Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Licenciement pour insuffisance professionnelle
→ Résuméhtml
Contexte de l’AffaireLa société par actions simplifiée Interroll, spécialisée dans les solutions logistiques, a embauché un salarié en qualité de Global Food and Drink Manager à partir du 2 janvier 2017. Ce salarié, sous contrat à durée indéterminée, avait pour mission de développer le marché agroalimentaire. Sa rémunération annuelle était de 75 000 euros, avec une part variable de 5 000 euros. La convention collective applicable était celle de la métallurgie et des industries connexes du Finistère. Licenciement et MotifsLe 5 décembre 2018, la société Interroll a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 17 décembre 2018. Le 20 décembre 2018, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle, sans préavis. Les reproches formulés incluaient un nombre insuffisant de visites chez les clients, l’absence de suivi de certains prospects, et des retards dans la transmission d’informations. Action en JusticeLe salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Brest le 2 octobre 2019, demandant la requalification de son licenciement et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a également demandé des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que la remise de documents de fin de contrat. Jugement du Conseil de Prud’hommesLe 18 juin 2021, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Interroll à verser plusieurs indemnités au salarié, y compris des dommages et intérêts pour licenciement abusif. La société a été également condamnée à remettre des documents rectificatifs au salarié. Appel de la Société InterrollLa société Interroll a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021, contestant le jugement et demandant la requalification du licenciement comme justifié. Elle a également contesté les montants des indemnités accordées au salarié. Intervention de Pôle EmploiPôle emploi Bretagne est intervenu dans l’instance, demandant le remboursement des indemnités versées au salarié licencié, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Décision de la Cour d’AppelLa cour d’appel a confirmé en partie le jugement du conseil de prud’hommes, mais a modifié le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour la part variable de rémunération. La société Interroll a été condamnée à verser des sommes spécifiques au salarié, tout en déboutant ses demandes d’indemnités. La cour a également statué sur les intérêts dus et les dépens de l’instance. |
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°29
N° RG 21/04455 –
N° Portalis DBVL-V-B7F-R27F
S.A.S. INTERROLL
C/
M. [W] [R]
Sur appel du jugement du CPH de BREST du 18/06/2021
RG : 19/00191
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le : 06-02-25
à :
-Me Olivier MASI
-Me Florinda BLANCHIN
-Me Mélanie VOISINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Nadège BOSSARD, Présidente de la chambre,
Assesseur : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Décembre 2024
En présence de Madame [G] [J], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A.S. INTERROLL prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 10]
[Localité 2]
Ayant Me Olivier MASI de la SELAS KPMG, Avocat au Barreau des HAUTS-DE-SEINE, pour Avocat constitué
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [W] [R]
né le 19 Juin 1973 à [Localité 8] (56)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté à l’audience par Me Florinda BLANCHIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Alexandra PIGNE, Avocat au Barreau de TOULON, pour conseil
…/…
INTERVENANT VOLONTAIRE :
L’Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE devenu FRANCE TRAVAIL pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocat au Barreau de RENNES, pour Avocat constitué
EXPOSÉ DU LITIGE
La société par actions simplifiée Interroll, spécialisée dans la fourniture de solutions logistiques mécanisées pour la manutention et le stockage, a embauché M. [W] [R] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2017 en qualité de Global Food and Drink Manager, statut cadre, position III A, indice 135, avec une rémunération forfaitaire brute annuelle de 75 000 euros assortie d’une part variable fixée à 5 000 euros.
La convention collective applicable est celle de la métallurgie et des industries connexes du Finistère.
M. [R] était chargé de développer le marché agroalimentaire principalement auprès des ‘end users’ (utilisateurs de machines). Ses missions consistaient principalement à répertorier les installations existantes dans les entreprises et à conseiller les commerciaux sur les produits à mettre en avant auprès des clients.
Par lettre recommandée en date du 5 décembre 2018, la société Interroll a convoqué M. [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 17 décembre 2018.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 20 décembre 2018, la société Interroll a notifié à M. [R] son licenciement pour insuffisance professionnelle, le dispensant de l’exécution du préavis.
