Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille
Thématique : Prescription et preuve : enjeux de la facturation en santé mentale
→ RésuméPrésentation de l’affaireL’affaire concerne un établissement de santé spécialisé dans les soins, qui a avancé des frais pour des patients et a demandé le remboursement à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) des Flandres. L’établissement a sollicité la prise en charge de titres de recettes émis entre 2012 et 2018, totalisant 1.131.377,42 euros. Demande de remboursement et recoursAprès un paiement partiel de la CPAM, l’établissement a demandé le règlement des titres restants, s’élevant à 513.717,45 euros. Suite à un refus implicite de la CPAM, l’établissement a saisi la commission de recours amiable, puis le tribunal pour contester cette décision. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises avant d’être fixée pour plaidoirie. Demandes de l’établissement de santéL’établissement, par l’intermédiaire de son conseil, a formulé plusieurs demandes au tribunal, notamment l’annulation de la décision de rejet de la CPAM et le paiement de 568.767,39 euros, ainsi qu’une indemnité de 4.000 euros pour couvrir ses frais de justice. Arguments de l’établissement de santéL’établissement a soutenu que tous les titres de recettes avaient été émis dans les délais légaux et a contesté la responsabilité de la CPAM dans le non-paiement, invoquant des problèmes organisationnels au sein de la caisse. Il a également affirmé que les mises en demeure et les relances avaient été correctement effectuées. Réponse de la CPAMLa CPAM a contesté les demandes de l’établissement, arguant que ce dernier n’avait pas prouvé l’émission des titres et que la plupart des créances étaient prescrites. Elle a demandé le rejet des demandes de l’établissement et a également formulé une demande de condamnation de ce dernier au paiement de frais. Décision du tribunalLe tribunal a statué en faveur de la CPAM, déboutant l’établissement de toutes ses demandes. Il a annulé les mises en demeure émises par le Trésor Public à l’encontre de la CPAM et a condamné l’établissement à payer 4.000 euros à la CPAM pour couvrir ses frais de justice. ConclusionCette affaire met en lumière les enjeux liés à la prescription des créances dans le cadre des remboursements de soins de santé, ainsi que les obligations de preuve des établissements de santé dans leurs relations avec les caisses d’assurance maladie. |
1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 20/02642 – N° Portalis DBZS-W-B7E-U6X6
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025
N° RG 20/02642 – N° Portalis DBZS-W-B7E-U6X6
DEMANDERESSE :
[5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Julien ROBILLARD, avocat au barreau de LILLE
DEFENDERESSE :
CPAM DES FLANDRES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Madame [W] [Z], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Didier SELLESLAGH, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Emmeline CADOT, Assesseur pôle social collège salarié
Greffier
Déborah CARRE-PISTOLLET,
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Décembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 04 Février 2025.
EXPOSE DU LITIGE
L'[5] ([5]) [5] est une structure d’accueil spécialisée effectuant des prestations de soins.
L'[5] avance les frais de séjour, de consultation ou d’actes des patients puis en demande le remboursement à l’assurance maladie au moyen de titres de recettes.
L'[5] a sollicité la prise en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des FLANDRES de titres de recettes émis pour la période de 2012 à 2018 représentant un montant de 1.131.377,42 euros.
Par courrier du 13 décembre 2019, après paiement partiel par la Caisse, l'[5] a sollicité le paiement des titres de recettes depuis 2012 restant non traités.
Par courrier du 4 septembre 2020, l'[5] a saisi la commission de recours amiable aux fins d’annuler le refus de paiement implicite de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des FLANDRES pour la créance restante due de 513.717,45 euros.
Par courrier expédié le 3 décembre 2020, l'[5] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
L’affaire, appelée pour la première fois à l’audience de mise en état du 17 juin 2021, a fait l’objet de nombreux renvois à la demande de l’une au moins des parties.
Suivant une ordonnance de clôture du 19 septembre 2024, l’affaire a été renvoyée à l’audience fixée pour plaidoirie du 3 décembre 2024.
Lors de celle-ci, l'[5] ([5]) [5], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions n°3 auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Il demande au tribunal de :
– Annuler la décision implicite de rejet intervenue le 7 novembre 2020 prise par la CPAM,
– En conséquence, condamner la CPAM au paiement de la somme de 568.767,39 euros,
– Condamner la CPAM au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la CPAM aux dépens.
