L’Essentiel : L’affaire concerne un litige commercial entre une société distributrice, désignée comme la société distributrice, et un fournisseur, désigné comme le fournisseur. La société distributrice a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce, contestant la rupture de leur relation commerciale établie. Elle demande à la cour d’appel de déclarer son appel fondé, affirmant que le fournisseur a rompu la relation sans préavis suffisant, et réclame des dommages et intérêts pour le préjudice subi. En réponse, le fournisseur conteste l’existence d’une relation stable et soutient que le préavis notifié était suffisant, demandant des frais de justice.
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Contexte de l’AffaireL’affaire concerne un litige commercial entre une société distributrice, désignée comme la société APM, et un fournisseur, désigné comme la société Strong. La société APM a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, contestant la rupture de leur relation commerciale établie. Prétentions de la Société APMLa société APM demande à la cour d’appel de déclarer son appel recevable et fondé, d’infirmer le jugement initial, et de reconnaître l’existence d’une relation commerciale établie de dix-neuf mois. Elle soutient que la société Strong a rompu cette relation sans préavis suffisant, et réclame des dommages et intérêts pour le préjudice subi, incluant des montants spécifiques pour la rupture brutale et des actes de parasitisme. Prétentions de la Société StrongEn réponse, la société Strong demande la confirmation du jugement initial qui avait débouté la société APM de ses demandes. Elle conteste l’existence d’une relation commerciale stable et soutient que le préavis de trois mois qu’elle a notifié était suffisant. De plus, elle réclame des frais de justice à la société APM. Existence et Durée de la Relation CommercialeLa cour examine la durée de la relation commerciale, notant que la société APM a commencé à passer des commandes en avril 2018, et que la relation a été maintenue jusqu’à la rupture en novembre 2019. Malgré les contestations de la société Strong, la cour conclut à l’existence d’une relation commerciale établie, stable et régulière. Délai de Préavis et ExécutionConcernant le préavis, la société APM réclame un délai de sept mois, tandis que la cour retient que le préavis de trois mois était suffisant. Cependant, la cour constate que la société Strong n’a pas respecté les conditions de préavis, ce qui constitue une rupture brutale de la relation commerciale. Preuve des Actes de ParasitismeLa société APM allègue que la société Strong a profité de sa notoriété pour distribuer ses produits sans investissement. Toutefois, la cour conclut que les éléments fournis ne démontrent pas que la société Strong a agi de manière à détourner la notoriété de la société APM, et déboute cette dernière de sa demande pour actes de parasitisme. Dépens et Frais IrrépetiblesLa cour décide d’infirmer le jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles, condamnant la société Strong à payer des frais à la société APM, en raison de la victoire partielle de cette dernière dans ses prétentions. Conclusion de la CourLa cour infirme le jugement initial en ce qui concerne la rupture de la relation commerciale, déclare la société Strong responsable de cette rupture, fixe le préavis à trois mois, et condamne la société Strong à verser des dommages et intérêts à la société APM, ainsi qu’à couvrir les dépens de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur l’existence et la durée de la relation commerciale établieLa question de l’existence et de la durée de la relation commerciale établie entre les parties est régie par l’article L. 442-1, II du code de commerce, qui stipule : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. » Dans cette affaire, la société Strong conteste le point de départ de la relation commerciale avec la société APM. Cependant, la cour a constaté que les premières commandes de la société APM ont été passées à partir d’avril 2018 et se sont poursuivies sans interruption jusqu’au 7 novembre 2019, ce qui démontre une continuité et une régularité dans leur flux d’affaires, justifiant ainsi que leur relation commerciale soit fixée à dix-neuf mois. La société Strong soutient que cette relation ne présentait pas un caractère suivi, stable et habituel. Elle affirme que la commercialisation d’équipements électroniques est volatile et que la relation était entachée d’incidents. Toutefois, les modalités des commandes étaient clairement définies dans un courriel du 19 juin 2018, ce qui prouve que la société APM bénéficiait d’une distribution exclusive pour certains produits. Sur la détermination du délai de préavis utile et son exécution effectiveLa question du délai de préavis est également régie par l’article L. 442-1, II du code de commerce, qui impose que le préavis soit effectif et que la relation commerciale se poursuive aux conditions antérieures pendant cette période. La société APM prétend que le préavis devrait être fixé à 7 mois, mais la cour a retenu que la société APM réalisait en 2018 et 2019 seulement 2,1% et 0,9% de son chiffre d’affaires avec la société Strong. Ainsi, le préavis de trois mois notifié par la société Strong était suffisant pour permettre à la société APM de réorganiser son activité. Cependant, la société Strong a refusé de fournir des commandes pendant la durée du préavis, ce qui constitue une rupture brutale de la relation commerciale. La cour a donc fixé l’indemnité à laquelle la société APM pouvait prétendre à 20.646,09 euros, en se basant sur la moyenne des chiffres d’affaires réalisés pendant la relation commerciale. Sur la preuve des actes de parasitismeLe parasitisme est défini par l’article 1240 du code civil, qui stipule que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » La société APM soutient que la société Strong a profité de sa notoriété sans investissements pour distribuer ses produits. Cependant, les éléments fournis par la société APM ne permettent pas de prouver que la société Strong a agi de manière à détourner la notoriété de la société APM. Les pièces produites ne démontrent pas un savoir-faire ou des efforts spécifiques consacrés à la distribution des produits Strong. En conséquence, la société APM a été déboutée de sa demande fondée sur les actes de parasitisme. Sur les dépens et les frais irrépétiblesConcernant les dépens et les frais irrépétibles, la société APM ayant triomphé partiellement, la cour a décidé d’infirmer le jugement sur ces points. Elle a condamné la société Strong aux dépens ainsi qu’à payer à la société APM la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision vise à garantir que la partie qui a partiellement gagné obtienne une compensation pour les frais engagés dans le cadre de la procédure. |
