Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Modification des clauses bénéficiaires d’assurance-vie et contestation de leur validité
→ RésuméDécès et Contrats d’Assurance-VieUne personne décédée en 2018 avait souscrit deux contrats d’assurance-vie en 1996 et 2004. De son vivant, elle avait été placée sous curatelle renforcée en 2016 suite à des mouvements suspects sur ses comptes, ce qui a conduit à une enquête pénale. Succession et Bénéficiaires ModifiésLa défunte a laissé derrière elle six héritiers, qui ont accepté la succession. Ils ont découvert que les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie avaient été modifiées en 2015, désignant de nouveaux bénéficiaires, dont une voisine et une auxiliaire de vie, ce qui a suscité des soupçons. Litiges et Procédures JudiciairesLes héritiers ont engagé des actions en justice pour annuler la modification des bénéficiaires et récupérer les sommes perçues par les nouveaux bénéficiaires. Des procédures ont également été initiées concernant un licenciement contesté de l’auxiliaire de vie, qui a été jugé nul par le conseil de prud’hommes. Demandes des PartiesLes héritiers ont formulé plusieurs demandes au tribunal, incluant l’annulation de la modification des bénéficiaires et le remboursement des sommes perçues. Les défendeurs, quant à eux, ont contesté la recevabilité des demandes et ont demandé à être déboutés. Décisions du TribunalLe tribunal a déclaré irrecevables certaines fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs et a annulé la modification des clauses bénéficiaires. Il a également condamné les défendeurs à rembourser des sommes perçues et à verser des indemnités à l’indivision successorale, tout en déboutant les demandes supplémentaires des parties. Conclusion et Exécution de la DécisionLa décision du tribunal a été rendue exécutoire, et les parties ont été informées qu’il n’y avait pas lieu de l’écarter. L’affaire a été mise en délibéré pour une audience ultérieure. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre
2ème section
N° RG 21/09836
N° Portalis 352J-W-B7F-CU5LJ
N° MINUTE :
Assignations du :
23 juin 2021
05 juillet 2021
22 février 2022
JUGEMENT
rendu le 21 novembre 2024
DEMANDEURS
Monsieur [Z] [AH], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U]
[Adresse 5]
[Localité 14]
représenté par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
Monsieur [K] [AH], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U]
[Adresse 24]
[Localité 1]
représenté par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
Monsieur [E] [I], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U]
[Adresse 12]
[Localité 17]
représenté par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
Madame [Y] [I], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U]
[Adresse 4]
[Localité 15]
représentée par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
Madame [D] [I], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U]
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 22] (ESPAGNE)
représentée par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
Madame [L] [AH], en qualité d’ayant droit de Mme [N] [U], prise en la personne de sa tutrice Madame [RC] [G] [P] demeurant [Adresse 13]
[Adresse 9]
[Localité 10]
représentée par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2163
DÉFENDERESSES
Madame [X] [T] épouse [O]
[Adresse 11]
[Localité 6]
représentée par Me Anis HARABI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1292
Madame [C] [W] veuve [J], prise en la personne de son habilitateur familial M. [B] [J]
[Adresse 21]
[Adresse 21]
[Localité 16]
représentée par Me Isabelle STEYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0242
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Madame Emeline PETIT, Juge
assistés de Madame Salomé BARROIS, Greffière,
Décision du 21 novembre 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/09836 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU5LJ
DÉBATS
À l’audience du 12 septembre 2024 tenue en audience publique devant Madame PETIT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [N] [U], née le [Date naissance 7] 1919 et demeurant, en dernier lieu, au [Adresse 3], à [Localité 26], est décédée le [Date décès 8] 2018.
De son vivant, Mme [U] avait notamment souscrit les contrats d’assurance-vie GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18], ouverts respectivement en 1996 et 2004.
Le 14 mars 2014, à la suite d’un signalement de la banque postale auprès du parquet en raison de mouvements suspects sur ses comptes, une enquête pénale avait été diligentée, aboutissant à la saisine du juge des tutelles en ouverture d’une mesure de protection.
Par un jugement du 11 février 2016, Mme [U] avait été placée sous le régime de la curatelle renforcée et une association nommée en qualité de curatrice.
Mme [U] a laissé pour lui succéder six cousins au cinquième degré : trois dans la lignée paternelle (M. [K] [AH], M. [Z] [AH], Mme [L] [AH]) et trois dans la lignée maternelle (Mme [Y] [I], M. [E] [I] et Mme [D] [I]), désignés ci-après « les consorts [AH]-[I] ». Ils ont accepté la succession à concurrence de l’actif net.