Il était reproché notamment à M. [R] :
-un nombre de visites trop faible chez les industriels du secteur du ‘Drink and Food Industry’ pour lesquels il n’aurait pas établi de comptes rendus systématiques,
-de ne pas avoir donné suite à certain prospects,
-l’établissement d’un plan d’action incomplet pour l’année 2018 qui aurait donné lieu à l’annulation d’une présentation,
-des retards dans la transmission de la liste des contacts avec l’un des clients,
-l’absence d’établissement d’un rapport complet de ses activités pendant l’année 2018.
M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest le 2 octobre 2019 aux fins de :
– Juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
– Juger que la Société Interroll a manqué à son obligation de loyauté dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de M. [R],
En conséquence, Condamner la Société à verser à M. [R] 1es sommes suivantes:
– 90,72 euros nets au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement,
– 24 218,30 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 11 250 euros bruts au titre de la part variable de rémunération correspondant aux années 2017 et 2018 et aux mois de janvier à mars 2019,
– 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– Assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
– Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du dépôt de la présente requête,
– Ordonner la remise à M. [R] de son dernier bulletin de salaire, attestation Pôle-Emploi et solde de tout compte rectifiés, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de cette dernière,
– Juger que le Conseil se réserve l’éventuelle liquidation de l’astreinte,
– Condamner la Société à verser à M. [R] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et Débouter la Société de la demande qu’elle formule de ce chef,
– Condamner également la Société au paiement des entiers dépens ainsi que des frais d’exécution du jugement à intervenir,
– Ordonner l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement à intervenir.
Par jugement en date du 18 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Brest a :
– Jugé que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [R] le 20 décembre 2018 est sans cause réelle et sérieuse ;
– Condamné la SAS Interroll à lui payer les sommes suivantes :
-20.758, 53 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-10.000 euros bruts au titre de la part variable de rémunération correspondant aux années 2017 et 2018
-90,72 euros nets au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement.
– Dit que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial ( date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, soit le 11/10/20219), à compter de la notification pour les dommages et intérêts, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil ;
– Ordonné la capitalisation des intérêts.
– Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités.
– Condamné la S.A.S. Interroll à remettre à M. [R] les documents suivants : un bulletin de salaire rectificatif, l’attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte rectifiés pour tenir compte de la présente décision sous astreinte de 30 EUROS (30 euros) par jour de retard à compter du délai de 30 jours suivant notification du jugement à intervenir, et pour une période limitée à 30 jours, le Conseil s’en réservant la liquidation éventuelle.
– Rappelé le cadre de l’exécution provisoire délimité par l’article R.1454-28 du Code du travail et en l’espèce le salaire moyen mensuel pouvant valablement être fixé à la somme de 6.919,51 euros.
– Condamné la S.A.S. Interroll à verser à M. [R] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
– Condamné la S.A.S. Interroll aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile).
La société Interroll a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
Pôle emploi Bretagne est intervenu volontairement à l’instance le 16 juin 2022.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 novembre 2024, la société Interroll demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Déclaré que le licenciement pour insuffisance professionnelle dont M. [R] a fait l’objet ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
– Condamné la société Interroll au paiement des sommes suivantes :
– 20.758,53 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 10.000 euros bruts au titre de la part variable de rémunération correspondant aux années 2017 et 2018.
– 90,72 euros nets au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement.
– 1.000 euros au titre de l’article 700 de Code de procédure civile.
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a enjoint la société Interroll à régulariser la situation de M. [R] auprès des organismes sociaux et de s’acquitter des cotisations mentionnées sur le bulletin de paie récapitulatif,
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a débouté la société Interroll de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civil,
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a condamné la société Interroll aux entiers dépens et frais de l’instance.
– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Dire et juger que le licenciement de M. [R] pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse.
Par conséquent,
– Débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 24.758,53 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Débouter M. [R] de sa demande de rappel de salaire au titre de la part variable de la rémunération au titre des années 2017 et 2018.
