La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable dès lors que l’appelant a formé appel de la décision rendue. La recevabilité n’est pas conditionnée par la nécessité pour l’appelant d’avoir demandé au premier juge d’écarter l’exécution provisoire ou soutenu des moyens sur les conséquences manifestement excessives qu’elle aurait.
En droit, l’article 514-3 aliénas 1er et 2 du code de procédure civile dispose : « En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. » |
L’Essentiel : Dans cette affaire, le tribunal de commerce de Rouen a condamné une société de services (le vendeur) à verser 20 000 euros à une société de traiteur (la victime) pour concurrence déloyale et parasitisme. Le tribunal a ordonné la suppression de textes publicitaires sur le site du vendeur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a accordé 5 000 euros à la victime pour frais de justice. Le vendeur a ensuite formé appel et demandé l’arrêt de l’exécution provisoire, mais le tribunal a jugé sa demande recevable tout en rejetant l’argument de la victime.
|
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireDans cette affaire, le tribunal de commerce de Rouen a rendu un jugement le 24 juin 2024, condamnant une société de services (le vendeur) à verser une somme de 20 000 euros à une société de traiteur (la victime) pour des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Le tribunal a également ordonné la suppression de certains textes publicitaires sur le site internet du vendeur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a accordé 5 000 euros à la victime au titre des frais de justice. Appel de la décisionLe 6 août 2024, le vendeur a formé appel de cette décision. Par la suite, le 7 novembre 2024, il a assigné la victime en référé devant le premier président de la cour d’appel de Rouen, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce. Demandes des partiesLors de l’audience du 8 janvier 2025, le vendeur a demandé, en premier lieu, l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement. À titre subsidiaire, il a demandé que les sommes dues soient placées sur un compte séquestre. De son côté, la victime a contesté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la jugeant irrecevable, et a demandé que le vendeur soit condamné à lui verser 3 000 euros pour ses frais de justice. Recevabilité de la demande d’arrêtLe tribunal a examiné la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, la demande est recevable si l’appelant a formé appel de la décision et si des conséquences manifestement excessives se sont révélées après la décision de première instance. Le tribunal a conclu que la demande du vendeur était recevable, rejetant ainsi l’argument de la victime. Examen de l’exécution provisoirePour que l’arrêt de l’exécution provisoire soit accordé, il faut prouver l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation. Le vendeur a soutenu que le tribunal de commerce de Rouen était incompétent, mais le tribunal a estimé que la demande de la victime était fondée sur des actes de concurrence déloyale, et non sur des droits d’auteur. Par conséquent, le vendeur n’a pas démontré de moyen sérieux pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire. Décision finaleEn conclusion, le tribunal a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par le vendeur et a condamné ce dernier à payer 2 000 euros à la victime pour ses frais de justice, ainsi qu’aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?La recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est régie par l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule : « En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. » Il en résulte que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable si l’appelant a interjeté appel de la décision rendue. La recevabilité n’est pas conditionnée par la nécessité pour l’appelant d’avoir demandé au premier juge d’écarter l’exécution provisoire ou d’avoir soutenu des moyens sur les conséquences manifestement excessives qu’elle aurait. Dans cette affaire, la Sarl WIN SERVICES a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Rouen, ce qui rend sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire recevable, malgré l’absence d’observations sur l’exécution provisoire devant le premier juge. Ainsi, le moyen d’irrecevabilité soulevé par la Sas OLA TRAITEUR a été rejeté. Quelles sont les conditions pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire ?L’article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile précise les conditions pour accorder l’arrêt de l’exécution provisoire. Il énonce : « Il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, lesquelles doivent s’être révélées postérieurement à la décision de première instance pour la partie qui avait comparu sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire. » Ces conditions sont cumulatives. La partie qui sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire doit prouver que ces conditions sont réunies. La notion de moyens sérieux d’annulation ou de réformation implique la démonstration d’une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge, sans que le premier président n’ait à examiner en profondeur l’ensemble des moyens et arguments des parties. Dans cette affaire, la Sarl WIN SERVICES a invoqué l’incompétence matérielle du tribunal de commerce de Rouen, arguant que l’affaire concernait le droit d’auteur. Cependant, l’action de la Sas OLA TRAITEUR était fondée sur l’article 1240 du code civil, relatif à la concurrence déloyale et au parasitisme, et non sur le code de la propriété intellectuelle. La Sarl WIN SERVICES n’a pas démontré en quoi les premiers juges auraient commis une erreur, ce qui a conduit à rejeter sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Quelles sont les conséquences sur les frais de procédure ?Les frais de procédure sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui dispose que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens. » Dans cette affaire, la Sarl WIN SERVICES, ayant perdu sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, a été condamnée aux dépens. De plus, l’article 700 du code de procédure civile permet à la partie gagnante de demander le remboursement de ses frais non compris dans les dépens. La Sas OLA TRAITEUR a ainsi obtenu une condamnation de la Sarl WIN SERVICES à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700. En conséquence, la Sarl WIN SERVICES a été condamnée à payer les dépens ainsi qu’une somme au titre de l’article 700, ce qui illustre l’application des règles relatives aux frais de procédure dans le cadre d’un litige commercial. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 5 FEVRIER 2025
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le tribunal de commerce de rouen en date du 24 juin 2024
DEMANDERESSE :
SARL WIN SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Mickael LE BORLOCH, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Marie YSCHARD
aide juridictionnelle en cours
DÉFENDERESSE :
SAS OLA TRAITEUR
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Nasser MERABET de la SELARL CCBS, avocat au barreau de Rouen
DÉBATS :
En salle des référés, à l’audience publique du 8 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 5 février 2025, devant M. Erick TAMION, président de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
DÉCISION :
Contradictoire
Prononcée publiquement le 5 février 2025, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signée par M. TAMION, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Par jugement contradictoire du 24 juin 2024 le tribunal de commerce de Rouen a, notamment et principalement avec exécution provisoire de droit, condamné la Sarl WIN SERVICES à payer à la Sas OLA TRAITEUR la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, ordonné la suppression par la Sarl WIN SERVICES sur son site « LA FIESTA PAELLA » à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard au profit de la Sas OLA TRAITEUR des textes litigieux suivants : « Nos paellas et nos prestations », « Traiteur paella à Amiens », « Traiteur paella à domicile à Rouen », « Traiteur paella à domicile à Argentan », débouté la Sas OLA TRAITEUR de sa demande de publication sur le site « LA FIESTA PAELLA » de la Sarl WIN SERVICES du présent jugement, condamné la Sarl WIN SERVICES à payer à la Sas OLA TRAITEUR la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la Sarl WIN SERVICES aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros.
Par déclaration au greffe reçue le 6 août 2024, la Sarl WIN SERVICES a formé appel de cette décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par acte introductif d’instance délivré le 7 novembre 2024, la Sarl WIN SERVICES a fait assigner en référé la Sas OLA TRAITEUR devant le premier président de la cour d’appel de Rouen, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, afin d’arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 24 juin 2024.
