] [X], désigné gérant lors de sa création et M. [F] [A].

Puis par procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire de la société en date du 15 juin 2016, il a été constaté la démission de M. [S] [X] de sa qualité de gérant à cette date et la succession de Mesdames [W] [G] [B] [N] et [D] [H] [K] dans ces fonctions.

Or, en application du texte précité, il n’incombe pas de manière obligatoire à l’administration fiscale de mettre en cause l’ensemble des gérants de droit et de fait d’une société, puisqu’envisagée comme cause exonératoire du dirigeant de droit, c’est à ce dernier qu’il appartient d’accomplir les diligences aux fins de l’établir.

M. [S] [X] ne saurait se contenter d’invoquer que M. [P] [R] [V], comptable de formation, aurait été dirigeant de fait de la société, il lui appartient d’en apporter la preuve.

Celle-ci ne peut procéder de la seule condamnation de [P] [R] [V] en qualité de gérant de fait de la SARL Fhoenix qui ne correspond pas à la même personne morale que la société Fhoenix Productions, objet de la présente instance.

De plus, il ne justifie d’aucune délégation de pouvoir, même tacite, qu’il lui aurait attribué afin qu’il assure la direction effective de l’entreprise.

Par ailleurs, il est constaté que les impositions réclamées s’étendent sur la période de 2014 à 2016. Or, le comptable public précise même que l’activité de la société GF Events a cessé à la moitié de l’année 2016, soit au moment du départ de M. [S] [X], ainsi que les relevés de comptes obtenus dans le cadre du droit de communication l’ont démontré.

Aucune action en contestation du montant des sommes recouvrées n’a été introduite devant les juridictions administratives, pas plus que Mr [X] n’a fait attraire à la présente instance les nouvelles dirigeantes lui ayant succédé, malgré l’incident de sursis à statuer qu’il avait introduit pour l’audience d’incident du 5 juin 2023.

Il ne peut dès lors valablement soutenir que les gérantes qui lui ont succédé à compter du 15 juin 2016 sont responsables des agissements sur la période considérée.

En conséquence, il est établi que M. [S] [X] exerçait en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société Fhoenix Productions pendant la période concernée par la rectification.

Sur l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales et l’impossibilité de recouvrement

L’inobservation grave et répétée des obligations fiscales est établie lorsque la créance trouve son origine dans des déclarations déposées sans paiement ou dans l’absence de déclaration ou encore en cas de minoration des bases imposables, ayant contraint l’administration à procéder par voie de taxation d’office ou de rappels d’impôts.

Le fait de ne pas régler spontanément l’impôt au moment où il doit être légalement acquitté est constitutif d’une inobservation.

Les inobservations fiscales sont graves lorsqu’elles ont trait à des taxes sur le chiffre d’affaires dans la mesure où la TVA est perçue auprès des clients en vue d’être reversée au Trésor Public. Son produit ne peut être détourné à d’autres fins, notamment comme moyen de trésorerie.

Le nombre minimum de manquements susceptibles de générer l’application de l’article L. 267 n’est pas fixé et la notion de répétition s’apprécie selon le cas d’espèce, eu égard à la nature des manquements dans le temps reproché au dirigeant dont la responsabilité est recherchée.

Par ailleurs, le caractère de gravité s’apprécie au regard des manquements en tant que tels sans qu’il soit besoin de rechercher si les circonstances économiques difficiles et la bonne foi du dirigeant sont de nature à l’excuser ou à en atténuer la portée.

En l’espèce, l’administration expose qu’aucune comptabilité ne lui a été remise et qu’un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été signé le 24 août 2017. Elle explique que la banque lui a remis les relevés de compte de la société et que ;la vérification de comptabilité a révélé des manquements consistants en une absence de déclaration de TVA et en une absence de dépôt des déclarations d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos 2015 et 2016 ;malgré la mise en demeure du 14 juin 2017 reçue le 21 juin 2017.

Ces manquements dénoncés par l’administration fiscale sont constitutifs d’inobservations graves et répétées des obligations fiscales par M. [S] [X].