– Débouter M. [R] de sa demande de rappel d’un montant de 90,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
– Débouter M. [R] de sa demande de paiement d’un montant de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du C.P.C.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la Cour d’appel de Rennes devait juger le licenciement de M. [R] abusif, il ne pourra que ramener le quantum des dommages et intérêts à une plus juste proportion.
S’agissant de l’appel incident de Pôle Emploi (France Travail),
– Débouter Pôle Emploi (France Travail) de sa demande au titre du remboursement des indemnités versées.
– Débouter Pôle Emploi (France travail) de demande au titre de l’article 700.
A titre subsidiaire,
– Limiter le remboursement des indemnités versées à 1,5 mois.
– Débouter Pôle Emploi (France travail) de demande au titre de l’article 700.
En tout état de cause,
– Condamner M. [R] à verser à la société Interroll la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner le même aux entiers frais et dépens de l’instance.
La société Interroll fait valoir en substance que :
– Le projet de création du poste de ‘Global food and drink manager’ (Responsable développements dans le secteur de l’agroalimentaire) s’est dessiné au fil des échanges entre la société Interroll et M. [R] qui avait une expérience significative dans le domaine commercial; c’est la raison pour laquelle une rémunération annuelle élevée (75.000 euros) a été convenue ainsi que l’absence de période d’essai ; la société était en droit d’attendre du salarié qu’il agisse en toute autonomie et fasse preuve d’engagement, d’investissement et d’initiatives dans ses fonctions ; il devait identifier et référencer des clients potentiels, rencontrer des clients ‘cibles’, définir leurs besoins et répercuter les informations aux commerciaux pour établir des propositions commerciales adaptées et personnalisées ; les échanges ayant précédé le recrutement avaient pour objet de définir son poste et son rôle ;
– Il a bénéficié de mesures d’accompagnement avec une formation approfondie en anglais qu’il n’a pas suivie avec sérieux ; il n’a validé que 11 heures de formation sur les 70 heures prévues;
il a bénéficié d’autres formations tout au long de la relation contractuelle (culture for growth, onboarding, multi control, Conveyor rollers, PC6000, Conception hygiénique des équipements); la prime versée fin 2017 avait pour seul objectif de l’inciter à la réussite dans l’exécution de ses fonctions ;
– M. [R] n’a effectué que très peu de démarchages ; il établissait rarement des comptes-rendus; le compte-rendu de visite du client Bonduelle a été très tardif ; aucun compte-rendu n’a été effectué pour la société Mc Cain et aucun partenariat n’a été établi avec cette entreprise ; il n’hésite pas à confondre son agenda et celui de M. [U] pour faire croire qu’il avait pris de nombreux rendez-vous ;
– Alors qu’il était présent au salon CFIA en mars 2017, le stand de la société Interroll ayant été visité par 246 prospects, M. [R] n’a donné quasiment aucune suite aux prospects rencontrés ; il ne peut pas confondre son activité avec celle des commerciaux, alors qu’il n’était pas commercial, son rôle étant d’intervenir en amont pour déterminer et développer un plan d’action destiné à mettre en place des partenariats ; le seul prospect rencontré, la société [T] Ingénierie n’a donné lieu à la définition d’aucune stratégie ; la présentation qu’il devait effectuer le 19 décembre 2017 au Chief Executive Officer (CEO) en Italie a été annulée en raison de son inconsistance ; il n’a négocié un contrat ni avec la société Bonduelle, ni avec la société Agromousquetaires ;
– La cause du licenciement n’a rien d’économique ;la société n’éprouvait aucune difficulté puisque son chiffre d’affaires était en progression de 12% et son résultat net de 30% ; M. [R] a en outre été remplacé par M. [D] [I] ;
– La part variable de rémunération dépendait d’objectifs qui n’ont pas pu être fixés compte-tenu de l’insuffisance du travail de M. [R] et de son manque d’implication ; il n’a pas réalisé son engagement de visiter 20 clients.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 août 2023, M. [R] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Brest le 18 juin 2021,
en ce qu’il a :
– Dit et jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné la SAS Interroll à lui payer les sommes suivantes :
-10 000 euros bruts au titre de la part variable de rémunération correspondant aux années 2017 et 2018,
-90.72 euros nets au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement.
– Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, soit le 11/10/2019), à compter de la notification pour les dommages et intérêts, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil : ‘En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire à la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement,’
– Ordonné la capitalisation des intérêts,
– Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités,
– Condamné la SAS Interroll à remettre à M. [R] les documents suivants : un bulletin de salaire rectificatif, l’attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte rectifiés pour tenir compte de la présente décision sous astreinte de 30 euros (30 euros) par jour de retard à compter du délai de 30 jours suivant notification du jugement à intervenir, et pour une période limitée à 30 jours, le Conseil s’en réservant la liquidation éventuelle,
– Fixé le salaire moyen mensuel brut à la somme de 6 919.51 euros,
– Condamné la SAS Interroll à régler à M. [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile,
-Débouté la SAS Interroll de la demande qu’elle formulait au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamné la SAS Interroll aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du Code de Procédure civile),
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Brest le 18 juin 2021, en ce qu’il a :
– Condamné la Société Interroll à régler à M. [R] la somme de 20 758.53 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sous estimé ainsi le préjudice subi par ce dernier,
– Débouté M. [R] de sa demande au titre de la part variable de janvier à mars 2019 à hauteur de 1 250 euros bruts,
– Débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros nets au titre du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail.
Et, statuant à nouveau
– Dire et Juger que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [R] le 20 décembre 2018 est dénué de cause réelle et sérieuse,
-En conséquence, Condamner la Société Interroll à verser à M. [R] les sommes suivantes :
– 90,72 euros nets au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement,
– 24 218,30 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 11 250 euros bruts au titre de la part variable de rémunération correspondant aux années 2017 et 2018 et aux mois de janvier à mars 2019,
– 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– Assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
– Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du dépôt de la requête,
– Ordonner la remise à M. [R] de son dernier bulletin de salaire, attestation Pôle-Emploi et solde de tout compte rectifiés, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter de la notification de cette dernière,
– Fixer le salaire moyen mensuel brut à la somme de 6 919.51 euros,
– Ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnité,
– Condamner la Société Interroll à verser à M. [R] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile quant aux frais de première instance,
– Condamner la Société Interroll à verser à M. [R] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel,
– Débouter la Société Interroll de l’ensemble de ses demandes, et précisément de la demande qu’elle formule au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamner également la Société au paiement des entiers dépens ainsi que des frais d’exécution de la décision à intervenir.
M. [R] fait valoir en substance que :
– L’ancienneté des relations de travail entre la société Interroll et lui-même vide de sens le motif du licenciement ; la société BDL Convoyeur Systèmes dans laquelle il a travaillé plus de 5 ans a été rachetée en 2006 par la société Interroll ; M. [H], son supérieur hiérarchique était également représentant légal de la société BDL Convoyeur Systèmes ; son recrutement a duré deux ans (2015 et 2016) impliquant de nombreux contacts avec M. [P] (Responsable mondial des ventes et vice président du groupe) et M. [H] ; il a été soumis à un ensemble de tests sur ses capacités professionnelles ; l’absence de période d’essai est très inhabituelle à ce niveau de responsabilité et dans ce secteur ; son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié alors qu’il ne s’est jamais vu auparavant adresser le moindre reproche ; la société était en réalité dans l’incapacité d’assumer son salaire ;
– Les objectifs à atteindre n’ont jamais été précisés ; ils ne figurent pas dans le contrat de travail et n’ont pas été portés à sa connaissance ; ce n’est qu’au mois d’octobre 2018, alors qu’une menace de licenciement était évoquée, qu’ont été prévus 1 million puis 2 millions d’euros de chiffre d’affaires ; ses fonctions n’étaient pas plus définies dans le contrat de travail;