A l’audience du 8 janvier 2025, la Sarl WIN SERVICES, représentée par son conseil, a demandé, au soutien de ses conclusions récapitulatives et responsives transmises le 6 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, de :
à titre principal,
– arrêter l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 juin 2024 ;
à titre subsidiaire,
– ordonner le placement sur un compter séquestre ouvert auprès de la CARPA de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 juin 2024 ;
– ordonner le placement sur un compte séquestre ouvert auprès de la CARPA de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens au titre de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 juin 2024 ;
en tout état de cause,
– condamner la Sas OLA TRAITEUR aux dépens et à lui payer 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
De son côté, la Sas OLA TRAITEUR, représentée par son conseil, a demandé, au soutien de ses conclusions, auxquelles il convient également de se reporter pour un exposé des moyens, de :
– juger irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
subsidiairement,
– rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
– limiter l’arrêt de l’exécution provisoire aux points relatifs à la suppression des mentions sur le site internet, et à maintenir cette exécution provisoire pour le surplus des condamnations prononcées ;
– rejeter la demande de consignation des condamnations sur un compte CARPA ;
à titre infiniment subsidiaire,
– ordonner le séquestre des condamnations entre les mains de la Selarl ACTAREC, commissaire de justice à [Localité 5] qui détient les fonds pour avoir procédé à la saisie-attribution des condamnations ;
en tout état de cause,
– condamner la SarlL WIN SERVICES à lui payer 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de la demand’ d’arrêt de l’exécution provisoire
En droit, l’article 514-3 aliénas 1er et 2 du code de procédure civile dispose :
« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »
Il résulte de ces dispositions que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable dès lors que l’appelant a formé appel de la décision rendue.
La recevabilité n’est pas conditionnée par la nécessité pour l’appelant d’avoir demandé au premier juge d’écarter l’exécution provisoire ou soutenu des moyens sur les conséquences manifestement excessives qu’elle aurait.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient la Sas OLA TRAITEUR la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la Sarl WIN SERVICES est recevable, dans la mesure où elle a interjeté appel du jugement rendu le 24 juin 2024 par le tribunal de commerce de Rouen, même si elle n’a pas évoqué devant le premier juge l’exécution provisoire ou ses effets.
En conséquence le moyen d’irrecevabilité soulevé par la Sas OLA TRAITEUR doit être rejeté.
Sur l’arrêt de l’exécution provisoire
L’article 514-3 alinéa 2 précité pose deux conditions cumulatives permettant d’accorder l’arrêt de l’exécution provisoire, à savoir qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, lesquelles doivent s’être révélées postérieurement à la décision de première instance pour la partie qui avait comparu sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire.
C’est à la partie qui sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire de rapporter la preuve que ces conditions cumulatives sont réunies.
La notion de moyens sérieux d’annulation ou de réformation suppose la démonstration d’une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge au regard des éléments qui lui ont été soumis, sans qu’il appartienne à la juridiction du premier président de se livrer à un examen approfondi de l’ensemble des moyens et arguments des parties que la cour examinera au fond.
A l’appui de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la Sarl WIN SERVICES invoque comme moyen sérieux d’infirmation du jugement l’incompétence matérielle du tribunal de commerce de Rouen au profit de celle du tribunal judiciaire de Lille, par application des dispositions des articles L 21-10 et D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire, en ce que l’affaire l’opposant à la Sas OLA TRAITEUR concerne le droit d’auteur.
Dans la mesure où l’action de la Sas OLA TRAITEUR devant le tribunal de commerce de Rouen était fondée sur l’article 1240 du code civil, et non sur le code de la propriété intellectuelle ou la violation de droits d’auteur, pour faire juger d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme à partir de son site internet, et que la Sarl WIN SERVICES n’expose pas concrètement en quoi les premiers juges se seraient trompés pour qu’il leur échappe que les textes publicitaires de la société WIN SERVICES était originaux, cette dernière ne dispose pas d’un moyen sérieux pour solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire.
Ainsi, sans qu’il y ait lieu d’examiner s’il existe des conséquences manifestement excessives en cas de poursuite de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 juin 2024 apparues postérieurement à cette décision, il convient de rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la Sarl WIN SERVICES.
Sur les frais de procédure
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la Sarl WIN SERVICES, partie qui succombe, sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la Sas OLA TRAITEUR la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et mise à disposition au greffe,
Rejette la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la Sarl WIN SERVICES concernant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 24 juin 2024 (RG 2023-009267) ;
Condamne la Sarl WIN SERVICES à payer à la Sas OLA TRAITEUR la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sarl WIN SERVICES aux dépens.
Le greffier, Le président de chambre,
Laisser un commentaire