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 24 JANVIER 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/20253 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWNS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2021-Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2020030636
APPELANTE
S.A.S. APM FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 432 881 951
Représentée par Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878
INTIMÉE
S.A.R.L. STRONG FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 3]
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 481 612 455
Représentée par Me Georges FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Denis ARDISSON dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La société APM France (‘société APM’), spécialisée dans le commerce de gros d’ordinateurs et d’équipements informatiques, est entrée en relation commerciale à compter d’avril 2018 avec la société Strong France (‘société Strong’), poursuivant une activité de commercialisation d’équipements électroniques audiovisuels sous sa propre marque ‘Strong’ ainsi que des produits des marques ‘Thomson’ et ‘Philips’, les parties ayant convenu que la société APM distribuerait les produits fournis par la société Strong de la marque éponyme.
Au cours de leur relation commerciale, la société APM a sollicité de la société Strong la distribution de l’ensemble des produits Strong, Thomson et Philips sur les points de vente de l’enseigne Leclerc. Cette demande a été refusée par la société Strong.
Par lettre du 7 novembre 2019, la société Strong a dénoncé la relation commerciale avec la société APM en lui accordant un préavis de deux mois au motif d’un désaccord sur leur stratégie commerciale de distribution, et en réponse, la société APM a mis en demeure la société Strong le 9 décembre 2019 de procéder au paiement de la somme de 48.000 euros, à parfaire, au titre d’un préjudice subi résultant d’un préavis insuffisant, la société Strong concédant le 26 décembre 2019 de fixer le préavis à trois mois.
Par acte du 30 juillet 2020, la société APM a assigné la société Strong devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à l’indemniser de préjudices subis au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie ainsi que sur les griefs d’actes de parasitisme.
Par jugement du 25 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société APM de l’intégralité de ses demandes, condamné la société APM à verser à la société Strong la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, ordonné l’exécution provisoire et a condamné la société APM aux dépens.
Vu la déclaration d’appel du jugement de la société APM enregistrée le 25 novembre 2021 ;
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2022 pour la société APM aux fins d’entendre, en application de l’article 442-1-II du code de commerce et de l’article 1240 du code civil :
– déclarer la société APM recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,
– juger que la société APM et la société Strong avaient des relations commerciales établies,
– juger que la société Strong n’a pas octroyé un préavis suffisant à la société APM,
– juger que la société Strong a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société APM,
– fixer à 7 mois le délai de préavis dont aurait dû bénéficier la société APM,
– juger mal fondée et aux torts exclusifs de la société Strong la rupture, par cette dernière, de ses relations commerciales établies avec la société APM,
– juger que la société Strong s’est rendue coupable de parasitisme en profitant sans bourse délier, en profitant de la notoriété et des efforts de vente réalisés par la société APM auprès des magasins de l’enseigne Leclerc,
– condamner la société Strong à payer à la société APM la somme de 62.723 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice principal subi du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies,
– à titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour d’appel estimait le préavis de trois mois fixé par la société Strong suffisant, ou confirmait la décision de première instance sur le principe d’une relation commerciale non établie, condamner la société Strong à payer à la société APM la somme de 20.559,33 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice principal subi du fait du non-respect par la société Strong du délai de préavis de trois mois auquel elle s’était engagée,
– condamner la société Strong à payer à la société APM la somme de 222.182 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice financier subi du fait des agissements parasitaires dont elle s’est rendue coupable,
en tout état de cause,
– débouter la société Strong de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Strong à payer à la société APM la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2022 pour la société Strong aux fins d’entendre, en application de l’article L. 442-5 du code de commerce et des articles 1240 et 1342-2 du code civil :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu’il a débouté la société APM de l’intégralité de ses demandes ; l’a condamné à verser à la société Strong la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens,
– débouter la société APM de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société APM à verser à la société Strong la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
1. Sur l’existence et la durée de la relation commerciale établie
L’article L. 442-1, II. du code de commerce, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et applicable au jour de la rupture de la relation, dispose que :
‘Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels’.