S’agissant de l’impossibilité de recouvrement des dettes fiscales de la société en lien de causalité avec ces manquements et manœuvres, il est nécessaire que les manquements répétés et graves du dirigeant ou ses manœuvres frauduleuses doivent avoir rendu impossible le recouvrement de l’impôt, ce qui implique de rechercher si le comptable poursuivant a mis en œuvre les actes de poursuite nécessaires pour obtenir le paiement des impositions par la société et partant, s’il a fait preuve de diligence et de célérité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le comptable public a émis un avis de mise en recouvrement le 15 juin 2018 suivi d’une mise en demeure avec accusé de réception du 10 juillet 2018.

Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société rendu le 27 janvier 2020, suivant assignation du comptable le 24 octobre 2019 indique que le comptable public a poursuivi le recouvrement forcé par voie de saisies attribution², sans succès.

De plus, le comptable public a déclaré sa créance au passif de la procédure collective le 19 mars 2020 suite au jugement d’ouverture du 27 janvier de la même année.

Ces éléments démontrent que le comptable public a fait preuve de diligences pour obtenir le recouvrement de ses créances auprès de sa débitrice et que l’impossibilité de recouvrement des dettes fiscales incombe totalement à celle-ci. Les inobservations graves et répétées des obligations ;fiscales ;ont rendu impossible le recouvrement de la créance, laissant ainsi s’accumuler une dette ;fiscale ;excessive, dont le recouvrement devenait impossible.

Si M. [X] avait réalisé toutes les déclarations qui lui incombaient en temps utile, elle n’aurait pas, par la suite exposé l’administration fiscale à l’impossibilité de recouvrir sa créance sur la société Fhoenix Productions.

De plus, l’argument selon lequel M. [S] [X] remet en cause le bien-fondé de l’impôt en soutenant que la société Fhoenix Productions a encaissé des sommes sur ses comptes bancaires uniquement en lieu et place de la société Man sécurité ne peut prospérer.

En effet, non seulement les juridictions de l’ordre judiciaire n’ont pas compétence pour trancher les questions tenant à la procédure d’imposition relative à la taxe sur la valeur ajoutée puisqu’elles ressortent de la compétence exclusive des juridictions administratives à l’égard desquelles aucune instance n’a été introduite ni transmission sollicitée, mais surtout, les explications apportées par Monsieur [X] pour justifier de l’encaissement des fonds en lieu et place de la société Man sécurité conduisent plutôt à trahir l’existence d’une fraude qui ne saurait être en soi de nature à dispenser la société Fhoenix Productions de son obligation au paiement de la TVA. Partant, ces explications apparaissent dépourvues de tout caractère sérieux et il n’y a pas lieu de transmettre, même d’office la question préjudicielle aux juridictions administratives.

En conséquence, les conditions de l’article L.267 du livre des procédures fiscales étant réunies, M. [S] [X] sera déclaré responsable solidairement avec la société Fhoenix Productions désormais GF Events du paiement des dettes fiscales et sera condamné à payer au comptable public la somme de deux cent cinquante-huit mille huit cent vingt-deux euros et soixante et un centimes (258.822,61 euros).

Cependant, le dirigeant d’une société ne peut être condamné au paiement des intérêts au taux légal, dès lors que l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ne vise que les impositions et les pénalités dues par la société, à l’exception des intérêts au taux légal (Com. 8 décembre 2009). Il convient en conséquence de débouter le demandeur du surplus de ses demandes, en ce qu’elles sont relatives aux intérêts.

Sur les demandes accessoires

M. [S] [X] qui succombe, sera condamné à payer les dépens.

Supportant les dépens, M. [S] [X] sera condamné à payer au comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de 1.800,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

REJETTE la fin de non recevoir soutenue par M. [S] [X] au titre de la tardiveté de l’action du requérant ;

DECLARE M. [S] [X] solidairement et personnellement responsable du paiement des impositions et pénalités de la société Fhoenix Productions désormais GF Events, en tant que dirigeant de droit jusqu’à sa démission le 15 mai 2016 ;;

CONDAMNE M. [S] [X] à payer au Comptable public du Pôle recouvrement spécialisé du Nord la somme globale de deux cent cinquante-huit mille huit cent vingt-deux euros et soixante et un centimes (258.822,61 euros) au titre de la dette fiscale ;

DEBOUTE le Comptable public du Pôle recouvrement spécialisé du Nord s’agissant de sa demande relative aux intérêts ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;;

DEBOUTE M. [S] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;;

CONDAMNE M. [S] [X] à payer au Comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de mille huit cents euros (1.800,00 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;;

CONDAMNE M. [S] [X] aux dépens de l’instance.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


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