Il expose et fait valoir en substance que :
-le délai de prescription d’assiette, délai pour émettre le titre, est d’un an (deux ans pour les titres émis avant le 1er janvier 2016),
-tous les titres de recettes litigieux ont bien été émis dans le respect du délai de prescription d’assiette,
-il apparaît invraisemblable que les titres de recettes envoyés par le circuit postal classique aient été égarés par les services de la poste,
-les pourparlers avec la Caisse ont conduit à penser que les impayés ont résulté de la désorganisation des services de la Caisse à la suite de la fusion des caisses des Flandres et du Hainaut,
-l’envoi des courriers de notification de titres est démontré par les bordereaux récapitulatifs de situation annexés aux mises en demeure,
-toutes les mises en demeure ont été précédées de lettres de relance, dont la bonne réception n’est pas contestable ; or la CPAM n’a jamais réagi à ces stades pour dénoncer une quelconque irrecevabilité des demandes de paiement ;
-l'[5] n’était pas concerné à l’époque de l’émission des titres par une obligation de télétransmission des factures ; la télétransmission n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2015 et elle n’était pas obligatoire pour les établissements publics de santé mentale intégrant une activité médico- sociale ; jusqu’à cette date, la règle était l’envoi des titres aux caisses par lettre simple,
-les bordereaux récapitulatifs afférents aux titres impayés montrent qu’ils intègrent des titres que la CPAM a payé de sorte qu’il est démontré que la CPAM ne peut qu’avoir réceptionné par pli postal l’ensemble des titres attachés aux bordereaux,
-la Caisse invoque des télétransmissions par l'[5] rejetées et non corrigées dans le délai d’un an ; or les titres litigieux n’ont pas été télétransmis ; il est faux de prétendre que lors des pourparlers de 2019, les agents de l'[5] présents ont montré les courriers de rejet et les ARL,
-le reliquat des titres impayés a été recalculé par le trésor public à la somme de 568.767,39 euros au lieu des 617.077,29 euros initialement indiqués.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie des FLANDRES a déposé des écritures auquel il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Elle demande au tribunal de :
– Débouter l'[5] de son recours,
– Constater que l'[5] ne prouve pas avoir émis des titres vers la Caisse,
– Par conséquent, annuler les mises en demeures émises par le Trésor Public à son encontre,
– Débouter l'[5] de sa demande de versement de la somme de 617.077,29 euros,
– Dire prescrit l’ensemble des titres de l'[5] pour somme de 617.077,29 euros,
– Constater que l'[5] produits 162 titres pour un montant de 612.310,19 euros,
– Constater que pour ces 162 titres :
° 403.013,04 euros ont été rejetés car l'[5] n’a pas transmis les titres ou les titres ont fait l’objet d’un rejet lors de la télétransmission sans que l'[5] ne traite leur rejet,
° 124.199,32 euros ne peuvent être réglés à l'[5] pour absence de droit des assurés,
° 85.097,83 euros ont déjà été réglés à l'[5],
– Débouter l'[5] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner l'[5] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose et fait valoir en substance que :
-antérieurement au 1er janvier 2016, le délai de prescription de droit commun de deux ans s’appliquait pour obtenir le paiement des prestations ; il est d’un an depuis cette date ; les établissements publics ont la faculté d’émettre des factures rectificatives dans le délai d’un an,
-l’ensemble des titres litigieux de 2012 à 2018 sont prescrits, l’ESPM n’apportant pas la preuve de l’envoi des titres établissant la créance par quelque moyen que ce soit ; l'[5] n’a adressé aucune relance à la Caisse dans le délai de prescription après ces prétendus envois papier,
-sur 162 titres en litige, 83 titres ont été télétransmis contrairement à ce qu’affirme l'[5] ; les rejets n’ont pas été traités par l'[5] dans le délai requis ;
-les mises en demeure ne prouvent pas l’envoi des titres dans les délais requis et elles ne peuvent pallier l’absence de justification de la formalité légale ; elles ne reprennent pas l’ensemble des titres litigieux,
-à l’issue de la réunion de 2019, seuls les titres non prescrits ont été payés,
-au total des 162 titres litigieux produits par l'[5] pour les budgets P et H, de nombreux titres ont été rejetés car l'[5] n’a pas transmis les titres ou les titres ont fait l’objet d’un rejet lors de la télétransmission sans que l'[5] ne traite leur rejet, d’autres ne peuvent être réglés pour absence de droit des assurés, d’autres titres ont déjà été réglés à l'[5],
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,
Déboute l'[5] ([5]) [5] de l’ensemble ses demandes,
Annule en conséquence les mises en demeure émises par le Trésor Public à l’encontre de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des FLANDRES,
Condamne l'[5] ([5]) [5] aux dépens,
Condamne l'[5] ([5]) [5] à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des FLANDRES la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la présente décision sera notifiée aux parties dans les formes et délais prescrits par l’article R 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an ci-dessus
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Déborah CARRE-PISTOLLET Fanny WACRENIER
Expédié aux parties le
1 CE cpam
1 CCC [5], Me Robillard
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