La société Strong conteste en premier lieu le point de départ de la relation commerciale avec la société APM.
Cependant la cour relève que les premières commandes de la société APM ont été passées à partir du mois d’avril 2018 et se sont poursuivies sans interruption jusqu’au 7 novembre 2019, date à laquelle la société Strong a dénoncé la relation commerciale, démontrant ainsi une continuité et régularité dans leur flux d’affaires justifiant que leur relation commerciale soit fixée à dix-neuf mois.
La société Strong soutient en deuxième lieu que, suivant la jurisprudence déduite de l’article L. 442-1, II, cette relation commerciale ne présentait pas un caractère suivi, stable et habituel et que la société APM ne pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires.
En fait, elle conclut que la commercialisation d’équipements électroniques audiovisuels est volatile en ce que le renouvellement automatique du référencement de ses produits par les grandes enseignes de distribution pour l’année suivante n’est jamais acquis. De seconde part, elle prétend que depuis l’origine, la relation entre les parties était entachée d’incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité et sa régularité.
Toutefois, l’accord des parties sur les modalités des commandes était précisé dans un courriel du 19 juin 2018 dans les termes descriptifs suivants :
‘- Gamme de produits concernés : – Réception terrestre, satellite et IP STRONG et THOMSON -STRONG Connected – STRONG TV – Barkan Support TV et accessoires – Réception terrestre et satellite Philips (exclusivité)
– Enseignes concernées : – Cora France et Belgique, – Intermarché – Bricomarché – Intermarché
– Top Office – Conforama (sous condition de la gestion de la ligne de crédit)
– Distribution spécifique au sein de l’enseigne Leclerc et Système U :
Pas de distribution sur les gammes de produits STRONG et THOMSON dans les magasins sous enseigne Leclerc et Système U – Distribution exclusive des produits à la marque Philips dans les magasins sous enseigne Leclerc et Système U’.
Il en résulte que la société APM bénéficiait, outre la distribution des produits Strong, Thomson et Philips dans différentes grandes enseignes, d’une distribution exclusive pour les seuls produits Philips sous enseigne Leclerc et Système U.
D’autre part, les conditions de référencement des produits dans les centres de distribution ainsi que les conditions de leur écoulement ne constituent pas, en eux-mêmes, un obstacle à la preuve du caractère établi de la relation commerciale de distribution entre les deux partenaires en litige.
De surcroît, au jour de la dénonciation de relation commerciale le 7 novembre 2019, le motif soutenu par la société Strong n’était pas attaché au déréférencement de ses produits par les enseignes visées par l’accord de distribution.
Par ailleurs, il ressort des échanges de courriels entre les deux sociétés que le désaccord de la société Strong avec sa partenaire ne portait pas sur l’ensemble des modalités de distribution, mais uniquement sur la distribution des gammes de produits Strong / Thomson sur les points de vente de l’enseigne Leclerc, laquelle a été confiée par la société Strong à un autre distributeur que la société APM, de sorte que la société APM pouvait croire en la pérennité de la relation commerciale auprès des autres enseignes de grande distribution.
En outre, si la société APM a effectivement écrit à la société Strong le 30 octobre 2019, soit plus de dix-huit mois après le début de leur relation et seulement huit jours avant la lettre de rupture du 7 novembre 2019, pour demander pour la première fois les coordonnées de son conseil afin d’entamer des démarches juridiques à son encontre, cette réponse dans ces circonstances n’est pas de nature à rendre objectivement précaire la poursuite de leur relation commerciale.
Enfin, le glissement du volume d’affaires entre les deux sociétés de 268.810,82 euros HT pour l’exercice de 2018 à 144.110,91 euros HT pour l’exercice de 2019 ne permet pas davantage de déduire la précarité de la relation commerciale.
2. Sur la détermination du délai de préavis utile et son exécution effective
Si la société APM prétend voir fixer le préavis à 7 mois, la cour retient, sur la base de durée de la relation commerciale établie ci-dessus, qu’il est constant que la société APM réalisait en 2018 et 2019 2,1% et 0,9% de son chiffre d’affaires annuel avec la société Strong, de sorte que tel que la société Strong l’a finalement notifié à la société APM, le préavis de trois mois pour rompre leur relation commerciale était suffisant pour permettre à la société APM de réorganiser son activité.