– Il n’a jamais été à l’origine d’une demande de formation en anglais qui concernait un ensemble de salariés de tous niveaux ; de par ses fonctions antérieures, il avait un bon niveau d’anglais ; les formations ‘Culture for growth’, ‘Multicontrol’, ‘elearning conveyor rollers’ et ‘PC6000″ étaient également dispensées à l’ensemble des salariés et non spécifiquement à M. [R] ; seule la formation en conception hygiénique des équipements était spécifique à son poste ;
– Il ne disposait d’aucune équipe dédiée au niveau européen ; la restriction de sa zone d’activité n’a rien à voir avec des faits qui pourraient lui être reprochés ; la prime versée en mars 2018 avait pour objet de le féliciter de son investissement ;il ne s’est jamais vu reprocher au cours de la relation contractuelle une insuffisance de comptes-rendus ; des comptes-rendus ont bien été établis suite aux visites réalisées chez les clients Bonduelle et Mc Cain ; lors de l’édition 2017 du salon CFIA, il n’avait que deux mois d’ancienneté et n’était présent qu’en qualité de visiteur; son rôle était de répartir les visiteurs entre les différents commerciaux et il appartenait ensuite à chaque commercial d’accueillir ses clients ;
– Il était présent au CEO le 19 décembre 2017 et a pris la parole pour rendre compte de ses actions de l’année 2017 ainsi que des projets pour 2018 ; il a permis à la société d’avoir un contact décisionnaire avec le Groupe Bonduelle pour signer un accord cadre applicable à l’ensemble des entreprises du groupe ; les échanges intervenus avec M. [C], de la société Bonduelle, témoignent du rôle actif tenu par M. [R] dans la négociation de l’accord cadre ; un autre accord cadre a été conclu par son intermédiaire avec la société Agromousquetaire ; l’hostilité rencontrée de la part des commerciaux au niveau européen ne lui a pas permis de visiter comme prévu 20 clients clés du secteur par pays ;
– Il a subi une période de chômage de 8 mois et a retrouvé un emploi avec une rémunération brute mensuelle en baisse de près de 47 % par rapport à sa rémunération antérieure ; le conseil de prud’hommes a sous-estimé son préjudice ;
– Aucun objectif n’a été défini ni dans le contrat de travail, ni ultérieurement ; la part variable des années 2017 et 2018, soit 10.000 euros, est due ; elle est également due prorata temporis pour 2019 car l’employeur n’a pu décider seul et arbitrairement de fixer un objectif de 1 million puis 2 millions de chiffre d’affaire deux mois avant le licenciement ;
– L’employeur a exécuté le contrat de travail de façon déloyale ; la situation a généré une incertitude permanente sur son avenir professionnel et une grande anxiété ; il était écarté dès le 15 novembre 2018 d’une réunion fixée les 19 et 20 décembre 2018 ; la décision de le licencier a été prise bien avant l’entretien préalable ; il a fait part de son sentiment d’impuissance au médecin du travail ; l’employeur a également instauré un climat de tension entre lui et les autres salariés en lui imputant une baisse du montant de l’intéressement de ses collègues.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 juin 2022, Pôle Emploi Bretagne, intervenant volontaire, demande à la cour de :
– Condamner la Société Interroll à rembourser auprès du Pôle Emploi les indemnités versées à M. [R], dans la limite de 6 mois d’allocations, soit 20.036.34 euros.
– Condamner la Société Interroll à verser à Pôle Emploi la somme de 1.000 euros au titre de l’Article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner la même aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris, excepté sur le quantum des sommes allouées à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de la part variable de rémunération ainsi qu’en ce qui concerne la fixation d’une astreinte provisoire ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Interroll à payer à M [R] les sommes suivantes :
– 13.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 11.250 euros brut à titre de rappel sur la part variable de salaire ;
Rappelle qu’en vertu des dispositions d’ordre public de l’article L3141-24 du code du travail, le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ;
Dit n’y avoir lieu d’assortir d’une astreinte provisoire la condamnation à remise par l’employeur d’un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat rectifiés ;
Y ajoutant,
Rappelle que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Déboute la société Interroll de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Interroll à payer à M. [R] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Interroll aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
N. BOSSARD
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