Ces derniers ont constaté la modification des clauses bénéficiaires des deux contrats d’assurance-vie susvisés, le 27 juillet 2015, au profit de Mme [X] [O]-[T], de M. et Mme [A] [MU] [F] et de Mme [C] [W], veuve [J] (ci-après « Mme [J] »).
De même ont-ils relevé des opérations bancaires qu’ils ont trouvé suspectes entre les années 2013 et 2016, notamment au profit de Mmes [J] et [O]-[T] et de M. [S], présenté comme le compagnon de cette dernière.
M. et Mme [A] [MU] [F] étaient les voisins de Mme [U], de même que Mme [J], laquelle a bénéficié d’une procuration sur ses comptes, entre la fin de l’année 2013 et le placement de Mme [U] sous curatelle renforcée, par jugement susvisé du 11 février 2016.
Mme [O]-[T] avait été son auxiliaire de vie à compter du 4 mars 2013, jusqu’à son licenciement par le curateur de Mme [U], le 21 avril 2017.
Mme [O]-[T] a saisi la juridiction prud’homale d’un litige portant sur sa relation de travail, qui a donné lieu à un jugement du conseil de prud’hommes le 28 juin 2018 disant le licenciement nul. Sur appel interjeté à l’encontre du jugement, la cour d’appel de Paris, par un arrêt du 19 octobre 2021, a confirmé le jugement entrepris sur ce chef de dispositif.
Par assignations des 21, 23 juin et 5 juillet 2021, les consorts [AH]-[I] ont fait citer devant le tribunal judiciaire de Paris, Mme [O]-[T], Mme [A] [MU] [F] et Mme [J], en vue de l’annulation de la modification des bénéficiaires des deux contrats d’assurance vie, intervenue le 27 juillet 2015 et, plus généralement, du remboursement des sommes perçues par ces dernières.
Par dernières conclusions communiquées par RPVA le 27 octobre 2023, intitulées « CONCLUSIONS RECAPITULATIVES n°5 », ici expressément visées, les consorts [AH]-[I], demandeurs, sollicitent du tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les articles 414-1,414-2 du Code civil et 464 du Code civil,
Vu l’ancien article 1382 du Code civil,
Vu les articles 1987 et 1993 du Code civil,
Vu l’article 901 du Code civil,
Vu l’article 1130 du Code civil
DE DIRE ET JUGER que l’action de M. [K] [AH], M. [Z] [AH], Madame [L] [AH], Madame [Y] [I] , M. [E] [I] et Madame [D] [I] est bien fondée et recevableDE DEBOUTER Madame [X] [O] et Madame [C] [J] de toutes leurs demandesDE PRENDRE acte du désistement de M. [K] [AH], M. [Z] [AH], Madame [L] [AH], Madame [Y] [I] , M. [E] [I] et Madame [D] [I] des demandes formées à l’encontre de Madame [A] [MU]D’ANNULER la modification des clauses bénéficiaires en date du 27 juillet 2015 des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18] pour altération des facultés mentales de Madame [N] [U]D’ORDONNER la répartition des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18] entre les héritiers légaux de Madame [N] [U], conformément à la précédente clause bénéficiaireDE CONDAMNER Madame [X] [O] à payer aux demandeurs la somme de 8.522,33€ en remboursement des sommes perçues au titre des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-965019237DE CONDAMNER Madame [C] [J] au paiement de la somme de 44.705,02€ en remboursement des sommes perçues au titre des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-965019237DE CONDAMNER Madame [C] [J] au paiement de la somme de 54.800€ au titre des espèces détournées alors que Madame [N] [U] souffrait d’une altération de ses facultés mentalesDE CONDAMNER Madame [C] [J] au paiement de la somme de 6.900€ au titre des chèques perçus alors que Madame [N] [U] souffrait d’une altération de ses facultés mentalesDE CONDAMNER solidairement Madame [C] [J], Madame [X] [O] au paiement de la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure civileDE CONDAMNER solidairement Madame [C] [J], Madame [X] [O] au paiement des entiers dépens dont recouvrement au profit de Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN »
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 mai 2023, intitulées « Conclusions au fond », ici expressément visées, Mme [C] [W], veuve [J], défenderesse, sollicite du tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les articles 2224, 2234, 1382 ancien, 414-1 et 464 du code civil,
[…]
A titre principal :
DECLARER irrecevables car prescrites les demandes formées contre Madame [J] au titre de l’article 464 du Code civil sur le fondement dudit articleDECLARER irrecevables car prescrites les demandes formées contre Madame [J] au titre de l’article 1240 du Code civil sur le fondement de l’article 2224 du Code civilA titre subsidiaire :
CONSTATER que les conditions des articles 1240 et 464 du Code civil ne sont pas réuniesEn tout état de cause :
DEBOUTER les consorts [U] de l’ensemble de leurs prétentions ;CONDAMNER in solidum les consorts [U] au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du NCPC, ainsi qu’aux entiers dépens. »
Par dernières conclusions, notifiées par RPVA le 26 octobre 2023, intitulées « Conclusions n°3 », ici expressément visées, Mme [X] [O], défenderesse, sollicite du tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les articles 414-1, 414-2 et 464, 1130 et suivants du code civil
JUGER irrecevables et mal fondées les demandes portées contre [X] [T]En conséquence,
REJETER les demandes formées contre [X] [T]CONDAMNER, in solidum, les demandeurs au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de la faute commise dans l’exercice de leur droit d’ester en justiceCONDAMNER, in solidum, les demandeurs au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées, conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.
Dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, statuant sur incidents, le juge de la mise en état, par ordonnance du 29 septembre 2022, a déclaré l’action des consorts [AH] [I] prescrite et donc irrecevable, à l’égard de Mme [O]-[T], sauf pour la demande au titre des contrats d’assurance-vie.
Par ordonnance du 2 mars 2023, le juge de la mise en état a constaté l’extinction de l’instance des consorts [AH]-[I] à l’encontre de Mme [A] [MU] [F].
La clôture a été prononcée le 2 novembre 2023, par ordonnance du même jour. L’audience a été fixée au 12 septembre 2024 et l’affaire mise en délibéré au 21 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par Mme [C] [W] (veuve [J]) tirée de la prescription ;
DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par Mme [X] [O] (née [T]) tirée de la prescription ;
ANNULE la modification des clauses bénéficiaires en date du 27 juillet 2015 des contrats GMO ASSUR- [Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18] de Mme [N] [U] ;
CONDAMNE Mme [X] [O] (née [T]) au paiement de la somme de 8 522 euros (huit mille cinq cent vingt-deux euros), en remboursement des sommes perçues au titre des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18] ;
CONDAMNE Mme [C] [W] (veuve [J]) au paiement de la somme de 44 705 euros (quarante-quatre mille sept cent cinq euros) en remboursement des sommes perçues au titre des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18] ;
ORDONNE la répartition des sommes restituées au titre des contrats GMO ASSUR-[Numéro identifiant 19] et GMO ASSUR-[Numéro identifiant 18], conformément à la clause bénéficiaire en vigueur antérieurement à la modification annulée ;
CONDAMNE Mme [C] [W] (veuve [J]) au paiement de la somme de 40 200 euros (quarante mille deux cents euros) à l’indivision successorale de Mme [N] [M] [U] (née le [Date naissance 7] 1919 à [Localité 25] et décédée le [Date décès 8] 2018 à [Localité 26]), en réparation du préjudice financier tiré de la mauvaise exécution de son mandat ;
CONDAMNE Mme [C] [W] (veuve [J]) au paiement de la somme de 6 900 euros (six mille neuf cents euros) à l’indivision successorale de Mme [N] [M] [U] (née le [Date naissance 7] 1919 à [Localité 25] et décédée le [Date décès 8] 2018 à [Localité 26]) en remboursement des sommes perçues ;
DÉBOUTE Mme [X] [O] (née [T]) de sa demande en réparation pour procédure abusive ;
CONDAMNE Mmes [X] [O] (née [T]) et [C] [W] (veuve [J]) in solidum aux dépens de l’instance ;
CONDAMNE Mmes [X] [O] (née [T]) et [C] [W] (veuve [J]) in solidum à verser à l’indivision successorale de Mme [N] [M] [U] (née le [Date naissance 7] 1919 à [Localité 25] et décédée le [Date décès 8] 2018 à [Localité 26]) la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre des frais irrépétibles ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraire ;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire et DIT qu’il n’y a pas lieu de l’écarter.
Fait et jugé à Paris, le 21 novembre 2024.
LA GREFFIÈRE
Salomé BARROIS
LA PRÉSIDENTE
Nathalie VASSORT-REGRENY
Laisser un commentaire