En revanche, il suit de l’article L. 442-1. II précité que ce préavis de trois mois doit être effectif, de sorte que pendant cette période, la relation commerciale doit se poursuivre aux conditions antérieures en exécution des mêmes modalités substantielles du contrat qui ont été convenues avant le préavis.
Or il est constant que malgré de nombreuses relances et mises en demeure de la société APM, la société Strong s’est refusée à lui fournir ses commandes pendant la durée du préavis.
Alors qu’il ressort des factures n°2018-4459 et n°2019-4408 versées au débat par la société APM la preuve que les parties s’étaient accordées sur des conditions de paiement différé de soixante et quarante-cinq jours, la société Strong a modifié ces conditions lors de l’exécution du préavis ainsi que cela résulte de son courrier du 17 janvier 2020 subordonnant la livraison des commandes au paiement comptant.
Pour justifier cette modification substantielle de leur relation commerciale, la société Strong se prévaut, d’abord, de son courrier du 17 janvier 2020 dans lequel elle indique ne s’être jamais engagée à livrer les produits sur simple commande conformément à ses conditions générales de vente, conditions qu’elle ne verse cependant pas aux débats.
Elle oppose ensuite sa crainte de voir que les factures émises ne soient pas réglées compte tenu du cadre contentieux en cours et de la pratique de rétention de factures de la part de la société APM sans cependant que de tels motifs justifient la modification des modalités de paiement.
Il se déduit de ce comportement la preuve de la rupture brutale de la relation commerciale établie imputable à la société Strong.
En conséquence, et sur la base de la durée de préavis de trois mois, en suite, de la moyenne des chiffres d’affaires réalisés sur la durée de la relation commerciale, établie à 206.460,87 euros, et enfin, sur celle, non contestée sérieusement par la société Strong, du taux de marge brute de 40 % revendiqué par la société APM, l’indemnité à laquelle cette dernière pouvait prétendre doit être fixée à la somme de 20.646,09 euros ([206.460,87 / 12 x 40 %] x 3 mois).
3. Sur la preuve des actes de parasitisme
Le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil, se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de sa notoriété ou de ses investissements, sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire. Il incombe à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis.
Pour entendre le jugement infirmé en ce qu’il a rejeté sa demande au titre des actes de parasitisme, la société APM soutient que la société Strong a profité, sans investissements, de sa notoriété et de sa valeur économique auprès de l’enseigne Leclerc pour distribuer ses produits par l’intermédiaire d’un distributeur moins cher.
La société APM produit aux débats ses tableaux comptables démontrant le chiffre d’affaires réalisé sur les points de vente de l’enseigne Leclerc représentant pour l’exercice 2017-2018 la somme de 2.627.353 euros HT net, soit 23% de son chiffre d’affaires total.
Elle produit également des échanges de courriels entre les deux sociétés desquels elle déduit que la société Strong prévoyait, dans un premier temps, de lui confier la distribution des produits Strong sur les points de vente de l’enseigne Leclerc, confirmé par le projet d’une participation commune à un salon de la centrale d’achat de Leclerc afin de présenter des produits de l’offre Strong, avant de se rétracter dans un second temps.
Or, ces éléments ne permettent pas de caractériser la volonté de la société Strong de détourner la notoriété de la société APM et de se placer dans son sillage, alors qu’il est constant que la société Strong fournissait des points de ventes de l’enseigne Leclerc en partenariat avec un autre distributeur antérieurement au début de sa relation commerciale avec la société APM.
Les pièces fournies par la société APM ne démontrent pas davantage un savoir-faire ou la réalisation d’efforts ou des investissements consacrés spécifiquement à la distribution des produits Strong sur les points de vente de l’enseigne Leclerc.
En conséquence, la société APM ne pourra qu’être déboutée de sa demande fondée sur les actes de parasitisme et le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
4. Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société APM triomphant partiellement en ses prétentions, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a tranché les dépens et frais irrépétibles, et statuant à nouveau de ces deux chefs, y compris en cause d’appel, il convient de condamner la société Strong aux dépens ainsi qu’à payer à la société APM la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf celle qui a débouté la société APM de sa demande au titre d’actes de parasitisme ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE la société Strong à l’origine de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société APM ;
FIXE à trois mois le préavis qui aurait dû être effectivement observé par la société Strong ;
CONDAMNE la société Strong à payer à la société APM la somme de 20.646,09 euros de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société Strong aux dépens de première instance et d’appel ;
CONDAMNE la société Strong à payer à la société APM la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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